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Sandrine Chalet Picard. Tous droits réservés. © Copyright.
ou l’ « Homme pensant » par le biais d’une méthode est considéré comme la « référence » pour
accéder à la « vérité ». Aussi, cet « Homme pensant » est capable de se détacher de ses passions et
de maîtriser ce corps subjectif afin d’accéder à une forme de « liberté pensante », une objectivité
nécessaire à la quête de la « vérité universelle ». Descartes cristallise ainsi les jalons du dualisme
« corps/esprit » déjà discuté dans l’antiquité par Platon.
Malgré la nature paradoxale de la célèbre formule de Descartes Cogito ergo sum, le monde
scientifique, contrairement à certains philosophes, semble se complaire dans ce statut particulier :
l’Homme de science « pense » et par la « méthode » il « sait », contrairement aux profanes qui se
laissent guider par leurs « passions ».
Les propositions méthodologiques et scientifiques de figures telles que Descartes puis Isaac Newton
(1643-1727) supportent la critique durant plus de deux siècles, traversant royalement le fameux
Siècle des Lumières puis la Révolution française. En outre, l’idéologie cartésienne permet de faire
honneur à la France mais aussi à l’entièreté du monde scientifique européen qui poursuit sa course
vers le « progrès ». Les rois, seigneurs et autres personnalités politiques et religieuses européennes
voient dans les sciences une manière supplémentaire d’asseoir leur pouvoir et leur supériorité. Ils
décident donc de les soutenir financièrement et accordent aux scientifiques des statuts particuliers.
Sur leur piédestal, les scientifiques embarquent alors à bord des bateaux de colons pour des
expéditions spécifiques. Ils rapportent de leurs périples des trésors de découvertes impressionnants
de quantité et de qualité. Dans une Amérique du Nord fraîchement indépendante et une Amérique
latine largement exploitée, les « échanges » de connaissances entre les deux continents -
« arrachés » dans un premier temps aux indigènes - bouleversent l’état des connaissances
européennes. La méthode scientifique de Descartes démontre alors toute son efficacité : les
scientifiques des Lumières mettent un point d’honneur à non seulement ordonner et classer leurs
découvertes en taxonomies diverses et variées mais également à clarifier les méthodes opératoires
de leurs démarches.
Bien que largement critiquée par des philosophes tels que Baruch Spinoza (1632-1677), Voltaire
(1694-1778), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) ou encore Friedrich Nietsche (1844-1900) - pour
ne citer qu’eux-, l’influence cartésienne reste dominante jusqu’au XXème siècle.
Science et psychiatrie
Si la grande majorité des sciences européennes profite de l’effervescence du Siècle des Lumières, la
psychiatrie occidentale, quant à elle, n’existe tout simplement pas. Alors que dans les pays arabes
la médecine psychiatrique est déjà bien développée, l’Europe, influencée par la révolution
industrielle mais certainement aussi par l’ « aura » cartésienne, considère le « fou » comme un
« perturbateur » de la croissance économique du continent. Enchaînés, fouettés, exhibés tels des
« bêtes de foire », les « fous » - s’ils ne sont pas traités comme des animaux, inconsidérés par la
pensée cartésienne – sont enfermés dans des pseudos « asiles » en compagnie des criminels, des
handicapés et des orphelins.
Il faut attendre la fin du XVIIIème siècle en France pour que le célèbre Philippe Pinel (1745-1826)
« libère » les fous de leurs chaînes, crée le premier « hôpital » psychiatrique et développe sa méthode
de traitement des maladies mentales, le « traitement moral ». Pratiquement deux siècles après
l’effervescence des Lumières, Pinel est le premier psychiatre européen à proposer une classification
des troubles psychiques, classification qui est ensuite complétée, développée et remaniée par Emil
Kraeplin (1856-1926) puis Sigmund Freud (1856-1939) dont le modèle psychanalytique s’impose
sur tout le continent européen. Aux Etats-Unis, la psychanalyse n’a pas - encore - la même influence
ce qui permet l’émergence des théories comportementales incarnées principalement par John
Broadus Watson (1878-1958).