
286 Hématologie
vol. 19 nº 4, juillet-août 2013
un contexte de médicalisation, une personne malade, de-
mandeuse de soins, va livrer des éléments d’information
sur elle-même, parmi lesquels certains serviront à orienter
vers une pathologie ou à en découvrir l’étiologie, d’autres
informeront sur ses conditions de vie, ses craintes et ses
souhaits. De nombreux faisceaux s’entrecroisent entre in-
formations médicales, psychosociales, socioéconomiques
mais aussi informations du domaine privé, plus secrètes.
Parlons alors de confi dentialité, qui fait référence à ce qui est
confi é à un confi dent de plus grande proximité et qui peut
être partagé (ou pas) selon la nature de l’information.
Où commence et où fi nit l’information permettant à
l’équipe de comprendre la maladie et de mettre en œu-
vre les moyens permettant de la combattre ? Certains élé-
ments vont inévitablement être partagés pour faciliter une
prise en charge globale.
Le patient est le premier vecteur d’informations : ce qu’il
veut bien dire de lui-même, de ses symptômes, de son his-
toire de vie, des pathologies présentes dans sa famille, voire
de ses négligences ou des comportements favorisant des pa-
thologies ou ayant infl ué sur sa vie. Il est parfois bien diffi cile
pour lui de donner ces informations alors qu’il préférerait ne
rien livrer de lui-même, surtout à des personnes qui lui sont
étrangères et à qui il n’a pas forcément envie de se confi er.
De ce point de vue, il est pour lui d’une grande violence
d’être ainsi dans l’obligation de se livrer. Il est fondamental
de le rassurer quant à la discrétion de l’équipe, et de recueil-
lir son accord pour le partage ultérieur. L’écoute sans juge-
ment qui lui sera apportée va ouvrir un espace de confi ance
dans la relation duelle du colloque singulier. Les informations
devront ensuite circuler dans un périmètre élargi, et c’est à
ce niveau que les questions du partage se posent. Quoi dire,
à qui et comment le dire afi n qu’aucune stigmatisation ni
jugement n’entachent les processus relationnels ?
Qu’est ce qu’une information à caractère secret ? Doit-
on considérer que le secret s’arrête aux éléments concernant
la maladie, et pour cela réduire le patient à sa pathologie ?
Or, une personne ne peut se limiter à sa pathologie : sa
vie est un faisceau d’éléments complexes, qui tous ont leur
importance dans une prise en soin globale. Les limites de ce
qui peut être partagé en équipe doivent être fi xées par le
patient lui-même, en consultation médicale ou en consulta-
tion d’annonce IDE dans une négociation accord/opposi-
tion qu’il faudra respecter au plus près. La communauté
soignante pourra ainsi déployer tous ses moyens d’action
relatifs au traitement et aux aides complémentaires.
Concernant l’équipe : si son adhésion au projet nécessite
un même niveau de connaissances de l’ensemble des ac-
teurs de soin, certaines informations peuvent cependant en-
traîner des jugements et des confl its de valeur défavorables
au patient. A contrario, s’il n’est que partiel, le partage des
informations peut restreindre un projet de soin puisque, tous
les éléments n’étant pas exposés, des malentendus et des
incompréhensions risquent de se faire jour. Une réfl exion
éthique doit être menée si le cas de fi gure se présente afi n
que le patient bénéfi cie de la même attention qu’un autre
ne présentant pas cette singularité.
Les lieux de confi dentialité : Qui n’a jamais enten-
du, dans un ascenseur, une cafétéria d’hôpital ou dans
un couloir du service, des professionnels parler de M. X
ou Mme Y, de ses problématiques et de celles posées à
l’équipe ? Faut-il rappeler que ces espaces ouverts ne sont
pas des lieux de débat sur les personnes confi ées aux soi-
gnants ? On peut s’interroger également sur ces lieux de
consultation ou d’imagerie où les noms des patients sont
clamés à tue-tête sans respect de la discrétion.
Les personnes publiques sont un cas particulier, qu’elles
viennent du spectacle, de la politique ou de tout autre
monde où elles se trouvent exposées. Qu’elles soient con-
nues rend-il envisageable qu’elles n’aient pas droit à la
même discrétion ? Le secret professionnel prend ici aussi
tout son sens. D’une façon analogue, lorsqu’il advient
qu’une personne travaillant dans une structure de soin,
avec le statut de soignant ou d’administratif, endosse le
statut de « soigné » au sein de cette institution, la con-
fi dentialité est mise à l’épreuve dans tous les modes de
transmission, depuis l’oralité jusqu’au dossier informa-
tique en passant par l’écrit, via les comptes rendus tapés
par les secrétariats ou les prescriptions sur des feuilles dites
« bons d’examen », voyageant sans enveloppe d’un ser-
vice à l’autre avec un diagnostic rédigé en clair…
Un autre domaine mérite qu’on s’y arrête : il s’agit des
technologies modernes de communication. Elles facilitent
en effet le partage des informations entre l’hôpital et les
professionnels de ville, mais elles demandent une réfl exion
approfondie sur la qualité des éléments à partager et sur
les modalités de sécurité de cette communication, compte
tenu du plus grand nombre de professionnels dépositaires
de ces échanges.
La mise en application des dossiers communicants de can-
cérologie interroge également le partage d’informations :
s’il existe des restrictions à ce partage, peut-on penser que
le patient subira une perte de chance ? Où placer les limites
de ce qu’il conviendrait de partager ou pas ? Quelles plac-
es sont respectivement dévolues aux informations jugées
nécessaires à la prise en charge et à l’éthique relative à la
confi dentialité ? Est-il licite d’élargir le secret partagé à tous
les professionnels de santé prenant en charge le patient
à son retour à domicile, en dehors du médecin traitant ?
Comment recommander une prise en charge pluriprofes-
sionnelle si le niveau d’information concernant le diagnos-
tic, les traitements, les attentes du patient ou son histoire
familiale ne sont connues que de quelques-uns ? Quelle est
la pertinence d’une prise en charge en réseau ou déclinée,
impliquant le pharmacien et l’infi rmière libérale, s’ils n’ont
pas accès aux données du patient, alors que leur rôle sera
essentiel dans l'accompagnement à domicile ? Comment
le médecin, le psychologue ou l’infi rmière, détenteur d’un
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