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RAPPORT
L’internet devient-il plurilingue ou multilingue ?
Les interventions au cours de ce colloque ont permis tout d’abord de reformuler la question
du plurilinguisme sur les réseaux : en effet, l’irruption du plurilinguisme sur l’internet a été
constatée par tous les intervenants, s’appuyant sur les résultats de différentes enquêtes (Global Reach,
Funredes, etc.). Les langues se sont multipliées, les craintes d’un monolinguisme de l’internet ont
cédé devant son extension à un grand nombre de communautés linguistiques, même si nous sommes
loin d’une représentation équitable des langues.
Le constat effectué lors de ces travaux indique en effet que pour l’heure les réseaux trahissent
un déséquilibre flagrant entre le poids démographique des communautés linguistiques (en termes de
nombre de locuteurs) et le poids de la présence de ces langues sur les réseaux. Des tableaux
statistiques éloquents ont été présentés. Il est clair que le taux d’équipement informatique et les
disparités de l’accès à l’internet entre les différentes régions du globe sont largement responsables de
ce déséquilibre. Un effort doit être consenti sur les infrastructures et sur les transferts de
technologies et de savoir faire (Nord-Sud et Sud-Sud) afin de compenser ce déséquilibre par la
création de contenus dans un grand nombre de langues. La réflexion sur les usages, doit replacer les
utilisateurs au centre des initiatives ; motiver les utilisateurs est un moyen de les aider à produire des
contenus dans les langues minoritaires ou quasi-absentes des réseaux. En formant des utilisateurs,
on forme des producteurs de contenus dans les différentes langues.
I/ Les nécessités techniques pour l’interopérabilité et la présence des langues
Une question primordiale est celle de l’interopérabilité : comment faire communiquer les
langues entre elles, éviter la création de mondes de connaissances et de contenus multiples et
étanches, sans possibilité de communication entre eux. Une distinction a été proposée au cours de ces
travaux entre plurilinguisme (la présence d’une grande quantité de langues sur les réseaux, rendue
possible par l’évolution des techniques et des normes) et multilinguisme (qui serait la possibilité
d’échanger des contenus d’une langue à l’autre, de construire des passerelles entre les langues pour
assurer la communication et l’intercompréhension). Au vu des débats et des exposés, cette distinction
paraît opérationnelle et la tâche des prochaines années sera d’éviter la création de niches linguistiques
et culturelles isolées. Dans cette perspective, certains acteurs semblent incontournables : l’Unesco, les
acteurs historiques de la régulation de l’internet -IETF, W3C, ICANN- et les États.
La question des standards a été jugée cruciale par plusieurs intervenants, et il n’y a rien
d’étonnant à cela, puisque l’internet est avant tout une question de standards et de normes. L’exemple
indien a montré combien la question des jeux de caractères et d’écritures pouvait être décisive -
avant même, hélas, de s’interroger sur l’efficacité des systèmes de traduction. La description des
efforts de normalisation et d’harmonisation des jeux de caractères menés par le Japon et des autres
pays asiatiques l’a également prouvé.
L’expansion des réseaux sur les continents et sous-continents en développement se heurte à
cette double difficulté : des points d’accès à la toile en nombre limité et l’existence d’un grand
nombre de langues vernaculaires qui sont souvent connues des seules populations locales. Une
question se pose alors : faut-il tenter d’adapter ces langues à Internet ?
Internet ne deviendra dans ces pays un outil usuel que si un travail approfondi est effectué
sur ces langues et pour ces langues.