Universit´e Denis Diderot (Paris VII) 16 septembre 2012
Pr´
eparation `
alAgr
´
egation Interne
Analyse-R´esum´es et exercices
1 Suites de nombres r´eels
Les nombres et les op´erations sur les nombres sont des objets que l’on rencontre bien sˆur tr`es tˆot en
math´ematiques. On rencontre d’abord les nombres entiers positifs, puis, comme ils sont insusants pour
la soustraction et la division, on est amen´e `a introduire les entiers relatifs puis les nombres rationnels.
Le corps Qdes nombres rationnels est insusant : il manque des points qui auraient dˆu y ˆetre : Q
n’est pas complet... On est ainsi amen´e `a introduire le corps Rdes nombres r´eels. On n’aura pas tout
`a fait fini puisque des id´ees d’alg`ebre et g´eom´etrie nous conduiront ensuite `a construire le corps Cdes
nombres complexes.
Un nombre r´eel peut ˆetre donn´e comme solution d’une ´equation plus ou moins simple :
2 est solution de l’´equation x2=2;
πde l’´equation sin x= 0...
Par contre tout nombre r´eel est limite d’une suite de nombres rationnels.
Ainsi, on peut construire Rcomme l’ensemble des limites de nombres rationnels (Qest dense dans R).
Cette id´ee se r´ealise de la fa¸con suivante.
on sait quand une suite de nombres rationnels devrait avoir une limite : cela a lieu si et seulement si
c’est une suite de Cauchy.
on sait quand deux suites de nombres rationnels devrait avoir la mˆeme limite : cela a lieu si et
seulement si leur di´erence tend vers 0.
La construction math´ematique est alors la suivante. On note Cl’ensemble des suites de Cauchy de
nombres rationnels (c’est un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel QNdes suites de nombres ra-
tionnels) ; sur Con d´efinit une relation Ren ´ecrivant
(un)R(vn)⇐⇒ lim
n→∞(unvn)=0.
On d´emontre que Rest une relation d’´equivalence et on d´efinit Rcomme le quotient d’´equivalence
C/R. Il reste alors `a d´efinir les op´erations (addition, multiplication, relation d’ordre )surR, plonger
Qdans R...
Une autre fa¸con de concevoir Rest de choisir pour chaque nombre r´eel une une suite de nombres
rationnels convergeant vers ce nombre. Par exemple, comme notre fa¸con de compter est bas´ee sur
le nombre 10, un nombre r´eel est limite de la suite de ses d´eveloppements d´ecimaux. On aurait pu
´evidemment choisir un d´eveloppement en base bpour un entier b2 quelconque... Mais comme nos
mains nous orent dix doigts, c’est le nombre dix qui a ´et´e choisi !
1.1 D´eveloppement d´ecimal des nombres r´eels
´
Ecriture d´ecimale des nombres entiers positifs. Pour d´ecrire les nombres entiers, on pourrait
imaginer :
utiliser un symbole di´erent pour chaque nombre - cela est ´evidemment impossible : il faudrait une
infinit´e de symboles di´erents...
1
mettre une barre pour chaque entier - cette m´ethode est utilis´ee lors de d´epouillements de scrutins
et certaines rencontres sportives ; on regroupe alors par paquets de cinq ou de dix ; cependant, pour
des nombres moyennement grands, cette m´ethode est fastidieuse tant `a l’´ecriture qu’`a la lecture.
L’´ecriture d´ecimale permet avec dix symboles de pouvoir exprimer de fa¸con relativement compacte
n’importe quel nombre entier.
Nous ne rappelons pas ici le principe de cette ´ecriture, ni les algorithmes des op´erations dans cette
´ecriture. Rappelons par contre les tests de division que cette ´ecriture permet.
Division par 10n.Un nombre entier est divisible par 10nsi et seulement si les nderniers chires de
son ´ecriture d´ecimale sont nuls. Le reste d’un nombre entier dans la division par 10nest le nombre
obtenu en conservant les nderniers chires de son ´ecriture d´ecimale. On en d´eduit qu’un nombre est
divisible par 2n(ou 5n) si et seulement si le nombre obtenu en conservant les nderniers chires de son
´ecriture d´ecimale l’est.
Division par 3, par 9.Tout nombre entier est congru modulo 9, donc modulo 3 `a la somme de ses
chires (dans l’´ecriture d´ecimale) : c’est la base de la preuve par 9.En eet 10 est congru `a 1 modulo
9, donc 10kest congru `a 1 modulo 9 pour tout kN, donc
n
k=0
ak10kest congru modulo 9 `a
n
k=0
ak.
Division par 11.Remarquons que 10 est congru `a 1 modulo 11, donc 10
kest congru `a (1)kmodulo
11 pour tout kN.Onend´eduitque
n
k=0
ak10kest congru modulo 11 `a
n
k=0
(1)kak. On trouve ainsi
facilement le reste modulo 11 d’un nombre entier.
Nombres d´ecimaux - approximation d´ecimale des nombres r´eels
D´efinition. Un nombre xRest dit ecimal s’il existe mZet nNtel que x=m10n.En
particulier, un nombre d´ecimal est rationnel.
Approximation d´ecimale. Soient xRet nN.Posonspn=E(10nx)(o`uEd´esigne la partie
enti`ere), an=10
npnet bn=10
n(pn+ 1), de sorte que pnZet anx<b
n.Lesnombresanet
bnsont d´ecimaux ; le nombre anest appel´e l’approximation d´ecimale par d´efaut de x`a l’ordre n.Si
x=an, on dit que bnest l’approximation d´ecimale par exc`es de x`a l’ordre n.
Comme 10pn10n+1x<10(pn+ 1), il vient 10pnpn+1 <10(pn+ 1) ; en particulier, la suite (an)est
croissante ; et puisque pn+1 <10pn,ilvientpn+1 +110(pn+ 1), donc la suite (bn)estd´ecroissante.
Enfin bnan=10
n,donclessuites(an)et(bn)sontadjacentes;puisquepourtoutnon a anxbn,
la limite commune de ces deux suites est x.
Discutons quelques aspects de cette approximation d´ecimale :
Densit´e de Q.L’approximation d´ecimale nous permet d’´ecrire tout nombre r´eel comme limite d’une
suite de nombres d´ecimaux. En d’autres termes, les nombres d´ecimaux forment un sous-ensemble dense
de R;onend´eduita fortiori que Qest dense dans R.
D´eveloppement d´ecimal propre. a) Pour tout nN,lenombreentiercn=pn10pn1est
compris entre 0 et 9. C’est la n-i`eme d´ecimale de xapr`es la virgule. On a (par r´ecurrence sur n)
an=a0+
n
k=1
ck10ket, puisque xest la limite des ak,ilvient
x=a0+
+
k=1
ck10k.
2
Cette expression s’appelle le d´eveloppement d´ecimal propre de x. On obtient alors l’´ecriture
d´ecimale (infinie) de xsous la forme
x=a0,c
1c2c3...
b) Inversement, donnons-nous une suite (cn)nNde nombres entiers relatifs tels que pour n1on
ait 0 cn9. La s´erie (`a termes positifs) de terme g´en´eral (ck10k)k1est convergente car
major´ee par la s´erie g´eom´etrique 910
k.Posonsx=
+
k=0
ck10k.
Pour nN, le nombre qn=
n
k=0
ck10nkest entier et l’on a
+
k=n+1
ck10nk9
+
k=1
10k=1.
Cette in´egalit´e est stricte `a moins que ck=9pourtoutk>n.
Distinguons deux cas :
Si l’ensemble des ktels que ck= 9 est infini, le d´eveloppement d´ecimal propre de xest
x=
+
k=0
ck10k.
Supposons qu’`a partir d’un certain rang, tous les cksont ´egaux `a 9. Notons mNle plus
petit entier tel que ck= 9 pour tout k>m;posonsc
k=ckpour k<met c
m=1+cm.Le
eveloppement d´ecimal propre de xest
x=
m
k=0
c
k10k.
Dans ce dernier cas, l’expression x=
+
k=0
ck10k=
m
k=0
ck10k+
+
k=m+1
9.10ks’appelle le
d´eveloppement d´ecimal impropre de x.
Une bijection. Notons A=Z×{0,...,9}Nl’ensemble des suites (cn)nNde nombres entiers relatifs
tels que pour n1onait0cn9. Notons aussi AAl’ensemble des suites (cn) comportant une
infinit´e de termes distincts de 9. On a construit une application f:RAqui `a xRassocie son
d´eveloppement d´ecimal propre, et une application g:ARdonn´ee par g(cn)nN=
+
n=0
ck10k.
On a vu ci-dessus que gf=Id
R(1.1.a) et que fg(cn)nN=(cn)nNsi et seulement si (cn)nNA
(1.1.b). On en d´eduit que fet ginduisent par restriction des bijections r´eciproques l’une de l’autre
entre Ret A.
Th´eor`eme de Cantor. Le corps Rn’est pas d´enombrable.
D´emonstration. Il sut de d´emontrer que [0; 1[ n’est pas d´enombrable.
Soit f:N[0,1[ une application. D´efinissons alors le r´eel a=0,a
1a2...a
n...de la mani`ere suivante :
On chosit la premi`ere d´ecimale a1de adans l’ensemble {0,...,8}et distincte de la premi`ere d´ecimale
de f(1) ; on a donc a=f(1).
3
On choisit ensuite a2dans l’ensemble {0,...,8}et distinct de la deuxi`eme d´ecimale de f(2) ; donc
a=f(2).
Plus g´en´eralement, on choisit la n-i`eme d´ecimale ande adans l’ensemble {0,...,8}et distincte de
la n-i`eme ecimale de f(n); donc a=f(n).
Les d´ecimales de ane peuvent valoir 9, donc le d´eveloppement a=0,a
1a2... est le d´eveloppement
d´ecimal propre de a.Commea=f(n) pour tout nl’application fn’est pas surjective.
Remarque : d´eveloppement d´ecimal des nombres strictement n´egatifs. Pour les nombres r´eels
n´egatifs l’usage est d’´ecrire plutˆot x=|x|o`u l’on d´eveloppe |x|dans son ´ecriture d´ecimale. Ainsi, le
nombre πs’´ecrit 3,14159 ... plutˆot que (4),85840 ...
1.2 Cas des nombres rationnels
Soit aun nombre rationnel positif. Notons a=p
qson ´ecriture irr´eductible,i.e. avec pet qdes nombres
entiers premiers entre eux. Nous allons ´etudier le d´eveloppement d´ecimal de a:nousd´emontrerons
qu’il est p´eriodique et ´etudierons sa p´eriode en fonction du d´enominateur q.
a) Si les seuls diviseurs premiers de qsont 2 et 5, on ´ecrit q=2
k5. Alors 10maNo`u m=
max(k, ), de sorte que aest un nombre d´ecimal (avec mchires apr`es la virgule).
Inversement, si aest d´ecimal avec mchires apr`es la virgule, on a 10maN,desorteque
q|10m(puisque p
qest l’´ecriture irr´eductible de 10ma
10m), puis que qest de la forme 2k5avec
kmet m.Enn,siaposs`ede exactement mchires apr`es la virgule, 10m1a∈ N, donc
m= max(k, ).
b) Supposons que le d´enominateur qest premier avec 10 et q= 1. Notons p=dq +rla division
euclidienne de ppar qavec 1 rq1. Notons que r= 0 puisque pet qsont premiers entre
eux et q>1.
Comme qet 10 sont premiers entre eux, la classe de 10 est un ´el´ement du groupe (Z/qZ)
des ´el´ements inversibles de Z/qZ. Notons kl’ordre de 10 dans ce groupe. Il en r´esulte que
10k1[q], donc qdivise 10k1. Ecrivons alors 10k1=bq et enfin
a=d+br
10k1=d+br
+
n=1
10nk.
Remarquons que br < bq =10
k1. Notons br =
k
j=1
cj10kjson d´eveloppement d´ecimal
(autrement dit l’´ecriture d´ecimale de l’entier br est br =c1c2...c
k). On a alors a=d+
+
n=0
k
j=1
cj10(nk+j).Led´eveloppementd´ecimaldeaest donc a=d+
+
j=1
cj10jo`u l’on a
prolong´e les cjpar p´eriodicit´e, posant cj+nk =cj(pour nNet 1 jk). En d’autres
termes, le d´eveloppement d´ecimal de aest a=d, c1...c
kc1...c
k...;ilestp´eriodiqueapr`esla
virgule, et kest un multiple de sa p´eriode.
Inversement, si le d´eveloppement d´ecimal d’un nombre r´eel aest p´eriodique de p´eriode apr`es
la virgule, on a : a=d, c1...c
c1...c
...,cest-`a-dire:
a=d+
+
j=1
cj10j=d+
+
n=0
j=1
cj10(n+j)=d+
j=1
cj10j+
n=1
10n.
Enfin a=d+u
101o`u u=
j=1
cj10j, donc l’´ecriture irr´eductible de aest p
qo`u qest un
diviseur de 101. En particulier 10 et qsont premiers entre eux et l’ordre de 10 dans le groupe
(Z/qZ)divise .
4
c) Dans le cas g´en´eral, on ´ecrit q=2
k5qavec q>1 et premier avec 10. Posons m= max(k, ).
Alors l’´ecriture irr´eductible de 10maest de la forme p
qde sorte que l’´ecriture d´ecimale de aest
p´eriodique `a partir de la m+ 1-`eme d´ecimale apr`es la virgule de p´eriode ko`u kest l’ordre de 10
dans le groupe (Z/qZ).
On a donc d´emontr´e :
Th´eor`eme. Le d´eveloppement d´ecimal d’un nombre r´eel est fini ou p´eriodique (`a partir d’un certain
rang) si et seulement s’il est rationnel.
Soit a=p
2k5qun nombre rationnel avec k, Net qpremier avec 10p. Posons m= max(k, ).
a) Le d´eveloppement d´ecimal de aest fini si et seulement si q=1.
b) Si q=1, le d´eveloppement d´ecimal de aest p´eriodique `a partir du m+1-`eme chire apr`es la
virgule et sa p´eriode est l’ordre de 10 dans le groupe (Z/qZ).
Remarque. On peur remplacer le d´eveloppement d´ecimal par le d´eveloppement en base bo`u best un
nombre entier 2 quelconque. On pourra ainsi ´ecrire :
tout nombre entier positif A(de mani`ere unique) sous la forme A=
N
k=0
akbkavec NNet, pour
tout i{0,...,N},ai{0,...,b1};cettesuite(ai)sappelleled´eveloppementenbasebde
l’entier A.
tout nombre r´eel positif Acomme somme d’une s´erie A=
+
k=0
akbkavec a0Net, pour i1,
ai{0,...,b1}, avec unicit´e si l’on impose que l’ensemble des iNtels que ai=b1 est infini.
La suite (ai)sappellealorsled´eveloppementenbasebpropre du nombre r´eel A.
Le d´eveloppement en base bd’un nombre r´eel est fini ou p´eriodique (`a partir d’un certain rang) si et
seulement s’il est rationnel.
Soit Aun nombre rationnel et ´ecrivons A=p
mq o`u p, m, q Nsont deux `a deux premiers entre eux,
qest premier avec bet mdivise une puissance bkde b.
a) Le d´eveloppement en base bde aest fini (i.e. ai= 0 `a partir d’un certain rang) si et seulement
si q=1.
b) Si q= 1, le d´eveloppement en base bde aest p´eriodique `a partir du rang k+1 etsa p´eriode
est l’ordre de bdans le groupe (Z/qZ).
Remarque. On a vu que Qest dense dans R. Soit πun nombre irrationnel. On en d´eduit que RQ,
qui contient Q+π,estdensedansR.
L’ensemble Q[X]despolynˆomes`acoecients rationnels est d´enombrable. Chaque polynˆome `a un
nombre fini de racines dans C.Onend´eduitquelensembleAdes ´el´ements alg´ebriques, r´eunion sur
PQ[X] (non nul) de l’ensemble des racines de Pest une partie d´enombrable de C.LensembleAR
des nombres r´eels alg´ebriques est aussi d´enombrable. Son compl´ementaire, l’ensemble des nombres
transcendants n’est donc pas d´enombrable.
Nous exhiberons en exercice des nombres transcendants (les nombres de Liouville).
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