Il est possible de concilier une meilleur protection des travailleurs

GILBERT CETTE
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Refondation du droit social : concilier protection des travailleurs, sécurisation des parcours
professionnels et efficacité économique
Petit-déjeuner conférence du 29 mars 2011
Proposition : redonner aux salariés et aux employeurs la possibilité de définir par contrat les
règles qui régissent leurs rapports collectifs plutôt que de les y contraindre par la loi
redynamiserait l’ensemble des relations sociales.
L’étude et les propositions présentés par Gilbert Cette, lors du petit déjeuner conférence de
la Fonda le 29 mars 2011, visent à démontrer qu’il est possible de concilier une meilleur
protection des travailleurs, une sécurisation des parcours professionnels et l’efficacité
économique. Partant du constat que notre droit social français est essentiellement
réglementaire, ce qui induit un certain nombre d’inconvénients (rigidité, inquiétude,
faiblesse syndicale...), il devient nécessaire de concevoir une stratégie de refondation qui
passe par le renforcement de la négociation collective et du rôle des partenaires sociaux.
La proposition principale consiste donc à étendre une pratique existante mais circonscrite
jusqu’ici. Donner aux acteurs la possibilité de définir leurs règles du jeu, dans certaines
limites définies et dans la mesure où celles-ci ne contreviennent pas aux règles publiques, de
faire primer leurs accords contractuels sur le cadre réglementaire en vigueur.
Dans la situation actuelle, une refondation du droit social est nécessaire, pourquoi ?
La situation actuelle de la France se caractérise par des rigidités de son marché du travail
pénalisantes pour les entrants (jeunes…) et les plus faibles et par de moindres performances
économiques. Par la mauvaise qualité de ses relations sociales, une défiance envers les
hiérarchies, le système est perçu comme peu protecteur par les salariés.
En cause le droit social actuel, essentiellement réglementaire et un code du travail qui s’est
complexifié (938 pages en 1974, 2548 pages en 2009), qui loin de protéger, génère une
grande insécurité, favorise les conflits plus que le respect de la loi, bride la négociation
collective, génère de mauvaises relations sociales et entraîne une faible syndicalisation (la
plus basse d’Europe), peu de recours à la médiation etc..
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Gilbert Cette est directeur des analyses microéconomiques et structurelles de la Banque de France et Professeur
d'économie associé à l'Université de la Méditerranée. Il vient de publier en collaboration avec Jacques
Barthelemy « Refonder le Droit social » (collection Poche CAE - La Documentation Française).
Quelle stratégie de refondation ?
L’accord collectif aurait comme principe de pouvoir déroger à toute disposition du code du
travail autre que d’ordre public. Cette primauté donnée au contractuel sur le réglementaire,
invite à une nouvelle définition de l’ordre public social en appui sur la tradition de civil law et
les dispositions déjà inscrites dans différentes lois (loi Larcher du 31 janvier 2007 faisant des
partenaires sociaux des prélégislateurs, lois du 4 mai 2004, relativisant le principe de faveur
entre accords de niveaux différents. Loi du 20 août 2008, redéfinissant la notion de
représentativité).
Ses limites s’inscrivent dans le cadre de l’ordre public social et du droit supra-national. Par
ailleurs, l’accord ne peut pas en outre aboutir à un coût pour la collectivité ni à une
dégradation de la situation des outsiders. Des accords de rangs supérieurs (par branches par
exemple) peuvent brider des accords de niveau inférieur.
La méthode
Elle consiste à utiliser pleinement la loi du 31 janvier 2007 en organisant la concertation des
partenaires sociaux de manière à déboucher sur des accords collectifs interprofessionnels ou
au besoin une loi et à décliner la primauté du contractuel sur le réglementaire dans tous les
domaines qui ne ressortent pas de l’ordre public social, le droit supra-national. En outre, les
accords ne peuvent pas aboutir ni à coût supplémentaire pour la collectivité, ou à une
dégradation de la situation des outsiders. En outre les accords de niveau supérieur peuvent
brider l’espace dérogatoire de rang inférieur.
Bénéfices espérés
Elle accroît la consistance juridique de la collectivité du personnel et donne aux partenaires
sociaux la maîtrise de la redéfinition de l’articulation entre contrat de travail et accord
collectif.
Bénéfices dans le domaine du règlement des conflits
Les avantages de cette réforme seraient de réduire les sanctions pénales, peu dissuasives,
d’accroître les sanctions administratives plus lourdes et plus rapides.
Egalement de développer le recours à la médiation dans les conflits et organiser l’arbitrage
par accord collectif.
Enfin d’ouvrir à une ingénierie des conflits collectifs qui aura pour effet de renforcer le rôle
des syndicats (sa représentativité effective, la syndicalisation).
Une meilleure sécurisation des parcours professionnels
Le glissement de la sécurisation des personnes à celle des emplois présente de nombreux
avantages et s’accompagne d’évolutions positives dans le droit social. La flex-sécurité qui en
découle présente des avantages : flexibilité pour l’employeur et libre choix pour le
travailleur.
Dans les pays de forte protection réglementaire, les salariés se sentent, et sont moins
protégés, les périodes de chômage sont plus longues ce qui altère l’employabilité.
Dans les périodes de crise, les économies, qui comme l’économie allemande, sont plus
souples détruisent moins d’emplois car elles peuvent facilement mettre en place des baisses
conventionnelles du temps de travail, chose impossible en France.
Intervention d’Yves Lichtenberger
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Quand l’employeur fait défaut, quelle protection peut vous apporter le juge ? Il faut arriver
à comprendre que la protection, si elle n’est que juridique, crée de l’inquiétude. « Les pays
les droits sont les plus protecteurs, sont ceux existent les plus grandes craintes pour
l’emploi ». Le système actuel amène salariés et employeurs à être constamment
déresponsabilisés, tournés vers le politique plutôt que confrontés. Entre l’efficacité
(entièrement du ressort de l’employeur en France) et la légitimité (du ressort de l’Etat) on
entend une dissociation très française entre l’économique et le social.
Dans cette proposition de faire des partenaires sociaux des pré-législateurs, il y a la volonté
de réinscrire la relation juridique comme condition du lien entre l’économique et le social.
L’ambition est de construire un droit social plus contractuel et moins réglementaire,
davantage initié par les partenaires sociaux et moins par le politique. Cette logique vise à
tablir un équilibre entre subordination et protection, même si elle ne change pas la
dissociation des droits et des devoirs, ni la subordination du salarié à qui le travail échappe.
Néanmoins, elle a pour inconvénient délude la question de la productivité et de la
répartition des fruits du travail.
Les rapports dans l’entreprise ont profondément changé. Les divisions ne sont plus entre la
conception et la réalisation, mais entre l’unité de production et le siège. Le salarié se tourne
vers sa hiérarchie directe, et non vers les syndicats quand il attend une amélioration de ses
conditions de travail. Il se sent proche du directeur d’établissement contre le siège. De
nouvelles divisions et de nouvelles solidarités se font jour, moins au sein d’un même statut
qu’avec (ou contre) ceux qui partagent ou ne partagent pas la même morale du travail, la
même vision du métier. L’intégrité physique et psychique devient un droit fondamental du
travail. La faiblesse de la consistance du collectif du travail, se produisent les richesses,
génère une fragilité que l’on n’arrive pas à reconstituer par du réglementaire.
Les syndicats sont perçus comme n’étant pas du côté du travail. « Ils ne nous comprennent
pas » entend-on, ils ne sont pas proche de la valeur du travail. » Il y a quelque chose qui
repousse le syndicalisme du côté du politique et de la règle. Aujourd’hui se repose la
question de la subordination. L’entreprise ne s’en sort pas si les salariés n’y mettent pas du
leur. Elle demande plus au salarié qui redevient partie prenante de la solidité de son emploi.
Mais est le syndicalisme qui permet à un salar de s’investir dans son travail sans se
soumettre ?
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Yves Lichtenberger, professeur de sociologie à l’Université de Marne-la-Vallée, chercheur au Latts.
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