Chapitre 21 : Espaces probabilisés : cas général.

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Chapitre 21 — Espaces probabilisés : cas général
2014/2015
Chapitre 21 : Espaces probabilisés : cas
général.
1
Introduction
Lorsque l’univers Ω naturellement associé à une expérience aléatoire est infini, il n’est
pas possible de définir de probabilité sur l’ensemble P(Ω). Par exemple si on considère
comme expérience aléatoire le tir à l’arc. Il est naturel de penser que la probabilité que
la flèche tombe dans un certain domaine soit proportionnelle à l’air de ce domaine. Si
on ajoute les propriétés d’additivité (dénombrable) des probabilités, on peut montrer qu’il
existe des domaines de la cibles qui fourniront des incohérences (on ne trouvera pas la même
probabilité en suivant des démarches justes mais différentes). Il est donc nécessaire de
se restreindre à une partie stricte de P(Ω).
Nous parlerons beaucoup d’ensemble dénombrable. Donnons quelques résultats sur
cette notion :
Définition 1.0.1
On dit qu’un ensemble E est
– Fini : Si E = ∅ ou si il existe une bijection entre E et [[ 1 ; n ] .
– Infini : Si E n’est pas fini.
– Dénombrable : Si il existe une bijection entre E et N. (On dit aussi infini
dénombrable).
– Au plus dénombrable si E est fini ou dénombrable, et non dénombrable dans le
cas contraire.
Remarque. On dit parfois que deux ensembles E et F sont équipotents si il existe une
bijection entre E et F . On dit aussi qu’ils ont même puissance.
Proposition 1.0.1
Toute partie infinie de N est dénombrable.
Démonstration : Soit A ⊂ N une partie infinie. Posons a0 = min A, a1 = min A r {a1 } et
par récurrence, si a0 , . . . an sont construits, an+1 = A r {a0 , . . . , an } existe car A est infini,
donc A r {a0 , . . . , an } est non vide.
L’application définie par k 7→ ak de N dans A est bijective.
Remarque.
1. On utilisé le fait qu’un ensemble dénombrable pouvait être donné en
extension comme les termes d’une suite : E = {x0 , x1 , . . .}. C’est d’ailleurs comme
cela qu’il faut penser les ensembles dénombrables : dénombrer, c’est compter,
numéroter. Un ensemble dénombrable est un ensemble dont on a pu numéroter les
éléments.
2. On peut montrer de même que tout ensemble infini contient un sous-ensemble dénombrable.
3. On montrera aussi que toute partie d’un ensemble dénombrable est au plus dénombrable.
J. Gärtner.
1
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Exemple.
– Le produit N × N est dénombrable. En effet l’application (p, q) 7→ 2p (2q +
1), (ou (p, q) 7→ 2p 3q ) est, en vertu du théorème de décomposition en nombre premiers, une bijection entre N2 et N.
– On en déduit qu’un produit fini d’ensembles dénombrables est dénombrable.
– L’ensemble Z est dénombrable : on le met aisément en bijection avec N × N∗ .
– L’ensemble Q est dénombrable : on le met en bijection avec Z × N∗ . On remarquera
qu’un ensemble dénombrable peut être très gros (puisqu’entre deux réels, il y a toujours un rationnel).
Rappelons enfin, car nous en ferons un usage intense, que si (Ai )i∈I est une famille de
parties de Ω indexée par un ensemble I, on note
[
Ai = {ω ∈ Ω, ∃i ∈ I, ω ∈ Ai }
i∈I
\
Ai = {ω ∈ Ω, ∀i ∈ I, ω ∈ Ai }
i∈I
Dans le cas particulier où l’on considère une suite (An )n∈N de parties, on a les notations :
+∞
[
An =
+∞
\
An =
n=0
n=0
[
An = {ω ∈ Ω, ∃n ∈ N, ω ∈ An }
\
An = {ω ∈ Ω, ∀n ∈ N, ω ∈ An }
n∈N
n∈N
S
Par exemple si T
Ω = N et An = {n} on a +∞
n=0 An = 2N = {2k, k ∈ N} et si on pose
Bn = [[ 0 ; n ] on a +∞
B
=
{0}.
n=0 n
S
En particulier il n’y a pas de notion de limite ni d’infini dans la notation +∞
n=0 . Ce
n’est justement qu’une notation.
S
Rappelons enfin que si les AiTsont des événements, i∈I Ai est l’événement « un au
moins des Ai est réalisé » et que i∈I Ai est l’événement « tous les Ai sont réalisés ».
2
2.1
Espaces probabilisés
Tribu
Lorsque l’on modélise une expérience aléatoire, on ne peut pas en général définir la
probabilité de toutes les parties de l’univers Ω. On est obligé de se restreindre à certaines
catégories de parties, qui forment une tribu. Les éléments de la tribu sont les événements
de la modélisation : ce sont les parties pour lesquelles la notion de probabilité aura un sens.
Les événements d’une tribu sont intimement liés à la notion d’information.
Un exemple un peu artificiel est le suivant : supposons que l’on lance un dé équilibré
et imaginons que l’on gagne si on tombe sur la face affichant 6, et l’on perd sinon. A priori
nous prendrions pour modéliser cette expérience l’espace Ω = [[ 1 ; 6 ]] et les événements
seraient toutes les parties de Ω (car Ω est fini). On aurait donc 26 = 64 événements à
considérer. Pourtant du point de vu de l’expérience, on ne s’interesse qu’à la face numéro
6. On pourrait donc choisir de poser A = {6} et de ne considérer que les 4 événements de
l’ensemble A = {∅, A, A, Ω}.
A est ce qu’on appelle une tribu. En choisissant A plutôt que P(Ω) on a fait un choix
de modélisation : notre modèle ne tient plus compte du résultat particulier du jet on a
J. Gärtner.
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moins d’information puisque la tribu, les événements considérés ne peuvent expliquer
que des phénomènes liés à l’événement « tomber sur la face numéro 6 ».
Cette notion est d’autant plus flagrante pour les variables aléatoires. On verra dans le
prochain chapitre qu’il existe une notion de tribu engendrée par une variable aléatoire, qui
contient exactement l’information donnée par la connaissance de la variable aléatoire sur
l’expérience en cours.
Définition 2.1.1
On appelle tribu (ou σ-algèbre) de parties d’un ensemble Ω tout A ⊂ P(Ω) tel que
1. Ω ∈ A
2. ∀A ∈ A, A ∈ A
3. (Stabilité par réunion dénombrable, ou σ-additivité) Pour toute suite (An ) d’éléments de A
+∞
[
An ∈ A
n=0
Remarque. La stabilité par union dénombrable peut aussi s’énoncer ainsi : quelque soit
I ensemble d’indices
au plus dénombrable, et pour toute famille (Ai )i∈I d’évènements de
S
Ω, la réunion i∈I Ai est un évènement.
Proposition 2.1.1
Si A est une tribu de parties de Ω, alors A est stable par unions finies, intersections
finies, intersections dénombrables. Autrement dit :
S
1. ∀n ∈ N, ∀A1 , . . . , An ∈ A, nk=1 Ak ∈ A.
T
2. ∀n ∈ N, ∀A1 , . . . , An ∈ A, nk=1 Ak ∈ A.
T
3. ∀(An ) ∈ AN , +∞
n=0 An ∈ A.
Démonstration : En effet, si A1 , . . . , An ∈ A, on pose pour tout k > n + 1 Ak = ∅ ∈ A. La
stabilité par réunion dénombrable donne la stabilité par réunion finie. Les autres propriétés
s’en déduisent par passage au complémentaire.
Exemple. {∅, Ω} et P(Ω) sont des tribus, appelées tribu grossière (resp. discrète). Si A
est une partie de Ω, {∅, A, Ā, Ω} est une tribu de Ω appelée tribu engendrée par A.
Si Ω = {1, 2, 3, 4, 5}, A = {∅, {1}, {1, 3}, {3}, {2, 4, 5}, {1, 2, 4, 5}, {2, 3, 4, 5}, {1, 2, 3, 4, 5}}
est une tribu.
Exemple. Si Ω = [[ 1 ; 6 ]], la partie {{1, 2}, {3, 4}, {5}, {6}, Ω} n’est pas une tribu. (il n’y
a pas ∅, ce n’est pas stable par union, ni par passage au complémentaire)...
2.2
Information de la tribu
Revenons un moment 1 sur la notion d’information contenue dans une tribu. Imaginons
deux jeux différents, la bonne paye et la vallée des mammouths.
A la bonne paye, on peut jouer à la loterie : on jette un dé. Si le dé tombe sur 5 ou
sur 6, on gagne 1000 euros, sinon on perd 100. On est intéressé par l’alternative « résulat
strictement inférieur à 5 » face à « résultat supérieur ou égal à 5 ». On aura donc tendance à
1. C.f. introduction
J. Gärtner.
3
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choisir Ω = [[ 1 ; 6 ]] et A = {∅, {1, 2, 3, 4}, {5, 6}, Ω} qui contient exactement l’information
qui nous intéresse.
Dans la vallée des mammouths, il y a une phase où les villageois comptent leurs naissance. Chaque femme enceinte accouche d’un ou plusieurs bébés suivant la règle suivante :
On jette un dé.
– Si on tombe sur 1 ou sur 2, le bébé est une fille.
– Si on tombe sur 3,4 ou 5, c’est un garçon.
– Si on tombe sur 6, ce sont des jumeaux (sexe indéterminé, à préciser par un autre
jet de dé.
L’information de ce jet de dé n’a pas besoin de distinguer 1 de 2 ni 3, 4 et 5 dans leur
ensemble. Il est donc naturel de modéliser cette expérience par une tribu contenant pour
événements « les plus petits » (ce qu’on appelle les atomes — vocabulaire hors programme)
les parties {1, 2}, {3, 4, 5} et {6}. Comme c’est un système complet d’événements (c.f. cidessous) on prend naturellement comme tribu l’ensemble :
{∅, {1, 2}, {3, 4, 5}, {6}, {1, 2, 3, 4, 5}, {1, 2, 6}, {3, 4, 5, 6}, Ω}
En général, la construction explicite de tribu est très difficile, mais l’existence théorique
d’un bonne tribu est souvent prouvée. On admettra donc souvent que l’expérience peut
être modélisée à l’aide d’une tribu, même si elle n’est pas explicitée.
2.3
Tribu engendrée
Définition 2.3.1
Un système complet d’évènements (En )n est une famille au plus dénombrable
d’éléments de A deux à deux incompatibles et de réunion Ω. Autrement dit
1. ∀k, l ∈ N, k 6= l ⇒ Ek ∩ El = ∅
S
2. +∞
n=0 En = Ω.
Lorsque l’on connaît un système complet d’événements, et que l’on ne s’intéresse qu’aux
événements qui y sont associés, on modélise l’expérience par la tribu engendrée par ce
système complet : c’est la plus petite (au sens de l’inclusion) tribu qui contient le système
complet d’événements considéré. Cette tribu admet une description explicite :
Proposition 2.3.1 (Admise)
Soit (Ei )i∈I un système complet d’événements (I est un ensemble d’indices au plus
dénombrable). On appelle tribu engendrée par les (Ei ) la plus petite tribu contenant
les (Ei ) (autrement dit la tribu dont l’information est la quintessence des (Ei )). Cette
tribu, notée σ(Ei , i ∈ I) est décrite par


[

σ(Ei , i ∈ I) =
Ej , J ⊂ I


j∈J
et contient donc "autant" d’événements qu’il y a de parties dans I.
Exemple. On a bien (c.f exemple ci-dessus !)
σ({1, 2}, {3, 4, 5}, {6}) = {∅, {1, 2}, {3, 4, 5}, {6}, {1, 2, 3, 4, 5}, {1, 2, 6}, {3, 4, 5, 6}, Ω}
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Exemple.
– Expérience : On lance n fois une pièce équilibrée. On considère la suite
des résultats obtenus.
– Univers : Ω = {P, F }n .
– Exemple d’évènements : pour tout k ∈ [[ 1 ; n ] , on considère Ek : le premier Pile
est obtenu au kième lancé. Si n = 4, les évènements élémentaires (F, P, P, F ) et
(F, P, F, F ) font parti de E2 . On pose aussi E0 = {(F, F, F, . . . )} l’évènement (élémentaire) « il n’y a que des Faces ». La famille (E0 , . . . , En ) est un système complet
d’évènements.
– Combien d’éléments y a-t-il dans σ(E0 , . . . , En ) ? Et dans P(Ω) ? Ces deux tribus
sont-elles égales ?
Exemple.
– Expérience : On lance une pièce équilibrée un infinité de fois. On considère
la suite des résultats obtenus.
– Univers : Ω = {P, F }N (ensemble des suites à valeurs dans {P, F }).
– Exemple d’évènements : pour tout k ∈ N∗ , on considère Ek : le premier Pile est obtenu
au kième lancé. On pose aussi E0 = {(F, F, F, . . . )} l’évènement (élémentaire) « il
n’y a que des Faces ». La famille (En ) est un système complet d’évènements.
– σ(En , n ∈ N) = P(Ω).
Exemple. La tribu engendrée par une partie A est {∅, A, A, Ω}.
Exemple. La tribu de N engendrée par les singletons est P(N).
Exemple. En général, il existe une notion de tribu engendrée (plus petite tribu contenant) pour les familles d’événements qui ne sont pas nécessairement des systèmes complets
d’événements. On en manipulera une en particulier :
La tribu des boréliens est par définition la tribu de R engendrée par les intervalles
ouverts de R.
2.4
Espace probabilisable
Définition 2.4.1
Soit Ω un ensemble et A une tribu de parties de Ω. Le couple (Ω, A) est appelé espace
probabilisable. Les éléments de A sont appelé les évènements. Les singletons de A
(si ils existent) s’appellent les évènements élémentaires.
Remarque.
Si (Ω, A) est un espace probabilisable, (Ai ) uneTsuite d’éléments de A, alors
S
i Ai est l’évènements « tous
i Ai est l’évènement « l’un au moins des Ai est réalisé » et
les Ai sont réalisés ».
Exemple. On joue à Pile ou Face une infinité
N∗ et on note An l’événement :
S de fois. ΩS=+∞
« on obitent Pile au n ième lancer ». Alors n∈N∗ An = n=1 An est l’événement « obtenir
T
au moins un Pile dans la suite de lancers » et +∞
n=1 An est l’événement « obtenir que des
Pile » = {(P, P, P, . . . )}.
Comment décrire l’événement « obtenir que des Face » ?
Exemple. On joue encore à Pile ou Face. On s’intéresse à l’événement A = « obtenir
deux Pile d’affilée ». Autrement dit la séquence du type F F P F P F F F P F P F P F P... ne
correspond pas mais F F P F P F P P F F F P F P F P F F F P... oui.
Alors
+∞
[
(Pn ∩ Pn+1 )
A=
n=1
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Exemple. On lance un dé. Si on tombe sur 5 ou sur 6 le jeu s’arrête, sinon on relance le
dé etc... Notons An l’événement « obtenir 5 au n ième lancerS» et Bn l’événement « obtenir
6 au nième lancer ». L’événement « le jeu s’arrête » s’écrit +∞
n=1 (An ∩ Bn ).
Exemple. On joue à Pile ou Face. On note Pn l’événement « obtenir Pile au n ieme
lancer ». Alors l’événement A =« n’obtenir que des Pile à partir d’un certain rang » se
traduit par « il existe un rang à partir duquel il n’y a que des Pile ». C’est donc une union.
C’est l’union des événements An T
=« n’obtenir que des Pile à partir du rang n ».
Autrement dit, comme An = +∞
k=n Pk , on a
!
+∞
+∞
\
[ +∞
[
An =
Pk
A=
n=1
n=1
k=n
On a bien A = {ω ∈ Ω, ∃n ∈ N∗ , ∀k > n, ω ∈ Pk }.
Exemple. On joue encore à Pile ou Face. On s’intéresse à l’événement A =« obtenir une
infinité de Pile. Cet événement peut se traduire en remarquant qu’il est équivalent au fait
de trouver pour tout n un tirage ultérieur au nième qui amène Pile. Autrement dit :
ω ∈ A ⇔ ∀n ∈ N∗ , ∃k > n, ω ∈ Pk
Ainsi
A=
+∞
\
+∞
[
n=1
2.5
k=n
Pk
!
Espaces probabilisés
Pour plus de simplicité, les ensembles d’indices dénombrables I seront supposés être
des parties de N.
Définition 2.5.1
Soit (Ω, A) un espace probabilisable. On appelle probabilité sur (Ω, A) toute application P : A → R+ telle que
1. P (Ω) = 1
2. Pour toute famille (Ai ) P
(au plus) dénombrable d’évènements de A deux à deux
incompatibles, (la série
P (Ai ) converge) et
!
X
[
P (Ai )
Ai =
P
i∈I
i∈I
Si P est une probabilité sur Ω, le triplet (Ω, A, P ) est appelé espace probabilisé.
Remarque. La deuxième propriété s’appelle additivité dénombrable, ou σ-additivité.
Remarque. Si I est dénombrable, il existe une application σ : N → I bijective. On a vu
que pour une série absolument convergente l’ordre des termes n’importe pas, autrement
+∞
P
P
P (Ai ) =
dit on a
P (Aσ(k) ) : c’est donc bien une série.
i∈I
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k=0
6
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Remarque. On peut donc voir que la convergence de la série découle des axiomes (et il
n’est pas nécessaire de la mentionner) si on suppose que P est à valeurs dans [0, 1] (c’est
n
S
P
P (Ak ) et la série positive converge ssi la suite des
un choix...). En effet P ( nk=0 Ak ) =
sommes partielles est majorée...
k=0
Exemple. Il faut prendre garde lorsque l’on définit une probabilité. Considérons l’expérience suivante : on lance une flèche sur une cible infinie, composée d’une infinité dénombrable de couronnes (la première est le disque de centre 0 de rayon 1, la deuxieme est
comprise avec le cercle de rayon 2 etc). On s’intéresse au numéro de la couronne d’arrivée.
On a Ω = N et puisque l’on doit s’intéresser aux évènements élémentaires, on prend pour
P
1
tribu P(N). Si on pose P ({n}) =
on ne définit pas de probabilité puisque
P (n)
n+1
6
.
diverge !. On peut prendre par exemple P (n) = 2
π (n + 1)2
Définition 2.5.2
Une propriété est vraie presque sûrement (on note p.s.) si elle est vraie en dehors d’un
ensemble de probabilité nulle. Cette notion dépend de la probabilité choisie.
Proposition 2.5.1
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Alors P (∅) = 0.
Démonstration : On considère la famille (Ai ) avec pour tout i Ai = ∅. Alors la série de terme
général constant P (∅) converge, il en résulte que ce terme est nul... mais la démonstration
du début d’année fonctionne encore.
Proposition 2.5.2 (Additivité finie)
Si A1 , . . . An sont des évènements deux à deux incompatibles,
!
n
n
X
[
P (Ai )
Ai =
P
i=1
i=1
Démonstration : Il suffit de compléter les Ai avec des évènements impossibles et d’utiliser
l’additivité dénombrable.
Proposition 2.5.3
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Soit A, B ∈ A des évènements.
Alors P (B r A) = P (B) − P (B ∩ A)
Démonstration : En effet B = (B ∩ A) ∪ (B r A) et ces deux évènements sont incompatibles.
Proposition 2.5.4
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé et A un évènement.
P (Ā) = 1 − P (A)
Démonstration : An effet, Ā = Ω r A.
J. Gärtner.
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Proposition 2.5.5
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Alors
∀A ∈ A, 0 6 P (A) 6 1
et
∀A, B ∈ A, B ⊂ A ⇒ P (B) 6 P (A)
Démonstration : En effet P (Ā) > 0 et P (A) = 1 − P (Ā) donc P (A) 6 1.
Pour le deuxième point, on remarque que P (A) = P (B) + P (A r B) > P (B).
Proposition 2.5.6
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Soit A, B ∈ A. Alors
P (A ∪ B) = P (A) + P (B) − P (A ∩ B)
Démonstration : A ∪ B est réunion des évènements A ∩ B, A r B et B r A qui sont deux à
deux incompatibles. On a donc P (A∪B) = P (A∩B)+P (A)−P (A∩B)+P (B)−P (A∩B).
D’où le résultat.
3
Propriétés générales
3.1
Systèmes complets d’évènements
Proposition 3.1.1
Soit (En ) un système complet d’évènements de (Ω, A, P ). Alors la série
converge et sa somme vaut 1.
P
P (Ei )
Démonstration : Puisque les évènements sont deux à deux incompatibles, la série converge
par définition de la probabilité. Puisque la réunion est Ω, l’additivité dénombrable permet
de conclure.
Proposition 3.1.2
Soit (En ) un système complet d’évènements de (Ω, A, P ). Alors
∀A ∈ A, P (A) =
+∞
X
P (A ∩ Ek )
k=1
Démonstration : Puisque les évènements (Ek ) sont deux à deux incompatibles, il en est de
même pour les (A ∩ Ek ). Par additivité dénombrable, on peut conclure.
La proposition utile ci-dessous est à la limite du programme.
Proposition 3.1.3
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé et (Ai )I une famille d’évènements au plus dénombrable de Ω. Alors
!
X
[
P (Ai )
Ai 6
P
I
I
J. Gärtner.
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Lorsque I = N, rien n’assure la convergence de la série de terme général P (Ai ).
S
Sm
S
Démonstration : Posons Um = k=1 Ek . On a m Um = k Ek sauf que maintenant la
réunion porte sur une famille croissante (pour l’inclusion) d’évènements de E.
Posons F1 = U1 = E1 et pour k, Fk+1 = Uk+1 r Uk = Ek+1 r Ek ⊂ Ek+1 . Par propriété
des tribus (stabilité par union finie et passage au complémentaire), les Fk sont bien des
évènements.
Puisque Fk ⊂ US
k , les évènements
S montrer
S et on peut
Sn Fk sont deux à deux incompatibles,
n
par récurrence que k=1 Fk = m=1 Um pour tout n. En particulier, k Fk = k Ek .
On a construit des évènements Fk tels que
1. ∀k, Fk ⊂ Ek
S
S
2. k Fk = k Ek
On en déduit que
P
[
k
Ek
!
=P
[
k
Fk
!
=
X
P (Fk ) 6
k
X
P (Ek )
k
T
P
Remarque. On obtient en passant aux évènements contraires P ( k Ek ) > 1 − P (Ēk ).
k
3.2
Propriété de la limite monotone
Théorème 3.2.1 (Propriété de la limite monotone)
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Pour toute suite (Cn ) croissante (i.e. ∀n, Cn ⊂
Cn+1 ) d’évènements de A, on a
!
+∞
[
Cn = lim P (Cn )
P
n→+∞
n=0
Pour toute suite (Dn ) décroissante (∀n, Dn+1 ⊂ Dn ) d’éléments de A, on a
!
+∞
\
P
Dn = lim P (Dn )
n→+∞
n=0
Démonstration : Cas des suites croissantes : On construit (comme ci-dessus, pour l’inégalité
de Boole)
une suite (An ) d’évènements de A deux à deux incompatibles et de même union
S
que Cn . On pose A0 = C0 et
!
k
[
Ak+1 = Ck+1 r
Cm = Ck+1 r Ck
m=0
S
P+∞
Puisque les Ai sont deux à deux incompatibles, on a P ( Ai ) =
k=0 P (Ak ). Mais
P+∞
P (Ak+1 ) = P (Ck+1 )−P (Ck ) donc k=0 P (Ak ) = lim P (Cn ), ce qui permet de conclure.
n→+∞
Exercice. Monter le cas décroissante de la propriété de la limite monotone.
Dans le cas général (suite non monotone d’évènements), on a toujours la possibilité
d’utiliser le théorème de la limite monotone de la façon suivante.
J. Gärtner.
9
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Proposition 3.2.1
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Pour toute suite (quelconque !) (An ) d’évènements,
on a
!
!
n
+∞
[
[
Am
An = lim P
P
n→+∞
n=0
P
+∞
\
An
n=0
!
= lim P
n→+∞
m=0
n
\
m=0
Am
!
Démonstration : On applique le théorème ci-dessus à la suite croissante Cn =
4
Sn
m=0
Am .
Le jeu de Pile ou Face
Considérons le jeu de Pile ou Face dont on n’impose pas le nombre de tirages a priori.
Dans ce cas il est naturel de considérer Ω = P(N∗ ). Le résultat des lancers est alors
une suite (de longueur variable) de zéros et de 1. On peut mettre Ω en bijection avec
R : il est non dénombrable. On admet qu’il existe une tribu qui satisfait aux exigences
de l’intuition concernant cette expérience. Cette tribu est strictement incluse dans P(Ω).
Soit An l’évènement « le nième lancer donne face(=1) ». On suppose que An est bien un
1
évènement et que P (An ) = . Soit E l’évènement « la pièce tombe sur face à tous les
2
T
TN
lancers
».
On
peut
décrire
E
sous
la forme E = +∞
n=1 An . Si on note EN =
n=1 An , on a
T+∞
E = n=1 En sauf qu’on a maintenant une suite décroissante d’évènements.
1
En admettant que le modèle soit compatible avec l’intuition, on a P (EN ) = N . Ainsi
2
par la propriété de la limite monotone, P (E) = lim P (EN ) = 0 : il est quasi-impossible de
n’obtenir que des faces lorsqu’on lance une infinité de fois une pièce équilibrée. Par contre
cet évènement n’est pas impossible : on a E 6= ∅.
5
Probabilités conditionnelles : révisions et compléments
5.1
Définitions
5.1.1 Probabilité conditionnelle
Théorème 5.1.1
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé, et A ∈ A tel que P (A) > 0. L’application

 A −→ [0, 1]
P (E ∩ A)
PA :
 E 7−→
P (A)
est une probabilité sur (Ω, A, P ) appelée probabilité conditionnelle relative à A.
Pour tout évènement B, PA (B) (ou P (B|A)) est la probabilité de B sachant A.
P (Ω ∩ A)
= 1 et si (Ei )i∈I est une famille au plus dénomP (A)
brable d’évènements deux à deux incompatibles, alors (Ei ∩ A)i est une famille
S au plus dénombrable d’évènements deux à deux incompatibles et par σ-additivité, P ( i (Ei ∩ A)) =
P
S
P
PA (Ei ).
P (Ei ∩ A). Ainsi PA ( i Ei ) =
Démonstration : On a PA (Ω) =
i∈I
J. Gärtner.
i∈I
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ECS1B Carnot
Chapitre 21 — Espaces probabilisés : cas général
2014/2015
Autrement dit lorsque l’on s’intéresse à des probabilités conditionnelles, on ne change
pas d’espace, uniquement de probabilité : (Ω, A, PA ) est l’espace probabilisé qui modélise
une situation où « l’événement A est réalisé ».
5.1.2
Formule des probabilités composées
Théorème 5.1.2 (Formule des probabilités composées)
Soit n > 2. Soit (A1 , . . . , An ) une famille d’évènements de l’espace probabilisé (Ω, A, P ),
tels que P (A1 ∩ · · · ∩ An−1 ) 6= 0. Alors
P (A1 ∩ · · · ∩ An ) = P (A1 )PA1 (A2 ) × · · · × PA1 ∩···∩An−1 (An )
Remarque. Ce théorème ne dépend d’aucune hypothèse sur Ω.
5.1.3
Formule des probabilités totales
Théorème 5.1.3 (Formule des probabilités totales, cas infini )
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé et (Ai )i∈I un système complet d’évènements tel
que ∀i ∈ I, P (Ai ) 6= 0. Alors
X
∀B ∈ A, P (B) =
PAi (B)P (Ai )
i∈I
Démonstration : Comme
(Ai ) est un système complet d’évènements, on a pour tout évèneP
ment E P (E) = i P (E ∩ Ai ). Mais pour tout i on a aussi P (E ∩ Ai ) = PAi (E)P (Ai ),
d’où le résultat.
5.1.4
Formule de Bayes
Théorème 5.1.4 (Formule de Bayes)
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé et (Ei )i∈I un système complet d’évènements. Soit
A ∈ A avec P (A) 6= 0. Alors puisque ∀i ∈ I, P (Ei ) 6= 0, on a
PEj (A)P (Ej )
i∈I PEi (A)P (Ei )
∀j ∈ I, PA (Ej ) = P
En particulier, si B ∈ A est de probabilité non nulle :
PA (B) =
PB (A)P (B)
PB (A)P (B) + PB̄ (A)P (B̄)
Démonstration : On utilise la formule des probabilités totales.
J. Gärtner.
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ECS1B Carnot
5.1.5
Chapitre 21 — Espaces probabilisés : cas général
2014/2015
Indépendance d’une famille infinie d’évènements
Définition 5.1.1
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Si une famille (Ai )i∈I d’évènements vérifie
!
Y
\
P (Ai )
Ai =
∀I ⊂ N, finie, P
i∈I
i∈I
on dit que cette famille est composée d’évènements mutuellement indépendants.
Attention
Ne jamais écrire de produit infini !
Même si on a une famille (AnT) d’évènements mutuellement indépendants, il n’y a
aucune formule pour donner P ( +∞
k=1 Ak ). Le seul moyen de s’en sortir est d’utiliser le
théorème de la limite monotone.
5.1.6
Indépendance de tribus (HP)
Cette section n’est plus au programme.
Définition 5.1.2
Deux sous-tribus A1 et A2 d’un espace probabilisé (Ω, A, P ) sont dites indépendantes
lorsque tout évènement de A1 est indépendant de tout évènement de A2 .
Proposition 5.1.1
Toute sous-tribu A0 de l’espace probabilisé (Ω, A, P ) est indépendante de la tribu triviale.
Démonstration : En effet tout évènement est indépendant de ∅ et de Ω.
Proposition 5.1.2
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Deux évènements sont indépendants si et seulement si les tribus qu’ils engendrent sont indépendantes.
Démonstration : Soit A, B ∈ A. Notons A(A) la tribu engendrée par A.
Montrons d’abord le sens réciproque : si A(A) et A(B) sont indépendantes, alors A et
B sont indépendants car par définition A ∈ A(A) et B ∈ A(B).
Montrons le sens direct : on a A(A) = {∅, A, Ā, Ω} et A(B) = {∅, B, B̄, Ω}. ∅ et Ω
sont indépendants de tout évènement. On a vu que puisque A et B sont indépendants,
A est indépendant de B̄ et Ā est indépendant de B et de B̄. Donc A(A) et A(B) sont
indépendantes.
Plus généralement, on peut admettra que les tribus engendrées par des systèmes complets d’évènements (Ei ) et (Fj ) où Ei est indépendant de Fj pour tout i, j sont indépendantes.
J. Gärtner.
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