JARDIN Le kiwi ce fruit qui grimpe aux murs L’ actinidia, cette liane qui pousse à l’état spontané dans les forêts du centre de la Chine, ne fait partie du cortège des plantes cultivées que depuis moins d’un siècle. Une domestication qui ne lui a rien fait perdre de son tempérament escaladeur, puisqu’elle s’obstine toujours à s’accrocher aux arbres qui passent à sa portée. Je l’ai vue au sommet de grands poiriers, à plus de dix mètres de hauteur, qui cherchait encore à s’élever. PAS AUSSI FRILEUSE QU’ON LE DIT. Contrairement à une opinion encore répandue, c’est une plante rustique, qui supporte sans broncher des températures hivernales de - 20 °C. Les fortes gelées de 1985 ont d’ailleurs fait plus de dégâts sur les plantations Quasiment inconnue il y a vingt ans, la souris végétale, alias kiwi ou actinidia, est devenue un grand classique de nos vergers. Productif, vigoureux, très peu sensible aux maladies, c’est un des fruitiers les plus accessibles au jardinier débutant. N0 125 NOV./DÉC. 2000 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGE 31 A. BOSSE-PLATIÈRE JARDIN de kiwis du Roussillon, où le climat trop chaud du début de l’hiver n’avait pas permis un arrêt végétatif marqué, que dans le reste du pays. Bien qu’ayant besoin de chaleur en été, l’actinidia a gardé de ses origines forestières une prédilection pour les ambiances suffisamment humides et peu ventées. Plantez-le en situation abritée, de préférence à exposition est ou sudest. En dehors du Nord de la France ou de la montagne, ou une exposition chaude est nécessaire, évitez le plein sud et le sud-ouest, beaucoup trop ensoleillés. Malgré une floraison plutôt tardive, il demeure sensible au gel de printemps, qui peut en une nuit détruire tout espoir de récolte. On peut s’en protéger en couvrant la tonnelle où se trouvent les kiwis d’un voile de forçage, juste au moment de la floraison. La rapidité de croissance de la plante ne permet pas de conserver cette couverture plus longtemps. Le sol dans lequel on le plante doit être profond et frais, riche en humus. Attention à l’excès de calcaire, qui provoque la chlorose (jaunissement des feuilles, ralentissement de la croissance). 32 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGENOV./DÉC. 2000 N0 125 DE L’IMPORTANCE DE LA TAILLE. Dans les vergers de production, on compte en moyenne un plant mâle pour six plants femelles. Inutile de vous encombrer d’un tel harem en culture d’amateur. Un sujet femelle, flanqué de son indispensable compagnon, suffira largement aux besoins d’une famille. L’actinidia fait preuve d’une vigueur qu’on mesure mal à la vue du jeune plant gringalet, lové autour de son petit tuteur de bambou. Il faut pour le porter, ou plus exactement pour porter le couple, une grande pergola de cinq à six mètres de longueur, sur trois de largeur, soutenue par de solides poteaux de bois, d’au moins deux mètres cinquante en hauteur pour ne pas ressentir une impression d’écrasement. Dans ces conditions, l’ombrage d’une tonnelle de kiwi, avec ses larges feuilles vert sombre sous laquelle pendent des ribambelles de petits fruits bruns, est des plus agréables. L’actinidia pousse à toute allure et, arrivé à l’âge de dix ans, demande à être fermement tenu. La taille est indispensable, non pas pour la mise à fruit, qui se produit naturellement au bout de quatre à cinq ans, mais pour contenir la végétation exubérante. JARDIN Le kiwi C’est une plante dioïque, dans laquelle fleurs mâles et fleurs femelles sont portées par des pieds séparés. Chacun des sexes arbore en avril de grosses fleurs blanc crème qui rappellent les anémones, et qu’il n’est pas facile de différencier. Toutes les deux ont des étamines, mais celles des fleurs femelles sont stériles. Les fleurs mâles n’ont qu’un pistil atrophié très peu marqué, au centre de la corolle. Multipliez-le simplement Les sujets du commerce sont généralement greffés en écusson, sur des plants de semis. En culture d’amateur, on préfère le marcottage qui ne demande aucune connaissance particulière. Couchez en terre vers la fin juin une longue pousse de l’année, et enterrez-la sur une vingtaine de centimètres. Séparez du pied-mère au printemps, et repiquez en place ou dans un conteneur. A. P. Les variétés Étonnant kiwaï w ‘Abbot’ : petits fruits très parfumés, maturité fin octobre. Cette espèce voisine du kiwi, Actinidia arguta, produit de petits fruits à peau lisse, qui rappellent par la taille et par la saveur les groseilles à maquereau. Les fruits mûrissent en août-septembre et ne se conservent pas longtemps. Leur mode de culture est semblable à celui des kiwis, y compris pour ce qui est de la pollinisation. w ‘Bruno’ : fruits allongés ; très productive, c’est la variété la plus précoce. w ‘Hayward’ : la variété la plus cultivée. Très gros fruits, maturité début novembre. w ‘Monty’ : fruits de bon calibre, parfumés, maturité début novembre. w ‘Jenny’ : une variété qui mériterait d’être plus diffusée, car elle est autofertile. Un seul plant suffit donc à assurer la production. Les gestes à ne pas manquer w Plantation : apporter 3 à 4 pelletées de compost mûr dans le trou au moment d’installer le plant. w Prévoir un tuteurage solide, sur pergola. w Taille : en été, raccourcir les rameaux fruitiers ; en hiver, éclaircir en supprimant les rameaux les plus âgés. w Soins : en été, pailler, arroser régulièrement ; en hiver, apporter 4 à 5 pelletées de compost au pied. N0 125 NOV./DÉC. 2000 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGE 33 JARDIN En été, raccourcissez les rameaux fructifères, à quatre ou cinq feuilles au-delà du dernier fruit, et n’hésitez pas à supprimer complètement près de la moitié des nouvelles pousses, entre fin juin et début juillet. La taille d’hiver en sera grandement simplifiée. Éclaircissez l’enchevêtrement de la couronne en hiver, en supprimant les rameaux les plus âgés au ras de leur empattement. C’est un travail assez délicat, car il faut souvent détortiller la branche pour l’extraire du fouillis des ramifications. Surtout ne vous amusez pas à raccourcir toutes les pousses à trois ou quatre yeux, comme il est dit parfois. Vous seriez vite en face d’une masse inextricable. UNE PLANTE JAMAIS MALADE. De l’eau et de l’humus, voilà les besoins de l’actinidia. Chaque hiver apportez quatre ou cinq pelletées de compost au pied de l’arbre, et incorporez-les par griffage sur un rayon de deux à trois mètres autour du tronc. Couvrez en été avec de la paille ou du broyat végétal, ou des paillettes de lin. Et surtout ne négligez pas les arrosages en été, quand le temps devient chaud. Difficile de faire plus naturellement bio que l’actinidia. Avec lui l’objectif zéro traitement est des plus facile à atteindre. Ni les pucerons, ni les chenilles, ni les limaces ne trouvent à leur goût ses pousses hérissées de poils raides, ses feuilles coriaces et rêches. Seule la cochenille du mûrier s’en accommode, fort heureusement une petite guêpe prédatrice, Prospaltella berlosa, intervient naturellement pour limiter les pullulations. 34 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGENOV./DÉC. 2000 N0 125 Le pseudomonas siringea, provoqué par une bactérie, (taches rondes sur les feuilles et dessèchement des fleurs) n’apparaît que dans les sols mal drainés : il faut de l’eau au kiwi, mais pas d’humidité stagnante en hiver. LE TEMPS DE LA RÉCOLTE. Un sujet adulte produit plus de cinquante kilos de fruits, que l’on cueille d’octobre à novembre quand ils commencent à devenir moins durs. Dans les régions froides les feuilles peuvent être déjà tombées au moment de la récolte, c’est sans incidence sur la qualité des fruits. En revanche il faut impérativement les cueillir avant les gelées. Les kiwis continuent d’évoluer plusieurs semaines après récolte, avant d’atteindre leur pleine maturité. Ils se conservent environ trois mois dans un local frais, à condition de ne pas être mis en présence de pommes. Le gaz éthylène, dégagé par les pommes en train de mûrir, accélère la maturation des kiwis et réduit leur durée de conservation. Les kiwis font partie des fruits les plus riches en vitamine C, ils sont délicieux crus, simplement épluchés, dans les salades de fruits, les sorbets, ou les tartes. Ma recette fétiche ? Peler quatre kiwis, mettre dans un grand verre avec de l’eau et un peu de jus de pomme, et passer au mixer. Pour le petit déjeuner, ça vaut largement tous les jus d’orange du commerce. Alain Pontoppidan Technicien arboricole, Alain Pontoppidan est spécialisé dans la vulgarisation et la formation. Il est l’auteur de deux livres sur la taille aux éditions terre vivante.