DJ - FAMILLES DE POLYNOMES I. Une famille remarquable de polynômes Pour tout entier n positif, on note Γn le polynôme Γn (X) = X(X − 1) · · · (X − n + 1) , n! et γn = n! Γn . Les polynômes Γn forment une base de R[X]. On a tout d’abord les formules suivantes : Γ0 (X + 1) − Γ0 (X) = 0 , ∀n ≥ 1 , Γn (X + 1) − Γn (X) = Γn−1 (X) , ∀n ≥ 0 , XΓn (X) = (n + 1)Γn+1 (X) + nΓn (X) . La première formule est évidente puisque Γ0 = 1. Pour la deuxième (X + 1)X · · · (X − n + 2) X(X − 1) · · · (X − n + 1) − n! n! X(X − 1) · · · (X − n + 2) ((X + 1) − (X − n + 1)) = n! X(X − 1) · · · (X − n + 2) = n n! X(X − 1) · · · (X − n + 2) , = (n − 1)! Γn (X + 1) − Γn (X) = ce qui donne le résultat. Pour la troisième formule XΓn (X) = ((X − n) + n)Γn (X) = (X − n)Γn (X) + nΓn (X) . Mais (X − n)Γn (X) = X(X − 1) · · · (X − n) X(X − 1) · · · (X − n) = (n + 1) = (n + 1)Γn+1 (X) , n! (n + 1)! donc XΓn (X) = (n + 1)Γn+1 (X) + nΓn (X) . DJ 2 Proposition 1 Il existe une suite (Pn )n≥0 de polynômes et une seule telle que 1) P0 (X) = 1 2) Pour tout n ≥ 1, Pn (X + 1) − Pn (X) = XPn−1 (X) 3) Pour tout n ≥ 1, Pn (0) = 0. Ces polynômes vérifient alors i) deg Pn = 2n ii) Si n ≥ 1, l’ensemble des racines de Pn contient {0, . . . , n}. Notons Pn (x) = ∞ X λkn Γk (X) , k=0 ainsi que αn = deg Pn et βn = inf{k | λkn 6= 0} . Donc Pn (x) = αn X λkn Γk (X) . k=βn On a alors Pn (X + 1) − Pn (X) = ∞ X λkn (Γk (X + 1) − Γk (X)) k=0 = ∞ X λkn Γk−1 (X) k=1 = ∞ X λk+1 Γk (X) . n k=0 D’autre part XPn−1 (X) = ∞ X λkn−1 XΓk (X) k=0 = ∞ X λkn−1 ((k + 1)Γk+1 (X) + kΓk (X)) k=0 = ∞ X k=1 = ∞ X k−1 λn−1 kΓk (X) + ∞ X λkn−1 kΓk (X) k=0 k−1 k(λkn−1 + λn−1 ) Γk (X) . k=1 L’égalité Pn (X + 1) − Pn (X) = XPn−1 (X) , est donc équivalente à DJ 3 k−1 λ1n = 0 et ∀k ≥ 1 , λk+1 = k(λkn−1 + λn−1 ). n (1) Avec de plus, si n ≥ 1, Pn (0) = λ0n = 0 . A partir de P0 = Γ0 = 1, on obtient immédiatement que P1 (X) = Γ2 (X) . On a donc α1 = β1 = 2 . Puis tous les polynômes sont obtenus de proche en proche de manière unique. De la relation entre les coefficients de Pn et de Pn−1 , on déduit que ces coefficients sont tous positifs. α n−1 Soit n ≥ 1. Etudions maintenant les degrés. Puisque λn−1 n’est pas nul, on a α n−1 λαnn−1 +2 = (αn−1 + 1) (λn−1 +1 α n−1 + λn−1 ) > 0. D’autre part, si k > αn−1 + 2, alors k − 1 > k − 2 > αn−1 , donc k−1 k−2 λkn = (k − 1)(λn−1 + λn−1 ) = 0. Il en résulte que αn = αn−1 + 2 , et donc, par récurrence, que αn = 2n. β n−1 On procède de même avec les nombres βn . Puisque λn−1 n’est pas nul, on a β β n−1 n−1 λβnn−1 +1 = βn−1 (λn−1 + λn−1 −1 ) > 0. D’autre part, si 0 ≤ k < βn−1 + 1, alors k − 2 < k − 1 < βn−1 , donc k−1 k−2 λkn = (k − 1)(λn−1 + λn−1 ) = 0. Il en résulte que βn = βn−1 + 1 , et donc, par récurrence, que βn = n + 1. Finalement Pn (X) = 2n X λkn Γn (X) . k=n+1 On peut donc mettre Γn+1 (X) en facteur Pn (X) = Γn+1 (X) 2n X k=n+1 λkn (n + 1)! (X − n − 1) · · · (X − k + 1) , k! ce qui montre que les nombres 0, 1, . . . , n sont racines de Pn . DJ 4 Voici la table des premiersλkn : n=1 n=2 n=3 n=4 n=5 k=2 1 k=3 k=4 2 3 6 k=5 k=6 k=7 k=8 k=9 k = 10 20 24 15 130 120 210 924 105 2380 2520 945 Voici la procédure Maple permettant de les créer ainsi que de trouver les polynômes Pn . B := proc (n) local k, j, Q ; global L, P ; L := array(sparse,1 .. n,1 .. 2*n) ; for k from 3 to n do L[1,k] := 0 od ; L[1,2] := 1 ; for k from 3 to 2*n do for j from 2 to n do L[j,k] := (k-1)*(L[j-1,k-1]+L[j-1,k-2]) od od ; P := array(sparse,1 .. 2*n) ; P[1] := X ; for k from 2 to 2*n do P[k] := (X-k+1)*P[k-1]/k od ; Q := 0 ; for k from n+1 to 2*n do Q := Q+L[n,k]*P[k] od ; print(evalm(L)) ; print(factor(Q)) end Il résulte de l’équation (1) que = nλnn−1 λn+1 n et 2n−2 λ2n n = (2n − 1)λn−1 d’où, par récurrence, λn+1 = n! et λ2n n n = 1 × 3 × · · · × (2n − 1) = (2n)! . 2n n! On obtient facilement les premiers polynômes : P2 (X) = 2Γ3 (X) + 3Γ4 (X) . Donc P2 (X) = = = X(X − 1)(X − 2) X(X − 1)(X − 2)(X − 3) + 3 8 X(X − 1)(X − 2) (8 + 3(X − 3)) 24 X(X − 1)(X − 2)(3X − 1) . 24 DJ 5 P3 (X) = 6Γ4 (X) + 20Γ5 (X) + 15Γ6 (X) . Donc P3 (X) = = = = X(X − 1)(X − 2)(X − 3) X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4) + 4 6 X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4)(X − 5) + 48 X(X − 1)(X − 2)(X − 3) (12 + 8(X − 4) + (X − 4)(X − 5)) 48 X(X − 1)(X − 2)(X − 3) (X 2 − X) 48 X 2 (X − 1)2 (X − 2)(X − 3) . 48 P4 (X) = 24Γ5 (X) + 130Γ6 (X) + 210Γ7 (X) + 105Γ8 (X) . Donc P4 (X) = = = X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4) 13X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4)(X − 5) + 5 72 X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4)(X − 5)(X − 6) + 24 X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4)(X − 5)(X − 6)(X − 7) + 384 X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4) [1152 + 1040(X − 5) 5760 +240(X − 5)(X − 6) + 15(X − 5)(X − 6)(X − 7)] X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4) (15X 3 − 30X 2 + 5X + 2) . 5760 On peut calculer également P5 (X) = X 2 (X − 1)2 (X − 2)(X − 3)(X − 4)(X − 5)(3X 2 − 7X − 2) . 11520 De la relation de définition on tire que, pour tout entier j et pour tout n ≥ 1, Pn (X − j) − Pn (X − j − 1) = (X − j − 1)Pn−1 (X − j − 1) , et donc en sommant Pn (X) − Pn (X − s) = s−1 s−1 X X (X − j − 1)Pn−1 (X − j − 1) . (Pn (X − j) − Pn (X − j − 1)) = j=0 j=0 DJ 6 En particulier, pour s entier Pn (s) = s−1 s−1 X X jPn−1 (j) . (s − j − 1)Pn−1 (s − j − 1) = j=0 j=0 En tenant compte du fait que les nombres de 0 à n − 1 sont racines de Pn−1 , on obtient, si s ≥ n + 1 Pn (s) = s−1 X jPn−1 (j) j=n et en particulier Pn (n + 1) = nPn−1 (n) d’où l’on déduit que Pn (n + 1) = n! . Remarque En dérivant la relation liant les polynômes Pn , on obtient : ′ Pn′ (X + 1) − Pn′ (X) = Pn−1 (X) + XPn−1 (X) , d’où l’on déduit Pn′ (1) − Pn′ (0) = Pn−1 (0) , et ceci est nul si n ≥ 2. Donc dans ce cas Pn′ (1) = Pn′ (0). En particulier, si 0 est racine double, il en est de même de 1. II. Expressions symétriques et sommes de puissances Dans l’ensemble des polynômes à coefficients réels de q lettres X1 , · · · , Xq on considère les polynômes qui s’écrivent comme des sommes, que l’on dira de type k, de la forme X p Xi11 · · · Xipkk où 1 ≤ k ≤ q, et où la somme contient tous les monômes différents possibles tels que les lettres Xi1 ,. . . ,Xik soient toutes différentes. Ce sont des expressions symétriques des q lettres X1 , · · · , Xq . Par exemple, les sommes de type 1 sont θp = q X Xjp . j=1 Notons σk la somme de type k où p1 = . . . = pk = 1 : on obtient ainsi les expressions symétriques élémentaires des q lettres X1 , · · · , Xq . DJ 7 Proposition 2 Toute somme de type k et de degré r est une expression algébrique de θ1 ,. . . ,θr indépendante de q. On montre par récurrence sur k que toute somme de type k et de degré r est une expression algébrique de θ1 ,. . . ,θr indépendante de q. C’est vrai de manière évidente si k = 1. Supposons la propriété vraie jusqu’à l’ordre k − 1, et soit X p S= Xi11 · · · Xipkk une somme de type k et de degré r = p1 + · · · + pk (donc pj ≤ r). Considérons le produit ! q k X Y pj Xi . P = j=1 i=1 Lorsque l’on développe ce produit, on obtient la somme de tous les produits possibles de termes de la forme Xip11 · · · Xipkk . En regroupant les monômes identiques, il apparaît, la sommes S multipliée par une constante entière M indépendante de q, plus des combinaisons linéaires à coefficients entiers indépendants de q de sommes de type inférieur à k − 1 obtenues lorsque plusieurs lettres sont identiques. Toutes ces sommes sont encore de degré r. Donc S= 1 (P − des sommes de type ≤ à k − 1) . M Comme P = k Y θpj , j=1 et en utilisant l’hypothèse de récurrence, on en déduit immédiatement que S est une expression algébrique de θ1 ,. . . ,θr indépendante de q. Corollaire Toute expression symétrique des q lettres X1 , · · · , Xq est une expression algébrique indépendante de q des θp . En effet, toute expression symétrique des q lettres X1 , · · · , Xq est une expression algébrique des expressions symétriques élémentaires qui sont des sommes de type k. En particulier, puisque σp est de degré p, il existe un polynôme Qp de p lettres, indépendant de q, tel que σp = Qp (θ1 , . . . , θp ) , et si l’on remplace toutes les lettres par 0, on obtient 0 = Qp (0, . . . , 0) . DJ 8 Par exemple σ1 = θ 1 , 1 σ3 = (θ13 − 3θ1 θ2 + 2θ3 ) . 6 1 σ2 = (θ12 − θ2 ) , 2 III. Sommes des puissances des premiers entiers Si k ≥ 1, posons νnk = n−1 X jk . j=0 On posera également νn0 = n . Proposition 3 Pour tout k ≥ 0, il existe un polynôme Rk de degré k + 1, nul en 0, tel que νnk = Rk (n) . La propriété se montre par récurrence sur k. On a νn0 = n = R0 (n) , où R0 (X) = X . Supposons la propriété vraie jusqu’à l’ordre k − 1, et calculons de deux manières la somme U= n−1 X [(j + 1)k+1 − j k+1 ] . j=0 Tout d’abord, par le procédé télescopique U = nk+1 . DJ 9 D’autre part en développant par la formule du binôme, U = k+1 X k+1 n−1 X i=0 j=0 = k n−1 XX j=0 i=0 = i k X i=0 = (k + j −j k+1 ! k+1 i j i n−1 k X k+1 X i=0 = i i ji j=0 k+1 i νn i 1)νnk + k−1 X k+1 νni . k−1 X k+1 νni i i=0 On en déduit νnk 1 = k+1 n k+1 − i i=0 ! . Donc, en utilisant l’hypothèse de récurrence, 1 νnk = k+1 nk+1 − k−1 X k+1 i i=0 ! Ri (n) . Si l’on pose 1 Rk (X) = k+1 X k+1 − k−1 X k+1 i=0 i ! Ri (X) on obtient un polynôme de degré k + 1 tel que νnk = Rk (n) . De plus 1 Rk (0) = k+1 − k−1 X k+1 i=0 i ! Ri (0) = 0. On retrouve facilement les premiers polynômes X(X − 1) 1 , R1 (X) = (X 2 − R0 (X)) = 2 2 , DJ 10 puis R2 (X) = = = = 1 3 (X − R0 (X) − 3R1 (X)) 3 1 X(X − 1) 3 X −X −3 3 2 1 X(X − 1)(2(X + 1) − 3) 6 X(X − 1)(2X − 1) . 6 On a aussi R3 (X) = = = = = 1 4 (X − R0 (X) − 4R1 (X)) − 6R2 (X)) 4 1 (X 4 − X − 2X(X − 1) − X(X − 1)(2X − 1)) 4 1 X(X − 1)(X 2 + X + 1 − 2 − (2X − 1)) 4 1 X(X − 1)(X 2 − X) 4 X(X − 1) 2 . 2 IV. Somme des produits de k nombres choisis dans {1, 2, . . . , n − 1} Soit n ≥ 2 et 1 ≤ k ≤ n − 1. Notons µkn la somme de tous les produits de k nombres distincts ordonnés choisis dans {1, 2, . . . , n − 1}. En particulier µnn−1 = (n − 1)! . Mais aussi µ1n = 1 + · · · + (n − 1) = n(n − 1) . 2 Calculons µ2n . On a µ2n = 1 2 n−1 X j=1 2 j − n−1 X j=1 j2 , DJ 11 et donc ! n(n − 1) 2 n(n − 1)(2n − 1) − 2 6 1 n(n − 1) n(n − 1) 2n − 1 − 2 2 2 3 n(n − 1) (3n2 − 3n − (4n − 2)) 24 n(n − 1) (3n2 − 7n + 2) 24 n(n − 1) (n − 2)(3n − 1) . 24 1 2 µ2n = = = = = On peut calculer µ3n par une technique analogue. Lorsque l’on développe n−1 X j=1 3 j on obtient tous les produits ijk de trois nombres quelconques de {1, 2, . . . , n − 1}. Ils sont de trois types : – les termes de la forme i3 – les termes de la forme ij 2 avec i 6= j. On les obtient chacun 3 fois puisque l’on obtient un tel terme en prenant i dans un des 3 facteurs et j dans les deux autres – les termes de la forme ijk, où i, j et k sont deux à deux distincts. On les obtient chacun 3 ! fois car c’est le nombre de permutations de 3 objets. Donc n−1 X j=1 3 j = n−1 X j3 + 3 X ij 2 + 6µ3n , i6=j j=1 soit µ3n = 1 6 n−1 X j=1 3 j − n−1 X j3 − 3 ij 2 . X ij 2 . i6=j j=1 X Par ailleurs On obtient donc n−1 X j=1 j n−1 X j=1 j 2 = n−1 X j=1 j3 + i6=j DJ 12 µ3n = 3 n−1 n−1 X 1 X j3 − 3 j +2 6 j=1 j=1 = = = = = 3 n−1 X i=1 ! n−1 X i j 2 j=1 2 n(n − 1) n(n − 1) n(n − 1)(2n − 1) n(n − 1) +2 −3 2 2 2 6 2 1 n(n − 1) n(n − 1) + 2 − (2n − 1) 6 2 2 1 2 n (n − 1)2 (n2 − n + 4 − 2(2n − 1)) 48 1 2 n (n − 1)2 (n2 − 5n + 6) 48 1 2 n (n − 1)2 (n − 2)(n − 3) . 48 1 6 ! On remarque que, si 1 ≤ k ≤ n − 2, la somme µkn peut se séparer en deux parties : les termes contenant n − 1, et ceux qui ne le contienne pas. Dans le premier cas on fait la somme de produits de k facteurs pris dans {1, . . . , n − 2} : c’est donc µkn−1 . Dans le second cas n − 1 est en facteur dans une somme de k−1 produits de k − 1 facteurs pris dans {1, . . . , n − 2} : c’est donc (n − 1)µn−1 . Donc on a la relation k−1 µkn = µkn−1 + (n − 1)µn−1 . (2) Dans le cas où k = 1, on a µ1n = µ1n−1 + (n − 1) , et la relation précédente reste vraie à condition de poser µ0n−1 = 1. Dans le cas où k = n − 1, on a n−2 µnn−1 = (n − 1)µn−1 = (n − 1)! , n−1 et la relation (2) reste vraie à condition de poser µn−1 = 0. On posera donc si n ≥ 1, µnn = 0 et µ0n = 1 . La relation permet de calculer les coefficients dans un triangle analogue à celui de Pascal. n=1 n=2 n=3 n=4 n=5 n=6 k=0 1 1 1 1 1 1 k=1 0 1 3 6 10 15 k=2 k=3 k=4 k=5 k=6 0 2 11 35 85 0 6 50 225 0 24 274 0 120 0 DJ 13 On constate que, pour k = 1, 2 ou 3, on a µkn = Pk (n) , où Pn est le polynôme du paragraphe I. Nous allons montrer que cette propriété est vraie quel que soit n. On a vu dans II que l’on avait σp = Qp (θ1 , . . . , θp ) . Prenons q = n − 1 et remplaçons l’ensemble de lettres X1 ,. . . ,Xq par 1, . . . , n − 1, on obtient µpn = Qp (νn1 , . . . , νnp ) , et donc, d’après III, µpn = Qp (R1 (n), . . . , Rp (n)) . Si l’on pose Hp (X) = Qp (R1 (X), . . . , Rp (X)) , cela s’écrit µpn = Hp (n) . La relation (2) devient alors Hk (n) = Hk (n − 1) + (n − 1)Hk−1 (n − 1) , et il en résulte que le polynôme Hk (X) − (Hk (X − 1) + (X − 1)Hk−1 (X − 1)) s’annule pour tout entier n ≥ k + 2. C’est donc le polynôme 0, et l’on a Hk (X) = Hk (X − 1) + (X − 1)Hk−1 (X − 1) . On constate alors que la suite de polynômes (Hn )n≥0 vérifie la même relation que la suite (Pn ) de la partie I. De plus, si n ≥ 1, Hn (0) = Qp (R1 (0), . . . , Rp (0)) = Qp (0, . . . , 0) = 0 , et enfin H1 = P1 . Alors, par unicité, pour tout n ≥ 1, on a Hn = Pn . On peut donner une autre démonstration du fait que µkn est de la forme Hk (n). En effet, de la relation (2) on tire immédiatement n−1 X k µn = jµjk−1 . j=k DJ 14 Donc si on suppose la propriété vraie à l’ordre k − 1, on aura µkn = n−1 X jHk−1 (j) . j=k Si l’on pose Hk−1 (X) = ∞ X i Xi , δk−1 i=0 on aura µkn n−1 X = ∞ X j i=0 j=k ∞ X = i=0 ∞ X = i=0 ∞ X = i δk−1 ji i δk−1 n−1 X j i+1 j=k i δk−1 (νni+1 − νki+1 ) i (Ri+1 (n) − Ri+1 (k)) . δk−1 i=0 Donc en posant Hk (X) = ∞ X i (Ri+1 (X) − Ri+1 (k)) , δk−1 i=0 on a µkn = Hk (n) . Comme on a vu que deg Pk = 2k, si 2k−2 X Pk−1 (X) = i Xi , δk−1 i=0 on a donc Pk (X) = 2k−2 X i δk−1 (Ri+1 (X) − Ri+1 (k)) , i=0 Mais Pk (0) = Ri (0) = 0. Alors Pk (0) = − 2k−2 X i Ri+1 (k) = 0 , δk−1 i=0 et finalement, si k ≥ 2, Pk (X) = 2k−2 X i=1 i Ri+1 (X) , δk−1 DJ 15 ce qui donne un autre moyen de calculer de proche en proche les polynômes Pk . Par exemple P2 (X) = δ11 R2 (X) + δ12 R3 (X) = = = = 1 X(X − 1)(2X − 1) 1 X(X − 1) 2 + − 2 6 2 2 X(X − 1) (−2(2X − 1) + 3X(X − 1)) 24 X(X − 1) (3X 2 − 7X + 2) 24 X(X − 1)(X − 2)(3X − 1) . 24 V. Les nombres de Stirling de première espèce Ce sont les coefficients dans la base naturelle des polynômes γn . Si n ≥ 1, on a γn (X) = X(X − 1) · · · (X − n + 1) , et, en développant le produit γn (X) = X n − µ1n X n−1 + µ2n X n−2 + · · · + (−1)n−1 µnn−1 X . Notons Snp le coefficient de X p dans le polynôme γn . Si 0 ≤ p ≤ n on a donc, Snp = (−1)n−p µnn−p . On pourra compléter en posant S00 = µ00 = 1 . On a donc de manière symétrique µpn = (−1)p Snn−p . La relation liant les nombres de Stirling se déduit alors de (2). On obtient n−1−k n−k (−1)k Snn−k = (−1)k Sn−1 + (n − 1)(−1)k−1 µn−1 , d’où en multipliant par (−1)k et en posant p = n − k, p−1 p Snp = Sn−1 − (n − 1)Sn−1 . On a la table des premiers nombres de Stirling de première espèce : DJ 16 n=0 n=1 n=2 n=3 n=4 n=5 n=6 p=0 1 p=1 p=2 p=3 p=4 p=5 p=6 1 −1 2 −6 24 −120 1 −3 11 −50 274 1 −6 35 −225 1 −10 85 1 −15 1 On a également Sn1 = (−1)n−1 (n − 1)! , Snn−1 = − Snn−2 = n(n − 1) , 2 n(n − 1)(n − 2)(3n − 1) , 24 Snn−3 = − n2 (n − 1)2 (n − 2)(n − 3) . 48 VI. Les nombres de Stirling de deuxième espèce (Voir BF) A partir de la relation de récurrence k−1 k σnk = kσn−1 + σn−1 , vérifiée par les nombres de Stirling de deuxième espèce, on obtient n−k n−k−1 σnn−k = (n − k)σn−1 + σn−1 . On en déduit σnn−k = n X j−k (j − k)σj−1 , j=k+1 et donc par récurrence, il existe une famille de polynôme Tn telle que σnn−k = Tk (n) . Ces polynômes vérifient alors la relation Tn (X + 1) − Tn (X) = (X + 1 − n)Tn−1 (X) , On a T0 (X) = 1 , et si l’on écrit Tn (X) = T1 (X) = ∞ X k=0 X(X − 1) , 2 ξnk Γk (X) , DJ 17 on a (X + 1 − n)Pn−1 (X) = XPn−1 (X) + (1 − n)Pn−1 (X) = ∞ X k−1 k (kξn−1 + (1 + k − n)ξn−1 )Γk (X) , k=0 ce qui conduit à la relation k−1 k ξnk+1 = kξn−1 + (1 + k − n)ξn−1 . On constate, comme pour les polynômes Pn , que les polynômes Tn sont de degré 2n et que les nombres 0,1,. . . ,n sont racines. Voici la table des ξnk : n=1 n=2 n=3 n=4 n=5 k=2 1 k=3 k=4 1 3 1 k=5 k=6 k=7 k=8 k=9 k = 10 10 1 15 25 1 105 56 105 490 1260 945 En particulier, on montre par récurrence que ξnn+1 = 1 et ξn2n = 1 × 3 × · · · × (2n − 1) = (2n)! . 2n n! Voici les premiers polynômes : X(X − 1) 2 X(X − 1)(X − 2)(3x − 5) T2 (X) = 24 T1 (X) = T3 (X) = T4 (X) = X(X − 1)(X − 2)2 (X − 3)2 48 X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4)(15X 3 − 150X 2 + 485X − 502) 5760 X(X − 1)(X − 2)(X − 3)(X − 4)2 (X − 5)2 (3X 2 − 23X + 38) . 11520 En fait les polynômes Tn sont reliés très simplement aux polynômes Pn par la relation T5 (X) = Tn (X) = Pn (n − X) . En effet de la relation Pn (X + 1) − Pn (X) = XPn−1 (X) , DJ 18 on tire en remplaçant X par n − X − 1, Pn (n − X) − Pn (n − X − 1) = (n − X − 1)Pn−1 (n − X − 1) , donc Pn (n − X − 1) − Pn (n − X) = (X + 1 − n)Pn−1 (n − X − 1) , et si l’on pose Un (X) = Pn (n − X) , on trouve Un (X + 1) − Un (X) = (X + 1 − n)Un−1 (X) . Donc Un et Tn vérifient la même relation. Comme de plus U1 = T1 , et que Un (0) = Pn (n) = Tn (0) = 0 , on obtient par unicité la même famille de polynômes. Si l’on écrit Pn (−X) = Tn (X + n) , on constate que les valeurs du polynôme Pn pour les entiers négatifs donne les nombres de Stirling de deuxième espèce, alors que les valeurs pour les entiers positifs donnent, au signe près, les nombres de Stirling de première espèce. σnn−p = Tp (n) = Pp (p − n) et Snn−p = (−1)p Pp (n) . En particulier σnn−1 = n(n − 1) , 2 σnn−2 = n(n − 1)(n − 2)(3n − 5) , 24 σnn−3 = n(n − 1)(n − 2)2 (n − 3)2 . 48 On a aussi σnk = σnn−(n−k) = Tn−k (n) = Pn−k (−k) , et Snk = Snn−(n−k) = (−1)n−k Pn−k (n) = (−1)n−k Tn−k (−k) . En particulier Sn1 = (−1)n−1 Tn−1 (−1) = (−1)n−1 (n − 1)! , et σn1 = Pn−1 (−1) = 1 . Donc Tn (−1) = n! et Pn (−1) = 1 .