mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006
Analyse d’ouvrage
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Voilà un livre passionnant, provo-
cant et riche d’informations. Ecrit
par Joan Roughgarden qui est profes-
seur à l’université de Stanford (États-
Unis) et spécialiste de l’écologie des
lézards, il a l’ambition de couvrir tous
les aspects de la sexualité animale et
humaine dans ses aspects les plus
variés en une sorte de témoignage à
la gloire de la diversité.
Commençons par le côté positif. Le
livre comprend trois grandes parties.
La première décrit de manière exten-
sive les habitudes sexuelles de nom-
breuses espèces, allant de la non-per-
manence du phénotype sexuel à la
différence entre sexe et genre (nous
y reviendrons), aux familles à mul-
tiples genres, aux modalités du choix
chez les femelles et à l’homosexualité
chez les animaux. Il en existe plu-
sieurs centaines d’exemples encore
qu’il s’agisse dans tous les cas, bien
décrits et bien référencés, de bisexua-
lité plutôt que d’homosexualité vraie.
Joan Roughgarden tire de cette di-
versité de situations une conclusion
rafraîchissante, à savoir que la théo-
rie darwinienne de l’évolution fon-
dée sur la sélection sexuelle (en gros,
les mâles se disputent et les femelles
choisissent le meilleur) ne peut expli-
quer cet éventail et cet arc-en-ciel de
possibilités. Elle propose une autre
théorie dite de la sélection sociale qui
met l’accent sur la coopération et est
basée sur la théorie des jeux.
La deuxième partie aborde les pro-
blèmes liés au développement de
l’embryon humain, à la détermi-
nation du sexe et à son appropria-
tion par l’individu, à la notion de
norme (Où est le normal ? Où est le
pathologique ?).
La troisième partie décrit la diver-
sité des préférences sexuelles dans
l’espèce humaine allant des cas con-
nus chez les Indiens zunis et navajos,
les Mahus en Polynésie, les Hijras
de l’Inde, les Mukhannathuns de La
Mecque jusqu’aux Eunuques un peu
partout. Elle trouve des exemples de
sympathie pour l’homophilie dans
la Bible et exonère même Saint Paul
du péché d’homophobie. Elle in-
siste bien sûr sur la Grèce antique et
revendique Jeanne d’Arc comme une
« transgender ». Elle termine par une
description de la sociologie des trans-
sexuels aux États-Unis. En conclusion,
elle propose d’inclure l’enseignement
et le respect de la diversité dans le
curriculum médical et les pratiques
de soin.
Comme on le voit, le débat est large
et ambitieux. Il n‘est pas question ici
de faire une analyse systématique de
tous ces aspects. Je ne ferai que com-
menter certains thèmes. Le premier
concerne la notion de « genre ». On
sait que le mot gender désigne en
anglais « la manière dont une per-
sonne exprime son identité sexuelle
dans un contexte culturel ». Ce mot
ne concerne en principe que l’espèce
humaine. Il n’a pas d’équivalent en
français. Le dictionnaire Harrap’s le
traduit tout bonnement par sexe. Pour
nos dictionnaires, notre genre ne peut
que relever de la grammaire ou bien
alors être bon ou mauvais. Joan Rough-
garden l’étend aux espèces animales
comme « l’apparence, le comporte-
ment et l’histoire d’un être sexué ».
Elle décrit ainsi des espèces animales
où il y a deux ou trois « genres » mas-
culins ou féminins chez les poissons,
les batraciens, les oiseaux, etc.. Mais
arrivant à l’espèce humaine, elle
hésite à dépasser le nombre de deux
genres alors que d’après les critères
qu’elle donne pour le règne animal,
on pourrait facilement imaginer que
le bigame, le polygame, le gourou
d’une secte, le gigolo, le moine, le
pédophile, etc. pour ne parler que
des hommes, appartiendraient tous à
des genres différents.
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L’arc-en-ciel de l’évolution
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