Des essais cliniques à la surveillance des médicaments après commercialisation :

224 | La Lettre du Neurologue Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012
ÉDITORIAL
Des essais cliniques à la surveillance des
dicaments après commercialisation :
le modèle de la sclérose en plaques
From clinical trials to post-marketing surveillance
ofdrugs: the example of multiple sclerosis
S. Vukusic
Service de neurologie A et Fonda-
tion Eugène-Devic- EDMUS pour
la sclérose en plaques, hôpital
neurologique Pierre-Wertheimer,
hospices civils de Lyon. Centre
des neurosciences de Lyon,
Inserm 1028, et CNRS UMR5292.
Université de Lyon et de Lyon 1.
Depuis 2005, le traitement de la sclérose en plaques (SEP) est entré
dans une nouvelle ère, avec l’arrivée de traitements immuno-
actifs bien plus efficaces, mais au prix d’effets indésirables
potentiellement graves : infections opportunistes, cancers ou autres
maladies auto-immunes. Ces événements rares sont mal connus à l’issue
des essais cliniques. La survenue des premiers cas de leucoencéphalite
multifocale progressive quelques mois seulement après la commercialisation
du natalizumab en est un exemple qui a marqué les neurologues.
Les essais cliniques sont en effet insuffisants pour détecter
des événements rares (inférieurs à 1/1 000) et certaines populations
n’ysont que peu ou pas représentées. Dans les années 1970, le scandale
de la thalidomide(1) a conduit à la création de la pharmacovigilance,
surveillance des médicaments fondée sur une déclaration obligatoire,
mais spontanée, des effets indésirables. Dautres scandales (statines[2],
coxibs[3] et plus récemment Mediator®) ont depuis pointé les limites de
cette organisation liées à la sous-notification. Depuis 2005, les autorités
de santé imposent donc à tout nouveau médicament une surveillance
après commercialisation proactive, toujours fondée sur la pharmaco-
vigilance, mais complétée par des activités de minimisation des risques
etpar des études pharmaco-épidémiologiques. Ces dernières permettent
d’apporter des informations complémentaires sur 3types de risques :
risques identifiés importants (détectés lors des essais, avec évaluation
continue de la balance bénéfice/risque) ;
risques potentiels importants (signaux au cours des essais cliniques
ouavec des produits similaires, mais dont l’importance et le lien
aveclemédicament doivent être confirmés) ;
informations manquantes importantes (en particulier dans
des populations à risque ou non étudiées dans les essais, comme les sujets
âgés ou les enfants).
La communauté neurologique française a montré sa capacité
às’organiser pour répondre avec succès à cette nouvelle réglementation,
en coordonnant elle-même le premier Plan de gestion des risques
danslaSEP via l’étude TYSEDMUS(4). Les nouveaux traitements defond
− et ils sont nombreux (fingolimod, puis alemtuzumab, tériflunomide,
fumarate, laquinimod, etc.) − vont être également soumis à ces règles,
entraînant une multiplication potentielle des études après leur
commercialisation.
1. Botting J. The history of thali-
domide. Drug News Perspect
2002;15:604-11.
2. Furberg CD, Pitt B.
Withdrawal of cerivastatin
from the world market. Curr
Control Trials Cardiovasc Med
2001;2(5):205-7.
3. Dieppe PA, Ebrahim S,
Martin RM et al. Lessons from
the withdrawal of rofecoxib.
BMJ 2004;329(7471):867-8.
4. www.afssaps.fr/content/
download/2502/.../PGR_
Tysabri_Janvier2011.pdf
La Lettre du Neurologue Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 | 225
ÉDITORIAL
Comment organiser ces études ? Comment gérer les passages des
patients d’une étude à une autre lors d’un changement de traitement ?
Comment obtenir des données à long terme ? Comment évaluer
lesrisques cumulatifs de l’utilisation successive de ces médicaments
chezun même patient ? Comment prendre en compte ces nouvelles
obligations sans augmenter la charge de travail des neurologues ?
Un effort de mutualisation des moyens humains, financiers,
méthodologiques et techniques dans une vaste et unique étude de
phaseIV, sur une cohorte unique et ouverte, devrait être la bonne
solution. Ildevrait permettre de répondre aux impératifs réglementaires
et apporter des informations sur la tolérance, l’efficacité et l’évaluation de
la balance bénéfice/risque tout au long de la vie d’un produit. Cette étude
observationnelle, menée dans la pratique quotidienne, sur le long terme,
au sein d’un large groupe de patients, avec un groupe contrôle de sujets
non traités et suivis simultanément, pourrait fournir, de plus, une source
de données unique pour estimer les risques cumulés des traitements et
définir les meilleures stratégies thérapeutiques dans l’avenir.
La France a l’opportunité d’être le premier pays à mettre en place
untel projet. L’Observatoire français de la sclérose en plaques (OFSEP)
fait partie des 10cohortes sélectionnées en janvier 2011 en réponse à
l’appel à projets “Cohortes 2010” dans le cadre du programme
Investissements d’avenir. Il bénéficie ainsi d’un soutien de l’Agence
nationale pour la recherche (ANR) d’environ 10 millions d'euros
pourles10années à venir. Fort des particularités uniques de la prise
encharge de la SEP en France(28centres experts, 17réseaux régionaux
de soins ville-hôpital dédiés à la SEP) et de l’existence d’une base de
données unique, EDMUS(5) [European Database for Multiple Sclerosis,
www.edmus.org], intégrée à la pratique quotidienne, l’OFSEP regroupe
déjà plus de 36 000 malades. Les neurologues français sont ainsi prêts
àréussir le défi d’un premier Observatoire mutualisé des traitements
enneurologie, qui leur permettra, en connaissant mieux les risques
maisaussi l’efficacité des traitements de fond dans la “vraie vie”,
demieuxsoigner leurs patients.
5. Confavreux C, Compston
DA, Hommes OR et al.
EDMUS, a European database
for multiple sclerosis. J
Neurol Neurosurg Psychiatry
1992;55(8):671-6.
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