Préparation aux épreuves écrites du CAPES Conseils de rédaction Claire Debord Le texte qui suit est une libre compilation de plusieurs textes sur le même thème, notamment ceux de Christophe Champetier et de Christophe Bertault. En mathématiques, la phase de rédaction est essentielle : elle est l’occasion de vérifier la justesse et la rigueur de ce qui est énoncé. Voici quelques règles élémentaires de rédaction . Avant de rendre tout document, vous devrez vous assurer que vous avez respecté scrupuleusement ces règles. Règle 1 : Introduire tout ce dont on parle Toute notation, tout caractère désignant un objet mathématiques doit impérativement être présenté et clairement défini avant d’être utilisé. En français, si vous dites : “Ils ont tout mangé.” sans avoir précisé qui sont ces “ils” et ce qu’est ce “tout”, vous risquez de n’être pas compris. En mathématiques, c’est pareil : on ne parle pas de quelque chose tant que l’on n’a pas dit ce que c’était. Introduire un objet quelconque Lorsque l’on veut introduire une variable décrivant tout un ensemble, autrement dit un élément x quelconque d’un ensemble E, on procède ainsi : Soit x ∈ E. Bien sûr, la lettre x pourrait être remplacée par n’importe quel symbole : y, t, ♣ · · · Cette formulation peut souvent être remplacée par l’une des suivantes : Pour tout x ∈ E. Soit x un élément de E. Oublier ces petites phrases d’introduction est une faute grave de rédaction ainsi que de logique. Par exemple les phrases cos(x) = sin(x) ⇒ x = ou π 4 π + kπ 4 n’ont aucun sens si x et k ne sont pas présentés avant d’être utilisés. cos(x) = sin(x) ⇒ x = 1 Donner un nom à un objet précis • Lorsque l’on veut donner un nom à un objet précis, le “On pose” est de mise. Par exemple p si vous devez employer plusieurs fois dans un raisonnement l’expression compliquée cos( ln(n + 3)) (où n a été préalablement défini), vous pouvez nommer cette quantité, par exemple par T . L’introduction de la notation T se fait de la façon suivante : p On pose T = cos( ln(n + 3)) . • Le “On pose” peut être utilisé dans un tout autre contexte lorsque l’on veut produire un exemple d’objet mathématique particulier. Supposons que l’on veuille montrer l’assertion ∃x, y ∈ R tels que x + y ∈ Z et x ∈ / Z et z ∈ /Z. Pour montrer un tel résultat d’existence, il faut trouver un exemple. On peut donc montrer ce résultat en procédant de la façon suivante. On pose x = 1 1 et y = . Alors x et y sont deux réels non entiers et x + y = 1 est un entier. 2 2 Règle 2 : Faire des phrases correctes • Ne pas hésiter à faire des phrases en français. Il est plus agréable, et souvent plus facile, de lire un raisonnement écrit en français qu’avec des symboles logiques. • Il ne faut pas utiliser d’abréviations comme “mq” pour remplacer un “Montrons que “. • On ne mélange pas texte en français et langage mathématique. Au sein d’une phrase, les seuls symboles mathématiques autorisés sont : les signes d’égalité, de non égalité, d’inégalité, d’appartenance et d’inclusion. Il est donc formellement interdit de mettre les quantificateurs ∀, ∃ · · · ou les symboles ⇒, ⇐⇒ · · · au milieu d’une phrase de texte. • On ne commence pas une phrase par un symbole mathématique. Cette règle, communément admise dans la communauté scientifique, n’admet aucune exception. Qui plus est, une confusion est possible entre “·” et un signe de multiplication, l’emploi d’une majuscule permet d’indiquer le début d’une phrase. Par exemple : On a x = y.f est une fonction croissante. est à remplacer par : On a x = y. La fonction f est une fonction croissante. • Les mathématiques, ça se ponctue. Il faut remplacer Ainsi : x = 3 y = 9 3 < 9 par Ainsi : x = 3, y = 9 et 3 < 9. • Un phrase doit comporter au minimum un sujet, un verbe et un complément. Par exemple z point de C∗ , z + 1 = 1 ⇒ z = 0 , contradiction. 2 se lit “z point de C∗ , z + 1 = 1 implique z = 0 contradiction.”, ce qui n’a aucun sens ! Il faudrait la remplacer par Soit z un point de C∗ . Si z + 1 = 1 alors z = 0, ce qui contredit nos hypothèses. D’une façon générale, chaque phrase mathématique ou non doit pouvoir être lue à voix haute en gardant du sens. • Il faut être clair et concis. En particulier il faut de préférence faire des phrases courtes. La plupart du temps les phrases doivent comporter au maximum un sujet, un verbe et un complément. Règle 3 : Utiliser correctement les symboles ⇒ et ⇐⇒ Ici, “correctement” signifie que l’on devrait presque toujours se passer des symboles ⇒ et ⇐⇒ et les remplacer par les mots donc, ainsi, ce qui équivaut à, etc. • L’utilisation de ⇒ et ⇐⇒ ne doit s’inscrire que dans un cadre très rigoureux de syntaxe logique et ces symboles doivent se trouver entre deux propositions très clairement délimitées. Par exemple la phrase ∀x ∈ E, f (x) = g(x) ⇒ f = g . est ambiguë, donc n’a pas de sens. En effet, elle pourrait signifier : (∀x ∈ E, f (x) = g(x)) ⇒ f = g . ou bien : ∀x ∈ E, (f (x) = g(x) ⇒ f = g) . Les significations de ces deux implications sont très différentes. • L’utilisation des symboles ⇒ et ⇐⇒ en début de ligne et sans aucune référence à quoi implique quoi est à proscrire. • Noter qu’il existe une nuance entre donc et implique : la phrase mathématiques (P ⇒ Q) signifie que si P est vraie, alors Q est vraie. Elle ne suppose pas a priori que P est vraie. Dans un raisonnement on affirmera souvent : P est vraie, donc Q est vraie, ce qui n’a pas la même signification. Par exemple, imaginez que l’on vous demande de montrer que la fonction f : t 7→ t4 + 3t2 + 2 est à valeurs positives sur R. Voici un réponse incomplète : On a les implications suivantes : x+1≥0 x ∈ [−1, +∞[⇒ ⇒ x2 + 3x + 2 = (x + 1)(x + 2) ≥ 0 . x+2≥0 D’où le résultat en posant t2 = x. Certes, vous avez montré une implication utile pour conclure, mais cette implication à elle seule ne répond pas à la question. Pour avoir un réponse correcte il faudrait remplacer le D’où le résultat... par : Or, pour tout t ∈ R, le réel t2 ∈ [−1, +∞[ et donc d’après les implications précédentes f (t) = (t2 )2 + 3t2 + 2 ≥ 0. Ainsi la fonction f est bien à valeurs positives sur R. • Le symbole ⇐⇒ est souvent utilisé de manière incorrecte. Quant on l’utilise, il faut impérativement vérifier les deux implications ⇒ et ⇐. 3 Règle 4 : Mettre en évidence les articulations logiques • N’oubliez jamais que le correcteur ne lira pas plusieurs fois votre solution pour se convaincre de sa validité. Quand on rédige un raisonnement, il est très important de distinguer clairement les hypothèses des conclusions par exemple, et d’indiquer les rapports d’implication entre les différentes propositions. Cela se fait notamment au moyen de donc, alors, par conséquent, ainsi, or, de plus, en outre, ensuite, enfin, mais, cependant, toutefois, puisque, comme, car, etc Truffez vos raisonnements de ces petits mots qui guideront votre lecteur. • Un texte mathématique rédigé n’est pas une bande dessinée. Il faut éviter tous les commentaires en aparté, dans des coins, au côté de calculs, sous des signes d’égalité ou d’implication. Pensez que vous devriez pouvoir taper votre texte avec un traitement de texte standard. • Il faut éviter de justifier vos résultats a posteriori. Par exemple, imaginez que l’on vous demande de montrer l’assertion : p ∀x ∈ [0, 1], 1 − x2 ∈ [0, 1]. Voici une très mauvaise réponse : 0≤x≤1 0 ≤ x2 ≤ 1 2 0≤1 √− x ≤ 1 0 ≤ 1 − x2 ≤ 1 (t 7→ t2 est croissante sur R+ ) (t 7→ √ t est croissante sur R+ ) Voici une bonne solution : Soit x ∈ [0, 1]. On a donc 0 ≤ x ≤ 1. La croissance de la fonction t 7→ t2 sur R+ donne 0 ≤ x2 ≤ 1. Mais alors ona 0 ≤ 1 − x2 ≤ 1. √ √ Finalement, par croissance de la fonction t → 7 t surR , ona 0 ≤ 1 − x2 ≤ 1. + √ 2 Cela nous montre bien que 1 − x ∈ [0, 1] comme voulu. Règle 5 : Annoncer ce que l’on fait et conclure Il faut expliquer ce que l’on fait avec des : Montrons que · · · , Nous allons maintenant prouver que · · · Il ne faut pas oublier de préciser le numéro de la question traitée. Pour autant, il ne faut surtout pas recopier l’énoncé, c’est une perte de temps. Enfin, il ne faut pas oublier à la fin d’un raisonnement de conclure en signalant au lecteur que vous avez bien obtenu le résultat attendu. Règle 6 : Ne jamais bluffer Le correcteur vous fait confiance a priori, c’est cette confiance qui l’incitera parfois à être tolérant vis à vis d’un petit défaut de rigueur ou d’une maladresse mathématiques. Il est très important de garder cette confiance. En particulier il ne faut jamais bluffer. Vous n’avez aucune chance de tromper votre correcteur qui a déjà des centaines de copies corrigées à son actif. Vous avez par contre toutes les chances de le mettre en colère, en effet, rares sont les personnes qui apprécient d’être prises pour des imbéciles. Il ne faut donc pas écrire il est évident..., on a trivialement... en donnant la réponse attendu alors que justement vous ne savez pas montrer ce résultat. Il ne faut pas faire de “tour de passe passe” avec les différents termes impliqués dans des calculs pour miraculeusement tomber à la dernière ligne sur la bonne réponse. Enfin, tout correcteur appréciera l’honnêteté qui consiste à dire Je 4 vais admettre ce résultat dans la suite... ou Il y vraisemblablement une erreur dans mes calculs... Cela ne rendra pas votre réponse correcte mais montrera néanmoins au correcteur que vous comprenez ce que vous faites et maintiendra sa confiance. Dernières remarques Preuve par récurrence Il est essentiel de savoir rédiger correctement une preuve par récurrence. Rappelons le principe suivant. Principe : Soit P (n) une propriété concernant un entier naturel n. Si P (0) est vraie et si pour tout entier naturel k, quand on suppose que P (k) est vraie, on montre que P (k + 1) est vraie, alors on peut affirmer que P (n) est vraie pour tout entier naturel n. Les erreurs classiques et impardonnables sont : • Une mauvaise initialisation. Montrons, par exemple, que tout sous-ensemble fini de N contient des entiers qui sont tous de même parité. Voici une démonstration fausse. Nous voulons prouver par récurrence sur n ∈ N∗ la propriété P (n) suivante : si E est un sousensemble de N de cardinal n et si x, y sont deux éléments de E alors x et y ont même parité. Lorsque E est un sous-ensemble de N réduit à un seul élément, ce dernier à la même parité que lui-même. Donc P (1) est vraie. (H) Hypothèse de récurrence : fixons k ∈ N et supposons que P (k) soit vraie. Soit E un sous-ensemble de N de cardinal k + 1 et soit x et y dans E. Soit alors z un autre élément de E, distinct de x et de y. Alors l’ensemble E \ {z} est un sous-ensemble de N de cardinal k et contenant x et y. D’après l’hypothèse de récurrence, x et y ont donc même parité. Ainsi P (k + 1) est vraie. Finalement, par le principe de récurrence, on a montré que tout sous-ensemble fini de N ne contient que des entiers de même parité. Ici on n’a pas initialisé assez loin... En effet la preuve ci dessus qui permet d’obtenir P (k + 1) à partir de P (k) ne fonctionne pas pour k = 1 (on ne peut pas trouver trois éléments distincts dans un ensemble à deux éléments). Ainsi cette démonstration serait parfaitement correcte si P (2) était vraie, ce qui n’est pas le cas. Une façon d’éviter ce type d’erreur est de prendre quelques minutes pour vérifier que l’on est bien capable de passer de P (0) à P (1) avec le raisonnement qui nous permet de montrer que P (k) implique P (k + 1). • Supposer ce que l’on veut montrer. Voici un exemple typique de démonstration fausse. n X n(n + 1) On souhaite montrer que pour tout n ∈ N on a k= . 2 k=0 Initialisation : on a 0 X k=0= k=0 0(0 + 1) . 2 Faisons à présent l’hypothèse que pour tout n ∈ N, on a n X k=0 k = n(n + 1) et montrons cette 2 relation au rang n + 1. On a n+1 X k=0 n X n(n + 1) (n + 1)(n + 2) k=( k) + n + 1 = +n+1= . 2 2 k=0 5 La propriété est vraie au rang n + 1 elle est donc vraie pour tout entier n. Ici le raisonnement serait parfaitement juste si on remplace le Faisons à présent l’hypothèse que pour tout n ∈ N... par Faisons à présent l’hypothèse que pour un n ∈ N... Effectivement, une fois que l’on a supposé vraie la propriété cherchée, il n’y a plus rien à montrer. Le raisonnement devient : supposons la propriété P vraie, blablabla, donc P est vraie. Ceci est juste, mais sans aucun intérêt. Preuve par contraposée ou par l’absurde ? Supposons que l’on ait deux assertions P et Q et que l’on cherche à montrer que P implique Q. • Une preuve directe consiste à montrer directement que P implique Q. • Une preuve par contraposée consiste à montrer que si Q est fausse alors P est fausse. • Une preuve par l’absurde consiste à montrer que si P est vraie et Q est fausse alors on obtient une absurdité (du type 0 = 1). Voici un exemple un peu caricatural. Montrons que si x est un réel contenu dans l’intervalle ]0, 1[ alors x2 appartient à l’intervalle [0, 2]. Directement : Soit x ∈]0, 1[, autrement dit 0 < x < 1. Puisque la fonction carrée est croissante sur R+ on obtient 0 ≤ x2 ≤ 1. Ainsi si x appartient à l’intervalle ]0, 1[ alors x2 appartient à [0, 2]. 2 Par contraposée : Soit x un réel tel que x2 ∈ / [0, 2]. Puisque x2 est √ positif, √ x > 2. √ on a alors 2 2 Comme la fonction racine carrée est croissante sur R+ , on obtient x > 2. Or x = |x|. √ √ Par suite x > 2 ou x < − 2 et en particulier x ∈]0, / 1[. Donc si x2 ∈ / [0, 2] alors x ∈]0, / 1[. Par contraposée, on a montré l’implication demandée. Par l’absurde : Soit x un réel tel que x ∈]0, 1[ et x2 ∈ / [0, 2]. Puisque x2 est positif, on a donc 0 < x < 1 < 2 < x2 d’où 0<x x−1<0 (x − 1)(x + 1) = x2 − 1 > 0 ainsi on a x + 1 < 0 et 0 < x. Finalement on obtient 0 < −1 ce qui est absurde. Donc si x ∈]0, 1[ on a nécessairement x2 ∈ [0, 2]. Une fausse démonstration par l’absurde : Soit x un réel tel que x ∈]0, 1[ et x2 ∈ / [0, 2]. 2 2 Puisque la fonction carrée est croissante sur R+ on obtient 0 ≤ x ≤ 1. Mais alors x ∈ [0, 1] ce qui est absurde car on a supposé x2 ∈ / [0, 2]. Ceci est à éviter ! Ici vous n’utilisez jamais l’assertion x2 ∈ / [0, 2]. Il s’agit donc d’une démonstration directe. 6