Dans les pays de forte protection réglementaire, les salariés se sentent, et sont moins
protégés, les périodes de chômage sont plus longues ce qui altère l’employabilité.
Dans les périodes de crise, les économies, qui comme l’économie allemande, sont plus
souples détruisent moins d’emplois car elles peuvent facilement mettre en place des baisses
conventionnelles du temps de travail, chose impossible en France.
Intervention d’Yves Lichtenberger
Quand l’employeur fait défaut, quelle protection peut vous apporter le juge ? Il faut arriver
à comprendre que la protection, si elle n’est que juridique, crée de l’inquiétude. « Les pays
où les droits sont les plus protecteurs, sont ceux où existent les plus grandes craintes pour
l’emploi ». Le système actuel amène salariés et employeurs à être constamment
déresponsabilisés, tournés vers le politique plutôt que confrontés. Entre l’efficacité
(entièrement du ressort de l’employeur en France) et la légitimité (du ressort de l’Etat) on
entend une dissociation très française entre l’économique et le social.
Dans cette proposition de faire des partenaires sociaux des pré-législateurs, il y a la volonté
de réinscrire la relation juridique comme condition du lien entre l’économique et le social.
L’ambition est de construire un droit social plus contractuel et moins réglementaire,
davantage initié par les partenaires sociaux et moins par le politique. Cette logique vise à
rétablir un équilibre entre subordination et protection, même si elle ne change pas la
dissociation des droits et des devoirs, ni la subordination du salarié à qui le travail échappe.
Néanmoins, elle a pour inconvénient d’élude la question de la productivité et de la
répartition des fruits du travail.
Les rapports dans l’entreprise ont profondément changé. Les divisions ne sont plus entre la
conception et la réalisation, mais entre l’unité de production et le siège. Le salarié se tourne
vers sa hiérarchie directe, et non vers les syndicats quand il attend une amélioration de ses
conditions de travail. Il se sent proche du directeur d’établissement contre le siège. De
nouvelles divisions et de nouvelles solidarités se font jour, moins au sein d’un même statut
qu’avec (ou contre) ceux qui partagent ou ne partagent pas la même morale du travail, la
même vision du métier. L’intégrité physique et psychique devient un droit fondamental du
travail. La faiblesse de la consistance du collectif du travail, là où se produisent les richesses,
génère une fragilité que l’on n’arrive pas à reconstituer par du réglementaire.
Les syndicats sont perçus comme n’étant pas du côté du travail. « Ils ne nous comprennent
pas » entend-on, ils ne sont pas proche de la valeur du travail. » Il y a quelque chose qui
repousse le syndicalisme du côté du politique et de la règle. Aujourd’hui se repose la
question de la subordination. L’entreprise ne s’en sort pas si les salariés n’y mettent pas du
leur. Elle demande plus au salarié qui redevient partie prenante de la solidité de son emploi.
Mais où est le syndicalisme qui permet à un salarié de s’investir dans son travail sans se
soumettre ?
Yves Lichtenberger, professeur de sociologie à l’Université de Marne-la-Vallée, chercheur au Latts.