L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 197–205 « HANDICAP PSYCHIQUE » NO 1 Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Michèle Koleck 1 , Antoinette Prouteau 1,2 , Christian Belio 3 , Yael Saada 1 , Karine Merceron 1 , Emmanuelle Dayre 3 , Jean-Marc Destaillats 2 , Catherine Barral 4 , Jean-Michel Mazaux 3 RÉSUMÉ Les modèles théoriques du handicap évoluent mais l’évaluation des restrictions de participation reste rare par manque d’outils compréhensifs. Nous avons créé un outil visant à décrire ces restrictions dans le handicap psychique ou cognitif en tenant compte de l’environnement. La G-MAP évalue les limitations d’activité (LA), les restrictions de participation (RP) et les facteurs environnementaux (FE : soutien social, attitudes, systèmes et politiques). Elle a été administrée à 4 groupes : traumatisme crânien, troubles schizophréniques, troubles bipolaires, témoins. Les premiers résultats de validation montrent la cohérence interne des facteurs LA et RP et la pertinence des FE dans l’évaluation des restrictions de participation. Mots clés : handicap psychique, traumatisme crânien, évaluation, environnement social, trouble cognitif, entretien ABSTRACT A new tool to measure participation and the environment in mental or cognitive impairment: the G-MAP. The theoretical models of disability are changing but the evaluation of participation restrictions is rare due to lack of comprehensive tools. We have created a tool to describe these restrictions in the psychic or cognitive disability taking into account environment. G-MAP assesses Activity Limitations (AL), Participation Restrictions (PR) and Environmental Factors (EF: social support, attitudes, systems and policies). It was administered to four groups: traumatic brain injury, schizophrenic disorders, bipolar disorders, witnesses. The first validation results show the internal consistency of factors AL and PR and the relevance of EF in the assessment of participation restrictions. doi:10.1684/ipe.2014.1176 Key words: Mental disability, skull injury, evaluation, social, cognitive disorder, care management 1 Laboratoire EA 4139 « Psychologie, santé et qualité de vie », Université de Bordeaux, 3 ter, place de la Victoire, 33076 Bordeaux cedex, France <[email protected]> 2 Centre hospitalier de Jonzac, Domaine des Fossés, St-Martial-de-Vitaterne, 17500 Jonzac, France 3 Laboratoire EA4136 « Handicap et système nerveux », Université de Bordeaux, Bât. Tastet Girard, CHU Pellegrin, place Amélie Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France 4 CTNRHI, 236 bis rue de Tolbiac, 75013 Paris, France Tirés à part : M. Koleck L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 197 Pour citer cet article : Koleck M, Prouteau A, Belio C, Saada Y, Merceron K, Dayre E, Destaillats JM, Barral C, Mazaux JM. Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP. L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 197-205 doi:10.1684/ipe.2014.1176 M. Koleck, et al. RESUMEN Una nueva herramienta para medir la participación y el entorno en la discapacidad psíquica o cognitiva: la G-MAP. Los modelos teóricos de discapacidad evolucionan pero la evaluación de las restricciones de participación sigue siendo escasa por falta de herramientas comprensivas. Hemos creado una herramienta que pretende describir estas restricciones dentro de la discapacidad psíquica o conflictiva tomando en cuenta el entorno. La G-MAP evalúa las Limitaciones de Actividad (LA), las Restricciones de Participación (RP) y los Factores del Entorno (FE : Apoyo social, actitudes, sistemas y políticas). Se aplicó a cuatro grupos: trauma craneal, trastornos esquizofrénicos, trastornos bipolares, testigos. Los primeros resultados de convalidación señalan la coherencia interna de los factores LA y RP y la pertinencia de los FE en la evaluación de las restricciones de participación. Palabras claves : discapacidad psíquica, trauma craneal, evaluación, entorno social, trastorno cognitivo, entrevista Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Contexte et objectif L’objectif de cet article est de présenter la G-MAP, grille de mesure de l’activité et de la participation, qui est un outil que nous avons construit pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap d’origine psychique ou cognitive [9]. La G-MAP est le résultat du travail d’un groupe pluridisciplinaire de chercheurs et de cliniciens composé de psychologues (neurospychologues et psychologues de la santé), d’ergothérapeutes, de médecins (de médecine physique et de réadaptation et psychiatre) et de sociologue. Nous sommes partis du constat que les représentations du handicap ont beaucoup évolué au cours de ces dernières années, notamment dans la loi française. Avec la loi du 11 février 2005, le handicap d’origine psychique et/ou cognitive de l’adulte est clairement défini comme les limitations d’activité et restrictions de la participation consécutives à des déficits du fonctionnement cognitif, et/ou du fonctionnement psychique. Avec cette évolution, les besoins d’évaluation de l’activité et de la participation se sont considérablement accrus. Pourtant, l’évaluation des restrictions de participation reste rare par manque d’outils compréhensifs [7]. C’est pour répondre à cette demande de pratique quotidienne que nous avons développé depuis 5 ans un outil d’évaluation de la participation en nous basant sur le modèle de la classification internationale du fonctionnement [6, 15]. Nous avons donc cherché un moyen d’évaluer les conséquences du trouble en termes de limitations d’activité, c’est-à-dire ce que la personne peut faire, et de restrictions de la participation, c’est-à-dire ce que la personne fait réellement (figure 1). Nous avons plus particulièrement cherché à comprendre Ce que l’on peut Limitations d’activité Déficiences - Incapacité à effectuer des tâches de la vie quotidienne - Troubles cognitifs - Déficits dans les compétences sociales Facteurs personnels Ce que l’on fait effectivement Restrictions de la participation - Dépendance - Isolement social Facteurs environnementaux Figure 1. Le modèle de la CIF. 198 L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 1 Nulle Totale 2 Insatisfait 1 Plutôt insatisfait 2 SSS 3 Pluôt satisfait 4 Satisfait 5 1 2 Att Les deux 3 Indifférent 4 Facilitateur 1 Obstacle 2 Spol Les deux 3 4 Indifférent SSD : soutien social disponibilité. SSS : soutien social satisfaction. Att : attitude. SPol : système politique. L. Activité : limitation d’activité. R. Participation : restriction de participation. Vie communautaire et civique Loisirs Productivité économique et sociale Relations interpersonnelles Vie domestique Soins personnels Partielle 0 Nombre de catégories SSD Moyennement satisfait Sévérité Facilitateur Environnementaux Obstacle L. Activité Nulle 0 Sévérité R Participation 1 Partielle Tableau 1. G-MAP, catégories et cotation. 2 Totale Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP 199 M. Koleck, et al. comment les facteurs environnementaux peuvent entrer en jeu en étant soit des obstacles, soit des facilitateurs de la participation. Par exemple, je suis tout à fait capable d’aller au cinéma (activité) mais, dans les faits, je n’y vais pas (restriction de la participation) pour diverses raisons (facteurs environnementaux) : le cinéma est trop éloigné de mon domicile, il n’y a pas de transports en commun, les horaires ne me conviennent pas, les tarifs sont trop élevés, j’ai peur des regards des autres dans la file d’attente, personne dans mon entourage ne peut m’accompagner au cinéma... À partir de là, notre objectif était de développer un outil permettant de décrire les restrictions de participation rencontrées dans le handicap psychique ou cognitif, en tenant compte des facteurs environnementaux. Tableau 2. Items de la G-MAP. Catégories Items 1 Alimentation Soins personnels 2 Hygiène 3 Prendre soin de sa santé 4 Vêtements, linge 5 Entretien, ménage Vie domestique 6 Déplacements extérieurs 7 Gestion du budget Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 8 Courses, achats 9 Parents, fratrie, enfants Création de la G-MAP 10 Couple, relations amoureuses Le groupe d’experts pluridisciplinaires de chercheurs et de cliniciens présenté plus haut a travaillé en collaboration avec des représentants des associations d’usagers (UNAFAM et UNAFTC) pour sélectionner les items de la grille, en se référant bien sûr au modèle systémique du handicap que représente la CIF et à partir d’une analyse critique de la littérature internationale. La G-MAP est composée de 24 items se regroupant dans 6 catégories : soins personnels, vie domestique, relations interpersonnelles, productivité économique et sociale, loisirs et vie communautaire et civique. Il nous a semblé important d’inclure dans cet outil une évaluation des facteurs environnementaux : le soutien social, les attitudes et les systèmes et politiques. La grille est présentée dans le tableau 1 : les 6 catégories figurent sur la gauche. La première et la dernière colonnes permettent d’évaluer les limitations d’activité et les restrictions de la participation pour chaque item. Elles sont cotées de 0 (qui indique que la personne ne présente aucune limite ou restriction) à 2 (qui indique que la personne souffre de limitation ou de restriction totales). Entre les deux, on trouve les facteurs environnementaux, c’est-à-dire le soutien social, les attitudes et les systèmes et politiques. Le soutien social perçu par le patient est évalué à la fois dans sa disponibilité (SSD) : « qui peut m’aider dans la situation à laquelle je suis confronté ? ». Si on reprend l’exemple du cinéma : qui peut me conseiller ou m’accompagner si je veux aller au cinéma ? On le cote en fonction du nombre de catégories citées de 0 (aucune catégorie : la personne estime qu’elle ne peut compter sur personne) à n (n sources de soutien sont citées : par exemple la famille, les amis, les professionnels). On évalue également la satisfaction par rapport au soutien social (SSS) : dans quelle mesure suis-je satisfait du soutien social que j’obtiens ? La cotation va de 1 pour « insatisfait » à 5 pour « satisfait ». La question de la satisfaction est systématiquement posée, y compris lorsque la personne indique qu’elle ne dispose pas de soutien. On trouve ensuite les attitudes, plus précisément la perception 200 Relations interpersonnelles 11 Sexualité 12 Amis 13 Connaissances 14 Inconnus 15A École, formation, études Productivité et sociale 15B Travail 16 Bénévolat 17 Ressources financières 18 D’intérieur (TV, cartes) Loisirs 19 D’extérieur (sports, promenades) 20 De groupe (restaurants, pétanque) 21 Vie associative Vie communautaire et civique 22 Spiritualité 23 Démarches administratives 24 Vote qu’a la personne des attitudes des autres : est-ce que les attitudes des autres facilitent ou non la participation ? Ce facteur est coté 1 pour facilitateur, 2 pour obstacle, 3 pour les deux (tantôt facilitateur, tantôt obstacle) et 4 pour indifférent. De la même façon, la perception des systèmes et politiques est aussi cotée dans leur aspect facilitateur ou obstacle : par exemple, si le cinéma est trop loin de chez moi, y a-t-il suffisamment de transports en commun pour que je puisse y aller ? Existe-t-il des aides, comme des tarifs réduits, pour me permettre d’aller au cinéma quand je le souhaite ? L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 3. Description de la population étudiée. N Âge Statut marital Trouble schizophrénique 15 8 H/7 F 22 à 61 ans m = 42,8 = 11,9 14 célibataires (93 %) 1 en couple Traumatisme crânien 16 14 H /2F 18 à 57 ans m = 31,6 =10,2 12 célibataires (75 %) 4 en couple Trouble bipolaire 30 9 H/21 F 28 à 63 ans m = 49,1 = 8,7 14 célibataires (46,6 %) 16 en couple Témoin sain 29 9 H/20 F 23 à 58 ans m = 35,4 = 10,2 11 célibataires (37,9 %) 18 en couple Les 24 items de la grille sont présentés de façon plus détaillée dans le tableau 2. La G-MAP est complétée au cours d’un entretien semidirigé de 2 h 30 environ basé sur un guide d’entretien. Pour chaque item, on commence par une rapide présentation de l’item concerné, puis on pose des questions permettant de renseigner les limitations d’activité et les restrictions de la participation. La cotation est effectuée par l’interviewer sur la base des réponses du sujet. Le guide continue en proposant des questions relatives aux facteurs environnementaux. Ceux-ci sont cotés directement par le sujet. Premiers résultats de la G-MAP Les premiers résultats obtenus avec la G-MAP concernent sa consistance interne et des comparaisons de groupes cliniques. À ce jour, nous avons administré la G-MAP à 90 personnes : 3 groupes cliniques (16 patients traumatisés crâniens, 15 patients présentant des troubles schizophréniques ou des troubles schizo-affectifs selon les critères du DSM-IV-TR et 30 patients présentant des troubles bipolaires) et un groupe témoin composé de 29 sujets exempts de pathologie. Les patients traumatisés crâniens se situent à distance du traumatisme et sont dans une phase de réinsertion professionnelle. Les patients présentant des troubles schizophréniques ou bipolaires étaient stables du point de vue clinique lors de la passation de la grille. Les deux premiers groupes sont composés majoritairement d’hommes célibataires (tableau 3), ce qui est concordant avec les données de la littérature notamment pour les patients présentant des troubles schizophréniques [3, 12]. Dans les deux autres groupes, les femmes sont plus représentées et la proportion de personnes vivant en couple est plus importante. Dans un premier temps, nous avons testé la consistance interne de la G-MAP en calculant les alphas de Cronbach pour les limitations d’activité et les restrictions de la participation (tableau 4). Les alphas calculés sur l’ensemble des items de la grille sont relativement élevés (0,89) aussi bien pour les limitations d’activité que pour les restrictions de participation. Les items de la grille sont donc bien homogènes entre eux pour l’activité comme pour la participation. Si on s’intéresse aux catégories, les alphas sont également satisfaisants sauf pour les limitations d’activité des loisirs et de la vie communautaire et civique et les restrictions de participation de la productivité économique et sociale et de la vie communautaire et civique. Dans un deuxième temps, nous avons comparé les quatre groupes interrogés sur les différents facteurs de la GMAP. La figure 2 montre que les limitations d’activité ne concernent presque exclusivement que les groupes cliniques, les témoins ne font état de limitations d’activité que dans la vie communautaire et civique et les relations interpersonnelles. On constate que ce sont les patients présentant des troubles schizophréniques qui présentent Tableau 4. Alphas de Cronbach pour la totalité des items et les 6 catégories. Alpha de Cronbach Limitations d'activité LA. Soins personnels LA. Vie domestique LA. Relations interpersonnelles LA. Productivité économique et sociale LA. Loisirs LA. Vie communautaire et civique 0,89 0,63 0,78 0,66 0,80 0,50 0,40 Restriction de participation RP. Soins personnels RP. Vie domestique RP. Relations interpersonnelles RP. Productivité économique et sociale RP. Loisirs RP. Vie communautaire et civique 0,89 0,77 0,75 0,72 0,30 0,73 0,17 L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 201 M. Koleck, et al. 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 Traumatisme crânien rs Trouble bipolaire Vi ec om m un au ta ire Lo isi Pr od uc tiv ité Re la tio ns in te rp er so nn el le s Vi ed om es tiq ue So in sp er Schizophrénie Témoins sains Figure 2. Scores moyens de limitations d’activité dans les 4 groupes interrogés. (Cotation : 0 = aucune limitation à 2 = limitation totale.) 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 od Pr Vi ec om m un au ta ire uc tiv ne on er s Re la tio ns in te rp Lo isi rs ité s lle Vi ed om es tiq ue in sp er s on ne ls 0 So Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. so nn el s 0 Schizophrénie Traumatisme crânien Trouble bipolaire Témoins sains Figure 3. Scores moyens de restrictions de la participation dans les 4 groupes interrogés. (Cotation : 0 = aucune restriction à 2 = restriction totale.) les limitations d’activité les plus importantes dans toutes les catégories sauf la vie communautaire et civique. Ces résultats sont concordants avec les données issues de la littérature [7, 8]. On remarque, par contre, que les restrictions de la participation sont présentes aussi bien dans les 202 groupes cliniques que chez les témoins sains (figure 3). Les restrictions de la participation ne seraient donc pas uniquement liées à la présence de la pathologie. Là encore, ce sont les patients schizophrènes, mais aussi les patients traumatisés crâniens, qui sont le plus touchés dans leur L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP Soins personnels Relations interpersonnelles Vie communautaire et civique - + Vie domestique Loisirs Productivité économique et sociale participation et ceci pour toutes les catégories évaluées par la G-MAP. Ces résultats correspondent à ceux de la littérature [1, 4, 5, 7, 8, 10, 13]. Nous avons ensuite cherché à situer les 6 catégories selon l’importance des restrictions de la participation. On constate que l’on peut classer les restrictions de la participation selon un continuum qui va des catégories pour lesquelles on observe très peu de restrictions à celles où la restriction est très importante (figure 4). Pour tous les groupes, les soins personnels et la vie domestique, c’est-à-dire ce sur quoi on agit en clinique au jour le jour, sont les catégories les moins touchées tandis que, pour la vie communautaire et civique et la productivité économique et sociale, les restrictions de la participation sont très importantes. Il paraît donc important de porter les efforts sur ces dimensions dans nos actions auprès des patients. Nous nous sommes ensuite intéressés aux facteurs environnementaux évalués dans les groupes traumatisés crâniens (TC) et troubles schizophréniques (TS). En ce qui concerne la perception par le patient de la disponibilité du soutien social, on constate que les sources de soutien social sont plus variées dans le groupe TC que dans le groupe TS. Lorsqu’on leur demande sur qui ils peuvent compter pour les aider ou les conseiller dans les différents items de la grille, les patients traumatisés crâniens citent ainsi plus de catégories que les patients schizophrènes. Les catégories peuvent correspondre à la famille, aux amis, aux professionnels. . . On observe que les patients du groupe TC citent deux catégories de soutien disponibles pour 17 items de la grille alors que ce n’est le cas que pour 8 items chez les patients du groupe TS. Cela ne signifie pas que les patients schizophrènes bénéficient de moins de soutien de la part de leur entourage que les patients traumatisés crâniens mais ces résultats indiquent qu’ils perçoivent moins de soutien. On peut signaler également que la catégorie « professionnels » est plus fréquemment évoquée par le groupe TC, c’est-à-dire que les patients traumatisés crâniens citent plus souvent un professionnel (ergothérapeute, infirmière, médecin. . .) comme source de soutien possible que les patients schizophrènes. La figure 5 présente un exemple de réponses concernant la disponibilité du soutien social perçu pour l’item école, formation, études. Les résultats obtenus pour le facteur attitudes indiquent que le taux de réponses est élevé et que toutes les modalités de réponses (facilitateur, obstacle, les deux ou indiffé- 8 6 Effectif Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Figure 4. Classification des catégories en fonction des restrictions de la participation. 4 2 0 Aucune catégorie 1 catégorie 2 catégorie SSD-école/formation/études Groupe Schizophrènes Traumatisés crâniens Figure 5. Distribution du facteur environnemental « Disponibilité du soutien social (SSD) » pour l’item « École, formation, études ». rent) sont bien représentées, comme le souligne l’exemple présenté dans la figure 6. Il s’agit bien ici d’évaluer la perception que le sujet a des attitudes des autres : ces attitudes facilitent-elles ou non la participation ? Pour l’item présenté ici, on constate que les patients schizophrènes perçoivent davantage les attitudes des autres comme étant un obstacle aux relations avec la famille que les patients traumatisés crâniens qui les considèrent plus fréquemment comme mixtes (tantôt obstacle, tantôt facilitateur) ou indifférents. Les réponses fournies varient selon les items dans les deux groupes de patients. De la même façon, toutes les modalités de réponses sont représentées pour le facteur systèmes et politiques pour lequel la figure 7 fournit un exemple. Pour cet exemple, seul le groupe TS considère que les systèmes et politiques facilitent les démarches L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 203 M. Koleck, et al. 5 6 Effectif Effectif 4 3 4 2 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2 1 0 0 Facilitateur Obstacle Les cleux Indifférent Inapproprié Facilitateur ATT-parents/fratrie/enfants Les deux Indifférent Inapproprié Groupe Groupe Schizophrènes Obstacle SPol-démarches administratives Schizophrènes Traumatisés crâniens Traumatisés crâniens Figure 6. Distribution du facteur environnemental « Attitudes » pour l’item « Parents/enfants/fratrie ». Figure 7. Distribution du facteur environnemental « Systèmes et politiques » pour l’item « Démarches administratives ». administratives. Le groupe TC estime au contraire majoritairement que les systèmes et politiques constituent un obstacle pour les démarches administratives. On peut signaler que ce facteur est bien différent du facteur attitudes : les réponses données par les sujets, en termes d’obstacle ou de facilitateur pour un item donné, ne sont pas les mêmes pour les facteurs attitudes et systèmes et politiques. Les attitudes des autres et les systèmes et politiques ont donc un impact différent sur la participation. Finalement, on peut retenir des premières passations de la G-MAP que, pour les facteurs environnementaux, toutes les modalités de réponses sont bien représentées avec une variabilité en fonction des items. Ces facteurs apparaissent donc pertinents pour mettre à jour des différences entre les individus. Globalement, ces premiers résultats concernant les facteurs environnementaux vont dans le sens des données de la littérature qui soulignent que ces facteurs sont en relation avec la sévérité du handicap et modulent la participation des patients [2, 11, 14]. de cette recherche, nous développons actuellement des versions parallèles de la G-MAP à destination des proches et des soignants dans le but d’obtenir une évaluation multisource qui nous permettra d’avoir une vision plus complète des situations de handicap psychique. Pour cela, nous adaptons le guide d’entretien afin de pouvoir l’administrer à un proche du patient, ainsi qu’à un professionnel le connaissant bien. Nous avons également le projet de poursuivre la validation de la G-MAP sur plusieurs groupes cliniques comme nous avons commencé à le faire avec les 3 groupes présentés ici. Nos objectifs, avec la création de la G-MAP, sont, d’une part, de mieux connaître les situations de handicap psychique et, d’autre part, de mettre à jour des profils individuels de handicap grâce à l’évaluation des limitations d’activité et des restrictions de la participation en tenant compte du contexte dans lequel évolue le patient, contexte qui est encore trop souvent laissé de côté. Conclusions Les premiers résultats obtenus avec la G-MAP se révèlent encourageants aussi bien en termes de faisabilité que de validité. Nous avons débuté récemment une étude de validation multicentrique à laquelle participent plusieurs centres collaborateurs. Dans les prolongements 204 Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. Références 1. Dawson D, Schwartz M, Winocur G, Stuss D. Return to productivity after traumatic brain injury: cognitive, psychological, physical, spiritual and environmental correlates. Disabil Rehabil 2007 ; 29 : 301-13. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014 Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP 2. 3. 4. 5. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 6. 7. 8. 9. Destaillats JM, Mazaux JM, Belio C. Family distress after traumatic brain injury : a systemic approach. Acta Neuropsychologica 2004 ; 2 : 335-50. Gaite L, Vazquez-Barquero JL, Borra C, et al. Quality of life in patients with schizophrenia in five European countries: the EPSILON study. Acta Psychiatr Scand 2002 ; 105 : 283-92. Le Gall C, Lamothe G, Mazaux JM, et al. Programme d’aide à la réinsertion sociale et professionnelle de jeunes adultes cérébro-lésés : résultats à cinq ans du réseau UEROSAquitaine. Ann Réadapt Med Phys 2007 ; 50 : 5-13. McCrimmon S, Oddy M. Return to work following moderateto-severe traumatic brain injury. Brain Inj 2006 ; 20 : 103746. OMS. 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