La Lettre du Cardiologue - n° 391 - janvier 2006
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pleurales, pouvant faire discuter un cancer ou un infarctus pulmo-
naire, ou, plus rarement, des nodules multiples. Enfin, un épan-
chement ou un épaississement pleural peut être associé.
En pratique, un patient suspect de pneumonie à l’amiodarone doit
avoir une imagerie thoracique détaillée, un LBA, des épreuves
fonctionnelles respiratoires et un test aux diurétiques. S’il existe
assez d’arguments pour retenir le diagnostic, l’amiodarone sera
interrompue. À l’arrêt du traitement, l’amélioration est progres-
sive en 1 à 3 mois du fait de la longue durée de vie de la molé-
cule. L’absence d’amélioration 2 mois après l’interruption du trai-
tement doit faire revoir le diagnostic. Une corticothérapie orale
(prednisone : 0,75 à 1 mg/kg/j) est indiquée s’il existe une
hypoxémie sévère. La corticothérapie permettrait de raccourcir
l’évolution. La mortalité des pneumopathies associées à l’amio-
darone est élevée, pouvant atteindre 20 à 30 % chez les patients
hospitalisés. Le pourcentage de patients répondant favorablement
à la corticothérapie est estimé à 85 % des cas. On peut observer
des récidives en cas d’interruption trop précoce du traitement
(27) ; celui-ci sera donc maintenu au minimum durant un an et
sa décroissance sera progressive. L’évolution vers une fibrose
pulmonaire irréversible et vers l’insuffisance respiratoire survient
chez 5 à 7 % des patients.
Compte tenu de la sévérité potentielle de la pneumonie liée à
l’amiodarone, elle doit être diagnostiquée le plus précocement
possible. Tout symptôme respiratoire persistant doit conduire à la
réalisation d’une radiographie pulmonaire chez les patients trai-
tés par amiodarone, surtout ceux à risque (utilisation de fortes doses,
pathologie respiratoire préexistante, sujet âgé).
PLEURÉSIES
L’atteinte pleurale d’origine médicamenteuse est relativement
rare, souvent liée à l’amiodarone, plus rarement à d’autres molé-
cules (tableau I). Elle entre parfois dans le cadre d’un lupus induit
par le médicament, et le liquide pleural a alors les caractéristiques
retrouvées dans le lupus (liquide exsudatif, prédominance lym-
phocytaire, glycopleurie normale ou basse, titre élevé d’anticorps
antinucléaires dans le liquide pleural).
Le principal diagnostic différentiel est l’épanchement d’origine
cardiaque. Le caractère exsudatif de l’épanchement ne permet
pas toujours de trancher entre les deux, car certains épanchements
anciens d’origine cardiaque peuvent devenir exsudatifs au cours
du temps. La présence d’éosinophiles dans le liquide pleural, bien
qu’elle ne soit pas spécifique, permettra parfois d’orienter le dia-
gnostic. La démarche diagnostique est la même que pour celle
d’une pneumopathie : toute pleurésie exsudative ne faisant pas
sa preuve doit faire rechercher (entre autres) une cause médica-
menteuse et interrompre la molécule incriminée si elle n’est pas
indispensable (28). La biopsie pleurale n’apporte pas d’élément
diagnostique décisif dans les pleurésies médicamenteuses.
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