Les conclusions restent cependant prudentes dans la me-
sure des faibles cohortes et du poids des interactions avec
le parent malade [22].
Des différences existent ainsi entre les modèles, selon
l’importance accordée à la séparation, au processus nor-
mal de maturation, à la réponse affective de base à l’éla-
boration psychique ou au modèle éthologique.
Description clinique de la dépression
de l’enfant
La clinique du trouble dépressif est fonction de la
maturation affective et cognitive de l’enfant et de la diffé-
renciation de son appareil psychique.
La tristesse, qui est un sentiment normal, n’est un
critère de définition de dépression qu’associée à des
symptômes secondaires comme l’inhibition ou des méca-
nismes défensifs comme l’état maniaque. On parle de
trouble dépressif lorsque celui-ci est durable (> à 2 semai-
nes) et qu’il interfère avec le fonctionnement familial et
social.
La symptomatologie est à recueillir auprès de l’enfant
mais aussi de son entourage.
Le trouble dépressif majeur
Il marque une rupture par rapport à un état antérieur.
Véritable « noyau dur » de la dépression, il associe : hu-
meur dépressive, ralentissement psychomoteur, inhibition
intellectuelle et troubles somatiques.
Habituellement, l’enfant éprouve un sentiment d’en-
nui, d’infériorité, d’échec, ainsi qu’un moindre intérêt
pour ses activités habituelles. Il s’isole, devient fatigable,
souvent irritable et agité. Sa tristesse est durable, sa mimi-
que pauvre avec des pleurs pour des motifs futils. Son
rendement scolaire ralentit. Les plaintes somatiques
concernent plutôt le sommeil que l’alimentation. La cul-
pabilité est excessive et inappropriée et les idées suicidai-
res sont toujours à rechercher.
La tristesse ou l’humeur dépressive n’est en général pas
exprimée même quand elle existe ; elle est remplacée par
un visage souvent sérieux ou un air absent, les traits de la
physionomie étant peu mobiles. L’enfant, irritable, est
généralement qualifié de « méchant, coléreux ou ner-
veux » ou encore les parents disent de lui : « Il n’est jamais
content, il n’est jamais d’accord, il dit toujours non, on ne
peut jamais lui faire plaisir. »
La perte d’intérêt et de plaisir devient de plus en plus
évidente avec l’âge de l’enfant mais plus celui-ci est jeune,
plus l’irritabilité et la décharge pulsionnelle s’expriment
dans des jeux où l’excitabilité devient débordante et ou
l’épuisement est recherché ; « il s’énerve pour un rien »,
disent les parents. Ils se plaignent encore qu’« il ne peut
pas rester en place », expression habituelle de l’agitation
ou de l’instabilité.
Quant au sentiment d’indignité, de dévalorisation, de
perte d’estime de soi, il se traduit chez l’enfant par les
expressions « je suis nul, j’y arrive pas, je suis bon à rien ».
Des expressions comme « mes parents ne m’aiment pas »
montrent le sentiment de dévalorisation et de culpabilité.
L’expression consciente du sentiment de culpabilité prend
volontiers la forme de « je suis méchant »,« je suis pas
gentil avec mes parents » mais peut aussi s’exprimer direc-
tement par « c’est de ma faute ».
La difficulté à penser, à être attentif au travail et à se
concentrer entraîne souvent une fuite, un évitement ou un
refus du travail scolaire, appelé volontiers « paresse » par
les parents mais aussi par l’enfant lui-même, et aboutissant
à l’échec scolaire. Dans quelques cas, l’enfant passe au
contraire de longues heures, tous les soirs, sur ses livres et
cahiers mais il est incapable d’apprendre et plus encore de
mémoriser.
Parmi les troubles de l’appétit, plutôt un comporte-
ment anorectique dans la petite enfance et un comporte-
ment de boulimie ou de grignotage chez le grand enfant
ou le préadolescent. Le sommeil est plutôt marqué par des
oppositions au coucher qui amplifient le conflit avec les
parents qui peuvent susciter des mesures punitives et
accentuent l’irritabilité des uns et des autres. Les cauche-
mars participent de la composante anxieuse de même que
les peurs fréquentes, en particulier celles d’accidents chez
les parents. Maux de ventre et maux de tête fréquents sont
la jonction des problématiques anxieuse et dépressive.
Il n’est pas rare que les idées de mort ou de suicide
soient exprimées par une lettre écrite aux parents dans
laquelle l’enfant déclare « qu’il n’est pas aimé et qu’il va
mourir ou se tuer ». Cette lettre ou cet aveu a souvent été
le motif déclenchant la consultation.
Quand l’enfant déprimé est seul avec le consultant, il
répète volontiers en particulier devant la feuille blanche :
« je sais pas »,« j’y arrive pas », etc. L’ébauche d’un
dessin s’accompagne souvent de commentaires négatifs :
« c’est raté, c’est pas bien, c’est pas beau ». On note une
sensibilité exacerbée aux imperfections ou aux objets
cassés : « c’est cassé ».
Et bien entendu la thématique de l’échec, de l’incapa-
cité à réaliser le dessin, la tâche, le jeu entrepris, reste au
premier plan.
Ces constatations avec l’enfant seul renforcent les don-
nées de l’entretien avec les parents et confirment la pro-
babilité diagnostique.
Le trouble dysthymique
Ce trouble chronique de l’humeur à type d’humeur
dépressive ou d’irritabilité (DSM-IV) est présent la majorité
du temps pendant au moins une année [1].
La symptomatologie reste cependant assez peu dis-
tincte de la dépression majeure et réunit, outre l’humeur
dépressive, deux critères minimum parmi les 6 suivants :
La dépression de l’enfant
mt pédiatrie, vol. 11, n° 2, mars-avril 2008
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