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Le marché apparait comme l’utopie de l’existence, supposé générer abondance et
bienfaisance et qui s’autorégulerait. C’est une illusion : la liberté est grande pour ceux qui
ont beaucoup de capitaux, elle est nulle pour le prolétaire, le salarié ou le pauvre paysan
africain ; les contrats entre égaux sont extrêmement rares dans le capitalisme.
Thomas Piketty : « L’illusion néolibérale s’observe déjà au 19ème siècle. La France vit dans
l’idée de l’égalité des droits face au marché qui suffirait pour conduire à l’égalité tout court.
Pourtant, une des leçons du 19ème siècle et de 1914, c’est que ça ne marche pas : en
1913, 70% du patrimoine est détenu par 1% de la population. En fait, rien dans le marché
libre ne garantit une société relativement égalitaire car structurellement, les marchés très
libres n’empêchent pas que les rendements du capital puissent être, de façon
permanente, supérieurs au taux de croissance, ce qui génère une concentration très forte
du patrimoine. »
Le retour des idées de Hayek et Friedman
Friedman et Hayek deviennent les champions de la liberté, en prise directe avec les
réalités. On assiste à une contre révolution économique, nourrissant l’agenda néolibéral :
désintermédiation bancaire, désindexation des salaires, décloisonnement des marchés,
dérèglementation, privatisations. Ronald Reagan et Margaret Thatcher sont deux
dirigeants largement influencé par Hayek et Friedman.
Kari Polanyi Levitt : « Les politiques néolibérales mises en place par Thatcher et Reagan
ont été conçues pour restaurer la discipline du capital. Ainsi, les revenus et les salaires
moyens aux Etats-Unis n’ont pas augmenté depuis 1980 en valeur réelle bien que la
productivité ait augmenté. »
La chute du mur de Berlin et du bloc soviétique laisse le capitalisme sans rival et conduit à
une nouvelle période d’expansion démesurée d’un système de libre marché. Cette période
folle explique beaucoup des dérèglements des années 1990-2000.
Un capitalisme indomptable
Il faut se résoudre à deux constats amers :
- Le capitalisme n’a pas été dompté après la seconde guerre mondiale.
- La réduction des inégalités n’est pas la conséquence d’un processus démocratique
parlementaire. Le compromis passé entre la société et le monde économique était
précaire et dû aux circonstances : beaucoup des réductions d’inégalités au 20ème
siècle étaient causées soit par les guerres, soit par des réactions politiques prises
dans l’urgence à la suite des guerres.
Dans leur vision du capitalisme mythique et indomptable du 19ème siècle, Friedman et
Hayek n’ont jamais débattu des éléments qui ont contribué à ses ravages : l’inégalité, la
dette et la spéculation. Friedman pensait, comme Ricardo, que la dette privée ne posait
aucun problème, et que seule la dette publique devait être proscrite car elle se développait
aux dépens des agents privés. Pour lui, l’argent et la richesse n’ont pas d’importance, et
ne sont que la récompense des talents individuels. C’est cette vision étroite de l’école
de Chicago qui a été adoptée par les banquiers : il faut dérèglementer l’économie pour
qu’elle puisse tendre d’elle-même vers un équilibre naturel.
Toute la théorie économique néoclassique est bâtie sur l’idée d’un système rationnel
autorégulé, qui ne traverse des crises que du fait des interventions intempestives des
Etats. Pourtant, des bulles financières se créent même en système libéral : comme elles
ne sont pas modélisées par cette théorie économique, on les considère comme des
épiphénomènes dont la probabilité est infime…