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Prohibition du double don de gamètes : la Cour de
cassation refuse de transmettre la QPC
le 31 janvier 2012
CIVIL | Famille - Personne | Filiation
La Cour de cassation refuse de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC)portant sur la conformité à la Constitution de l’article L. 2141-3 du code de
la santé publique, aux termes duquel un embryon ne peut être conçu in vitro avec des gamètes ne
provenant pas d’un au moins des membres du couple.
Civ. 1re, 19 janv. 2011, FS-P+B+I, n° 11-40.089
Le Conseil constitutionnel ne sera pas le lieu d’un nouveau débat sur la prohibition en droit français
du double don de gamètes. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation, dans une décision de la
première chambre civile du 19 janvier 2012, en refusant de transmettre une question prioritaire
posée par le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Paris et portant sur la
constitutionnalité de l’article L. 2143-1 du code de la santé publique. En l’espèce, une femme avait
bénéficié au « royaume de la procréation médicalement assistée », c’est-à-dire en Espagne (A.
Benhaiem, L’Express, 16 oct. 2010), d’une fécondation in vitro avec les gamètes d’un donneur et
d’une donneuse, mais la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) lui avait refusé sa prise en
charge. L’affaire est restée au stade la Cour de cassation.
La disposition critiquée par la requérante était l’article L. 2141-3 du code de la santé publique.
Selon cet article, dont le principe n’a pas été modifié par la loi no 2011-814 du 7 juillet 2011 relative
à la bioéthique, un embryon ne peut être conçu in vitro avec des gamètes ne provenant pas d’un
au moins des membres du couple. Dans ces conditions, il faut que l’enfant soit « génétiquement
rattaché à l’un au moins de ses parents » (F. Dreifuss-Netter, La filiation de l’enfant issu de l’un des
partenaires du couple et d’un tiers, RTD civ. 1996. 1 ). Cette prohibition, qui est certainement une
manifestation de la volonté du législateur de privilégier l’adoption et l’accueil d’embryon (V. en ce
sens, C. Bur, La confrontation de la volonté privée à l’autorité de la loi dans l’assistance médicale à
la procréation, thèse, Strasbourg, 2011, § 271, p. 232. On admet par exception l’accueil d’embryons
surnuméraires, V. art. L. 2141-5), revient à écarter les couples doublement stériles du double don
de gamètes, ce qui n’a évidemment pas échappé au tribunal. Dès lors, laQPC était ainsi posée :
cette disposition qui proscrit le recours au double don de gamètes ne revient-elle pas à créer une
discrimination à l’égard des couples dont les deux membres sont stériles ? Partant, la disposition ne
serait-elle pas contraire, d’une part, au principe d’égalité devant la loi, prévu par l’article 6 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, d’autre part, à la règle consacrée par le
préambule de la Constitution de 1946 selon laquelle la Nation doit garantir à la famille les
conditions nécessaires à son développement ?
Les décisions de non-renvoi sont d’autant plus intéressantes aujourd’hui qu’elles ne témoignent
plus nécessairement d’une réticence de la Cour de cassation à l’endroit de la procédure nouvelle (la
Cour a déjà renvoyé de nombreuses questions, V. J.-B. Perrier, Le non-renvoi des questions
prioritaires de constitutionnalité par la Cour de cassation, RFDA 2011. 711 ). Pour admettre le
renvoi d’uneQPC devant le Conseil constitutionnel, trois conditions s’imposent au Conseil d’État et
à la Cour de cassation, selon l’article 23-2 de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel. En premier lieu, la disposition contestée doit être
applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites, ce qui, en
l’espèce, ne suscitait aucune difficulté. En deuxième lieu, et c’est là que résidait le problème, la
disposition contestée ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution dans le
dispositif ou dans les motifs d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des
circonstances. Enfin, la question doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux, ce sur quoi la
Cour de cassation ne s’est pas attardée dans la mesure où la deuxième condition faisait, selon elle,
défaut.
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En effet, la Cour de cassation estime que le Conseil constitutionnel avait déjà validé cette
prohibition, alors contenue à l’article L. 152-3 du code de la santé publique, quand ce dernier avait
dû se prononcer sur la conformité de la loi no 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à
l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale, à la procréation et
au diagnostic prénatal et, notamment, son article 8. Si la lecture decette décision laisse à penser
que les motifs qui ont conduit les députés requérants ne sont pas les mêmes que ceux évoqués par
la question prioritaire, il est indubitable que le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la
Constitution l’ensemble de la loi de 1994 et donc l’article L. 152-3, devenu aujourd’hui l’article L.
2141-3 du code la santé publique. On pourra toujours discuter quant au point de savoir s’il y avait,
sur cette question, un changement de circonstances. Il est certain qu’il existe un débat à ce sujet ;
l’Espagne, les USA et le Royaume-Uni admettent également le double don de gamètes. Mais le
législateur, en maintenant la prohibition, semble s’être décidé. Quoi qu’il en soit, l’existence d’un
débat ne rime pas nécessairement avec changement de circonstances.
Site de la Cour de cassation
par T. de Ravel d'Esclapon
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