STUDIA MATHEMATICA 168 (2) (2005)
Alg`ebres topologiques `a id´eaux `a gauche ferm´es
par
R. Choukri, A. El Kinani et M. Oudadess (Rabat)
Abstract. We consider topological algebras in which all left ideals are closed. We
show, in particular, that an F-algebra has this property if, and only if, it is a noetherian
Q-algebra.
1. Introduction. Soit Aune alg`ebre topologique. Consid´erons la pro-
pri´et´e suivante :
(Fg) Tout id´eal `a gauche de Aest ferm´e.
Il est bien connu, d’apr`es un r´esultat de Sidney, qu’une alg`ebre de Ba-
nach v´erifiant (Fg) est de dimension finie.Ce r´esultat n’est pas valide dans
le cas m-convexe. En effet, l’alg`ebre des s´eries formelles est un contre-
exemple. Un autre contre-exemple, qui est de plus semi-simple, est donn´e
dans [3]. D’autre part, bien que la propri´et´e (Fg) soit de nature topologique,
elle est caract´eris´ee alg´ebriquement pour une classe importante d’alg`ebres
topologiques. En effet, nous montrons qu’une F-alg`ebre v´erifie (Fg) si, et
seulement si, elle est une Q-alg`ebre noeth´erienne (th´eor`eme 2). Dans le cas
Fr´echet, moyennant un r´esultat d’Arens, une telle alg`ebre v´erifie (Fg) si,
et seulement si, elle est noeth´erienne (th´eor`eme 3). Par ailleurs, nous mon-
trons (th´eor`eme 4) qu’une alg`ebre commutative artinienne v´erifie (Fg) pour
toute topologie d’alg`ebre. Ce “caract`ere topologique universel” caract´erise
l’artinianit´e dans la classe des alg`ebres commutatives noeth´eriennes semi-
simples (th´eor`eme 5).
2. Pr´eliminaires. Toutes les alg`ebres consid´er´ees sont suppos´ees com-
plexes et unitaires. Une alg`ebre Aest dite noeth´erienne `a gauche si elle
v´erifie l’une des conditions ´equivalentes suivantes :
(i) toute suite croissante d’id´eaux `a gauche de Aest stationnaire ;
(ii) toute famille non vide d’id´eaux `a gauche de Aadmet un ´el´ement
maximal ;
2000 Mathematics Subject Classification: Primary 46H20; Secondary 46H10.
Key words and phrases:F-algebra, closed ideals, noetherian algebra, artimian algebra.
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(iii) tout id´eal `a gauche de Aest de type fini (i.e., il est engendr´e par un
nombre fini de ses ´el´ements).
L’alg`ebre Aest dite artinienne `a gauche si la famille de ses id´eaux `a gauche
satisfait la condition de la chaine descendante.
Une alg`ebre est dite topologique si elle est munie d’une topologie d’espace
vectoriel pour laquelle le produit est s´epar´ement continu. Une telle alg`ebre
est dite:
(i) une Q-alg`ebre si le groupe de ses ´el´ements inversibles est ouvert ;
(ii) une F-alg`ebre si elle est m´etrisable et compl`ete ;
(iii) une alg`ebre localement multiplicativement convexe (a.l.m.c.) si sa
topologie peut ˆetre efinie par une famille de semi-normes sous-
multiplicatives.
Une a.l.m.c. qui est une F-alg`ebre est dite de Fechet. Sa topologie peut ˆetre
alors d´efinie par une famille d´enombrable de semi-normes sous-multiplica-
tives.
Dans la suite, S1
0(resp. S0) d´esigne l’alg`ebre des suites complexes sta-
tionnaires (resp. nulles `a partir d’un certain rang).
3. Condition (Fg),noeth´erianit´e et artinianit´e. Signalons tout de
suite qu’il est facile de montrer qu’une alg`ebre topologique v´erifie (Fg) si,
et seulement si, son unitis´ee la v´erifie. Ceci permettra toujours de se placer
dans le cas unitaire.
Nous commen¸cons par le r´esultat suivant qui caract´erise la Q-propri´et´e
pour une classe de F-alg`ebres.
Proposition 1. Soit Aune F-alg`ebre dont la famille des id´eaux `a gauche
principaux satisfait la condition de la chaine ascendante. Alors les assertions
suivantes sont ´equivalentes :
(1) Aest une Q-alg`ebre ;
(2) (xA, Ax =A)xG(A).
Preuve. (1)(2). Soit xAtel que Ax =A. Par l’assertion (1), on doit
avoir Ax =A. Il en r´esulte que xest inversible `a gauche dans A. D’apr`es [6,
Th´eor`eme 1, p. 353], xest inversible dans A.
(2)(1). Supposons que An’est pas une Q-alg`ebre. Il existe alors une
suite (xn) d’´el´ements non inversibles de Atel que xnequand n→ ∞.
En raisonnant comme dans [5], on construit une suite (en) d’´el´ements de A
v´erifiant : (i) enequand n ; (ii) n, en=xnen+1.(L’hypoth`ese de
commutativit´e et de m-convexit´e suppos´ee dans [5] n’intervient pas dans la
construction de la suite (en).) L’hypoth`ese faite sur Aentraˆıne l’existence
d’un entier n0tel que Aen=Aen0pour tout nn0.Il en r´esulte que
Aen0=A. Par l’assertion (2), en0est inversible `a gauche dans Aet donc
Alg`ebres topologiques `a id´eaux `a gauche ferm´es 161
inversible via [6, th´eor`eme 1, p. 353]. Ainsi, l’´el´ement xn0est inversible `a
droite dans Aet donc inversible par [6, th´eor`eme 1, p. 353], ce qui n’est pas
le cas.
Voici maintenant une caract´erisation de la propri´et´e (Fg) dans la classe
des F-alg`ebres.
Th´
eor`
eme 2. Soit Aune F-alg`ebre. Les assertions suivantes sont ´equi-
valentes :
(1) Av´erifie (Fg) ;
(2) Asatisfait les deux assertions suivantes :
(a) Aest noeth´erienne `a gauche,
(b) Aest une Q-alg`ebre.
Preuve. (1)(2). Soit (In) une suite croissante d’id´eaux `a gauche de A.
Posons I=SnIn.C’est un id´eal `a gauche ferm´e de A. Par le th´eor`eme de
Baire, il existe n0tel que In0est d’int´erieur non vide dans I. Il en r´esulte
que I=In0et par suite In=In0pour tout nn0.La deuxi`eme assertion
d´ecoule de la proposition pr´ec´edente.
(2)(1). Soit Fla famille des id´eaux `a gauche non ferm´es de A. Sup-
posons qu’elle est non vide et consid´erons un ´el´ement maximal Idans F.
Soit xIavec x6∈ I. On a I=I+Ax. Consid´erons x1,...,xrItel que
I=Ax1+···+Axr, et J={aA:ax I}qui est un id´eal `a gauche
de A. Soit ϕ:Ar+1 Iavec
ϕ(a1,...,ar+1) = X
1ir
aixi+ar+1x.
L’application ϕest lin´eaire continue et surjective. Elle est alors ouverte. Si
Oest un ouvert non vide de Ar+1,il existe a1,...,ar, ar+1 Otel que
P1iraixi+ar+1xI. Donc ar+1xI. Il en r´esulte que ar+1 Jet par
suite que Jest dense dans A. Comme Aest une Q-alg`ebre, on a J=A.
Donc xI, ce qui n’est pas le cas.
Remarques. (1) La etrisabilit´e est ecessaire pour la validit´e du th´eo-
r`eme pr´ec´edent. En effet, voici un exemple d’une Q-a.l.m.c. compl`ete com-
mutative dont tout id´eal est ferm´e et qui n’est pas noeth´erienne. Pour tout
entier naturel k1,consid´erons Ak={(xn)S1
0:nk, xn=xk}.Les
Akforment une suite croissante de sous-alg`ebres de dimension finie de S1
0.
De plus S1
0=Sk1Ak. Munie de la topologie localement convexe li-
mite inductive, l’alg`ebre S1
0est une a.l.m.c [2, proposition 11, p. 349]. Elle
est compl`ete et, de plus, elle est tonnel´ee puisque les Akle sont.D’autre
part, le spectre de tout ´el´ement de S1
0est born´e. Donc, d’apr`es [9, corol-
laire 3, p. 296], S1
0est une Q-alg`ebre. Cependant, S1
0n’est pas noeth´erienne.
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Par ailleurs, il est facile de voir que tout id´eal propre de S1
0est ´egal `a
l’intersection des id´eaux maximaux le contenant. Il en r´esulte que l’alg`ebre
S1
0v´erifie (Fg).
(2) Dans le cas commutatif, une F-alg`ebre commutative noeth´erienne
est une Q-alg`ebre. Voir [4] ou [8].
Il d´ecoule d’un esultat d’Arens que, dans une a.l.m.c. de Fechet, l’ad-
h´erence d’un id´eal `a gauche, de type fini, propre est ´egalement propre. D’o`u,
dans le cas Fr´echet, l’´equivalence suivante qui est une extension au cas non
commutatif du th´eor`eme 4 de [8, p. 298].
Th´
eor`
eme 3. Pour qu’une a.l.m.c. de Fr´echet v´erifie (Fg),il faut,et il
suffit,qu’elle soit noeth´erienne `a gauche.
Preuve. Par le th´eor`eme 2, on sait que la condition (Fg) implique la
noeth´erianit´e. Pour la r´eciproque, il suffit, par le mˆeme th´eor`eme, de montrer
que Aest une Q-alg`ebre. Pour cela, on utilise la deuxi`eme assertion de la
proposition 1. En effet, si Ax =Apour xA, alors par un r´esultat d’Arens
([1, Theorem 3.2, p. 173]), on a aussi Ax =A, i.e., xest inversible `a gauche.
Donc xest inversible, puisqu’on est dans le cas noeth´erien ([6, th´eor`eme 1,
p. 353]).
L’alg`ebre S1
0poss`ede la propri´et´e suivante: Pour tout id´eal Ide S1
0, il
existe une partie Jde S1
0et xItel que I= Ann(J) + Cx, o`u Ann(J) =
{xS0:xy = 0,yJ}. Il en r´esulte que S1
0v´erifie (Fg) pour toute
topologie d’alg`ebre. Nous allons montrer que c’est ´egalement le cas pour
les alg`ebres commutatives artiniennes, en particulier, les alg`ebres qui sont
des produits finis d’alg`ebres qui sont des corps. Dans le cas commutatif,
nous caract´erisons ces derni`eres dans la classe des alg`ebres noeth´eriennes
semi-simples.
Th´
eor`
eme 4. Soit Aune alg`ebre commutative artinienne. Alors Av´e-
rifie (Fg)pour toute topologie d’alg`ebre.
Preuve. Soit τune topologie d’alg`ebre sur Aet Fla famille des id´eaux
principaux de Aqui ne sont pas ferm´es. Supposons que Fn’est pas vide
et consid´erons un ´el´ement Ax0minimal de F.Comme Ax0n’est pas ferm´e,
on a Ax2
06=Ax0.Vu le caract`ere minimal de Ax0,l’id´eal Ax2
0est ferm´e. Par
ailleurs, l’alg`ebre Ax0/Ax2
0, dont le produit est trivial, est artinienne. Elle
est alors de dimension finie. L’id´eal Ax0/Ax2
0est donc ferm´e dans l’alg`ebre
topologique quotient A/Ax2
0.Il en r´esulte que l’id´eal Ax0est ferm´e dans A,
ce qui n’est pas le cas. Ainsi Fest vide. Donc tout id´eal principal de Aest
ferm´e. Comme l’artinianit´e et la propri´et´e (Fg) sont preserv´ees par passage
au quotient, tout id´eal de type fini de Aest ferm´e. Donc Aerifie (Fg) vu
qu’elle est noeth´erienne [7, th´eor`eme IV.4, p. 68].
Alg`ebres topologiques `a id´eaux `a gauche ferm´es 163
La r´eciproque du th´eor`eme pr´ec´edent est fausse. Cependant, le r´esultat
suivant en fournit une r´eciproque. Rappelons d’abord qu’un id´eal premier
d’une alg`ebre commutative Aest dit minimal s’il ne contient aucun id´eal
premier de Aautre que lui-mˆeme.
Th´
eor`
eme 5. Soit Aune alg`ebre commutative semi-simple noeth´e-
rienne A. Les conditions suivantes sont ´equivalentes:
(1) Av´erifie (Fg)pour toute topologie d’alg`ebre ;
(2) Aest isomorphe `a un produit fini d’alg`ebres qui sont des corps ;
(3) Aest artinienne.
Preuve. Les implications (2)(1) et (2)(3) sont faciles. L’implication
(3)(2) d´ecoule de [7, corollaire, p. 67] et de la semi-simplicit´e de A. Mon-
trons que (1)(2). Soit (Mi)iIla famille des id´eaux maximaux de A.
Si Iest r´eduit `a un seul point alors l’alg`ebre Aest un corps vu qu’elle
est semi-simple. Supposons maintenant que In’est pas un singleton. Soit
i0Iet posons L=Ti6=i0Mi.Supposons que Lest nul.On munit Ade la
topologie d´efinie par la famille de semi-normes (pi,f )iI\{i0}, f(A/Mi),avec
pi,f (x) = |f(si(x))|pour tout xA, o`u siest la surjection canonique de A
sur A/Mi, et (A/Mi)est le dual alg´ebrique de A/Mi.
Remarquons que, pour tous iIet f(A/Mi),le noyau de pi,f
contient l’id´eal Mi.Montrons qu’il existe Jfini contenu dans I\{i0}tel que
Mi0contient TjJMj.Dans le cas contraire, pour toute partie finie Jde
I\{i0},il existe xJTjJMjtel que xJ6∈ Mi0.On a alors Mi0+AxJ=A.
Donc, il existe aJAet mJMi0tel que e=mJ+aJxJ. Or la suite
g´en´eralis´ee (aJxJ)Jconverge vers z´ero, et donc la suite (mJ)Jconverge
vers e, ce qui est impossible vu que Mi0est ferm´e.
Ainsi, il existe Jfini contenu dans I\{i0}tel que Mi0contient TjJMj.
Par suite, il existe jJtel que Mi0=Mj, ce qui ne peut ˆetre le cas.
Donc n´ecessairement Lest non nul. De plus, on a Mi0L={0}.Comme
Aest semi-simple, il existe un id´eal premier minimal Pde Ane contenant
pas L; l’id´eal Pcontient alors Mi0et par suite P=Mi0.On conclut par
[7, corollaire, p. 106]. Finalement, Iest fini et Aest isomorphe `a l’alg`ebre
produit QiIA/Mi.
ef´erences
[1] R. Arens, Dense inverse limit rings, Michigan Math. J. 5 (1958), 169–182.
[2] A. Arosio, Locally convex inductive limits of normed algebras, Rend. Sem. Mat. Univ.
Padova 51 (1974), 333–359.
[3] G. Carboni and A. Larotonda, An example of a Fechet algebra which is a principal
ideal domain, Studia Math. 138 (2000), 265–275.
[4] R. Choukri and A. El Kinani, Topological algebras with ascending or descending chain
condition, Arch. Math. (Basel) 72 (1999), 438–443.
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