Encadrement de la publicité pour l`alcool et jeu

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Encadrement de la publicité pour l’alcool et
jeu-concours en ligne
le 7 novembre 2011
PÉNAL | Santé publique
SOCIAL | Santé publique
La Cour de cassation juge qu’un jeu-concours en ligne ayant pour lot une bouteille de
whisky considérée comme prestigieuse par ses caractéristiques, sa rareté et son prix, renforce la
suggestion d’élitisme attachée à la consommation de whisky de cette marque et dépasse ainsi les
limites de la publicité autorisée par le code de la santé publique.
Civ. 1re, 20 oct. 2011, FS-P+B+I, n° 10-23.509
Cet arrêt de cassation partielle du 20 octobre 2011 est, à notre connaissance, la première décision
rendue par la première chambre civile en matière de publicité en faveur des boissons alcooliques
sur internet autorisée depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et
relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST). Cette loi a en effet intégré, à l’article L.
3323-2 du code de la santé publique, les services de communication en ligne [internet] à la liste
des supports autorisés pour la publicité en faveur de ces boissons. Par le passé, les juridictions
estimaient que le site électronique n’entrant pas dans la liste des supports sur lesquels la publicité
en faveur des produits alcooliques était autorisée, la seule diffusion sur ce support d’une telle
publicité constituait un trouble manifestement illicite (V., not., TGI Paris, réf., 2 avr. 2007, Dr. pénal
2008. Chron. 4, no 40, obs. Lepage). L’article L. 3323-2 du code de la santé publique a toutefois
maintenu deux exceptions : sont exclus les sites qui, « par leur caractère, leur présentation ou leur
objet apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse » et ceux « édités par des
associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles ».
Dans cet arrêt, la première chambre civile juge qu’un jeu-concours sur le site internet d’une
marque de whisky et les mentions insérées à chacune de ses étapes, « en offrant à titre gratuit, en
tant que lot éminemment enviable, une bouteille d’alcool considérée comme prestigieuse par ses
caractéristiques, sa rareté et son prix », renforçaient la « suggestion d’élitisme » attachée à la
consommation de whisky de cette marque, laquelle s’en trouvait sublimée. Ainsi, cette opération, «
qui constituait une incitation à consommer une boisson alcoolisée, dépassait les limites de la
publicité autorisée par le code de la santé publique, caractérisant un trouble manifestement illicite
».
La Cour de cassation considère de manière constante que l’alcool ne doit jamais être présenté de
manière valorisante dans une publicité (V. Crim. 31 mai 1995, D. 1995. IR 229 ; 29 nov. 2005, Bull.
crim. n° 312 ; AJ pénal 2006. 123, obs. C. Saas ; 19 déc. 2006, RSC 2007. 557, obs. J. Francillon ).
Par cet arrêt, elle rappelle ainsi que la publicité en faveur de l’alcool n’est autorisée que dans des
conditions strictes, précisées à l’article L. 3323-4 du code de la santé publique. Aux termes de cet
article, la publicité autorisée pour l’alcool est limitée à l’indication du degré d’alcool, de l’origine, de
la dénomination, de la composition, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des
dépositaires, du mode d’élaboration, des modalités de vente et de mode de consommation du
produit. Elle peut également comporter des références relatives aux terroirs de production, aux
distinctions obtenues, aux appellations d’origine, aux indications géographiques, ainsi que des
références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du
produit.
En l’espèce, la cour d’appel (Paris, 8 juin 2010, RG n° 10/04015, Dalloz jurisprudence) avait ordonné
le retrait du jeu-concours et le retrait sur le site internet des expressions « la patience », « la
transmission », « le choix », « l’étiquette », « l’alchimie », « le chef-d’œuvre », « rien ne se fait de
grand en un jour », « l’esprit du parcours », « le temps est un luxe à la portée de tous ». Elle avait
débouté le plaideur de sa demande en suppression de l’image animée d’un sablier, ainsi que des
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expressions « les sens », « l’originalité », « les hommes », « le savoir-faire ».
Dans cet arrêt, la Cour de cassation indique que la cour d’appel a exactement déduit que les
termes et expressions susmentionnés, replacés dans leur contexte, dépourvus de caractère
objectif, visaient à délivrer aux internautes une image selon laquelle, en s’adonnant à la
consommation de cette marque, « ils ne pouvaient qu’appartenir à une élite restreinte ». De ce fait,
la consommation de cet alcool « se trouvait magnifiée, dans une démarche incitative contraire aux
dispositions du code de la santé publique et constituant un trouble manifestement illicite qu’il
appartenait à la juridiction des référés de faire cesser ». Ainsi, « la patience » renvoyait à l’idée
selon laquelle « seules les personnes dotées de cette qualité peuvent accéder au produit litigieux »
; « le choix » à celle que seuls certains initiés sont capables d’apprécier l’un des whiskies de la
gamme après avoir parcouru un « long cheminement », etc.
Par ailleurs, la Cour de cassation indique que pour rejeter la demande du plaideur visant le retrait
des autres expressions et du visuel, la cour d’appel a constaté que le terme « les sens » était utilisé
pour faire trouver au participant la bonne association culinaire entre chaque type de single malt et
des plats ; que sous le titre « l’originalité », il lui était proposé de retrouver les arômes et saveurs
qui composent les quatre single malt de la marque de whisky, etc. La Cour de cassation juge qu’«
en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’aucun des éléments litigieux ne
constituait une simple indication et que, dans le contexte du jeu-concours présenté sur le site qui
visait à promouvoir une image d’excellence des produits de la marque et à valoriser les
consommateurs, les références à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du
produit dépassaient les limites de l’objectivité », la cour d’appel a violé l’article L. 3323-4 du code
de la santé publique. On remarquera que la Cour de cassation évoque à plusieurs reprises dans cet
arrêt la notion d’élitisme et de valorisation du consommateur du produit.
Enfin, notons que dans son arrêt du 8 juin 2010, la cour d’appel avait jugé que les jeux et concours
en ligne ne sont pas répertoriés dans la liste autorisant exclusivement certaines formes de
propagande ou publicité pour l’alcool telle que prévue à l’article L. 3323-2 du code de la santé
publique. La Cour de cassation, quant à elle, ne s’est pas prononcée sur ce point dans cet arrêt.
Site de la Cour de cassation
par C. Fleuriot
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