LE PLURILINGUISME
DANS LA SOCIETE DE L’INFORMATION
SYNTHESE
COLLOQUE INTERNATIONAL
organisé par la Commission nationale française pour l’UNESCO
en coopération avec l’UNESCO et l’Agence intergouvernementale de la
Francophonie
et avec le soutien du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de la
Culture et de la Communication
9 et 10 mars 2001
Paris, UNESCO
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PRESENTATION DU COLLOQUE
Les outils électroniques de communication occupent désormais une place essentielle
dans la circulation de l’information et dans l’accès au savoir. Ils permettent sans aucun doute
le dialogue de personnes de cultures fort diverses. Ils représentent aussi, grâce à Internet,
l’accès à un savoir toujours plus riche dans un nombre quasiment infini de domaines. Ces
multiples interconnexions ne sont cependant pas sans poser un certain nombre de problèmes.
La barrière langagière et les risques de prédominance d’une seule langue de
communication représentent ainsi un des défis majeurs pour le développement des réseaux
électroniques.
L’Unesco est consciente que l’extension de l’usage des nouveaux moyens de
communication aux pays en voie de développement est le principal enjeu de l’évolution de la
société de l’information dans les décennies à venir. C’est ainsi que de nombreuses initiatives
ont été lancées par l’Organisation. La plus emblématique est sans aucun doute le programme
«Initiative B@bel », dont un des principaux objectifs est de promouvoir l’usage du
multilinguisme sur Internet. De même, le programme entend soutenir toutes les actions visant
à faire entrer dans le cyberespace le plus grand nombre d’informations culturelles, à éviter
toute ségrégation linguistique ou encore à protéger les langues minoritaires.
C’est dans ce contexte que la Commission française pour l’Unesco a mis sur pied un
colloque intitulé " Le plurilinguisme dans la société de l’information". Cette manifestation
entendait faire le point sur les différents problèmes que rencontrera le plurilinguisme pour se
développer sur les réseaux dans les temps à venir.
Tout d’abord, la traduction et l’interopérabilité plurilingue sur Internet sont des
impératifs techniques qui conditionneront l’avenir du plurilinguisme sur les réseaux
électroniques. En effet, sans évaluation précise des moyens actuels en matière d’outils de
traduction et sans réflexion prospective sur leurs nécessaires évolutions tout débat sur leur
utilisation sera improductif.
Cependant, on ne saurait se limiter à d’uniques considérations techniques. Ainsi, sans
développement de l’usage de langues plus nombreuses parmi les utilisateurs d’Internet, le
développement voulu du pluralisme linguistique sur Internet risque fort de rester lettre morte.
Ce sont les politiques éducatives et la formation continue dans le domaine de
l’apprentissage linguistique qui sont en question. Le débat n’est en effet pas uniquement
technique et informatique, mais le plurilinguisme ne deviendra réalité sur Internet que si ses
utilisateurs se meuvent avec aisance d’une langue à l’autre. Enfin, le plurilinguisme est garant
de diversité, mais il ne pourra exister que par l’exercice de la coopération internationale en ce
domaine. encore, les enjeux sont nombreux et ils concernent tout aussi bien la diffusion
des logiciels produits par les pays en développement, encore largement confidentiels, qu’une
véritable coopération économique sur les termes d’un échange équitable en matière de
commerce électronique.
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Plusieurs perspectives se dessinent :
- dans le domaine technique, il est nécessaire de finir les mécanismes
d’interopérabilité plurilingue à mettre en place. Il s’agit d’un large champ qui englobe tout
aussi bien les techniques de l’accès plurilingue à des sources d’information que le
développement desannuaires plurilingues.
- dans le domaine éducatif, il convient de s’interroger sur la stratégie d’apprentissage
des langues que chaque pays doit développer au sein de ses programmes éducatifs.
- en ce qui concerne la coopération internationale, ce sont les normes juridiques dont la
définition doit être trouvée dans les domaines de l’interconnexion notamment. Il faudra alors
veiller à insérer ces normes dans des accords de dimension internationale.
Tels sont les principaux thèmes, ayant vocation à s’intégrer dans la réflexion que mène
l’Unesco, depuis plusieurs années, sur le thème du plurilinguisme, qui ont été explorés au
cours de ces deux journées.
Les interventions des participants sont disponibles sur le site internet de la Commission
française de l’UNESCO à l’adresse suivante :
www.unesco.org/comnat/france
Les actes du colloque ont été publiés et sont disponibles sur demande.
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RAPPORT
L’internet devient-il plurilingue ou multilingue ?
Les interventions au cours de ce colloque ont permis tout d’abord de reformuler la question
du plurilinguisme sur les réseaux : en effet, l’irruption du plurilinguisme sur l’internet a été
constatée par tous les intervenants, s’appuyant sur les résultats de différentes enquêtes (Global Reach,
Funredes, etc.). Les langues se sont multipliées, les craintes d’un monolinguisme de l’internet ont
cédé devant son extension à un grand nombre de communautés linguistiques, même si nous sommes
loin d’une représentation équitable des langues.
Le constat effectlors de ces travaux indique en effet que pour l’heure les réseaux trahissent
un déséquilibre flagrant entre le poids démographique des communautés linguistiques (en termes de
nombre de locuteurs) et le poids de la présence de ces langues sur les réseaux. Des tableaux
statistiques éloquents ont été présentés. Il est clair que le taux d’équipement informatique et les
disparités de l’accès à l’internet entre les différentes régions du globe sont largement responsables de
ce déséquilibre. Un effort doit être consenti sur les infrastructures et sur les transferts de
technologies et de savoir faire (Nord-Sud et Sud-Sud) afin de compenser ce séquilibre par la
création de contenus dans un grand nombre de langues. La réflexion sur les usages, doit replacer les
utilisateurs au centre des initiatives ; motiver les utilisateurs est un moyen de les aider à produire des
contenus dans les langues minoritaires ou quasi-absentes des réseaux. En formant des utilisateurs,
on forme des producteurs de contenus dans les différentes langues.
I/ Les nécessités techniques pour l’interopérabilité et la présence des langues
Une question primordiale est celle de l’interopérabilité : comment faire communiquer les
langues entre elles, éviter la création de mondes de connaissances et de contenus multiples et
étanches, sans possibilité de communication entre eux. Une distinction a éproposée au cours de ces
travaux entre plurilinguisme (la présence d’une grande quantité de langues sur les seaux, rendue
possible par l’évolution des techniques et des normes) et multilinguisme (qui serait la possibilité
d’échanger des contenus d’une langue à l’autre, de construire des passerelles entre les langues pour
assurer la communication et l’intercompréhension). Au vu des débats et des exposés, cette distinction
paraît opérationnelle et la tâche des prochaines années sera d’éviter la création de niches linguistiques
et culturelles isolées. Dans cette perspective, certains acteurs semblent incontournables : l’Unesco, les
acteurs historiques de la régulation de l’internet -IETF, W3C, ICANN- et les États.
La question des standards a été jugée cruciale par plusieurs intervenants, et il n’y a rien
d’étonnant à cela, puisque l’internet est avant tout une question de standards et de normes. L’exemple
indien a montré combien la question des jeux de caractères et d’écritures pouvait être décisive -
avant même, hélas, de s’interroger sur l’efficaci des systèmes de traduction. La description des
efforts de normalisation et d’harmonisation des jeux de caractères menés par le Japon et des autres
pays asiatiques l’a également prouvé.
L’expansion des réseaux sur les continents et sous-continents en développement se heurte à
cette double difficulté : des points d’accès à la toile en nombre limité et l’existence d’un grand
nombre de langues vernaculaires qui sont souvent connues des seules populations locales. Une
question se pose alors : faut-il tenter d’adapter ces langues à Internet ?
Internet ne deviendra dans ces pays un outil usuel que si un travail approfondi est effectué
sur ces langues et pour ces langues.
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Il est d’abord nécessaire d’effectuer un classement de ces idiomes, pour déterminer quelles
sont les langues transnationales susceptibles de devenir des langages véhiculaires, utilisables sur la
toile par un nombre d’utilisateurs relativement important.
Il faudra alors certainement envisager un travail de modernisation et d’adaptation de ces
langues aux nouveaux outils technologiques : la codification des orthographes et la standardisation
des écritures sont des tâches incontournables.
Il sera également nécessaire d’enrichir la terminologie de ces langues, pour doter des
cultures anciennes de voies d’accès immédiates aux nouvelles technologies.
Mais il ne pourra être uniquement question de tenter de donner à ces langues un format adapté
aux exigences des nouvelles technologies de l’information. Il faut également envisager la création
d’outils de traitement informatique des langues autres que ceux qui existent actuellement et qui
sont avant tout des logiciels créés dans les pays développés à destination des idiomes de ces pays.
Les standards les plus récents et les plus accueillants à la diversité linguistique (Unicode, ISO
10 646) ne suffiront pas cependant à résoudre tous les problèmes de communication : les obstacles
risquent de se déplacer vers d’autres niveaux de la chaîne technologique et des appareils, par exemple
au niveau des claviers.
La présentation des aspects techniques a ouvert de nombreuses pistes qui peuvent avoir valeur
de propositions :
- les moteurs de recherche multilingues, ainsi que les moteurs de traduction automatique sont
une des clés du plurilinguisme : c’est un point d’accord illustré aussi bien par l’exemple indien -
diversité linguistique et culturelle phénoménale- que par l’analyse des rapports entre langues de
grande diffusion et langues de diffusion plus faible.
- une stratégie pour garantir l’existence des langues de faible diffusion dans la société de
l’information consisterait à produire systématiquement des liens entre les langues de grande diffusion
et les langues de diffusion plus faible : il faut pour cela multiplier les dictionnaires bilingues et les
ontologies (systèmes de descripteurs) multilingues prenant en compte les langues de faible diffusion,
pour lesquelles les ressources linguistiques (les corpus numérisés par exemple) sont encore très rares.
- des bases de données en ligne, des portails pour la traduction accessibles gratuitement -ou à des
coûts forfaitaires- pourraient offrir une solution adaptée à la logique des réseaux fondée sur une
mutualisation des ressources.
Différentes approches méthodologiques ont été également énumérées sur le plan technique :
- les systèmes de traduction automatique fondés sur les interlangues et les langues pivot (par exemple
le projet UNL)
- les bibliothèques de corpus très spécifiques, faciles à développer dans différentes langues
(consortium C-Star)
- essayer de proposer des modèles communs de description et de représentation des langues :
grammaire, métalangage, lexique, afin de simplifier le travail de développement informatique des
outils
-améliorer encore la diffusion des bonnes pratiques (au moyen des agences et réseaux francophones,
des recommandations de l’Unesco, etc.)
II/ L’enjeu éducatif et humain
Si les exposés ont manifesté une expertise technique de très haut niveau, ils n’ont pas pour
autant manqué de mentionner le rôle du sujet humain dans plusieurs de ses dimensions :
- le sujet parlant reste l’expert par excellence du sens et son intervention est requise dès lors
qu’il s’agit de faire fonctionner ou d’améliorer les outils de traduction : lui seul peut en définitive
lever les ambiguïtés du message ;
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