BCPST 1A Cours de Mathématiques
M. Molin - Lycée Marcelin Berthelot
Année 2016-2017
LOGIQUE ET ENSEMBLES
“Les mathématiques sont un jeu qu’on exerce selon des règles simples en manipulant des symboles et des concepts qui
n’ont en soi, aucune importance particulière.
D. Hilbert (1862-1943)
L’exercice des mathématiques nécessite l’usage d’une langue claire et non ambigüe. Cette langue sera d’abord le
français à laquelle nous ajouterons des termes et définitions strictement mathématiques.
Le premier prérequis pour faire des mathématiques est donc de savoir s’exprimer convenablement en français. Il vous
est demandé de manier votre langue avec aisance et sans fautes1.
Traditionnellement les mathématiquesprennent un “s” à la fin. C’est un nom que l’on utilise au pluriel pour désigner
l’ensemble des sciences mathématiques.
L’abréviation “maths” couramment admise prend aussi un “s”.
Certains auteurs, en particulier Bourbaki, utilisent le terme singulier la mathématique pour souligner l’unité de cette
science et la différencier des autres disciplines qui lui étaient autrefois apparentées (astronomie... ).
Bien que les deux usages soient acceptables, je vous conseille de préférer le pluriel dont vous êtes sûr qu’il sera
accepté par votre lecteur. Laissez le privilège du singulier à ceux qui ont suffisamment étudié la matière pour en
percevoir l’unité. Dans tous les cas, ne mélangez pas les deux usages.
En revanche, ladjectif mathématique” s’accorde en nombre avec le nom qu’il qualifie.
Ce chapitre est sans doute un des plus importants de toute l’année, et celui sur lequel vous ferez le plus de fautes tout
au long de votre prépa. Il constitue la base de tous vos raisonnements futurs.
Si tout n’est pas parfaitement clair tout de suite, ne vous inquiétez pas car nous retravaillerons ce chapitre toute l’année.
Tous les autres chapitres ne seront qu’une mise en application de ces principes sur des notions mathématiques partic-
ulières.
1 LOGIQUE MATHÉMATIQUE
Préambule historique
On situe l’origine de la logique à Aristote (IVème av. J.C.) et à son ouvrage l’Organon2. Il y énonce le procédé de la
démonstration rigoureuse, basée sur le syllogisme.
La philosophie d’Aristote a une place prédominante pendant tout le Moyen-Âge. La scolastique vise ensuite à rap-
procher la théologie chrétienne de la philosophie traditionnelle en s’appuyant sur les concepts et le langage formel in-
troduits par Aristote. Ce rapprochement trouve son point d’orgue avec Saint Thomas d’Aquin (XIIIème) dans la Somme
Théologique.
À partir de la Renaissance, la logique est utilisée pour construire un fondement rigoureux à la connaissance en s’appuyant
davantage sur l’expérience. On peut évoquer Descartes (1556-1650); Spinoza3(1632-1677).
Au XIXème siècle, Boole invente l’algèbre de Boole qui permet le “calcul de vérité” et que nous utilisons dans les tables
de vérité.
En 1900, lors d’un congrès international de mathématiques, David Hilbert énonce 23 problèmes qui marqueront la
suite des mathématiques. Le deuxième concerne la cohérence de l’arithmétique. Ce problème ouvrit un vaste travail
dans la formalisation des mathématiques (Whitehead, Russel... ) et la définition d’un fondement axiomatique clair
(Peano, Zermelo.. .).
A Fondements de la logique
Dans ce cours, une assertion désignera une phrase non paradoxale4.
Le principe du tiers-exclu affirme qu’une assertion est soit vraie, soit fausse. Ainsi lorsque l’on montre qu’une assertion
ne peut pas être fausse, c’est qu’elle est vraie : c’est le raisonnement par l’absurde.
1Fautes dont ces documents seront malheureusement loin d’être exempts, mais je compte sur vous pour me les signaler.
2Le titre est donné postérieurement par Diogène Laërce. Il veut dire “outil” ou “instrument”.
3Spinoza s’appuie sur le mode de connaissance déductif de Descartes et écrit son œuvre avec une logique très formelle, faite de définitions,
axiomes, propositions.. . comme un cours de mathématiques.
4Pour ne pas mettre en défaut le principe du tiers-exclu qui est donné juste après, on évitera les énoncés du type “cette phrase est fausse.
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« Il est absolument ou il n’est pas du tout. »
Parménide
Le principe de non contradiction affirme qu’une assertion ne peut être à la fois vraie et fausse.
« Être en repos et en mouvement, simultanément, sous le même rapport, est-ce que c’est possible
pour la même chose ? Nullement. »
Platon
Ces deux principes de bases fondent la logique mathématique telle que nous l’utilisons habituellement, cependant, ils
ne sont pas universellement acceptés :
Les intuitionnistes, refusent le principe du tiers-exclu. Rien ne permet d’affirmer selon eux qu’une assertion possède
nécessairement une valeur de vérité. Ainsi, ils nient l’idée selon laquelle une assertion pourrait être déclarée vraie parce
que ne pouvant pas être fausse. Partisans d’une approche constructiviste, ils refusent d’affirmer qu’une propriété est
vraie tant que l’on n’a pas construit une solution. Cette logique est importante en informatique, science dans laquelle,
la construction de l’objet est nécessaire. Ce problème de la constructibilité des objets pour affirmer leur existence
est une question récurrente en mathématiques. Aujourd’hui, certains résultats mathématiques sont donnés comme
vrais sans que nous sachions comment les obtenir concrètement : nous avons juste montré qu’il était impossible qu’ils
soient faux.
Les critiques contre le principe de non contradiction sont anciennes, mais ont été ravivés avec la physique contempo-
raine. Le philosophe Lupasco a travaillé sur la question et introduit la notion de “potentialisation.
« Dieu est jour nuit, hiver été, guerre paix, satiété faim. »
Héraclite
Méthode :
Pour démontrer qu’une assertion est juste, il faut montrer qu’elle est juste dans tous les cas. En général cela
représente une infinité de cas possibles.
Par contre, pour montrer qu’une assertion est fausse, il suffit de trouver un contre-exemple, c’est-à-dire une
situation pour laquelle elle est fausse.
Exemple
Pour démontrer que la somme des angles d’un triangle fait 180 degrés, il ne suffit pas de le vérifier sur certains
triangles, mais il faut le vérifier pour tous les triangles qui peuvent exister. Cela demande donc un raisonnement
qualitatif qui soit valable pour tous les triangles à la fois. (Au fait, comment démontre-t-on ce résultat5?)
En revanche, pour démontrer qu’un résultat est faux, il suffit de trouver une situation où il n’est pas vérifié. Par
exemple, l’assertion : Tous les nombres impairs supérieurs ou égaux à trois sont premiers est fausse.
Pour le montrer, il suffit de dire que 9 =3×3 est impair mais pas premier.
Si on s’était contenté de certains exemples, 3, 5, 7··· alors on aurait très bien pu croire que la propriété était vraie.
C’est une erreur malheureusement courante.
Nous voyons ici qu’il est souvent plus facile de montrer qu’un énoncé est faux, que le contraire.
Une conjecture, est un énoncé mathématique non prouvé mais que l’on pense être vrai.
Il existe de nombreuses conjectures en mathématiques dont on est presque sûr de la véracité mais que l’on n’a toujours
pas réussi à démontrer.
Exemple
La conjecture de Goldbach dit que tout nombre entier pair supérieur à 3 peut s’écrire comme somme de deux
nombres premiers.
Les mathématiciens s’accordent pour penser que cet énoncé est vrai, mais n’ont toujours par réussi à le démon-
trer.
Au lycée, vous aviez l’habitude d’établir des conjectures d’après les figures obtenues à la calculatrice.
Lorsqu’une conjecture importante est démontrée, on parle de théorème.
5On trace une droite parallèle à un côté et passant par le sommet opposé et on utilise les propriétés des angles alternes internes. . . à condition
de savoir démontrer cette propriété.
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Exemple
Le grand théorème de Fermat, énoncé par Fermat vers le milieu du XVIIème siècle est resté à l’état de conjecture
pendant 3 siècles. Il a été démontré par A. Wiles en 1995 devenant dès lors un théorème.
Ce théorème stipule que pour tout entier n3, il n’existe pas d’entiers x,y,ztous non nuls tels que
xn+yn=zn
À noter que dans le cas n=2, il existe une infinité de solutions qui correspondent aux triangles rectangles (dont
les côtés ont des longueurs entières). On trouve des traces de solutions de ce problème dès l’époque babylonienne
et la résolution complète de ce cas n=2 est un exercice accessible en classes préparatoires.
B Quantificateurs et opérateurs logiques élémentaires
Les quantificateurs sont des symboles mathématiques qui permettent d’écrire des assertions mathématiques de façon
très ramassée et compréhensibles en un coup d’œil.
N’utilisez jamais les quantificateurs au sein d’une phrase en français, on ne mélange pas le français avec les symboles
mathématiques.
Voici une liste des quantificateurs et opérateurs logiques que nous utiliserons cette année.
Dans la suite, pet qdésignent deux assertions logiques.
Conjonction “et” : l’assertion pqse lit “pet q.
Elle est vraie lorsque pet qsont simultanément vraies.
Par exemple, 5 x<2 peut se décomposer en “5 xet x<2” : il faut que xvérifie les deux inégalités en même temps.
Disjonction “ou” : l’assertion pqse lit :“pou q.
Elle est vraie lorsque l’une au moins des assertions pou qest vraie. Il n’est pas nécessaire qu’elles soient toutes les deux
vraies. On voit que la disjonction est moins exigeante que la conjonction.
En mathématiques ou en informatique, le “ou” logique n’est pas exclusif. Cela veut dire qu’au moins une des pro-
priétés est vraie. En particulier, les deux propriétés peuvent être vraies en même temps.
En revanche, en français, le “ou” est habituellement exclusif : une seule des propriété est supposée vraie, pas les
deux. Cette différence entre le “ou” mathématique et le “ou” français s’illustre à travers la petite histoire suivante :
Un mathématicien vient d’avoir un enfant et un de ses amis arrive pour le féliciter : Alors, c’est un garçon ou une fille ?’
Et le mathématicien de répondre ‘oui !’
Contraire : l’assertion contraire de pse note ¬pou non(p). On parle aussi de négation.
Appartenance : pour indiquer qu’un élément xappartient à un ensemble E, on note xE.
La négation est x6∈E: “xn’appartient pas à E.
Quantificateur universel : si pest une assertion et Eun ensemble, la notation
xE,p
signifie que tous les éléments de Evérifient l’assertion p.
xEse lit “pour tout xdans E” ou “quelque soit xdans E.
Quantificateur existentiel : si pest une assertion et Eun ensemble, la notation
xE,p
signifie qu’il existe au moins un élément de Equi vérifie l’assertion p.
xEse lit “il existe xdans E.
Remarque : Pour dire que le xest unique, on écrit “!xE” qui se lit : “il existe un unique x dans E
Exemple
Comprenez bien la différence entre le quantificateur universel et le quantificateur existentiel.
Il n’est pas du tout pareil de dire que “il existe une voiture jaune” ou “toutes les voitures sont jaunes.
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Formellement, pour Eun ensemble non vide, et pune assertion logique,
Si xE,palors en particulier xE,p,
Par contre, la réciproque est fausse en général, ce n’est pas parce que xE,pque l’on a xE,p.
Équivalence : deux propositions sont équivalentes lorsqu’elles ont même valeur de vérité : soit elles sont vraies en
même temps, soit elles sont fausses en même temps. Si l’équivalence est vérifiée, on ne peut pas avoir une des asser-
tions vraie tandis que l’autre serait fausse.
En français pour dire que pq, on dit “pest vraie si et seulement si q est vraie.
Exemple
“Le triangle ABC est rectangle en Asi et seulement si AB2+AC2=BC2. est une équivalence qui est vraie. C’est
le théorème de Pythagore et sa réciproque mis ensemble.
Par contre, l’assertion “Le triangle ABC est rectangle si et seulement si AB2+AC2=BC 2” est fausse. Pourquoi ?
Attention : Lorsque pqest vraie, cela ne veut pas dire que pet qsoient vraies. Cela peut vouloir dire au contraire
que pet qsont toutes les deux fausses. On sait simplement qu’elles ont la même valeur de vérité.
Méthode (Utilisation des équivalences dans les raisonnements)
Pour montrer que qest vraie, on peut lui chercher une proposition équivalente plus simple qui soit également
vraie.
Exemple
Résoudre 5x71.
Cela revient à chercher les xpour lesquels cette proposition est vraie.
On va se ramener à une condition plus simple en raisonnant par équivalence. Il faut faire attention à ce que les
expressions soient bien équivalentes entre elles (c’est sur ce point que vous ferez souvent des erreurs).
5x715x6
x6
5
Exemple
Montrer que l’assertion x2=y2x=yest fausse sur R?
Sur quel sous-ensemble (le plus grand possible) de Rest-elle vraie ?
Solution :
Il suffit de trouver un contre-exemple pour montrer que la proposition est fausse. Par exemple pour x=1 et
y=1, on a bien x2=y2et pourtant x6= y.
L’assertion est vraie pour tous les nombres positifs : R+(ou pour tous les nombres négatifs) car on n’a plus de
problème de signe.
Implication pqest vraie si et seulement si ½pet qsimultanément sont vraies,
ou pest fausse.
L’implication pqtraduit le lien logique “Si p, alors q.
Si pest vraie, alors qest aussi vraie, par contre, si pest fausse, on n’a aucune information sur qqui peut être soit vraie,
soit fausse. En effet, à partir d’un postulat faux, on peut démontrer rigoureusement des énoncés faux, comme des
énoncés vrais. En d’autres termes, ce n’est pas parce que votre résultat est vrai que votre hypothèse ou le raisonnement
est lui-même vrai6.
Attention, l’implication ne traduit pas forcément un lien de cause à conséquence comme l’indique l’exemple météorologique
qui suit.
La réciproque de pqest qp. Une implication peut être vraie sans que sa réciproque le soit.
Exemple
S’il pleut, alors il y a des nuages.
Cette assertion est vraie (sauf si votre frère joue avec le tuyau d’arrosage à côté), et pourtant elle n’exprime pas un
6Contrairement à la croyance commune, un résultat juste sur une copie de maths n’a aucune valeur en lui-même. Pour acquérir de la valeur, il
faut expliciter les hypothèses émises et détailler un raisonnement sans faute qui nous conduise à ce résultat.
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lien de cause à conséquence mais tout le contraire : elle exprime un lien de conséquence à cause nécessaire. La
cause, n’est pas la pluie, mais ce sont les nuages.
L’implication réciproque est fausse : ce n’est pas parce qu’il y a des nuages qu’il pleut nécessairement.
Exemple
Méfiez vous des liens logiques erronés que l’on trouve très souvent dans la presse ou les médias.
Ces raisonnements erronés sont souvent dus à quelques raccourcis bien identifiés :
on prend la réciproque d’une implication,
on considère deux conséquences d’une cause commune et on dit que l’une est cause de l’autre.
on interprète une succession temporelle comme une conséquence.
Par exemple :
“Statistiquement, il est prouvé que la majorité des personnes malades se trouvent à l’hôpital, donc l’hôpital fa-
vorise la maladie.
“Depuis 50 ans, le nombre de cigognes a fortement baissé en Alsace. On observe que le nombre de naissances
a également baissé de manière significative dans cette région sur la même période. C’est bien la preuve que les
cigognes apportent les bébés.
Exemple
Donnez la valeur de vérité des assertions
a) “1+1=2¡xR,|x|=px2¢
b) “x7→cosxest croissante sur RZest un sous-ensemble de N
c) “(un) n’est pas croissante (un) est décroissante.
d) “¡xR,λR, tel que f(x)=λx¢fest une fonction linéaire.
Solution :
a) Cette implication est vraie.
Elle s’écrit pq; or l’assertion qest toujours vraie, donc l’implication est vraie (on n’a même pas besoin de
s’occuper de la valeur de vérité de p: voir la table de vérité de l’implication).
b) L’équivalence est vraie.
Les deux assertions mises en équivalence sont toujours fausses : elles ont la même table de vérité.
Attention : une équivalence peut être vraie sans qu’aucune des assertions qui la compose ne le soit. Ainsi le
théorème de Pythagore vu comme une équivalence (implication et réciproque) est vrai même si le triangle n’est
pas rectangle ! Prouver l’équivalence, ne prouve pas que les assertions sont vraies, mais simplement que pet q
ont même valeur de vérité.
c) Cette assertion est fausse, (un) peut ne pas être croissante sans pour autant être décroissante. Pour démontrer
que cette assertion est fausse il suffit d’exhiber un contre-exemple (on utilise le principe de non-contradiction).
Par exemple si pour tout nN,un=(1)nalors la suite (un) n’est ni croissante, ni décroissante. Attention, cette
fausse implication est une erreur très fréquente dans vos copies.
d) Cette équivalence pqest fausse. En effet, si qest vraie, on a bien pqui est vraie, mais la réciproque n’est pas
vérifiée.
Cela est dû à l’ordre des quantificateurs. Ici, le λdépend de xalors que pour une fonction linéaire, le λne dépend
que de la fonction fet est le même pour tous les x.
Par exemple pour f:x7→ x2qui n’est pas linéaire, la proposition pest vraie en prenant λ=xR.
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