F. Clavel-Chapelon, A. Fournier
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2003 - vol.27 - n°1 31
On se pose vraiment des questions
sur l’innocuité de ce type de traite-
ment et on se rend compte que la
balance bénéfice/ risque à long terme
est difficile à évaluer.
De nombreux facteurs interviennent
dans le risque de cancer du sein : sys-
tème hormonal, puberté précoce, âge
tardif à la première grossesse, méno-
pause tardive, faible nombre d’enfants.
Egalement, des concentrations sangui-
nes élevées d’oestrogènes après le
diagnostic de cancer du sein aggra-
veraient vraisemblablement le pro-
nostic.
Ainsi, l’étude de la relation entre can-
cer du sein et traitement substitutif
fera appel à la fois aux enquêtes
épidémiologiques et aux essais d’in-
tervention.
Enquêtes épidémiologEnquêtes épidémiolog
Enquêtes épidémiologEnquêtes épidémiolog
Enquêtes épidémiologiquesiques
iquesiques
iques
La méta-analyse d’Oxford publiée en
1997 regroupait 90 % des données
épidémiologiques de l’époque, mê-
me très anciennes. Elle a permis de
faire le point sur la question à partir
de 15 études de cohortes et de 36
études cas-témoins mettant en jeu un
nombre impressionnant de cas de
cancers du sein invasifs (53 000) avec
au moins autant de témoins.
Les résultats montrent une augmen-
tation du risque de cancer du sein
avec lala
lala
la
durée d’utilisationdurée d’utilisation
durée d’utilisationdurée d’utilisation
durée d’utilisation d’un THS
(traitement hormonal substitutif).
On a aussi constaté que le risque est
plus grand chez les femmes qui sont
en cours de traitement par rapport à
celles qui l’ont arrêté. Il semble donc
que l’augmentation de risque est liée
à une utilisation récente, ce qui peut
suggérer un biais de dépistage, les
femmes en cours de traitement con-
sultant régulièrement le gynécolo-
gue.
L’étude a aussi montré que l’augmen-
tation du risque pendant l’utilisation
du THS ou dans les cinq ans après
l’arrêt concernait surtout le risque
de cancer du sein localisé. Si on con-
sidère un premier groupe de cancers
du sein localisés sans envahissement
ganglionnaire et un deuxième groupe
avec envahissement ganglionnaire,
c’est essentiellement dans le premier
groupe qu’il y a eu augmentation du
risque de cancer du sein avec la du-
rée du THS.
Depuis cette méta-analyse, une di-
zaine d’enquêtes de cohortes et une
dizaine d’enquêtes cas-témoins ont
été publiées. Les risques vont globa-
lement dans le même sens que dans
la méta-analyse précédente et mon-
trent, de plus, une augmentation du
risque de cancer du sein supérieure
chez les femmes qui utilisent une
association oestrogènes-progestatifs
par rapport aux oestrogènes seuls.
Des éléments nouveaux ont été ap-
portés par l’essai WHI "Women’s
Health Initiative", mené aux Etats-Unis
sur plus de 16 000 femmes ménopau-
sées, non hystérectomisées. Cet essai,
randomisé en double aveugle, com-
pare une association d’oestrogènes
d’origine équine et d’acétate de mé-
droxyprogestérone à un placebo.
La surprise de la publication de juillet
2002 fut l’arrêt prématuré de l’essai
après 5,2 ans alors qu’il était prévu
de suivre ces femmes pendant 8 ans.
La cause en était à la fois une augmen-
tation du risque de maladie cardio-
vasculaire et aussi une augmentation
du risque de cancer du sein par rap-
port au placebo, risque de 1,26, tout
juste significatif.
On a également observé dans cette
étude que les femmes qui avaient
reçu un THS avant d’entrer dans
l’étude avaient un facteur de risque
aggravé. On note que l’augmentation
de risque est indépendante des anté-
cédents familiaux de cancers du sein.
L’essai HERS utilise une association
œstrogène-progestatif donnée en pré-
vention secondaire de maladies co-
ronariennes chez des femmes qui
avaient déjà fait un évènement coro-
narien.. Les résultats vont dans le
même sens que l’essai WHI. L’essai
HERS comparant 35 cas de cancers du
sein à 13 cas du groupe placebo a mis
en évidence une augmentation non
significative du risque de cancer du
sein de 1,38. Dans une seconde par-
tie de l’analyse, (HERS-2), la compa-
raison de 15 cancers du sein dans le
groupe traitement hormonal contre
14 dans le groupe placebo a donné
un risque relatif de 1,08. En regrou-
pant les deux essais (HERS-1 + HERS-
2 ), le risque relatif est de 1,27, non
significatif mais qui va dans le même
sens que l’essai WHI.
L’essai WEST utilise des oestrogènes
seuls versus placebo. (5 cas de can-
cer dans chaque groupe). Le risque
relatif est de 1,00.
Ainsi, globalement, on a l’impression
que l’association oestrogènes + pro-
gestatif augmente le risque de cancer
du sein davantage que les traitements
oestrogéniques seuls.
Tous ces résultats sont difficiles à
analyser. Les associations médicamen-
teuses utilisées aux Etats-Unis et en
Angleterre sont différentes de celles
utilisées en France. On doit prendre
en compte à la fois les bénéfices à
court terme et les évènements indé-
sirables survenus (V. Béral, Lancet
2002 ). Parmi les effets bénéfiques, on
note une diminution des cancers
colorectaux, une diminution des évè-
nements ostéoporotiques (moins de
fractures du col du fémur).
L’Agence Française de Sécurité Sani-
taire des Produits de Santé (AFSSPS )
attire l’attention de tous les médecins
prescripteurs sur des recommanda-
tions générales, nécessité d’un inter-
rogatoire, d’un bilan clinique et bio-
logique pour rechercher les contre-
indications et les facteurs de risque,
avant toute prescription
Signalons, pour terminer, une grande
étude épidémiologique effectuée
auprès des femmes de la MGEN,
l’étude E3N. Depuis 1990, on a suivi
l’état de santé de 100 000 femmes
dont 55 000 ménopausées. On dis-
pose d’informations complètes sur la
prise de médicaments hormonaux
substitutifs à la ménopause. Ces fem-
mes nées entre 1925 et 1950, de toute
la France, sont suivies tous les deux
ans avec enquête complète sur leur
état de santé, cancer éventuel, patho-
logie cardio-vasculaire, diabète, ostéo-
porose etc. Les résultats sont en cours
d’analyse et donneront lieu à publi-
cation prochaine.