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Hebdomadaire Paris
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1133727100506/GFP/MMC Eléments de recherche : PROPARCO : société de promotion/participation de la coopération économique, toutes citations
L'Afrique évitera-t-elle
la récession ?
LE CONTINENT RÉSISTE AU CHOC FINANCIER. LE CRÉDIT
SERA PLUS CHER ET PLUS RARE, MAIS LA CROISSANCE
DEVRAIT
SE
MAINTENIR AUTOUR
DE 5 % EN
2009.
L
a finance mondiale est devenue
un champ de mines Depuis le
15 septembre et la chute de
la maison Lehman Brothers,
les gouvernements tentent d'étouffer
l'incendie qui a embrase de vénérables
banques américaines et européennes et
qui s'est propage aux places boursières
L'édifice mondial est ébranle Et I Afri-
que ' Sera t elle frappée ' Avec quelle
ampleur? Pour quels dégâts' Pour
l'instant, le continent le plus fragile,
qui a encaissé, coup sur coup, une crise
energetique, puis alimentaire, fait face
II n'échappera pas pour autant a I ef
fer dévastateur des crises financiere et
économique qui agitent la planete « En
Afrique, l'orthodoxie des régulateurs, la
transparence et la relative simplicité des
produits financiers ainsi que la régula
tion du marche des changes ont isole en
grande partie le continent de l'effondré
ment de la liquidité et de la confiance
L'Afrique tire bien son épingle du jeu
C'est la seule source efficace de diversifi-
cation du risque actuelle Une depression
mondiale profonde et durable fera mal
a l'Afrique, bien entendu, maîs ce n'est
pas le scénario le plus probable », assure
Yassine Benjelloun, managing director de
Medicapital a Londres (groupe BMCE)
Etat des lieux
L'AFRIQUE EST-ELLE
DÉCONNECTÉE
DE L'ÉCONOMIE MONDIALE?
Forcement non « Nous vivons aujourd'hui
dans une economie globale Même si les
pays africains sont moins exposés que
les Etats-Unis ou l'Europe, ils ne seront
pas épargnés Chaque fois que l'Europe
perd I point de croissance, celle de
I Afrique recule de 0,3 point », confirme
Abdoulaye Bio Tchane, le président de
la Banque ouest-africaine de developpe-
ment (BOAD) Les perspectives du FMI,
attendues courant octobre, seront donc
scrutées a la loupe. L'institution devrait
revoir a la baisse, entre I et 2 points,
les perspectives de croissance du PIB du
continent cette annee, arrêtées depuis
avril a 6,3 % en 2008 et 6,4 % en 2009
« Même si 2009 sera très certainement
moins bonne que 2008, l'Afrique pourra
atteindre une croissance de 4 % a 5 % au
lieu de 6 % à 7 % ces dernières annees »,
anticipe Inge Lambrechts, chargée de
l'Afrique au cabinet d'assurance crédit
belge Ducroire Bien lom du 1,3 % prévu
pour les pays de l'OCDE en 2009 I
Acteur minuscule, avec 3 % du com
merce mondial, l'Afrique a transformé
son handicap en atout « L'enclavement,
qui fait sa faiblesse, lui a assure une cer-
taine immunité », résume Luc Rigouzzo,
directeur géneral de Proparco (Promo-
tion et participation pour la cooperation
économique) Autre atout le continent
commence a générer sa propre croissan-
ce « Jusqu'à présent, un ralentissement
de l'économie mondiale en entraînait un
encore plus important des economies
africaines, tres dépendantes des matic
res premieres Or nous avons constate
que la croissance était aussi alimentée
par la consommation intérieure Si elle
est suffisante et que l'inflation faiblit, la
croissance africaine sera alimentée »,
considère Razia Khan, responsable de
la recherche Afrique à Standard Char-
tered
LES BANQUES AFRICAINES
SERONT-ELLES AFFECTÉES?
« Si les banques devaient faire faillite en
Afrique, cela ne sera pas lie à la crise
actuelle, maîs plutôt parce qu'elles sont
mal gérées », lance Paul Derreumaux,
le PDG de BOA Group Le geant sud
africain Old Mutual a perdu 135 mil-
lions de dollars dans la nationalisation
des américains Freddie Mac et Fannie
Mae Une exception pour l'instant car
les banques africaines sont peu tournées
vers l'international et disposent de peu
d actifs à l'étranger « Elles ne sont pas
concernées par la crise des credits et des
subpnmes Hors Afrique du Sud, elles
n'interviennent pas sur ces marches »,
observe Stewart Culverhouse, economis
te en chef pour Exotix Ltd, un cabinet
spécialise dans les marchés émergents
Avec seulement 10 % de son marché
bancaire ouvert au prive, l'Algérie se
sent a l'abri « Dans les pays africains
où le prive dépasse 30 % du marche, on
peut quand même se demander si les
maisons mères des établissements étran-
gers parviendront a contenir la crise »,
glisse Abderrahmane Benkhalfa, dele
gué general de l'Association profession
nelle des banques et des établissements
financiers (Abef) Si un depart pur et
simple des filiales et des succursales
des banques occidentales présentes en
Afrique et touchées par la crise finan-
ciere (Société genérale, BNP Paribas . )
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est irréaliste, elles mettront un bémol
à l'essor de leur réseau commercial et
réduiront fortement les lignes de crédits
de leurs filiales « Cela risque d'entraî-
ner une accélération de la redistribution
des liens des banques africaines vers les
banques du Moyen-Orient ou d'Asie
Elles peuvent apporter des sources de
substitution aux fonds qui, auparavant,
venaient d'Europe. Elles sont intéressées
et font déjà des offres depuis plusieurs
annees », remarque Paul Derreumaux
C'est aussi l'opportunité pour les ban-
ques africaines d'occuper le terrain
laissé libre et pousser à l'afncanisation
du système bancaire
LE ROBINET DU CRÉDIT
SE FERMERA-T-IL?
Sans y échapper totalement, les banques
africaines seront relativement épar-
gnées par la crise des liquidités « II y a
très peu de prêts ou d'opérations inter-
bancaires entre les systèmes africains et
européens Le risque d'une contagion de
la crise du crédit est donc limité il est
faible pour les banques marocaines ou
tunisiennes, extrêmement faible pour
celles d'Afrique subsaharienne, notam-
ment de la zone franc », insiste Éric
Paget-Blanc, directeur senior et spécia-
liste de l'Afrique chez Fitch Ratings Les
établissements d'Afrique subsaharienne,
qui sont surtout des banques de dépôts,
sont principalement tournés vers leur
marché domestique En revanche, les
banques marocaines et tunisiennes, plus
internationalisées, éprouveront davan
tage de difficultés à trouver des finan-
cements a court terme sur le marché
interbancaire. Le ralentissement écono-
mique afncain pourrait aussi avoir des
conséquences directes sur les banques
africaines « Depuis deux à trois ans,
elles se développent tres rapidement sur
leurs marchés domestiques [crédit à la
consommation, banques de détail ] »,
relève Stewart Culverhouse Maîs diffi-
cile d'imaginer le bon scénario. Le crédit
pourrait être plus cher de I % à 2 %
LES BOURSES
VONT-ELLES RÉSISTER?
Maroc, Côte d'Ivoire, Nigeria, Kenya. .
Portées par des croissances explosives
de 200 % entre 2005 et 2007, les pla
L'IMMOBILIER MAROCAIN
EN QUESTION
L'ESPAGNOL FADESA EST A L'ORIGINE du premier couac du programme
marocain Azur, qui doit doter le pays de six stations balnéaires vers 2010
L'une d'elle, l'espace Mediterrania-Saidia, qui comprend, sur 700 hectares,
3 golfs, 8 hôtels, une marina et des milliers d'appartements et de villas,
devait être livrée à l'été 2008 Un marché de 4 milliards d'euros décroché
par Fadesa. Maîs, en juillet 2008, l'espagnol jetait l'éponge. Rattrapé par
la crise immobilière espagnole, il s'est retrouvé en cessation de paiement
à la suite d'un refus bancaire de 150 millions d'euros Le groupe marocain
Addoha a pris le relais d'un chantier qui sera livré en 2009. Premier signe
d'éclatement d'une bulle spéculative au Maroc? Le 17 septembre, à la
Bourse de Casa, les titres des sociétés immobilières ont dévissé de 6 %
Les analystes considèrent que le marché de l'immobilier est surévalue
et mériterait d'être assaini. « Si l'économie marocaine se comporte bien,
il ne devrait pas y avoir de grande crise dans ce secteur », explique Inge
Lambrechts, de la société d'assurance-crédit Ducroire. i MM
ces boursières du continent piquent
du nez depuis deux mois Le 16 sep-
tembre, la Bourse de Casa a même
connu une journée noire, avec la chute
de 3,49 % de l'indice Masi « On ne
s'attendait pas à une telle violence.
L'ampleur de la correction n'était
pas justifiée Elle a coïncidé avec la
crise internationale. On a assisté à
une contamination psychologique.
Les investisseurs marocains ont pris
peur », explique Youssef Benkirane, le
président de BMCE Bourse et de l'As-
sociation professionnelle des sociétés
de Bourse (APSB).
Si les Bourses africaines ont flanché,
elles ne se sont pas effondrées. « Tout
dépend de leur degré de dépendance
au marché international. Les titres
des grands groupes et de leurs filiales
africaines ainsi que toutes les entre-
prises liées au négoce international
des matières premières sont les plus
exposés », explique Abdoulaye Bio
Tchané Les places anglophones (Afri-
que du Sud, Nigeria et Kenya) sont les
plus menacées Leur repli s'explique
par le reflux de capitaux américains
qui ont liquidé des positions pour se
renflouer. « Cela aura un effet bénéfi-
que celui de remettre les pendules a
l'heure sur certaines valeurs, notam-
ment au Nigeria, dont la capitalisation
était largement surévaluée », se réjouit
un banquier d'Afrique de l'Ouest Maîs
là non plus, pas de krach en vue « Les
valorisations restent attractives Seule-
ment, la demande émanant des inves-
tisseurs étrangers sera plus faible.
Déjà, cette année, on voit beaucoup
moins d'investissements, notamment
financiers », relève Neil Harvey, CEO
Afrique de Renaissance Capital.
VERS UNE BAISSE DU PRIX
DES MATIÈRES PREMIÈRES?
C'est avec le pétrole, le gaz et les matiè-
res premières, qu'elles exportent ou
importent, que les economies africai-
nes sont le plus vulnérables. « Jusqu'en
2009, les prix des matières premieres
connaîtront des baisses modérées
puis se stabiliseront à un niveau assez
haut », anticipe Inge Lambrechts Après
des sommets à plus de 140 dollars, le
baril de pétrole devrait ainsi se stabili-
ser entre 80 et IOU dollars Si la baisse
du billet vert, annoncée par la plupart
des experts, se confirme dans les mois
à venir et s'ajoute à une baisse de la
demande en Europe et en Asie, les très
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1133727100506/GFP/MMC Eléments de recherche : PROPARCO : société de promotion/participation de la coopération économique, toutes citations
nombreux pays africains (Niger, Gui-
née-Conakry, RD Congo, Congo-Braz-
zaville...) qui tirent leur croissance et
leurs revenus de l'exploitation minière
et pétrolière risquent d'accuser le coup.
« Si la crise sort de son périmètre finan-
cier, elle générera de l'incertitude qui
se traduira par une volatilité du prix
des matières premières, laquelle sera
préjudiciable aux pays africains expor-
tateurs. Pour l'Algérie, avec le pétrole,
il n'y aura pas de pertes de revenus
mais un manque à gagner », indique
Abderrahmane Benkhalfa.
Tendance identique pour les denrées
alimentaires (céréales, riz...). Après la
flambée du début d'année, en raison
de stocks bas et de terres détournées
pour les biocarburants, les prix retrou-
vent un peu de modération grâce à la
rumeur de bonnes récoltes attendues,
notamment de riz en Asie, et l'arrêt de
restrictions aux exportations de grains
et de riz par certains pays (Thaïlande,
Vietnam, Ukraine, Kazakhstan...).
Mais tout peut basculer très vite. De
mauvaises conditions climatiques et
la hausse des prix, source d'inflation
importée, suivra.
LES INVESTISSEURS
INTERNATIONAUX
TOURNERONT-ILS
LE DOS À L'AFRIQUE?
« Les 700 milliards de dollars du plan
Paulson (le secrétaire d'État américain
au Trésor) ne représenteront pas que
l'épargne des Américains, c'est aussi une
partie de l'épargne mondiale et autant
d'argent qui ne sera pas disponible
pour les marchés, les investissements
et l'aide publique », explique Abdoulaye
Bio-Tchané. Selon lui, les points de
croissance perdus dans les pays euro-
péens et les États-Unis contraignent à
des restrictions budgétaires qui pour-
raient toucher l'APD (Aide publique
au développement). « Seuls les grands
groupes africains souffriront lorsqu'ils
feront appel à des financements à l'in-
ternational. Pour les autres entreprises,
le marché de la dette locale suffira à
leur appétit de développement », relève
Yassine Benjelloun. Mais si le marché
du crédit est sous tension, celui du
capital-investissement (fonds propres)
se porte bien. « II y a toujours autant de
fonds d'investissement qui s'intéressent
à l'Afrique, convaincus que le continent
connaîtra une croissance durable per-
VERBATIM
Cf Cette crise me paraît être un grave exemple de mauvaise gou-
vernance, en particulier venant de ceux qui sermonnent souvent
les dirigeants africains sur ces questions, tf
PAUL DERREUMAUX PDG de BOA Group
ff La nouvelle positive, c'est qu'une bonne partie
du marché boursier africain a fait preuve d'une
grande résistance. Le point négatif, c'est que
des investissements en Russie ou au Brésil pour-
raient être plus attractifs. ))
YASSINE BENJELLOUN Managing director,
Medicapital à Londres (groupe BMCE)
ff Pour les pays émergents comme l'Algérie, le Maroc ou la
Tunisie, les banques internationales vont être plus exigeantes
pour leurs prêts. Les flux d'investissements vont se tarir. Il
NIOULAY
AMAZIRH
Commissaire
aux
comptes
et
président d'Inter Control
ff Je ne pense pas qu'il y ait un effet direct
de la crise internationale sur le Maroc. Nos
banques ne sont pas exposées à la crise des
subprimes, ll
YOUSSEF BENKIRANE Président de BMCE
Bourse et de l'APSB (Association professionnelle
des sociétés de Bourse)
e par le marché intérieur. Il y a ainsi
entre 2 milliards et 3 milliards d'euros
disponibles en fonds propres. Soit
10 milliards de projets à financer »,
lance Luc Rigouzzo. La filiale d'in-
vestissement de l'Agence française de
développement réalisera sa meilleure
année en 2008 avec un volume d'enga-
gement de 800 millions d'euros, contre
500 millions en 2007. « Face à la raré-
faction et au renchérissement du crédit,
les agences de développement comme
nous auront un rôle essentiel à jouer
dans les dix-huit mois », souligne Luc
Rigouzzo.
LES INDUSTRIES
EXPORTATRICES
SERONT-ELLES FREINÉES?
« Nous n'avons pas de baisse dans notre
carnet de commandes », précise Kamel
Ait Adjedjou, le PDG de Rizzo Pack,
un fabricant algérien d'emballages de
luxe qui exporte en Europe. Les indus-
triels africains veillent au moindre
signe de défaillance de leur principal
marché. « Des pays comme le Maroc
et la Tunisie ont des flux d'exportation
tournés vers l'Europe. Si une récession
économique s'y déclenche, il y aura
un ralentissement de leurs exporta-
tions dans les produits manufacturés
et dans le textile. Il y aura également
une réduction des flux de touristes »,
détaille Éric Paget-Blanc. Dans le tou-
risme, les programmes validés seront
menés à terme. Mais si une baisse de
fréquentation frappe le Maroc et la
Tunisie dans les prochains mois, les
investisseurs gèleront leurs projets.
Quant à révolution du flux des IDE
(Investissements directs à l'étranger)
vers l'Afrique, des signes d'inquiétude
se lèvent. Dans le zinc, l'aluminium
et le nickel, les coûts de production
sont désormais supérieurs au cours
de la matière. Des projets industriels
(Sonatrach, Cevital en Algérie) dans
l'aluminium pourraient être revus à la
baisse ou reportés.
JEAN-MICHEL MEYER,
avec PASCAL AIRAULT, JULIEN FÉLIX (à Casablanca),
FRÉDÉRIC MAURY er PATRICK SANDOULY
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