1 CONSIDÉRATIONS BALISTIQUES Par Jean-Marie Arnaudiès Exposé du problème La ligne moyenne tension de 63 kv dite “ Des Demoiselles ” a été sectionnée net le 21/9/2001 vers l’heure locale 10 h 18 mn 7 secondes, à environ deux cents mètres au nord du hangar 221. Il s’agit du tout premier des événements électriques recensés par EDF ayant suivi le lâchage du transfo “ départ Ramier ” à 10 h 17 mn 57 s 61/100. Entre ce dernier événement et la cassure du cable des Demoiselles, pendant plus de 8 secondes, EDF n’a enregistré strictement aucun incident. En revanche, la cascade d’événements ayant démarré à la ligne “ Demoiselles ” s’est poursuivie jusqu’à 18 mn 30 secondes (autres cables sectionnés, réenclenchements, contacts de phases, etc). Certains objets métalliques (morceaux de poutrelles) de 50 kgs en provenance des structures du hangar 221 ont été retrouvés jsuqu’à 700 mètres du cratère. Ceux qui soutiennent encore que le hangar 221 aurait explosé antérieurement à 10 h 17 mn 57 s 61/100 expliquent ce trou de plus de huit secondes de la manière suivante : un projectile envoyé par l’explosion du hangar 221 aurait mis une dizaine de secondes à voler dans les airs et retomber sur ce cable, le tranchant net. Nous allons examiner les contraintes déduites de certaines hypothèses sur le sectionnement du cable Demoiselles. Les équations fondamentales Prenons pour plan de la figure un plan vertical rapporté à deux axes orthonormés (O;~ı, ~) d’origine O le hangar 221, d’axe des abscisses horizontal et d’axe des ordonnées vertical. Soit un projectile M envoyé par l’explosion du hangar et qui parvient à un point H de coordonnées (L, h) , avec L > 0 et h ≥ 0 . À l’instant t0 = 0 , le projectile − → M est en O . Il est soumis à l’action de sa vitesse initiale V0 et de l’accélération de la → − → − pesanteur G = −g~ , avec g > 0 . On note V (t) sa vitesse à l’instant t . On a donc : aaa aab aai aac (1) − → → − V (t) = V 0 − tg~ ; t2 → − M (t) = O + t V 0 − g~ 2 d’où les coordonnées xM et yM de M : ½ xM (t) = tv0 cos α ; x0M (t) = v0 cos α (2) 2 0 yM (t) = tv0 sin α − g t2 ; yM (t) = v0 sin α − gt → − On posera V 0 = ~ı v0 cos α + ~ v0 sin α , avec v0 > 0 et 0 < α < π2 . Les unités de temps et de longueur seront la seconde et le mètre. On prendra g = 9, 81 . L’équation cartésienne de la parabole trajectoire de M est obtenue en éliminant le temps dans (2), ce qui donne : g g (3) y = x tg α − x2 2 = x tg α − x2 2 (1 + tg2 α) 2v0 cos2 α 2v0 L’équation qui détermine les temps où M atteint la hauteur h est yM (t) = h , c’est-à-dire : 2h v0 sin α (4) t2 − 2 t+ =0 g g 2 § 0 cette équation admet des racines ssi son discriminant est ≥ 0 , c’est-à-dire ssi : aad aae v02 sin2 α ≥ 2hg (5) Si la condition (5) est satisfaite, l’équation (4) admet deux racines t1 et t2 telles que 0 ≤ r1 ≤ r2 , données par : µ ³ ´ 12 ¶ 2hg v0 sin α t 1 − 1 − = 1 g v02 sin2 α µ (6) ³ ´ 12 ¶ 2hg v0 sin α t2 = 1 + 1 − v2 sin2 α g 0 aaf aag Si h = 0 , alors t1 = 0 , seule la racine t2 est significative et vaut alors : 2v0 sin α (7) τ0 = g Pour chaque racine ti de (4), la distance à l’épicentre en projection horizontale de la position correspondante Mi de M est donnée par : Di = ti v0 cos α (8) Vitesses initiales aah Soit d’abord un objet retrouvé à la distance D > 0 sur le sol. Il est donc retombé sur le sol au temps τ0 , d’où v 2 sin(2α) (9) D = τ0 v0 cos α = 0 g gD ≥ gD . Si D = 700 , on en déduit Comme 0 < sin(2α) ≤ 1 , on en déduit v02 = sin(2α) que v0 ≥ 83 . Mais cette estimation est trop faible, car la valeur minimale 83 ne peut être atteinte qu’à tir tendu horizontal. Vu les bâtiments intermédiaires et les obstacles, cette condition est irréaliste. Les bâtiments environnant le hangar 221 avaient plus de douze mètres de haut en moyenne et les plus proches n’étaient qu’à moins de quarante mètres du hangar, donc un tir ayant porté à 700 mètres devait forcément vérifier la 2 tg α 1 8 1 condition tg α ≥ 10 40 = 4 , d’où sin(2α) = 1+tg2 α ≤ 17 < 2 . La bonne estimation est donc : v02 ≥ 2gD . Donc pour D = 700 , on obtient v0 ≥ 117 . D’où la conclusion 1 : Aux objets ayant été retrouvés à 700 m du cratère, l’explosion du hangar avait imprimé une vitesse initiale au moins égale à 117 m/s, soit environ 420 km/h. Maintenant, supposons que h > 0 . Si le tir jusqu’à H a été tendu, c’est la racine t1 qu’il faut prendre, et si le tir a été non tendu, c’est la racine t2 . Supposons un tir tendu jusqu’à H , et L = 200 (cas du cable des Demoiselles siège du premier événement électrique de la cascade à partir de 18 mn 7 s). On prendra h = 25 α (hauteur du cable). L’apogée (virtuel !) de M aurait été atteint à l’intant a = v0 sin , g 2 d’où v0 sin 2α ≥ 2Lg . Mais d’après (3), on a : g h = L tg α − L2 2 (1 + tg2 α) 2v0 aaj 2Lg En tirant v02 de cette dernière équation et en écrivant que v02 ≥ sin 2α , on arrive facilement à l’encadrement : h 2h (10) ≤ tg α ≤ L L 50 = 14 , d’où Avec les données numériques ci-dessus, cela nous donne : tg α ≤ 200 8 1 sin 2α ≤ 17 < 2 , d’où v02 > 4Lg , d’où v0 au moins égal à 90 m/s. De plus, cos α est au moins égal à 0,968, donc la vitesse en projection horizontale est v0 cos α ≥ 87 . Donc le temps mis par le projectile pour atteindre sa cible H est au plus égal à 200 : 87 ∼ = 2, 3 secondes. D’où la conclusion 2 : 3 Si l’objet qui a tranché la ligne des Demoiselles y est arrivé à tir tendu, nécessairement sa vitesse initiale a été au moins égale à 90 m/s, et il est parvenu à sa cible en un temps de l’ordre de 2,3 secondes. Supposons maintenant que l’objet qui a atteint H n’y soit pas arrivé à tir tendu. Dans ce cas, c’est la racine t2 de (4) qu’il faut considérer, et le projectile arrive à H après son apogée. On a donc v02 sin 2α ≤ 2Lg . Par la même méthode que pour (10), on obtient cette fois-ci tg α > 2h L . C’est le seul cas où le temps mis par le projectile pour atteindre H aurait pu avoisiner dix secondes. Supposons donc que ce temps t2 soit réellement dix secondes et examinons les contraintes que cette hypothèse entraı̂ne. D’après (4), on a : ¶ µ g 2h ∼ t22 + v0 sin α = = 51 2t2 g D’autre part, L = t2 v0 cos α donne v0 cos α = tL2 = 20 , d’où : ¡ ¢1 v0 = v02 cos2 α + v02 sin2 α 2 ∼ = 54, 781 m/s d’où l’on déduit : sin α ∼ = 51 54, 781 donc α ∼ = 68, 75 degrés d’angle Nous en déduisons la hauteur A de l’apogée, atteinte au temps a = secondes : v0 sin α g ∼ = 5, 2 ga2 ∼ = 133 m 2 Enfin la vitesse du projectile quand il atteint sa cible H est toujours v0 en valeur absolue (soit entre 54 m/s et 55 m/s), et l’angle β sous lequel il vient trancher le cable y 0 (t2 ) v0 sin α−gt2 dans le sens sud-nord est donné par tg β = xM , soit tg β ∼ = 2, 355 , 0 (t ) = v0 cos α M 2 ∼ ∼ ce qui donne β = 1, 17 radians, ou encore β = 67 degrés d’angle. Conclusion 3 : A = y(a) = av0 sin α − Si le projectile qui a tranché le cable Demoiselles n’a pas eu un tir rasant et a mis dix secondes à atteindre sa cible, sa vitesse initiale a été de l’ordre de 54,8 m/s, sa vitesse en projection horizontale n’a été que de 20 m/s, son angle de tir de départ par rapport à l’horizontale a été de 67 degrés environ, il s’est élevé 5,2 secondes après l’explosion du hangar à 133 m de hauteur, et il est retombé sur le fil avec un angle de 67 degrés environ par rapport à l’horizontale Si l’on tient compte de la résistance de l’air, les nombres ci-dessus doivent être légèrement révisés dans le sens suivant : la vitesse initiale communiquée à l’objet retrouvé à 700 m doit être augmentée un peu. Dans le cas du tir tendu sur H , les nombres ne sont modifiés que d’infiniments petits du second ordre. Dans le cas du tir non tendu sur H , la vitesse initiale de l’objet doit être légèrement augmentée mais en contrepartie sa vitesse au moment où il atteint sa cible doit être sensiblement diminuée, les angles de tir changeant peu. Conclusion générale Nous avons vu que l’objet retrouvé à 700 m du cratère a eu une vitesse initiale de l’ordre de 120 m/s. D’autre part nous avons vu que l’objet qui a tranché le cable Demoiselles a eu une vitesse initiale de l’ordre de 90 m/s s’il a atteint la cible à tir tendu et de l’ordre de 54,78 m/s sinon. Il est logique de penser que les vitesses initiales communiquées par l’explosion aux objets qui sont allés au-delà de cent mètres n’ont pas eu des vitesses initiales très dispersées à poids voisins. 4 § 0 L’objet qui a atteint le cable en H n’a pu être bien lourd, puisque s’il a voyagé à tir tendu, il a eu une vitesse initiale de 90 m/s c’est-à-dire assez voisine de celle de l’objet retrouvé à 700 m. Et s’il a voyagé à tir non tendu, il s’est élevé à 133 m de hauteur. Donc s’il n’a pas été bien lourd, sa vitesse initiale a forcément été du même ordre de grandeur que celle de l’objet retrouvé à 700 m du cratère. L’énergie cinétique d’un corps en mouvement croı̂t en proprotion directe du carré de sa vitesse. Donc à poids égal, l’objet qui aurait atteint H à tir tendu y aurait dissipé une énergie cinétique presque quatre fois plus élevée que s’il y était arrivé à tir non tendu. Le calcul des probabilités le plus rudimentaire nous montre que la plus forte probabilité va de très loin à l’hypothèse d’un objet qui a tranché le cable en y étant arrivé à tir tendu, c’est-à-dire en 2,3 secondes. Une manière simple de vérifier cela consiste à lancer un objet métallique d’une cinquantaine de kgs, bout de tôle ou de poutrelle (au besoin en répétant l’expérience un grand nombre de fois pour obtenir une excellente présomption en termes de probabilités) avec un angle de tir de 68,75 degrés et une vitesse initiale de 54,8 m/s, pour qu’il retombe sur les cables EDF de la même ligne, à peu près au même endroit, étant entendu évidemment qu’on aura préalablement coupé le courant dans ces cables. Les cables devront être exactement du même type que ceux du 21/9/2001. On verra bien si cela suffit à trancher net ces cables.