la G-MAP - John Libbey Eurotext

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L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 197–205
« HANDICAP PSYCHIQUE » NO 1
Un nouvel outil pour mesurer la participation
et l’environnement dans le handicap psychique
ou cognitif : la G-MAP
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Michèle Koleck 1 , Antoinette Prouteau 1,2 , Christian Belio 3 , Yael Saada 1 ,
Karine Merceron 1 , Emmanuelle Dayre 3 , Jean-Marc Destaillats 2 ,
Catherine Barral 4 , Jean-Michel Mazaux 3
RÉSUMÉ
Les modèles théoriques du handicap évoluent mais l’évaluation des restrictions de participation reste rare par manque
d’outils compréhensifs. Nous avons créé un outil visant à décrire ces restrictions dans le handicap psychique ou cognitif en
tenant compte de l’environnement. La G-MAP évalue les limitations d’activité (LA), les restrictions de participation (RP)
et les facteurs environnementaux (FE : soutien social, attitudes, systèmes et politiques). Elle a été administrée à 4 groupes :
traumatisme crânien, troubles schizophréniques, troubles bipolaires, témoins. Les premiers résultats de validation montrent
la cohérence interne des facteurs LA et RP et la pertinence des FE dans l’évaluation des restrictions de participation.
Mots clés : handicap psychique, traumatisme crânien, évaluation, environnement social, trouble cognitif, entretien
ABSTRACT
A new tool to measure participation and the environment in mental or cognitive impairment: the G-MAP. The
theoretical models of disability are changing but the evaluation of participation restrictions is rare due to lack of comprehensive tools. We have created a tool to describe these restrictions in the psychic or cognitive disability taking into account
environment. G-MAP assesses Activity Limitations (AL), Participation Restrictions (PR) and Environmental Factors (EF:
social support, attitudes, systems and policies). It was administered to four groups: traumatic brain injury, schizophrenic
disorders, bipolar disorders, witnesses. The first validation results show the internal consistency of factors AL and PR and
the relevance of EF in the assessment of participation restrictions.
doi:10.1684/ipe.2014.1176
Key words: Mental disability, skull injury, evaluation, social, cognitive disorder, care management
1 Laboratoire EA 4139 « Psychologie, santé et qualité de vie », Université de Bordeaux, 3 ter, place de la Victoire, 33076 Bordeaux cedex, France
<[email protected]>
2 Centre hospitalier de Jonzac, Domaine des Fossés, St-Martial-de-Vitaterne, 17500 Jonzac, France
3 Laboratoire EA4136 « Handicap et système nerveux », Université de Bordeaux, Bât. Tastet Girard, CHU Pellegrin, place Amélie Raba-Léon, 33076
Bordeaux cedex, France
4 CTNRHI, 236 bis rue de Tolbiac, 75013 Paris, France
Tirés à part : M. Koleck
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014
197
Pour citer cet article : Koleck M, Prouteau A, Belio C, Saada Y, Merceron K, Dayre E, Destaillats JM, Barral C, Mazaux JM. Un nouvel outil pour mesurer la participation
et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP. L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 197-205 doi:10.1684/ipe.2014.1176
M. Koleck, et al.
RESUMEN
Una nueva herramienta para medir la participación y el entorno en la discapacidad psíquica o cognitiva: la G-MAP.
Los modelos teóricos de discapacidad evolucionan pero la evaluación de las restricciones de participación sigue siendo
escasa por falta de herramientas comprensivas. Hemos creado una herramienta que pretende describir estas restricciones
dentro de la discapacidad psíquica o conflictiva tomando en cuenta el entorno. La G-MAP evalúa las Limitaciones de
Actividad (LA), las Restricciones de Participación (RP) y los Factores del Entorno (FE : Apoyo social, actitudes, sistemas
y políticas). Se aplicó a cuatro grupos: trauma craneal, trastornos esquizofrénicos, trastornos bipolares, testigos. Los
primeros resultados de convalidación señalan la coherencia interna de los factores LA y RP y la pertinencia de los FE en
la evaluación de las restricciones de participación.
Palabras claves : discapacidad psíquica, trauma craneal, evaluación, entorno social, trastorno cognitivo, entrevista
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Contexte et objectif
L’objectif de cet article est de présenter la G-MAP,
grille de mesure de l’activité et de la participation, qui
est un outil que nous avons construit pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap d’origine
psychique ou cognitive [9]. La G-MAP est le résultat du
travail d’un groupe pluridisciplinaire de chercheurs et de
cliniciens composé de psychologues (neurospychologues
et psychologues de la santé), d’ergothérapeutes, de médecins (de médecine physique et de réadaptation et psychiatre)
et de sociologue. Nous sommes partis du constat que les
représentations du handicap ont beaucoup évolué au cours
de ces dernières années, notamment dans la loi française.
Avec la loi du 11 février 2005, le handicap d’origine psychique et/ou cognitive de l’adulte est clairement défini
comme les limitations d’activité et restrictions de la participation consécutives à des déficits du fonctionnement
cognitif, et/ou du fonctionnement psychique. Avec cette
évolution, les besoins d’évaluation de l’activité et de la
participation se sont considérablement accrus. Pourtant,
l’évaluation des restrictions de participation reste rare par
manque d’outils compréhensifs [7]. C’est pour répondre
à cette demande de pratique quotidienne que nous avons
développé depuis 5 ans un outil d’évaluation de la participation en nous basant sur le modèle de la classification
internationale du fonctionnement [6, 15]. Nous avons donc
cherché un moyen d’évaluer les conséquences du trouble
en termes de limitations d’activité, c’est-à-dire ce que la
personne peut faire, et de restrictions de la participation,
c’est-à-dire ce que la personne fait réellement (figure 1).
Nous avons plus particulièrement cherché à comprendre
Ce que
l’on peut
Limitations
d’activité
Déficiences
- Incapacité à effectuer
des tâches de la vie
quotidienne
- Troubles cognitifs
- Déficits dans les
compétences sociales
Facteurs
personnels
Ce que l’on fait
effectivement
Restrictions
de la
participation
- Dépendance
- Isolement social
Facteurs
environnementaux
Figure 1. Le modèle de la CIF.
198
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L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014
1
Nulle
Totale
2
Insatisfait
1
Plutôt insatisfait
2
SSS
3
Pluôt satisfait
4
Satisfait
5
1
2
Att
Les deux
3
Indifférent
4
Facilitateur
1
Obstacle
2
Spol
Les deux
3
4
Indifférent
SSD : soutien social disponibilité. SSS : soutien social satisfaction. Att : attitude. SPol : système politique. L. Activité : limitation d’activité. R. Participation : restriction de participation.
Vie communautaire
et civique
Loisirs
Productivité
économique
et sociale
Relations
interpersonnelles
Vie
domestique
Soins
personnels
Partielle
0
Nombre de catégories
SSD
Moyennement satisfait
Sévérité
Facilitateur
Environnementaux
Obstacle
L. Activité
Nulle
0
Sévérité
R Participation
1
Partielle
Tableau 1. G-MAP, catégories et cotation.
2
Totale
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Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP
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M. Koleck, et al.
comment les facteurs environnementaux peuvent entrer en
jeu en étant soit des obstacles, soit des facilitateurs de la
participation. Par exemple, je suis tout à fait capable d’aller
au cinéma (activité) mais, dans les faits, je n’y vais pas
(restriction de la participation) pour diverses raisons (facteurs environnementaux) : le cinéma est trop éloigné de
mon domicile, il n’y a pas de transports en commun, les
horaires ne me conviennent pas, les tarifs sont trop élevés, j’ai peur des regards des autres dans la file d’attente,
personne dans mon entourage ne peut m’accompagner au
cinéma... À partir de là, notre objectif était de développer
un outil permettant de décrire les restrictions de participation rencontrées dans le handicap psychique ou cognitif, en
tenant compte des facteurs environnementaux.
Tableau 2. Items de la G-MAP.
Catégories
Items
1 Alimentation
Soins personnels
2 Hygiène
3 Prendre soin de sa santé
4 Vêtements, linge
5 Entretien, ménage
Vie domestique
6 Déplacements extérieurs
7 Gestion du budget
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8 Courses, achats
9 Parents, fratrie, enfants
Création de la G-MAP
10 Couple, relations amoureuses
Le groupe d’experts pluridisciplinaires de chercheurs et
de cliniciens présenté plus haut a travaillé en collaboration
avec des représentants des associations d’usagers (UNAFAM et UNAFTC) pour sélectionner les items de la grille,
en se référant bien sûr au modèle systémique du handicap
que représente la CIF et à partir d’une analyse critique de
la littérature internationale. La G-MAP est composée de
24 items se regroupant dans 6 catégories : soins personnels,
vie domestique, relations interpersonnelles, productivité
économique et sociale, loisirs et vie communautaire et
civique. Il nous a semblé important d’inclure dans cet outil
une évaluation des facteurs environnementaux : le soutien
social, les attitudes et les systèmes et politiques. La grille
est présentée dans le tableau 1 : les 6 catégories figurent sur
la gauche. La première et la dernière colonnes permettent
d’évaluer les limitations d’activité et les restrictions de la
participation pour chaque item. Elles sont cotées de 0 (qui
indique que la personne ne présente aucune limite ou restriction) à 2 (qui indique que la personne souffre de limitation
ou de restriction totales). Entre les deux, on trouve les facteurs environnementaux, c’est-à-dire le soutien social, les
attitudes et les systèmes et politiques. Le soutien social
perçu par le patient est évalué à la fois dans sa disponibilité (SSD) : « qui peut m’aider dans la situation à laquelle
je suis confronté ? ». Si on reprend l’exemple du cinéma :
qui peut me conseiller ou m’accompagner si je veux aller
au cinéma ? On le cote en fonction du nombre de catégories
citées de 0 (aucune catégorie : la personne estime qu’elle
ne peut compter sur personne) à n (n sources de soutien
sont citées : par exemple la famille, les amis, les professionnels). On évalue également la satisfaction par rapport
au soutien social (SSS) : dans quelle mesure suis-je satisfait du soutien social que j’obtiens ? La cotation va de 1
pour « insatisfait » à 5 pour « satisfait ». La question de la
satisfaction est systématiquement posée, y compris lorsque
la personne indique qu’elle ne dispose pas de soutien. On
trouve ensuite les attitudes, plus précisément la perception
200
Relations
interpersonnelles
11 Sexualité
12 Amis
13 Connaissances
14 Inconnus
15A École, formation, études
Productivité
et sociale
15B Travail
16 Bénévolat
17 Ressources financières
18 D’intérieur (TV, cartes)
Loisirs
19 D’extérieur (sports, promenades)
20 De groupe (restaurants, pétanque)
21 Vie associative
Vie
communautaire
et civique
22 Spiritualité
23 Démarches administratives
24 Vote
qu’a la personne des attitudes des autres : est-ce que les
attitudes des autres facilitent ou non la participation ? Ce
facteur est coté 1 pour facilitateur, 2 pour obstacle, 3 pour
les deux (tantôt facilitateur, tantôt obstacle) et 4 pour indifférent. De la même façon, la perception des systèmes et
politiques est aussi cotée dans leur aspect facilitateur ou
obstacle : par exemple, si le cinéma est trop loin de chez
moi, y a-t-il suffisamment de transports en commun pour
que je puisse y aller ? Existe-t-il des aides, comme des
tarifs réduits, pour me permettre d’aller au cinéma quand
je le souhaite ?
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014
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Tableau 3. Description de la population étudiée.
N
Âge
Statut marital
Trouble schizophrénique
15
8 H/7 F
22 à 61 ans
m = 42,8
␴ = 11,9
14 célibataires (93 %)
1 en couple
Traumatisme crânien
16
14 H /2F
18 à 57 ans
m = 31,6
␴=10,2
12 célibataires (75 %)
4 en couple
Trouble bipolaire
30
9 H/21 F
28 à 63 ans
m = 49,1
␴ = 8,7
14 célibataires (46,6 %)
16 en couple
Témoin sain
29
9 H/20 F
23 à 58 ans
m = 35,4
␴ = 10,2
11 célibataires (37,9 %)
18 en couple
Les 24 items de la grille sont présentés de façon plus
détaillée dans le tableau 2.
La G-MAP est complétée au cours d’un entretien semidirigé de 2 h 30 environ basé sur un guide d’entretien. Pour
chaque item, on commence par une rapide présentation de
l’item concerné, puis on pose des questions permettant de
renseigner les limitations d’activité et les restrictions de la
participation. La cotation est effectuée par l’interviewer sur
la base des réponses du sujet. Le guide continue en proposant des questions relatives aux facteurs environnementaux.
Ceux-ci sont cotés directement par le sujet.
Premiers résultats de la G-MAP
Les premiers résultats obtenus avec la G-MAP
concernent sa consistance interne et des comparaisons de
groupes cliniques.
À ce jour, nous avons administré la G-MAP à 90 personnes : 3 groupes cliniques (16 patients traumatisés
crâniens, 15 patients présentant des troubles schizophréniques ou des troubles schizo-affectifs selon les critères du
DSM-IV-TR et 30 patients présentant des troubles bipolaires) et un groupe témoin composé de 29 sujets exempts
de pathologie. Les patients traumatisés crâniens se situent
à distance du traumatisme et sont dans une phase de réinsertion professionnelle. Les patients présentant des troubles
schizophréniques ou bipolaires étaient stables du point de
vue clinique lors de la passation de la grille. Les deux premiers groupes sont composés majoritairement d’hommes
célibataires (tableau 3), ce qui est concordant avec les données de la littérature notamment pour les patients présentant
des troubles schizophréniques [3, 12]. Dans les deux autres
groupes, les femmes sont plus représentées et la proportion
de personnes vivant en couple est plus importante.
Dans un premier temps, nous avons testé la consistance
interne de la G-MAP en calculant les alphas de Cronbach
pour les limitations d’activité et les restrictions de la participation (tableau 4). Les alphas calculés sur l’ensemble des
items de la grille sont relativement élevés (0,89) aussi bien
pour les limitations d’activité que pour les restrictions de
participation. Les items de la grille sont donc bien homogènes entre eux pour l’activité comme pour la participation.
Si on s’intéresse aux catégories, les alphas sont également
satisfaisants sauf pour les limitations d’activité des loisirs
et de la vie communautaire et civique et les restrictions de
participation de la productivité économique et sociale et de
la vie communautaire et civique.
Dans un deuxième temps, nous avons comparé les quatre
groupes interrogés sur les différents facteurs de la GMAP. La figure 2 montre que les limitations d’activité
ne concernent presque exclusivement que les groupes cliniques, les témoins ne font état de limitations d’activité
que dans la vie communautaire et civique et les relations
interpersonnelles. On constate que ce sont les patients
présentant des troubles schizophréniques qui présentent
Tableau 4. Alphas de Cronbach pour la totalité des items et les
6 catégories.
Alpha de Cronbach
Limitations d'activité
LA. Soins personnels
LA. Vie domestique
LA. Relations interpersonnelles
LA. Productivité économique et sociale
LA. Loisirs
LA. Vie communautaire et civique
0,89
0,63
0,78
0,66
0,80
0,50
0,40
Restriction de participation
RP. Soins personnels
RP. Vie domestique
RP. Relations interpersonnelles
RP. Productivité économique et sociale
RP. Loisirs
RP. Vie communautaire et civique
0,89
0,77
0,75
0,72
0,30
0,73
0,17
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M. Koleck, et al.
1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
Traumatisme crânien
rs
Trouble bipolaire
Vi
ec
om
m
un
au
ta
ire
Lo
isi
Pr
od
uc
tiv
ité
Re
la
tio
ns
in
te
rp
er
so
nn
el
le
s
Vi
ed
om
es
tiq
ue
So
in
sp
er
Schizophrénie
Témoins sains
Figure 2. Scores moyens de limitations d’activité dans les 4 groupes interrogés. (Cotation : 0 = aucune limitation à 2 = limitation totale.)
1.8
1.6
1.4
1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
od
Pr
Vi
ec
om
m
un
au
ta
ire
uc
tiv
ne
on
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s
Re
la
tio
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ls
0
So
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so
nn
el
s
0
Schizophrénie
Traumatisme crânien
Trouble bipolaire
Témoins sains
Figure 3. Scores moyens de restrictions de la participation dans les 4 groupes interrogés. (Cotation : 0 = aucune restriction à 2 = restriction totale.)
les limitations d’activité les plus importantes dans toutes
les catégories sauf la vie communautaire et civique. Ces
résultats sont concordants avec les données issues de la
littérature [7, 8]. On remarque, par contre, que les restrictions de la participation sont présentes aussi bien dans les
202
groupes cliniques que chez les témoins sains (figure 3). Les
restrictions de la participation ne seraient donc pas uniquement liées à la présence de la pathologie. Là encore,
ce sont les patients schizophrènes, mais aussi les patients
traumatisés crâniens, qui sont le plus touchés dans leur
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 3 - MARS 2014
Un nouvel outil pour mesurer la participation et l’environnement dans le handicap psychique ou cognitif : la G-MAP
Soins
personnels
Relations
interpersonnelles
Vie communautaire
et civique
-
+
Vie domestique
Loisirs
Productivité
économique et
sociale
participation et ceci pour toutes les catégories évaluées par
la G-MAP. Ces résultats correspondent à ceux de la littérature [1, 4, 5, 7, 8, 10, 13]. Nous avons ensuite cherché à
situer les 6 catégories selon l’importance des restrictions de
la participation. On constate que l’on peut classer les restrictions de la participation selon un continuum qui va des
catégories pour lesquelles on observe très peu de restrictions à celles où la restriction est très importante (figure 4).
Pour tous les groupes, les soins personnels et la vie domestique, c’est-à-dire ce sur quoi on agit en clinique au jour le
jour, sont les catégories les moins touchées tandis que, pour
la vie communautaire et civique et la productivité économique et sociale, les restrictions de la participation sont très
importantes. Il paraît donc important de porter les efforts
sur ces dimensions dans nos actions auprès des patients.
Nous nous sommes ensuite intéressés aux facteurs
environnementaux évalués dans les groupes traumatisés
crâniens (TC) et troubles schizophréniques (TS). En ce qui
concerne la perception par le patient de la disponibilité du
soutien social, on constate que les sources de soutien social
sont plus variées dans le groupe TC que dans le groupe
TS. Lorsqu’on leur demande sur qui ils peuvent compter
pour les aider ou les conseiller dans les différents items
de la grille, les patients traumatisés crâniens citent ainsi
plus de catégories que les patients schizophrènes. Les catégories peuvent correspondre à la famille, aux amis, aux
professionnels. . . On observe que les patients du groupe TC
citent deux catégories de soutien disponibles pour 17 items
de la grille alors que ce n’est le cas que pour 8 items chez
les patients du groupe TS. Cela ne signifie pas que les
patients schizophrènes bénéficient de moins de soutien de
la part de leur entourage que les patients traumatisés crâniens mais ces résultats indiquent qu’ils perçoivent moins
de soutien. On peut signaler également que la catégorie
« professionnels » est plus fréquemment évoquée par le
groupe TC, c’est-à-dire que les patients traumatisés crâniens citent plus souvent un professionnel (ergothérapeute,
infirmière, médecin. . .) comme source de soutien possible
que les patients schizophrènes. La figure 5 présente un
exemple de réponses concernant la disponibilité du soutien
social perçu pour l’item école, formation, études.
Les résultats obtenus pour le facteur attitudes indiquent
que le taux de réponses est élevé et que toutes les modalités
de réponses (facilitateur, obstacle, les deux ou indiffé-
8
6
Effectif
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Figure 4. Classification des catégories en fonction des restrictions de la participation.
4
2
0
Aucune
catégorie
1 catégorie
2 catégorie
SSD-école/formation/études
Groupe
Schizophrènes
Traumatisés crâniens
Figure 5. Distribution du facteur environnemental « Disponibilité du
soutien social (SSD) » pour l’item « École, formation, études ».
rent) sont bien représentées, comme le souligne l’exemple
présenté dans la figure 6. Il s’agit bien ici d’évaluer la
perception que le sujet a des attitudes des autres : ces attitudes facilitent-elles ou non la participation ? Pour l’item
présenté ici, on constate que les patients schizophrènes
perçoivent davantage les attitudes des autres comme étant
un obstacle aux relations avec la famille que les patients
traumatisés crâniens qui les considèrent plus fréquemment
comme mixtes (tantôt obstacle, tantôt facilitateur) ou indifférents. Les réponses fournies varient selon les items dans
les deux groupes de patients. De la même façon, toutes
les modalités de réponses sont représentées pour le facteur systèmes et politiques pour lequel la figure 7 fournit
un exemple. Pour cet exemple, seul le groupe TS considère que les systèmes et politiques facilitent les démarches
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5
6
Effectif
Effectif
4
3
4
2
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2
1
0
0
Facilitateur
Obstacle
Les cleux
Indifférent Inapproprié
Facilitateur
ATT-parents/fratrie/enfants
Les deux
Indifférent Inapproprié
Groupe
Groupe
Schizophrènes
Obstacle
SPol-démarches administratives
Schizophrènes
Traumatisés crâniens
Traumatisés crâniens
Figure 6. Distribution du facteur environnemental « Attitudes » pour
l’item « Parents/enfants/fratrie ».
Figure 7. Distribution du facteur environnemental « Systèmes et politiques » pour l’item « Démarches administratives ».
administratives. Le groupe TC estime au contraire majoritairement que les systèmes et politiques constituent un
obstacle pour les démarches administratives. On peut signaler que ce facteur est bien différent du facteur attitudes : les
réponses données par les sujets, en termes d’obstacle ou de
facilitateur pour un item donné, ne sont pas les mêmes pour
les facteurs attitudes et systèmes et politiques. Les attitudes
des autres et les systèmes et politiques ont donc un impact
différent sur la participation. Finalement, on peut retenir
des premières passations de la G-MAP que, pour les facteurs environnementaux, toutes les modalités de réponses
sont bien représentées avec une variabilité en fonction des
items. Ces facteurs apparaissent donc pertinents pour mettre
à jour des différences entre les individus. Globalement, ces
premiers résultats concernant les facteurs environnementaux vont dans le sens des données de la littérature qui
soulignent que ces facteurs sont en relation avec la sévérité du handicap et modulent la participation des patients
[2, 11, 14].
de cette recherche, nous développons actuellement des versions parallèles de la G-MAP à destination des proches et
des soignants dans le but d’obtenir une évaluation multisource qui nous permettra d’avoir une vision plus complète
des situations de handicap psychique. Pour cela, nous adaptons le guide d’entretien afin de pouvoir l’administrer à un
proche du patient, ainsi qu’à un professionnel le connaissant bien. Nous avons également le projet de poursuivre
la validation de la G-MAP sur plusieurs groupes cliniques
comme nous avons commencé à le faire avec les 3 groupes
présentés ici.
Nos objectifs, avec la création de la G-MAP, sont,
d’une part, de mieux connaître les situations de handicap
psychique et, d’autre part, de mettre à jour des profils individuels de handicap grâce à l’évaluation des limitations
d’activité et des restrictions de la participation en tenant
compte du contexte dans lequel évolue le patient, contexte
qui est encore trop souvent laissé de côté.
Conclusions
Les premiers résultats obtenus avec la G-MAP se
révèlent encourageants aussi bien en termes de faisabilité que de validité. Nous avons débuté récemment une
étude de validation multicentrique à laquelle participent
plusieurs centres collaborateurs. Dans les prolongements
204
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêt en rapport avec l’article.
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productivity after traumatic brain injury: cognitive, psychological, physical, spiritual and environmental correlates.
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