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ne proclame pas par exemple que l'individu pourrait s'expliquer hors de son
insertion sociale; la proposition contraire (la société pourrait s'expliquer sans
recourir à l'individu) serait évidemment inexacte elle aussi. L'individu haye-
kien n'acquiert son statut, comme l'indique la théorie de l'esprit qu'il propose
dans The Sensory Order (Hayek (1952)), qu'à travers l'apprentissage (évidem-
ment social) de règles de conduite. Règles de conduite souvent tacites et suivies
inconsciemment, qui modèlent le comportement individuels dans les domaines
du langage, de la morale, de la vie économique (liste non exhaustive). Mais lais-
sons la parole à Hayek sur ce point:
true individualism [. . . ] is primarily a theory of society, an attempt to un-
derstand the forces which determine the social life of man, and only in
the second instance a set of political maxims derived from this view of
society. This fact should by itself be sufficient to refute the silliest of the
common misunderstandings: the belief that individualism postulates (or
bases its arguments on the assumption of) the existence of isolated or
self-contained individuals, instead of starting from men whose whole
nature and character is determined by their existence in society. [. . . ] But
its basic contention is [. . . ] that there is no other way toward an unders-
tanding of social phenomena but through our understanding of indivi-
dual actions directed toward other people and guided by their expected
behavior. (Hayek (1946)[:6])
Les règles de conduite acquises au cours de la formation de l'individu, dans
des contextes sociaux (mais souvent restreints, comme la famille ou l'école),
sont situées «entre l'instinct et la raison», elles produisent des comportements
individuels plus élaborés que s'ils n'étaient déterminés que par les instincts, et
moins réfléchis que si la seule raison était mise en jeu. Cette remarque montre
que l'individualisme méthodologique hayekien est modéré, puisqu'il laisse une
place très importante à des déterminant qu'on peut qualifier de sociaux (les
règles), même s'ils peuvent s'analyser, dans les situations courantes, au niveau
de l'individu.
Si on se place maintenant du point de vue politique, l'individualisme de Hayek
est très clairement proclamé, il est un des fondements de son libéralisme. C'est
principalement à travers l'étude des objectifs poursuivis par les acteurs écono-
miques (spécialement dans l'économie de marché ou catallaxie) qu'il est pro-
posé; de manière primordiale, «une société libre est une société pluraliste, sans
hiérarchie commune de fins particulière» (Hayek (1981)[:131]). Les projets éco-
nomiques concrets ne peuvent ni ne doivent être agrégés, et le niveau social ne
peut avoir d'objectifs qu'abstraits «L'objectif politique dans une société d'hommes
libres ne peut être un maximum de résultats connus d'avance, mais seulement
un ordre abstrait.» (Hayek (1981)[:137])