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Les réflexions prospectives partent de l’idée que l’avenir n’est pas écrit, qu’il est ouvert,
qu’il sera ce que les hommes en feront, mais que tous les avenirs ne sont pas à leur portée. Aussi
leur premier objectif est-il d’explorer le champ des futurs possibles. Pour cela, l’usage est
d’identifier tendances lourdes et germes de changement, ou encore de mettre en évidence ce que
l’on pourrait appeler des points de divergence à partir desquels des avenirs différents sont
envisageables. L’objectif de cet état des lieux sera aussi de proposer une première
identification des facteurs internes qui détermineront l’avenir et d’attirer l’attention sur les
points à partir desquels les Africains pourront construire tel ou tel avenir.
Un état des lieux de l’Afrique au sud du Sahara : un pari
impossible ?
Préparé dans le cadre du projet Futurs africains dont le champ d’action est l’Afrique au sud
du Sahara, l’état des lieux portera sur cette partie du continent1. Même si, de plusieurs points de
vue, embrasser l’ensemble de l’Afrique eut été souhaitable, cette option a paru plus raisonnable
pour une approche globale. L’Afrique du nord, du Maroc à l’Égypte, a de tout temps entretenu
des liens forts avec l’ensemble eurasiatique. L’Afrique subsaharienne n’a pas eu pendant
longtemps les mêmes liens, aussi a-t-elle des caractères fortement marqués, des façons de vivre
ensemble qui ont été développées indépendamment des autres continents et cela justifie
amplement de se limiter à cette partie de l’Afrique pour décrire les différents aspects de la vie en
société au début du XXIe siècle.
Mais, si l’Afrique au sud du Sahara a des caractères fortement marqués, chacun sait aussi
qu’elle est d’une infinie diversité. Dresser un état des lieux à cette échelle a-t-il un sens ? Ne
faudrait-il pas plutôt décrire la mosaïque de groupes humains, parfois de petite voire de très petite
taille, qui ont des histoires, des cultures, des façons de vivre ensemble, différentes ? Une telle
mosaïque, du fait de sa très grande complexité, apporterait cependant peu d’aide à une réflexion
globale sur les futurs du continent.
Le parti a donc été pris, tout en notant au passage les traits distinctifs de telle ou telle
région, ou de tel ou tel pays, lorsqu‘ils sont particulièrement accusés, de mettre l’accent sur les
traits communs, sur ce qui, au début du XXIe siècle, différencie l’Afrique des autres
continents.
Une autre difficulté de cet exercice est que toutes les composantes des sociétés humaines
sont liées les unes aux autres et que, pour préparer une future réflexion prospective pertinente, il
est nécessaire de bien identifier au moins les plus importantes de ces interdépendances. Donner
une idée de la complexité des interrelations dans un texte, nécessairement linéaire, n’est pas chose
aisée. Il faudrait avoir recours à un hypertexte à un grand nombre de dimensions que, de toute
façon, l’esprit humain aurait du mal à appréhender.
Pour la clarté de l’exposé, on a adopté la formule de découper cet état des lieux en quatre
chapitres très classiques, traitant des hommes (leur nombre, leur éducation, leur santé), de
l’économie, de la structure et du fonctionnement des sociétés, des pouvoirs en place et de leurs
rapports avec la société civile, et de souligner les liens qui unissent ces aspects de la vie sociale
arbitrairement séparés. Enfin, dans un essai de synthèse, on a tenté de dégager quelques traits
majeurs qui caractérisent le continent au début du XXIe siècle, un exercice nécessairement
1 Pour faire court, on emploiera souvent les termes : l’Afrique ou le continent. Sauf indication contraire, il
s’agira de l’Afrique au sud du Sahara, Afrique du sud incluse (elle ne l’est pas toujours dans les données
des organisations internationales).