Commission permanente chargée des affaires économiques et des projets stratégiques Note de cadrage : Le système fiscal marocain, développement économique et cohésion sociale Le système fiscal marocain a été profondément remanié dans les années 1980, après la promulgation de la loi-cadre relative à la réforme fiscale en 1984. Avec l’instauration de trois grands impôts, l’Impôt sur les sociétés (IS), l’Impôt sur les revenus (IR) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la fiscalité marocaine s’est rapprochée dans son architecture globale des grands systèmes d’imposition connus dans le monde occidental. Depuis cette date, le Maroc a entrepris un vaste chantier de modernisation de son économie, d’ouverture vers l’extérieur, et de démantèlement douanier avec la signature d’accords de libre échange avec de nombreux pays ou de zones économiques importantes. Aujourd’hui, les droits de douane ayant été fortement réduits, l’impôt constitue l’essentiel des recettes sur lesquelles s’adosse le budget de l’Etat. Le système fiscal marocain, dans sa pratique, est basé sur le principe de déclaration, la plupart des impôts supposent une initiative de déclaration de la part des assujettis (IS, TVA, Droits d’Enregistrements etc.). D’autres impôts, plus simples à cerner à la base, sont plutôt prélevés à la source (IR sur les salaires, prélèvements sur les placements financiers), sur une base également déclarative par les organismes responsables des prélèvements (Employeurs, Banques etc.). Le système fiscal marocain est très largement utilisé par l’autorité gouvernementale comme levier économique d’incitation, soit à l’investissement de façon générale (charte de l’investissement de 1995), ou à l’investissement plus particulièrement dans tel ou tel secteur (logement économique, offshoring etc.). Certains secteurs bénéficient par ailleurs de fiscalité allégée (taux de TVA ou d’IS réduits) ou sont exonérés (Agriculture). Le coût global de ces mesures a été chiffré à plusieurs dizaines de milliards de DH, sans pour autant que l’on dispose d’analyses pertinentes sur leur efficacité. Dans la pratique, la fiscalité au Maroc est restée un domaine en perpétuelle réforme, ainsi, à chaque loi de finance, des nouveautés sont introduites, dans une logique d’incitation économique nouvelle ou pour répondre au souci de tel ou tel secteur économique, ou telle catégorie sociale. A la longue, le système a perdu en lisibilité et a très largement renforcé la Doctrine Administrative, qui, via les circulaires de la Direction Générale des Impôts ou ses autres publications, fixe la manière dont la loi doit être interprétée. Par ailleurs, si les principaux impôts ont été modernisés, d’autres prélèvements, comme la Patente, ou Taxe Professionnelle, sont restées, même si elles comportent un aspect discutable au sens de l’efficacité économique, étant calculés sur le montant des investissements. Le poids de la fiscalité ne pèse pas de façon équilibré sur les agents économiques, ainsi le poids de l’IS reste supporté par une petite minorité d’entreprises, et l’IR repose pour l’essentiel sur les revenus sous forme de salaires dans les secteurs organisés. La TVA ne touche pas de grands pans de l’activité économique. Des circuits entiers, de production ou de distribution restent en effet en dehors du champ des impôts, alourdissant d’autant la part supportée par le secteur formel, et dans celui-ci des entreprises les plus transparentes. La situation aujourd’hui amène à plusieurs constats : - Le système fiscal étant le pourvoyeur principal des recettes de l’Etat, son poids sur l’économie est assez lourd. - Le système pèse sur un nombre réduit d’acteurs ou de secteurs. L’impôt sur les revenus pèse essentiellement sur les classes moyennes salariées, et l’impôt sur les sociétés ne concerne que peu d’entreprises. Par ailleurs, les barèmes appliqués à certains impôts étant peu transparents et laissés souvent à l’appréciation des agents des impôts, le sentiment général est que le système est inéquitable et injuste. - La relation entre Administration Fiscale et Contribuables est très largement conflictuelle. Le fait que le système soit déclaratif met l’administration en situation de suspicion permanente vis-à-vis du contribuable. Par ailleurs le fait que l’administration fiscale dispose quasiment du monopole de l’interprétation des textes voir une extension souvent abusive dans leur application, lui donne un pouvoir de redressement quasiment sans limite, dont elle use assez largement, ce qui génère un sentiment de peur et d’injustice. - Les niches fiscales, coûteuses, ne sont pas toujours à efficacité économique avérée. Pour certaines d’entre elles, elles peuvent même avoir, a priori, l’effet inverse de celui recherché, si on analysait leur impact à une échelle plus large que celle du seul secteur concerné par la mesure. - Le système de gestion de la TVA est très décrié par les agents économiques, Ainsi la TVA qui suppose, comme son nom l’indique, que cet impôt, payé in fine par le consommateur final, ne concerne que la valeur ajoutée créée par l’entreprise, s’est transformé au fil du temps en taxe sur les achats pour certains agents économiques, ou en taxe sur le chiffre d’affaires pour d’autres. - L’inclusion du secteur informel bute très largement sur un système de TVA dont la chaine n’est pas maitrisée. Les incitations via les taux réduits de l’IS ne sont pas efficaces, le problème de l’informel étant plutôt lié à la TVA et à la charge fiscale et sociale pesant sur les salaires. - La fiscalité locale manque de cohérence et d’efficacité. Face à l’ensemble de ces remarques, il semble nécessaire qu’une réflexion sur le système fiscal, en tant que levier du développement économique, de justice sociale et d’outil de l’inclusion de l’économie informelle soit menée par le Conseil Economique et Social. Les objectifs à rechercher par cette étude peuvent être : - De cerner les dysfonctionnements majeurs aussi bien au niveau des textes que de la pratique fiscale. - De faire le point sur les biais économiques générés par le système en place. - D’identifier les moteurs éventuels à l’inclusion de l’économie informelle. - De proposer des mesures de nature à apaiser la relation du citoyen marocain à l’impôt. - De faire des propositions d’équilibrage de la pression fiscale entre catégories sociales et entre acteurs économiques. - De donner quelques éléments de réflexion et des propositions d’amendements de la politique de traitement des niches fiscales. - D’analyser des pistes d’amélioration de la taxation locale en vue d’accompagner la politique de régionalisation du Pays. Différentes études et analyses seront nécessaires pour mener ce travail qui doit s’étaler sur l’année 2012 avec un bilan d’étape au mois de juillet. Un budget de l’ordre de 700.000 DH HT sera nécessaire.