22 Introduction aux probabilités – B. Mariou – Automne 2016 version du 20 octobre 2016
4 – FORMULE DES PROBABILITÉS TOTALES - FORMULE DE BAYES
On va voir deux formules qui exploitent les propriétés des probabilités conditionnelles et permettent
de calculer des probabilités, parfois difficiles à évaluer autrement.
La formule des probabilités totales utilise la décomposition d’un ensemble/evénement Esur un
autre Fet sur son complémentaire F.
La formule de Bayes exploite la symétrie du principe multiplicatif vu au chapitre précédent.
§4.1 - Formule des probabilités totales.
4.1 Utilisation de la décomposition de Esur Fet F. – Soient Eet Fdeux événements.
On sait que p(E) = p(EF) + p(EF)(propriété 2 page 10).
Mais aussi, selon le principe multiplicatif : p(EF) = p(F)·pF(E)et p(EF) = p(F)·pF(E).
Et donc : p(E) = p(F)×pF(E) + p(F)×pF(E).
4.2 – Théorème Formule des probabilités totales.
Soient deux événements Eet F, avec p(F)6= 0 et 6= 1.
Alors p(E) = p(F)×pF(E) + p(F)×pF(E).
4.3 Remarque. – Cette formule donne donc un moyen de calculer la probabilité de Elorsqu’on
connaît les probabilités de Econditionnées par Fet par son contraire F. La valeur de p(E)est la
moyenne des probabilités conditionnées par Fet F, mais pondérée par les probabilités respectives
de Fet F.
4.4 Généralisation. – Le raisonnement précédent peut être reproduit en décomposant Esur plus
de deux ensembles.
En effet, supposons que F1, F2, . . . , Fksont deux-à-deux incompatibles et leur union est tout
entier ; ce qui s’écrit F1tF2t ··· t Fk= Ω (la réunion est disjointe et elle vaut tout entier,
autrement dit F1, F2, . . . , Fkest une partition de ).
Alors E= (F1t···tFk)E= (F1E)t···t(FkE), et donc p(E) = p(F1E)+···+p(FkE).
Or chaque p(FiE)vaut p(Fi)·pFi(E). D’où le résultat qui suit.
4.5 – Théorème Version généralisée.
Soient des événements Eet F1, F2, . . . , Fktels que F1, F2, . . . , Fksont tous de probabilité non
nulle, et constituent une partition de .
Alors p(E) = p(F1)×pF1(E) + . . . +p(Fk)×pFk(E).
4.6 Exemple. – Il y a 5 % d’hommes qui sont daltoniens et 0,25 % de femmes qui sont daltoniennes.
Dans une ville, il y a 55 % d’hommes. Quelle est la probabilité qu’une personne de cette ville, choisie au hasard,
soit daltonienne ?
IDans les données de l’énoncé, l’événement qui conditionne est F=“la personne choisie est une femme”. Et
l’événement conditionné est D=“la personne choisie est daltonienne”.
L’énoncé nous donne pF(D) = 0,05,pF(D) = 0,0025 i.e. les probabilités de Dconditionnées par Fet F; et aussi
p(F)=0,45, et donc p(F)=0,55. On peut donc appliquer la formule des probabilités totales :
p(D) = p(F)·pF(D) + p(F)·pF(D) = 0,45 ×0,0025 + 0,55 ×0,05 = 9
20 ·25
10000 +11
20 ·5
100 = 2,8625%.
4.7 On a déjà utilisé une version simple de cette formule pour les exemples 3.10 et 3.11. On avait :
p(2R) = p(vr) + p(rr) = p(1V)×p1V(2R) + p(1V)×p1V(2R).
4.8 Exemple. – On dispose de deux pièces truquées A et B. La première donne Face avec une probabilité de
3/4et la seconde donne Face avec une probabilité de 1/4. On choisit une des deux pièces au hasard et on la lance.
a) Quelle est la probabilité d’obtenir Face ?
IÉvénement qui conditionne : A=“la pièce choisie est la pièce A. Événement conditionné : F=“on obtient Face”.
Formule des probabilités totales - Formule de Bayes version du 20 octobre 2016 23
L’énoncé indique que pA(F)=3/4et pA(F)=1/4; et p(A)=1/2car la pièce est choisie au hasard.
On applique la formule : p(F) = p(A)·pA(F) + p(A)·pA(F) = 1/2×3/4+1/2×1/4 = 1/2.
Ce résultat correspond à la moyenne entre 3/4 et 1/4.
b) On lance une deuxième fois la même pièce. Quelle est la probabilité d’obtenir Face-Face ?
ILe nouvel événement conditionné est F F =“on obtient Face-Face”. On connaît, pour chacune des deux pièces,
la probabilité d’obtenir deux fois Face, car les deux lancers sont indépendants : pA(F F )=3/4×3/4=9/16 et
pA(F F )=1/4×1/4=1/16.
On en déduit : p(F F ) = p(A)·pA(F F ) + p(A)·pA(F F ) = 1/2×9/16 + 1/2×1/16 = 5/16.
Ce résultat est la moyenne entre 9/16 et 1/16. Mais ce n’est pas du tout le produit p(F)×p(F)qui correspond,
lui, à la probabilité d’obtenir deux fois en Face lorsqu’on reproduit deux fois, de façon indépendante, la première
expérience i.e. on choisit au hasard une pièce qu’on lance, puis on choisit au hasard à nouveau avant d’effectuer le
deuxième lancer (ce n’est pas le procédé indiqué par l’énoncé qui précise bien qu’on relance la même pièce).
IOn peut ajouter une pièce équilibrée C. On suit le même processus : choix au hasard d’une des trois pièces, puis
on la lance deux fois. Les trois événements A, B, C correspondant au tirage de chacune des trois pièces permettent
d’appliquer la version généralisée : p(F F ) = p(A)pA(F F )+p(B)pB(F F ) +p(C)pc(F F )=1/3×9/16 +1/3×1/16 +
1/3×1/4 = 14/48.
§4.2 - Formule de Bayes.
4.9 Utilisation de la symétrie du principe multiplicatif. – Soient Eet Fdeux événements, tous
les deux de probabilité non nulle.
L’égalité p(EF) = p(F)·pF(E)a permis d’obtenir la formule des probabilités totales concernant
p(E).
L’égalité p(EF) = p(E)·pE(F)est également vraie, elle correspond à la définition de la probabilité
conditionnée par E:pE(F) = p(EF)
p(E).
Dans cette dernière égalité, on injecte les expressions précédentes de p(EF)et p(E)pour obtenir :
4.10 – Théorème Formule de Bayes.
Soient Eet Fdes événements de probabilités non nulles.
On a pE(F) = p(F)·pF(E)
p(F)·pF(E) + p(F)·pF(E).
4.11 Remarques. – Le premier terme du dénominateur est exactement le numérateur. La raison
est qu’on a effectué le calcul suivant : pE(F) = p(EF)
p(E)=p(EF)
p(EF) + p(EF).
Ensuite, la probabilité de chaque intersection est exprimée à l’aide du principe multiplicatif.
– L’intérêt de cette formule est d’“inverser” le conditionnement. Si on peut calculer aisément les
probabilités de Econditionnées par Fet Falors on pourra calculer, grâce à cette formule, la
probabilité de Fconditionnée par E.
4.12 Exemple. – (suite de l’exemple 4.6)
IQuelle est la probabilité qu’un daltonien pris au hasard soit une femme ? Autrement dit, on demande pD(F).
Or on connaît pF(D)et pF(D), ainsi que p(F). Appliquons la formule de Bayes :
pD(F) = p(F)·pF(D)
p(F)·pF(D) + p(F)·pF(D)=9/20 ×25/10000
9/20 ×25/10000 + 11/20 ×5/100 =9×25
9×25 + 11 ×500
=9
9 + 11 ×20 =9
229 '0,00393 = 3,93%.
.Commentaire. La proportion de femmes et d’hommes dans la population est comparable (45-55) mais les femmes
sont beaucoup moins atteintes de daltonisme, et donc, parmi les daltoniens, la proportion femmes/hommes n’est
plus du tout la même que dans la population globale (4-96).
4.13 Exemple. – On dispose de deux boîtes : A contient 1 bille rouge et 1 bille verte,
B contient 2 billes rouges et 1 bille verte.
On choisit au hasard une boîte puis une bille dans cette boîte.
a) Quelle est la probabilité que la bille piochée soit rouge ?
b) Sachant que la bille piochée est rouge, quelle est la probabilité que la boîte choisie soit la boîte A?
24 Introduction aux probabilités – B. Mariou – Automne 2016 version du 20 octobre 2016
IAppelons Al’événement “la boîte choisie est la boîte Aet Rl’événement “la bille choisie est rouge”. L’énoncé
fournit quelques probabilités, notamment conditionnées par A:p(A) = 1/2car le choix de la boîte est effectué au
hasard, pA(R)=1/2et pA(R)=2/3car le choix de la bille est effectué au hasard.
On dispose des informations suffisantes pour appliquer la formule des propabilités totales et calculer p(R):
p(R) = p(A)·pA(R) + p(A)·pA(R) = 1/2×1/2 + 1/2×2/3 = 7/12.
On peut aussi appliquer la formule de Bayes pour obtenir pR(A):
pR(A) = p(A)·pA(R)
p(A)·pA(R) + p(A)·pA(R)=1/2×1/2
7/12 = 3/7.
4.14 – Théorème Version généralisée.
Soient Eet F1, F2, . . . , Fkdes événements tous de propabilités non nulles,
et tels que F1, F2, . . . , Fkpartitionnent .
Alors pE(F1) = p(F1)·pF1(E)
p(F1)·pF1(E) + p(F2)·pF2(E) + ··· +p(Fk)·pFk(E)
:? Démonstration. On a pE(F1) = p(EF1)
p(E)=p(F1)×pF1(E)
p(E). Et pour le dénominateur, on applique la
version généralisée de la formule des probabilités totales puisque les Fipartitionnent .; )
4.15 Exemple. – (suite de l’exemple 4.8)
Supposons qu’on a obtenu Face-Face, quelle est la probabilité que la pièce choisie soit la pièce A ?
Avec deux pièces pF F (A) = p(A)pA(F F )
p(A)pA(F F ) + p(B)pB(F F )=1/2×9/16
1/2×9/16 + 1/2×1/16 =9
10 .
Avec trois pièces pF F (A) = p(A)pA(F F )
p(A)pA(F F ) + p(B)pB(F F ) + p(C)pC(F F )=1/3×9/16
1/3×9/16 + 1/3×1/16 + 1/3×1/4=
9
14 .
Variables aléatoires version du 20 octobre 2016 25
Intermède — CHANGER DE POINT DE VUE PEUT AIDER
Premier exemple. Urne composée de 5 boules vertes et 3 rouges. On en pioche 2 successive-
ment, sans remise. Quelle est la probabilité que la deuxième soit rouge ?
Par le calcul (dénombrement des listes ou arbre pondéré grâce aux probabilités conditionnelles), on
trouve 3
8. On remarque que c’est la proportion initiale de boules rouges, et c’est aussi la probabilité
que la première boule piochée soit rouge.
Pensez que la pioche peut se faire simultanément avec les deux mains, en décidant que la première
est dans la main gauche et la seconde dans la droite. Mais cette décision est arbitraire ; et elle peut,
de toutes façons, être prise après les pioches.
Autrement dit, dans le cas d’un tirage sans remise, l’ordre des pioches est une donnée qui vient
s’ajouter à l’information sur la constitution de l’ensemble des boules piochées.
Deuxième exemple. Urne A : 2 vertes, 2 rouges – Urne B : 1 verte, 2 rouges. On pioche
une boule dans chaque urne. Quelle est la probabilité qu’elles soient de la même couleur ?
Si vous pensez qu’il y a une chronologie et que la boule piochée dans Aest la référence, un calcul
vous conduira à la réponse 1
2.
Mais si vous inversez ce point de vue : la boule piochée dans Best la boule de référence. Alors,
étant donné la composition de A, il est évident qu’il y a une chance sur deux de piocher dans A
une boule de cette couleur.
Troisième exemple. Urne avec 1 boule verte et 2 boules rouges. On en pioche deux sans
remise. Quelle est la probabilité de piocher les deux rouges ?
Par la calcul, on arrive facilement à 1
3.
Mais si vous pensez, non pas aux deux boules piochées, mais à celle qui reste non piochée, le
résultat est immédiat.
Quatrième exemple. Portes, voiture et chèvres. Voir les documents des séances précédentes.
Il est aisé d’évaluer la probabilité de gagner si on ne change pas de décision, c’est la probabilité de
choisir la bonne porte parmi trois : 1
3.
Sans calcul supplémentaire, on peut évaluer la probabilité de gain dans le cas où on modifie la
décision initiale : il suffit de remarquer qu’au moment de changer de décision, il reste deux portes,
une gagnante et une perdante ; et donc en modifiant son choix, le joueur échange sa situation par
rapport à ce qu’elle serait sans changer (gagné perdu, perdu gagné). Donc la probabilité de
gagner est dans ce cas 2
3.
Cinquième exemple. Blanche Neige et les pommes. Voir énoncé dans le cours (point 3.14).
Encore une fois, on peut résoudre cette question quasiment sans calculer. Le fait que ce soit Blanche
Neige qui meure ou bien le cochon dépend du fait que la pomme empoisonnée est piochée avant
les deux véreuses, ou pas.
Les deux pommes saines ne jouent aucun rôle. Si Blanche Neige pioche d’abord la pomme empoi-
sonnée, elle meurt. Si elle pioche d’abord une véreuse, c’est le cochon.
La probabilité que le cochon meure est donc la probabilité qu’une des deux pommes véreuses soit
piochée avant la pomme empoisonnée, soit 2
3.
Universit´e Paris 8 Introduction aux probabilit´es 2012-2013
Licence Informatique Feuille no4 Ph. Guillot
Exercice 1.
Dans une course de 20 chevaux o`u toutes les arriv´ees sont ´equiprobables, quelle est la probabilit´e,
en jouant 3 chevaux, de gagner le tierc´e
a) dans l’ordre ?
b) dans l’ordre ou le d´esordre ?
c) dans le d´esordre ?
Exercice 2.
On choisit au hasard un comit´e de 3 personnes parmi huit am´ericains, cinq anglais et trois fran¸cais.
Quelle est la probabilit´e :
qu’il ne se compose que d’am´ericains ?
qu’aucun am´ericain ne figure dans ce comit´e ?
qu’au moins un membre de chaque nation figure dans le comit´e ?
Exercice 3.
Alice, Bob, Charly et Denis jouent au bridge, et re¸coivent chacun 13 cartes d’un mˆeme jeu de 52
cartes. Sachant qu’Alice et Charly ont `a eux deux 8 piques, on en d´eduit que Bob et Denis ont 5
piques `a eux deux. Quelle est la probabilit´e pour que les piques soient bien r´epartis, c’est-`a-dire,
pour que la r´epartition des 5 piques soit 3 pour Bob et 2 pour Denis ou vice et versa ?
Exercice 4.
Une urne Acontient 3 boules noires et 4 boules rouges, alors que l’urne Bcontient 7 boules noires
et 8 boules rouges. On tire deux boules de chaque urne.
1. Dans l’urne A, quelle est la probabilit´e de tirer 2 boules noires ? 2 boules rouges ? une boule
noire et une boule rouge ? Mˆeme question pour l’urne B.
2. Quelle est la probabilit´e que :
a) les quatre boules soient de mˆeme couleur ?
b) deux boules soient noires et deux rouges ?
c) Est-il plus probable d’obtenir un nombre pair ou un nombre impair de boules noires ?
Exercice 5.
Dans une population de nindividus on pr´el`eve, au hasard, sans r´ep´etition et 2 fois de suite de
mani`ere ind´ependante avec remise entre deux tirages, 2 groupes de cardinaux respectifs ret s.
Quelle est la probabilit´e que les deux ´echantillons n’aient pas d’´el´ements communs ?
Exercice 6.
Une forˆet contient 20 cerfs dont 5 sont captur´es, marqu´es puis relˆach´es. Un an plus tard, 4 de ces
20 cerfs sont `a nouveau captur´es.
Quelle est la probabilit´e que 2 de ces 4 cerfs soient marqu´es ?
Exercice 7.
Dans une urne il y a njetons dont deux seulement sont gagnants. Un joueur a le droit d’utiliser
une des deux strat´egies suivantes :
prendre simultan´ement deux jetons ;
tirer un jeton, noter le r´esultat, le replacer dans l’urne et recommencer une fois.
1. Comparer les probabilit´es de succ`es, c’est-`a-dire avoir au moins un jeton gagnant, des deux
strat´egies.
2. R´epondre `a la eme question avec mjetons gagnants.
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