Aplasie
En plus de l’anémie, les chimiothérapies cytotoxiques par
leur effet myélosuppresseur induisent des neutropénies pou-
vant se compliquer d’infections correspondant ainsi aux neu-
tropénies sévères de stade 4. L’incidence de la neutropénie
fébrile (NF) après chimiothérapie est voisine de 6 à 8 % [16].
La sévérité de la neutropénie est directement liée au risque
infectieux [17, 18] et le taux de mortalité en cas de neutro-
pénie fébrile est d’environ 10 % [19]. Les principaux sites
d’infection sont le tractus digestif, les poumons et la peau
[20]. La fièvre est le principal signe nécessitant une hospita-
lisation rapide pour mise en route d’un traitement par anti-
biothérapie avec ou sans facteurs de croissance. Les facteurs
de croissance sont recommandés en prévention primaire ou
en prévention secondaire pour potentialiser les chimiothéra-
pies en évitant une diminution de doses ou un espacement
des cures. En effet, il a été montré un lien significatif entre
aplasie fébrile, diminution du nombre de cycles de chimio-
thérapie et de la survie globale à 5 ans [21].
Le G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) ou facteur
de croissance granulocytaire stimule la différenciation, la
prolifération et la maturation de la lignée granulocytaire.
Il favorise la transformation des CFU-G (colony forming
unit granulocyte) en polynucléaires neutrophiles. Il est dis-
ponible sous la forme de 2 protéines chimiquement très
proches, se différenciant par la nature d’un acide aminé et
par l’existence ou non d’une glycosylation, ayant apparem-
ment les mêmes effets, le filgrastime (Neupogen®) et son
équivalent pégylé, le pegfilgrastime (Neulasta®) et leno-
grastime (Granocyte®) [22-25]. Du fait de sa configuration
et de son poids moléculaire, le pegfilgrastime (Neulasta®) a
une demi-vie longue permettant des injections plus espa-
cées avec une efficacité semble-t-il identique en termes de
durée d’aplasie fébrile [23, 25]. Une méta-analyse a indiqué
que les 2 G-CSF non pégylés (Neupogen® et Granocyte®)
sont équivalents en termes d’efficacité [26]. Les recomman-
dations actuelles reconnaissent aux 3 G-CSF une efficacité
similaire et ne favorisent pas une molécule par rapport à
une autre [27].
Des essais contrôlés randomisés [23, 25, 28, 29] et 2 méta-
analyses [26, 30] ont bien établi que l’utilisation prophylac-
tique des facteurs de croissance réduisait l’incidence, la
durée et la sévérité des neutropénies fébriles secondaires
à la chimiothérapie, avec dans certains essais une réduction
des neutropénies fébriles de 50 à 90 % [26, 29]. Alors que
l’association de facteurs de croissance à l’antibiothérapie a
un effet minime mais statistiquement significatif sur la
durée de l’aplasie fébrile par rapport à l’antibiothérapie
seule [31], l’utilisation prophylactique des facteurs de crois-
sance n’a aucun effet sur la mortalité post-infectieuse [26,
28, 32, 33]. Ceci pourrait cependant s’expliquer par un
manque de puissance dû au faible nombre de patients
décédés. Ainsi, les recommandations actuelles sont de ne
pas utiliser systématiquement les facteurs de croissance
mais de les prescrire au cas par cas selon les co-morbidités
du patient. Dans la littérature, certains facteurs prédictifs
indépendants de neutropénies fébriles ont été recensés.
Parmi eux, on relève un âge supérieur à 65 ans, un stade
tumoral avancé, un antécédent de neutropénie fébrile et
l’absence de facteurs de croissance. Selon les drogues utili-
sées, le risque est variable nécessitant pour certaines une
prescription systématique de facteurs de croissance
(lorsque les risques sont supérieurs à 20 %). Il s’agit princi-
palement des taxanes [27]. En dessous de 20 %, les carac-
téristiques du patient interviennent dans la décision de
prescription (tableau 2).
Mucites
Le traitement par radio-chimiothérapie se complique fré-
quemment de mucites (de 10 à 40 % selon l’indication de
la chimiothérapie) [35]. Les facteurs de risque incluent ceux
liés au patient (tabac, mauvaise hygiène buccale, âge
avancé, sexe féminin, antécédents de traitement anticancé-
reux) [36] et ceux liés au traitement (5-FU, méthotrexate,
anthracyclines) [37]. De nombreux traitements des mucites
tels que la cryothérapie [38], l’allopurinol [39], la propan-
théline [40], la pilocarpine [41], les cytokines [42, 43] ont
été évalués dans plusieurs essais aux faibles effectifs ou
non randomisés ne permettant pas de conclure clairement
sur leur efficacité. Un essai de phase 3 randomisé en double
aveugle ayant inclus 66 patients traités par fluorouracile
(5FU), n’a pas montré d’effet significatif de la glutamine
[44]. Un essai de phase 2 incluant 64 patients porteurs de
cancers colorectaux recevant un facteur de croissance des
kératinocytes (3 jours avant la chimiothérapie) a montré
une incidence de mucites de grade 2 à 4 plus faible dans
le groupe traité par rapport au groupe placebo (32 vs 78 %,
p= 0,001) [45]. D’autres traitements tels que le molgra-
mostim [46], impliqué dans la prolifération des kératinocy-
tes et des fibroblastes permettant une cicatrisation de la
muqueuse ou de facteur de croissance β3 [47, 48] ont été
évalués mais sur de faibles effectifs. Le plus souvent, le trai-
tement des mucites reste symptomatique et basé sur des
anesthésiques locaux (lidocaïne, capsaïcine) ou des bains
de bouche à base de sucralfate, d’antiseptiques avec
comme recommandation une prévention par une hygiène
bucco-dentaire stricte.
Nausées/vomissements
Les nausées et les vomissements sont des symptômes très
fréquents lors des traitements par chimiothérapie ; ils
altèrent la qualité de vie des patients entraînant un
amaigrissement et une réduction du « performance
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HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
Mini-revue
vol. 17 n° spécial, avril 2010
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