Chapitre 1
Convexité
1.1 Parties convexes d’un espace vectoriel réel
1.1.1 Barycentre
Définition 1.1 Soit nun entier non nul, soit (x1, . . . , xn)des éléments d’un espace vectoriel réel, soit
(α1, . . . , αn)des réels tels que Pn
k=1 αk6= 0. Il existe un unique élément gde Etel que
(
n
X
k=1
αk).g =
n
X
k=1
αk.xk
c’est l’élément
g=1
Pn
k=1 αk
.
n
X
k=1
αk.xk.
On l’appelle le barycentre des (x1, . . . , xn)affectés des poids (α1, . . . , αn).
Remarquons que les xine sont pas supposés distincts.
D’autre part, la notion de barycentre étant une notion affine, on parlera plutôt de points que de vecteurs
pour désigner les éléments de l’espace vectoriel.
Exemple 1.1 (L’isobarycentre) Si (x1, . . . , xn)sont des éléments d’un espace vectoriel (n1) leur
isobarycentre est le barycentre des (x1, . . . , xn)affectés de poids égaux (et non nuls) c’est-à-dire l’élément
1
n
n
X
k=1
xk.
Remarque 1.1 Si αest un réel non nul , le barycentre des (x1, . . . , xn)affectés des poids (λ1, . . . , λn)est
le même que celui des (x1, . . . , xn)affectés des poids (αλ1, . . . , αλn). En prenant α=1
Pn
k=1 λk
on peut
supposer que la somme des poids est égal à 1, sans perdre en généralité.
Remarque 1.2 Le programme ne propose pas de notation pour le barycentre.
Exemple 1.2 En Physique ou en Sciences Industrielles les éléments xiseront interprétés comme des
points matériels, les poids αide ces points étant leurs masses, plutôt notées mi.
Le barycentre du système de points pondérés ((x1, m1),...,(xn, mn)) s’appelle de centre de masse ou centre
de gravité de ce système de points. La notion de série ou d’intégrale permet d’étendre cette notion à une
famille infinie de points.
1
CHAPITRE 1. CONVEXITÉ 2
Exemple 1.3 On a vu en première année la notion d’espérance d’une variable aléatoire réelle Xdéfinie
sur un espace probabilisé fini. Elle est donnée par
E(X) = X
ω
P({ω})X(ω).
Puisque PωP({ω})=1, on reconnaît dans l’espérance le barycentre des (X(ω))ωaffectés des poids
(P({ω}))ω.
1.1.2 Partie convexe
Définition 1.2 Une partie Ad’un espace vectoriel réel est convexe si et seulement si :
(x, y)A2λ[0,1] (1 λ)x+λy A.
Dorénavant lorsqu’on parlera de la convexité/non-convexité d’une partie Ail sera sous-entendu qu’il s’agit
d’une partie d’un espace vectoriel réel.
Exemple 1.4 Tout sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel réel est convexe.
Exercice 1.1 Si φest une forme linéaire sur l’espace vectoriel réel Eet si aest un réel, les ensembles
{xE;φ(x)a}et {xE;φ(x)> a}sont des parties convexes. Si φest non nulle, on parle de
demi-espace fermé et ouvert.
Exemple 1.5 Les parties convexes de Rsont les intervalles.
En effet, si est un intervalle, si xet ysont dans I, avec xysans perte de généralité, si λest dans [0,1]
et si z= (1 λ)x+λy, alors xzydonc zest dans Ipar définition d’un intervalle.
Réciproquement soit Iune parte convexe (non vide) de R. On rappelle que Iest un intervalle si et seulement
si pour tout (x, y)de I2avec x<ytout zde Rtel que x<z<y appartient I.
Or un tel zpeut s’écrire
z=yz
yxx+zx
yxy= (1 λ)x+λy
avec λ=zx
yx[0,1].zappartient bien à Ipar convexité de I.
Cette écriture barycentrique d’un élément de Inous servira ultérieurement.
Proposition 1.1 Une partie Aest convexe si et seulement si tout barycentre poids positifs d’un système
d’éléments de Aest dans A.
La condition est suffisante car si λappartient à [0,1] et xet ysont dans Aalors (1 λ)x+λy est un
barycentre de xet yà coefficients positifs.
Pour établir la réciproque on montre par récurrence sur nque si Aest convexe, si (x1, . . . , xn)sont dans
A, si (λ1, . . . , λn)sont des réels dont la somme est non nulle alors le barycentre des (x1, . . . , xn)affectés
des poids (λ1, . . . , λn)est dans A.
Le résultat est vrai pour n= 1 car le barycentre de (x)affecté du poids (λ)avec λ6= 0 est x.
On le suppose vrai à l’ordre n1, avec n2. Soit (x1, . . . , xn)dans Anet (λ1, . . . , λn)dans R+navec
S=Pn
k=1 λk6= 0.
Deux cas ont possibles, si g=1
Pn
k=1 λk.Pn
k=1 λk.xkest le barycentre des (x1, . . . , xn)affectés des poids
(λ1, . . . , λn):
λn=SDans ce cas k[1, n 1] on aura λk= 0 (car tous les λi,1insont positifs). Par
conséquent g=xnest bien dans A.
CHAPITRE 1. CONVEXITÉ 3
λn6=SDans ce cas on peut écrire, car Pn1
k=1 λk=Sλn6= 0 :
g=1
S (Sλn)1
Pn1
k=1 λk
n1
X
k=1
λkxk+λnxn!.
Or
g0=1
Pn1
k=1 λk
n1
X
k=1
λkxk
est dans Apar hypothèse de récurrence, et ensuite
g=1
S((Sλn)g0+λnxn)
est dans Acar Aest convexe.
1.2 Fonctions convexes d’une variable réelle
1.2.1 Définition
Définition 1.3 Une fonction f:IRIest un intervalle de Rest convexe si et seulement si :
(x, y)I2λ[0,1] f((1 λ)x+λy)(1 λ)f(x) + λf (y).
Proposition 1.2 (Inégalité de Jensen) Si f:IRest une fonction convexe, si nest un entiers non
nul, (x1, . . . , xn)des points de I,(λ1, . . . , λn)des réels positifs de somme égale à 1alors :
f(
n
X
i=1
λixi)
n
X
i=1
λif(xi).
La condition est nécessaire car, pour n= 2, elle exprime la définition de la convexité de f.
Réciproquement, si fconvexe alors pour n= 1 le résultat est clair mais sans intérêt (λ1= 1!), pour n= 2
on retrouve la définition de la convexité.
On démontre alors le résultat par récurrence. On sait qu’il est vrai pour n= 1 (et n= 2). On le suppose
vrai à l’ordre n1,n2.
Soit (x1, . . . , xn)dans Anet (λ1, . . . , λn)dans R+navec Pn
k=1 λk6= 1.
La démonstration calque ensuite la démonstration de la sous-section précédente.
Deux cas ont possibles
λn= 1 Dans ce cas k[1, n 1] on aura λk= 0 (car tous les λi,1insont positifs). Par
conséquent f(Pn
k=1 λk.xk) = f(xn) = Pn
k=1 λkf(xk)et le résultat est vrai.
λn6= 1 Dans ce cas on peut écrire, car Pn1
k=1 λk= 1 λn6= 0 :
f(
n
X
k=1
λk.xk) = f (1 λn)1
Pn1
k=1 λk
n1
X
k=1
λkxk+λnxn!
(1 λn)f1
Pn1
k=1 λk
n1
X
k=1
λkxk+λnf(xn)
(1 λn)1
Pn1
k=1 λk
n1
X
k=1
λkf(xk)+λnf(xn)
n
X
k=1
λkf(xk)
CHAPITRE 1. CONVEXITÉ 4
La deuxième ligne résulte de la convexité de fqui s’applique ici car un intervalle étant convexe
1
Pn1
k=1 λkPn1
k=1 λkxkest dans Id’après la proposition 1.1. La troisième ligne découle de l’hypothèse
de récurrence.
Remarque 1.3 La définition d’une fonction convexe et la démonstration de l’inégalité de Jensen reste-
raient valable pour une fonction définie sur une partie convexe d’un espace vectoriel réel, mais le programme
a choisi de se limiter aux fonctions définies sur un intervalle réel.
1.2.2 Caractérisation
Proposition 1.3 (Convexité de l’épigraphe) Une fonction f:IRIest un intervalle de Rest
convexe si et seulement si son épigraphe est convexe.
On rappelle que l’épigraphe de fest l’ensemble
A={(x, y)I×R, y f(x)}.
Proposition 1.4 (Inégalité des pentes) La fonction f:IRest convexe si et seulement si :
(R1)(x, y, z)I3x < y < z f(y)f(x)
yxf(z)f(y)
zy.
On suppose fconvexe.
Soit x, y, z tels que x<y<z. On a vu dans l’exemple 1.5qu’on peut écrire y= (1 λ)x+λz avec
λ=yx
zx]0,1[.
Puisque fest convexe on en déduit :
f(y)(1 λ)f(x) + λf(z)
(1 λ)(f(y)f(x)) λ(f(z)f(y))
zy
zx(f(y)f(x)) yx
zx(f(z)f(y))
f(y)f(x)
yxf(z)f(y)
zy
Les simplifications sont compatibles avec les inégalités car yx,zxet zysont strictement
positifs.
Remarquons que la deuxième ligne aurait pu être
f(y)f(x)λ(f(z)f(x))
dont on aurait tiré : f(y)f(x)
yxf(z)f(x)
zx.
On aurait obtenu de même : f(z)f(x)
zxf(z)f(y)
zy.
Tout ceci se résume en
(R2)f(y)f(x)
yxf(z)f(x)
zxf(z)f(y)
zy.
CHAPITRE 1. CONVEXITÉ 5
— Réciproquement.
Supposons (R1)vérifiée. Soit (x, y)dans I2et λdans [0,1]. Si x=you λ= 0 ou λ= 1, l’inégalité
de convexité est bien vérifiée. Dans l’autre cas on peut supposer x<ysans perdre en généralité.
On prend z= (1 λ)x+λy, on a x<z<y; la relation R1donne
f(z)f(x)
zxf(y)f(z)
yz
f(z)f(x)
λ(yx)f(y)f(z)
(1 λ)(yx)
(1 λ)(f(z)f(x)) λ(f(y)f(z))
f(z)(1 λ)f(x) + λf(y)
ce qui est bien la relation désirée.
Proposition 1.5 Si f:IRest convexe et si [x, y]est un segment contenu dans Ialors le graphe de
la restriction de fà[x, y]est en dessous de la corde joignant (x, f(x)) à(y, f (y))
On peut supposer x<ycar si x=yle résultat est trivial. Si xzyon peut écrire z= (1 λ)x+λy
avec λ=zx
yx[0,1]. Le point du graphe d’abscisse zest M= (z, f (z)) = (z, f((1 λ)x+λy)), le point
de la corde de même abscisse est M0= (z, (1 λ)f(x) + λf (y)). Son ordonnée est plus grande que celle
de Mcar fest convexe. Il est bien au dessus.
Remarque 1.4 Cet énoncé étant essentiellement équivalent à l’inégalité des pentes sa réciproque est vraie.
1.2.3 Fonctions concaves
Définition 1.4 Une fonction f:IRest concave si et seulement si fest convexe, ce qui équivaut à :
(x, y)I2λ[0,1] f((1 λ)x+λy)(1 λ)f(x) + λf (y).
La fonction x7→ −xétant une fonction décroissante de Rvers Ron peut transporter tous les résultats
obtenus pour les fonctions convexes aux fonctions concaves en inversant le sens des inégalités.
1.3 Fonctions convexes et dérivabilité
1.3.1 Caractérisation
Proposition 1.6 Une fonction f:IR, dérivable, est convexe si et seulement si sa dérivée est crois-
sante.
Supposons fconvexe et dérivable.
Soit (x, z)dans I2avec par exemple x < z. Dans la relation (R2)faisons tendre yvers xdans
l’inégalité de gauche et yvers zdans l’inégalité de droite , nous obtenons :
(R3)f0(x)f(z)f(x)
zxf0(z),
et en particulier f0x)f0(z).
Nous avons bien établi la croissance de f0.
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