Sclérose en plaques et hormones sexuelles

publicité
Sclérose en plaques et
hormones sexuelles
F. Durand-Dubief*
Puberté
Le rôle de la puberté dans la survenue
ou l’aggravation d’une SEP reste mal
connu. Les études épidémiologiques
portant sur les SEP de début précoce
sont peu nombreuses, mais elles tendent à montrer une augmentation de la
proportion de femmes au moment de
la puberté (plus de deux femmes pour
un homme), alors que le sex-ratio est
autour de 1 dans l’enfance (1-3).
Aucune corrélation n’a été mise en
évidence entre l’âge de la puberté et
l’âge de début de la maladie (2). Reste
à préciser le rôle joué par la puberté et,
notamment, les modifications hormonales, dans la survenue de la SEP.
Cycle menstruel
Seules quelques observations isolées
avaient jusqu’alors rapporté des variations de l’activité clinique au cours du
cycle menstruel. Récemment, une
étude rétrospective a été réalisée sur
56 patientes porteuses de SEP rémittentes et ayant un cycle menstruel
régulier. Elle montre que 42 % des
patientes ont présenté des poussées
pendant la période prémenstruelle.
Quarante-cinq pour cent de la totalité
des poussées présentées pendant les
deux ans de l’étude sont survenues au
cours de la période prémenstruelle (4).
Il n’y a pas de différence entre le
groupe de femmes prenant une contraception orale et les autres. Ces don-
* F. Durand-Dubief travaille dans le service
de neurologie du Pr C. Confavreux à
l’hôpital neurologique et neurochirurgical
Pierre-Wertheimer de Lyon.
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003
nées suggèrent que la période prémenstruelle peut favoriser la survenue
de poussées en rapport avec la chute
d’estradiol et de progestérone et
l’activation des cytokines Th1 proinflammatoires. Elles sont corroborées par une étude IRM réalisée chez
30 femmes montrant une augmentation de la taille des lésions corrélée
aux taux bas de progestérone (5).
Cependant, ces données rétrospectives,
obtenues sur un petit nombre de
patientes, n’apportent pas d’arguments suffisamment forts pour permettre de conclure à une influence du
cycle menstruel sur l’évolution de la
maladie.
Contraception orale
Deux études portant sur des milliers
de femmes n’ont pas observé d’augmentation de l’incidence de SEP chez
les femmes ayant pris ou prenant la
pilule par rapport à celles ne l’utilisant
pas (6, 7). Une étude a rapporté un
effet plutôt bénéfique de la contraception orale, les utilisatrices ayant tendance à faire moins de SEP (8). Poser
a, par ailleurs, rapporté que les
patientes atteintes de SEP, traitées par
contraceptifs oraux, avaient tendance
à être moins handicapées (9). Les
arguments scientifiques sont encore
insuffisants pour retenir un effet protecteur des contraceptifs oraux, mais
on peut tout au moins retenir leur
caractère non délétère sur la maladie.
Les indications et les modalités de
prescription de la pilule chez les
patientes porteuses de SEP restent
donc les mêmes que chez toute femme
et ne nécessitent pas de précautions
particulières.
L
a sclérose en plaques (SEP) est la
première maladie neurologique
cause de handicap chez l’adulte
jeune. Elle touche préférentiellement
les femmes (60 à 70 % des cas) au
cours de leur période d’activité génitale. Le rôle potentiel des hormones
sexuelles sur le système immunitaire
conduit à se poser la question de l’interaction entre les différentes périodes
de la vie génitale et l’activité de la SEP.
Diverses études in vitro et in vivo ont
montré une influence des hormones
sexuelles sur l’évolution de la maladie.
Les hormones sexuelles, que ce soient
les estrogènes ou la progestérone,
exerceraient un effet bénéfique en
modulant le profil immunitaire des
patients. Elles diminueraient l’activation des lymphocytes T de type Th1,
responsables de la sécrétion d’interleukines pro-inflammatoires (IFNγ, IL2,
TNFβ) et augmenteraient la réponse
anti-inflammatoire de type Th2 (IL-4,
IL-5, IL-10, IL-13). Elles pourraient également jouer un rôle sur la remyélinisation, en favorisant son initialisation et
en ayant un effet trophique sur la
gaine de myéline. Les estrogènes,
même à doses faibles, améliorent l’encéphalite allergique expérimentale.
Stimulation hormonale
Aucune étude n’est disponible à
l’heure actuelle sur l’effet des stimulations hormonales dans le cas de la procréation assistée chez la femme porteuse de SEP. Récemment, Moreau a
rapporté trois observations de poussées survenues après stimulation ovarienne par clomifène (Clomid®) chez
.../...
96
Sclérose en plaques
Sclérose en plaques
PUBLICITÉ
AVONEX
1ER RECTO
.../...
des patientes dont la maladie n’était
pas active cliniquement depuis plusieurs mois ou années. Le clomiphène,
de par son activité antiestrogénique,
pourrait entraîner une libération de
cytokines pro-inflammatoires, à
l’image des phénomènes constatés
dans le post-partum (10). Ces observations restent toutefois isolées et ne
permettent pas pour le moment de tirer
des conclusions plus générales sur la
stimulation ovarienne dans la SEP.
Grossesse
L’influence de la grossesse sur le cours
évolutif de la SEP a longtemps été
sujet à controverse. Les séries de cas
publiées étaient plutôt en faveur d’un
effet délétère de la grossesse. L’étude
européenne PRIMS a permis de
mettre un terme au débat. Deux cent
cinquante-quatre patientes porteuses
de SEP ont été suivies de façon prospective pendant 296 grossesses et
l’année qui suivait l’accouchement.
Une diminution du taux de poussée a
été observée pendant la grossesse et
particulièrement au cours du troisième
trimestre (0,2 poussée/an/femme) par
rapport à l’année précédant la grossesse (0,7 poussée/an/femme). Il semblait ensuite exister un effet “rebond”
dans les trois premiers mois du postpartum (1,2 poussée/an/femme), puis
un retour à la fréquence de poussées
d’avant grossesse. Par ailleurs, la progression du handicap n’a pas été
influencée par les fluctuations d’acti-
vité de la maladie (11) (figure). Ces
constatations cliniques ont été corroborées par la disparition de l’activité
IRM pendant cette période (12). La
diminution du taux de poussée pendant cette période est telle qu’aucun
traitement, à ce jour, n’égale cet effet.
Une étude vient d’être rapportée sur
l’usage d’estriol (hormone sécrétée
par l’unité fœto-placentaire pendant la
grossesse), administré à des doses
comparables à celles de la grossesse
(8mg par jour), pendant 6 mois chez
12 patientes porteuses de SEP. Une
diminution significative des taux
d’IFNγ, ainsi que du volume et du
nombre de lésions prenant le gadolinium lors du suivi IRM mensuel a été
observée (13). Cela pourrait être envisagé comme une nouvelle stratégie
thérapeutique dans l’avenir.
Ménopause
Aucune donnée n’est actuellement
disponible concernant la ménopause et
les traitements hormonaux substitutifs
dans la SEP. Toutefois, l’apparente
innocuité des contraceptifs oraux sur
la maladie et l’effet plutôt bénéfique
des hormones sexuelles, notamment
au cours de la grossesse, nous confortent dans leur utilisation en postménopause. Ce d’autant plus que les
patientes présentent le plus souvent un
risque élevé d’ostéoporose du fait des
cures de corticoïdes administrées à
répétition.
Taux de poussée
par femme et par an
Accouchement
1,6
1,4
1,2
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
1
2
3
avant la grossesse
4
1
2
3
pendant la grossesse
1
2
3
après la grossesse
4
Trimestres
Figure. Taux de poussée par femme et par an pour chaque trimestre avant, pendant et
après la grossesse (d’après [11]).
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003
Références
1. Boiko A, Vorobeychik G, Paty D et al.
Early onset multiple sclerosis. Neurology
2002 ; 59 : 1006-10.
2. Ghezzi A, Deplano V, Faroni J et al.
Multiple sclerosis in childhood : clinical
features of 149 cases. Multiple sclerosis
1997 ; 3 : 43-6.
3. Renoux C, Mikaeloff Y, Vukusic S et al.
Childhood onset multiple sclerosis (the
KIDMUS study) : natural history and prognostic factors in the Lyon Cohort. Multiple
Sclerosis 2002 ; 8 (suppl. 1) : A S22.
4. Zorgdrager A, De Keyser J. The premenstrual period and exacerbations in
multiple sclerosis. Europ Neurol 2002 ;
48 : 204-6.
5. Bansil S, Lee HJ, Holtz CR et al.
Correlation between sex hormones and
magnetic resonance imaging lesions in
multiple sclerosis. Acta Neurol Scand
1999 ; 99 : 91-4.
6. Thorogood M, Hannaford PC. The
influence of oral contraceptives on the risk
of multiple sclerosis. Brit Obstet Gynaecol
1998 ; 105 : 1296-9.
7. Hernan MA, Holol MJ, Olek MJ et al.
Oral contraceptives and the incidence of
multiple sclerosis. Neurology 2000 ; 55 :
848-54.
8. Villard-Mackintosh L, Vessey MP. Oral
contraceptives and reproductive factors in
multiple sclerosis incidence. Contraception
1993 ; 47 : 161-8.
9. Poser S, Raun NE, Wikstrom J et al.
Pregnancy, oral contraceptives and multiple sclerosis. Acta Neurol Scand 1979 ;
59 : 108-18.
10. Moreau T, Gere J, Greg C et al.
Clomiphene citrate can increase relapse
rate in multiple sclerosis. Multiple
Sclerosis 2002 ; 8 (suppl. 1) : A S85.
11. Confavreux C, Hutchinson M, Hours
MM et al. and the Pregnancy in Multiple
Sclerosis Group. Rate of pregnancyrelated relapse in multiple sclerosis. N
Engl J Med 1998 ; 339 : 285-91.
12. Van Walderveen MAA, Tas MW,
Barkhof F et al. Magnetic resonance evaluation of disease activity during pregnancy in multiple sclerosis. Neurology
1994 ; 44 : 327-9.
13. Sicotte NL, Liva SM, Klutch R et al.
Treatement of multiple sclerosis with the
pregnancy hormone estriol. Ann Neurol
2002 ; 52 : 421-8.
98
Sclérose en plaques
Sclérose en plaques
Téléchargement