Revue SOAO n° 01- 2009, pp. 26-31 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 26-31 © EdUCI 2009 CHORIORETINOPATHIE SEREUSE CENTRALE RECIDIVANTE ET BILATERALE : étude d’un cas. Relapsing and bilateral serous chorioretinopathy. A case report. TYC. Sowagnon1, FX. Kouassi1, M. Soumahoro1, E. KOMAN1, PEFK. BILE3, K. Safédé2, KV. Koffi3. 1- Service d’Ophtalmologie, Chu de Cocody 2- Service d’Ophtalmologie, Chu de yopougon 3- Service d’Ophtalmologie, Chu de Bouaké Correspondance : TYC Sowagnon Interne des hôpitaux, service d’Ophtalmologie, CHU de Cocody, Abidjan (Côte d’Ivoire) [email protected] ResumE But : le but de l’étude était de relever les aspects étiopathogéniques de la choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) en Abidjan. Observation : il s’agit d’un patient de 46 ans sans aucun antécédent qui a présenté à deux reprises une baisse brutale d’acuité visuelle associée à un scotome central, des métamorphopsies et des micropsies. L’angiographie à la fluorescéine a objectivé les points de fuite en faveur d’une CRSC bilatérale lors du 2ème épisode. Discussion : la CRSC survient chez l’adulte jeune de sexe masculin âgé de moins de 50 ans et présentant une personnalité de type A. D’autres facteurs non moins importants sont retrouvés. Ce sont la corticothérapie systémique, l’infection à hélicobacter pylori mais également toutes les situations à même de générer une augmentation du taux de cortisol plasmatique. Conclusion : Le stress psychique est sans nul doute l’un des facteurs déterminants dans la survenue de la CRSC. mots - cles : chorioretinopathie stress - hélicobacter pylori. - corticotherapie - Summary Objective : the aim of the study was to record the etiopathogenic features of central serous chorioretinopathy in Abidjan (Côte d’Ivoire). Observation : the study concerned a 46 year-old patient without any history who presented twice a brutal loss of vision associated with a central scotoma, metamorphoses and micropsias. Fluorescein angiography objectified the leakage points. Discussion : central serous chorioretinopathy occurs in the male young adult who is less than 50 years old and who presents a type A personality. Other important factors are found ; they are the following: systemic corticosteroids, infection due to Helicobacter pylori but also all the situations likely to generate increased levels of plasma cortisol. Conclusion : mental stress is without doubt one of the determining factors of central serous chorioretinopathy. key words - helicobacter TYC. Sowagnon et al. 26 : chorioretinopathy - corticosteroids - stress pylori Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 26-31 Introduction Pathologie d’origine imprécise, la choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) correspond à un décollement de la rétine sensorielle (DSR) dû à une ou plusieurs lésion(s) au niveau de l’épithélium pigmentaire (EP) 1. Elle survient habituellement chez le sujet jeune, avec une prédominance masculine. Elle est responsable d’un syndrome maculaire, unilatéral le plus souvent avec notamment une baisse d’acuité visuelle, des métamorphopsies et une micropsie2. La symptomatologie fonctionnelle, l’examen biomicroscopique et surtout l’angiographie à la fluorescéine permettent de différencier la CRSC des autres causes du décollement séreux rétinien maculaire (DMLA, Tumeur choroïdienne…). Le terme de CRSC idiopathique couramment utilisé témoigne de la difficulté à rattacher cette entité clinique assez bien individualisée à un processus pathogénique univoque. Nous rapportons l’observation d’une CRSC récidivante et bilatérale chez un sujet jeune. L’intérêt de cette observation réside d’une part dans la récidive et la bilatéralisation de la CRSC au cours du deuxième épisode, et d’autre part dans le rôle du stress, notamment professionnel et social dans la survenuede cette affection. Observation Il s’agit d’un patient âgé de 46 ans, cadre dans une entreprise qui a présenté deux épisodes de CRSC survenue à trois années d’intervalle toujours dans le même trimestre. Le 1er épisode s’est déroulé en décembre 2007, il a présenté une BAV de l’œil droit associée à un scotome, des métamorphopsies et une micropsie. A l’examen, l’acuité visuelle était de 4/10 non améliorable au trou sténopéique à l’œil droit et de 10/10 à l’œil gauche. L’examen biomicroscopique du fond d’œil paraissait normal aux deux yeux. Le champ visuel a mis en évidence un scotome central à l’œil droit alors qu’il était normal à l’œil gauche. L’angiographie rétinienne à la fluorescéine a montré un point de fuite interpapillo-maculaire à l’OD et une altération de l’épithélium pigmentaire rétinien à l’OG. Il a bénéficié d’une thérapie associant un repos à un anxiolytique. La récupération complète de la fonction visuelle s’est faite au cours du troisième mois de suivi. Trois ans plus tard dans le même trimestre, il a été reçu pour une symptomatologie identique mais bilatérale cette fois. L’acuité visuelle était de loin de 4/10 à l’OD et de 2/10 à l’OG et de près parinaud 5 et 6 respectivement avec sa correction portée. L’examen biomicroscopique du fond d’œil montrait une bulle de soulèvement maculaire aux deux yeux. L’angiographie a retrouvé un point de fuite interpapillo-maculaire à l’OD et supéro-maculaire à l’OG. Le même traitement a été institué associée à une aide visuelle transitoire à l’aide de loupe grossissante. Nous avons envisagé une photocoagulation des points de fuite mais devant la récupération progressive et régulière de la fonction visuelle au cours du deuxième mois de suivi, elle ne fut pas réalisée. Discussion La CRSC est une affection rare mais pas exceptionnelle chez le noir africain, Fanny3 a déjà fait ce constat puisqu’il a retrouvé dans son étude pendant la période de 2003 à 2005, 6 cas de CRSC. Balo4 dans son étude en a observé 2 cas. Elle touche principalement des hommes jeunes entre l’âge de 24 et 50 ans5. Dans notre observation, notre patient était âgé de 46 ans. Si la race n’est pas un facteur prédictif significatif comme l’ont constaté Desaï et al6, le sexe masculin par contre est le plus souvent affecté. Plusieurs auteurs dont Ahnoux5 ont fait ce constat en notant un sexratio de 3,33 dans son étude. Si l’étiopathogénie de la CRSC reste inconnue, diverses hypothèses ont été avancées. Selon Gass7, la CRSC résulterait d’une altération localisée de l’épithélium Choriorétinopathie séreuse centrale récidivante et bilatérale : à propos d’un cas. 27 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 26-31 pigmentaire (EP); Spitznas 8 en 1980 reprend la théorie de Gass mais privilégie plutôt un facteur pathogénique de nature immunologique, infectieuse et vasculaire6. Une altération diffuse de l’EP est également nécessaire. Cette altération de l’EP peut être soit isolée, soit le résultat d’une ischémie de la choriocapillaire comme l’a suggéré Scheider9 à partir d’observations de CRSC suivies à l’angiographie en infrarouge au vert d’indocyanine. Selon Marmor10, le fluide sous rétinien est le résultat d’un gradient de pression issu de la choroïde à travers une altération localisée de l’épithélium pigmentaire et de la diminution des forces d’adhésion rétinienne. D’autres hypothèses plus récentes sont en faveur d’une altération étendue du couple épithélium pigmentairechoriocapillaire, le point de fuite visible à l’angiographie ne serait que le phénomène déclenchant. Si ces hypothèses tentent d’expliquer le mécanisme de survenue de la CRSC, il reste qu’un facteur déclenchant soit nécessaire. Plusieurs auteurs évoquent une personnalité de type A (personnalité anxieuse avec un sens élevé de la compétitivité, tendance nette au psychosomatisme)11, le taux élevé de cortisol plasmatique12 chez des patients traités par des glucocorticoïdes pour des affections inflammatoires (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde…) ou qui sont sous immunosuppresseurs pour une greffe d’organe2. L’hypertension artérielle et l’anémie sont également souvent présentes13. Le stress comme facteur déterminant a été largement incriminé dans la littérature4,14. Fanny a retrouvé dans son étude 6 cas de CRSC diagnostiqués pendant la crise militaro-politique ayant touché la Côte d’Ivoire dans des situations variées. Mais, toutes en rapport avec l’instabilité psychique conséquence du stress, des émotions, du doute et de l’incertitude dans laquelle vivaient ces patients. Notre patient était en proie à une situation de stress intense causée par l’évaluation de son bilan d’activité annuel. D’autres auteurs notamment Ahnoux5, Giusti15, Mauget-Faysse16 et Musiuk17 ont rapporté des cas de CRSC associés à une recherche positive d’hélicobacter pylori (Hp). La comparaison des proportions dans la population générale (25,4% des 58419710 français en 1999) et des patients de l’étude de Ahnoux5 (39,7% des 78 patients) par le Chi2 relèverait une liaison hautement significative (p=0,0036) entre la positivité du test et le fait d’avoir une CRSC. Selon Giusti15, la CRSC pourrait être une manifestation extra digestive de l’hélicobacter pylori. La recherche d’hélicobacter pylori est positive dans 70% des cas dans les ulcères gastriques et dans 90% des cas dans les ulcères duodénaux. La prévalence d’hélicobacter pylori dans les ulcères18 est bien plus élevée que chez les patients atteints de CRSC ; mais cela n’empêche pas que cette infection puisse être un des facteurs favorisants de la CRSC. De plus ces deux affections ont toute une composante psychique. Ce facteur digestif n’a pas été retrouvé chez notre patient. A l’instar de l’infection à hélicobacter pylori et du stress psychique, l’usage systémique des glucocorticoïdes à forte dose ou tout état susceptible d’engendrer une élévation du taux de cortisol plasmatique semblerait être à l’origine de certains cas de CRSC. Bouzas19 et Fastenberg12 ont rapporté respectivement 3 cas de CRSC chez des patients présentant un syndrome de Cushing endogène et 2 cas de CRSC au cours de la grossesse, vraisemblement liés au taux élevé de cortisol plasmatique. De même Chaine2 a rapporte 3 cas de CRSC en rapport avec une corticothérapie systémique avec majoration des doses. Gass et Little20 ont également rapporté 3 cas de CRSC bilatéraux au cours d’une corticothérapie systémique. Dans un contexte un peu différent, Bouzas21 quant à lui a rapporté 2 cas de CRSC après usage locale de glucocorticoïdes. Selon Gass, les taux élevés de cortisol plasmatique peuvent être responsables de l’aggravation de la perméabilité de la choriocapillaire. Il est en effet bien connu que les corticostéroïdes inhibent la prolifération fibroblastique et la cicatrisation. Nos investigations n’ont pas retrouvé chez notre patient un traitement au long cours par les corticostéroïdes. Il est vraisemblable qu’il y a une corrélation entre les hauts niveaux de cortisol plasmatique au cours de la grossesse, de la maladie de Cushing ou des corticothérapies systémiques et un risque important de développer une CRSC. Celle-ci peut être soit typique avec un TYC. Sowagnon et al. 28 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 26-31 ou plusieurs points de fuite au sein d’une zone d’EP d’aspect angiographique normal, soit associée à une vaste zone d’altération de l’EP faisant évoquer une épithéliopathie rétinienne diffuse 22 . L’épithéliopathie rétinienne diffuse(ERD) et la CRSC sont deux tableaux cliniques présentant une symptomatologie identique au plan fonctionnel. Les patients avec ERD ont un passé de CRSC. L’ERD qui serait le résultat de CRSC répétitives. Le risque de complication néovasculaire sous rétinienne est faible mais semble plus fréquent chez les patients les plus âgés. Ces patients sont souvent hypertendus et soumis à une corticothérapie. S’il est actuellement reconnue que la photocoagulation du point de fuite a montré une certaine efficacité en accélérant la résorption du décollement séreux rétinien ; toutefois, elle reste sans influence sur la fréquence des récidives et n’est pas dénué d’effets secondaires. Entre autres, elle est pourvoyeuse de néovascularisation choroïdienne qui même si elle est rare, demeure une complication dramatique. Ce fait a motivé encore plus la surveillance régulière de notre patient en lieu et place d’une photocoagulation au laser. A côté d’elle, La photothérapie dynamique par son action pro-thrombosante semble intéressante pour traiter l’hyperperméabilité vasculaire choroïdienne11. Conclusion La CRSC est une affection à l’étiopathogénie complexe dont les facteurs déterminants les plus incriminés sont le stress psychique, la corticothérapie systémique et l’infection à hélicobacter pylori. Son évolution reste favorable en règle générale mais les récidives sont fréquentes. References 6. Desaï UR, Alhalel AA, Campen TJ, Schiffman RM, Edwards PA, Jacobsen GR. Central serous chorioretinopathy in African Americans. J Natl Med Assoc, 2003; 95: 553-9. 1. Spaide R, Hall L, Haas A, Campeas L, Yannuzzi LA, Fisher YL et al. 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Sowagnon et al. 30 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 26-31 annexes Œil gauche Œil droit Aspects angiographiques d’une choriorétinopathie séreuse centrale bilatérale Choriorétinopathie séreuse centrale récidivante et bilatérale : à propos d’un cas. 31