A. UN PEU D’HISTOIRE 5
certaine propriété P(n) qui dépend d’un entier nest vraie pour tout entier. En appli-
quant le principe de récurrence à l’ensemble des entiers ntels que P(n) soit vérifié,
on peut démontrer le résultat voulu de la façon suivante :
– on démontre la propriété Ppour n=0 (initialisation) ;
– on démontre que si la propriété P(n) est vérifiée (hypothèse de récurrence), alors
P(n+1) est encore vraie.
Le principe de récurrence entraîne que la propriété Pest vérifiée pour tout entier.
Sans lui, on devrait commencer par le cas n=0, puis n=1, puis n=2, etc., et même à
la 7egénération, vos « successeurs » n’en seront toujours pas venu à bout ! Pascal (XVIIe
siècle) avait déjà utilisé le principe de récurrence, mais il revient bien à Peano de l’avoir
dégagé en tant qu’axiome qui caractérise les nombres entiers.
Il y a une variante importante du principe de récurrence qui s’énonce comme suit :
toute partie non vide de l’ensemble des entiers possède un plus petit élément. En termes
mathématiques, pour toute partie non vide Ade N, il existe un entier a∈Atel que
tout entier n∈Avérifie n>a. Pour l’établir, nous allons démontrer la propriété P(n)
suivante : si Aest une partie de Ntel que n∈A, alors Apossède un plus petit élément.
La propriété P(0) signifie : si Aest une partie de Ncontenant 0, alors Apossède un
plus petit élément. Elle est vraie, ce plus petit élément est précisément 0.
Supposons que P(n) soit vraie et démontrons P(n+1). Soit Aune partie de Ntel
que n+1∈A. Si n+1 est le plus petit élément de A, on a terminé ; sinon, il existe a∈A
tel que a<n+1, donc a6n. Posons B=A∪{n}. On a n∈B; par récurrence, Badmet
un plus petit élément b. Cet élément est nécessairement inférieur ou égal à acar a∈A
et A⊂B, et inférieur ou égal à n, car n∈B. Si b=n, alors n6a6n, d’où n=a, ce
qui montre que b∈A; sinon, b<net b∈Aaussi. Alors, pour tout élément mde A,
on a b6m, car m∈B. Cela montre que Apossède un plus petit élément et achève la
démonstration par récurrence.
Inversement, on peut déduire le principe de récurrence de cette variante (et des
quatre premiers axiomes). Soit en effet Aune partie de Nqui contient 0 et qui, si elle
contient un élément, contient son successeur. Montrons que A=N. Soit Ble complé-
mentaire de Adans N, c’est-à-dire l’ensemble des entiers qui n’appartiennent pas à A.
On veut montrer que Best vide. Raisonnons par l’absurde. Sinon, Bpossède un plus
petit élément b. Comme 0 ∈A, 0 6∈ B, d’où b6=0. Par suite, best le successeur d’un élé-
ment ade N. Si a∈A, alors b=s(a)∈A, ce qui est faux ; mais si a∈B, on a l’inégalité
a<bqui contredit l’hypothèse que best le plus petit élément de B.
Il reste encore une tâche au mathématicien consciencieux : démontrer qu’il « existe »
un ensemble avec ces propriétés : les entiers de M. Tout le Monde les vérifient effecti-
vement, mais ils ne forment pas un ensemble assez bien défini pour le mathématicien.
Nous laisserons ce problème de côté dans la suite de ce cours et feront comme si les
entiers naïfs étaient un objet mathématique obéissant aux axiomes de Peano.