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N°269 - Pancréatite chronique
Ph Marteau & S. Couve
Objectifs
Diagnostiquer une pancréatique chronique.
Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
POINTS IMPORTANTS
L'alcoolisme chronique est la cause essentielle de la pancréatite chronique (PC)
en France.
Le diagnostic de PC est évoqué à l'interrogatoire sur les données suivantes :
homme, alcoolisme chronique, douleurs sus-ombilicales intenses, transfixiantes,
diminuées par l'antéflexion et augmentées par les repas, amaigrissement.
Les calcifications pancréatiques sont pathognomoniques de la PC. Elles se voient
sur l'abdomen sans préparation quand elles sont volumineuses et sur la
tomodensitométrie plus sensible.
L'échoendoscopie est l’examen le plus sensible.
Les principales complications de la PC sont les pseudo-kystes, compressions de la
voie biliaire principale, sténoses duodénales, le diabète, la malabsorption et la
malnutrition.
Le sevrage alcoolique est indispensable.
1 INTRODUCTION
La pancréatite chronique (PC) est, dans sa forme habituelle, caractérisée par une sclérose
associée à une destruction progressive et irréversible du parenchyme pancréatique exocrine.
Cette destruction peut être focale, segmentaire ou diffuse et s'associe à des degrés variables à
des anomalies des canaux pancréatiques, avec des zones de sténose et de dilatation. Les îlots
de Langherans sont longtemps préservés. On admet que le processus initial de la maladie est
une précipitation de protéines et de calcium, entraînant des micro-obstructions canalaires.
La PC habituelle doit être distinguée de la PC obstructive où il existe, en amont d'un obstacle
sur le canal de Wirsung (sténose cicatricielle, tumeur), une dilatation des canaux
pancréatiques avec une atrophie parenchymateuse diffuse et régulière. Dans cette affection,
les calcifications canalaires sont rares et le parenchyme pancréatique, en aval de l'obstacle, est
normal. Les lésions d'amont peuvent régresser après la levée de l'obstacle.
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2 Causes
2.1 l'alcoolisme
C'est la cause essentielle de PC. Il existe une relation linéaire entre le niveau de
consommation d'alcool et le risque de survenue d'une PC. La durée moyenne de prise d'alcool
avant que la maladie ne se manifeste cliniquement est de 10 à 15 ans. La prédominance
masculine est considérable (10 hommes pour 1 femme). L'âge de début est en moyenne de 40
ans.
La physiopathologie de la PC alcoolique est mal connue. Plusieurs mécanismes sont
proposés :
L’alcool altère la sécrétion pancréatique : il existe une diminution de la sécrétion de
bicarbonates, une augmentation de la sécrétion de protéïnes et de la viscosité du suc
pancréatique aboutissant à la formation de précipités proteïques intra-canalaires qui
s’organisent et se calcifient. L’obstruction diffuse des canaux secondaires puis primaires est
responsable d’anomalies ductulaires et de mécanismes inflammatoires et fibrosants peri-
ductulaires.
La séquence nécrose-fibrose : selon cette théorie il existe une relation entre la nécrose liée à
des poussées aiguës et le processus cicatriciel à l’origine de la destruction du parenchyme
pancréatique.
La toxicité directe de l’alcool et des phénomènes d’ischémie sont également impliqués.
Un déficit en lithostatine (protéine permettant la solubilisation du calcium dans le suc
pancréatique) pourrait favoriser la précipitation des protéines dans les canaux pancréatiques.
Ce déficit pourrait être génétiquement transmis et prédisposer au développement des lésions
pancréatiques.
2.2 Les autres causes
L'hypercalcémie est responsable de 1 % des PC calcifiées et est généralement en rapport avec
une hyperparathyroïdie. La pancréatite chronique tropicale se voit exclusivement dans les
régions situées entre 30° de latitude au Nord et au Sud de l'Équateur, chez les sujets jeunes et
dénutris. Elle semble due à une malnutrition protéique. La pancréatite chronique obstructive
est en rapport avec un obstacle, le plus souvent tumoral. Les autres causes sont
exceptionnelles et comportent des pancréatites auto-immunes, la pancréatite familiale ou
héréditaire, la mucoviscidose, les maladies inflammatoires de l'intestin. La PC reste
idiopathique dans 10 % des cas.
3 DIAGNOSTIC
3.1 diagnostic positif
3.1.1 Signes cliniques
La douleur, signe majeur, a les caractères suivants :
Siège : sus-ombilical médian ou latéralisé à gauche, ou épigastrique, ou de l'hypochondre
gauche ; plus rarement dorsal.
• Irradiation : souvent transfixiante, plus rarement vers la gauche ou en ceinture.
• Intensité : souvent très grande.
• Position antalgique : antéflexion, avec compression de l'épigastre par le poing.
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Horaire : souvent post-prandiale précoce, déclenchée par les repas, ce qui entraîne une
restriction alimentaire souvent majeure.
• Elle n'est pas calmée par les anti-acides et ne s'accompagne pas d'inhibition respiratoire. Elle
est parfois atténuée par l'aspirine. Elle peut mener à une toxicomanie.
L'amaigrissement est constant en période douloureuse, lié surtout à la peur alimentaire mais
également à l'anorexie et parfois à la malabsorption ou à un diabète déséquilibré.
La diarrhée graisseuse conséquence de l'insuffisance pancréatique exocrine, survient
tardivement dans l’évolution.
L'examen physique est souvent négatif, en dehors de la maigreur, dans les pancréatites non
compliquées. Il devra rechercher une masse sus-ombilicale qui peut témoigner d'un pseudo-
kyste, des signes de cholestase (prurit, ictère) dus à une compression du cholédoque. De plus,
il appréciera le degré de dénutrition et recherchera les autres complications de l'éthylisme
chronique.
3.1.2 Examens complémentaires morphologiques (tableau 1)
• Radiographie de l'abdomen sans préparation (ASP)
L'ASP peut montrer des calcifications, signe pathognomonique de la maladie. La probabilité
actuarielle pour un malade d'avoir des calcifications est d'environ 55 % à 5 ans, 75 % à 10 ans
et 85 % à 15 ans après l'apparition du premier symptôme.
• Échographie et tomodensitométrie (TDM)
Les principaux signes échographiques et tomodensitométriques de la PC sont donnés dans le
tableau 2.
Les modification de la structure générale du parenchyme peuvent être focales sous forme de
noyau de pancréatite hétérogène avec parfois des calcifications et des images liquidiennes, ou
diffuses avec une hyperéchogénicité.
L’échographie n'est pas très sensible pour le diagnostic des calcifications pancréatiques. Elle
est performante pour la détection de la dilatation du Wirsung, des pseudokystes, de la
dilatation des voies biliaires et la thrombose de la veine splénique. Plus de 20 % des examens
échographiques ne permettent pas d'analyser le pancréas du fait des gaz.
La tomodensitométrie spiralée (ou hélicoïdale) pratiquée avec injection est plus performante.
C’est l’examen principal.
Tableau 1 – Comparaison des principaux examens utiliséspour le diagnostic de
pancréatite chronique
Sensibilité Spécificité Complications Coût *
ASP 30 %** 100 % 0 1
Échographie*** 60-70 % 80 % 0 2
Tomodensitométrie 70 à 80% 90 % 0 5
CPRE**** 80% 90 % à 100% + 7
Échoendoscopie5 80 à 90% 85 à 100% ± 2,5
* Par rapport à l'ASP.
** Ce chiffre concerne la présence de calcifications pancréatiques.
*** Il faut en plus tenir compte des 10 à 20 % d'échographies où le pancréas n'est pas
visualisé.
****Cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique.
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A la phase précoce de la maladie la performance diagnostique de l’échoendoscopie est
supérieure à la CPRE.
Tableau 2 – Séméiologie comparée des pancréatites chroniques et des cancers
pancréatiques en échographie et tomodensitométrie
Pancréatite
chronique
Cancer
1. Modifications de la taille (interprétation difficile)
• Atrophie + 0
Hypertrophie globale + 0
Hypertrophie focale + +
2. Calcifications + 0
3. Modifications du calibre de Wirsung
Dilaté globalement + +
• Moniliforme + 0
4. Modification de la structure du parenchyme
Noyau hétérogène + +
Hyperéchogénicité diffuse + 0
5. Présence de collection liquidienne
• Pseudokyste + 0
• Ascite + +
6. Retentissement sur les organes de voisinage
Dilatation voies biliaires + +
Hypertension portale segmentaire ou thrombose porte + +
• Échoendoscopie
C’est l’examen le plus sensible en particulier dans les formes débutantes. Elle nécessite une
anésthésie. Les anomalies parenchymateuses visibles sont l’augmentation de l’échogénicité de
la glande qui devient hétérogène, l’apparition d’un aspect lobulé (ou aérolaire) du parenchyme
et à un stade évolué les dilatations canalaires et les calcifications. Les pseudo-kystes
pancréatiques sont caractérisés par des structures liquidiennes bien limitées anéchogènes.
• Cholangiopancréatographie par résonnance magnétique
Cet examen a l’avantage de ne pas nécessiter d’anesthésie et de bien visualiser les canaux
pancréatiques.
La cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) a un intérêt diagnostique
mais n’est pas systématiquement pratiquée du fait de son caractère invasif (risque de
déclencher une poussée aiguë). Elle permet de visualiser les déformations caractéristiques des
canaux secondaires dans les formes débutantes et du canal de Wirsung dans les formes
évoluées : irrégularité, aspect monoliforme, calculs. Sa spécificité est proche de 100%. Elle
permet de mettre en évidence le caratère communiquant d’un faux kyste. Elle a aussi parfois
un intérêt thérapeutique : dilatation de sténose, ablation de calculs, mise en place de prothèse.
• Autres examens morphologiques
L’endoscopie œsogastroduodénale n'a aucun intérêt pour le diagnostic positif de
pancréatite ; elle permet néanmoins d'exclure un ulcère gastro-duodénal, cause fréquente de
douleurs épigastriques et de détecter des varices œsophagiennes dues à une hypertension
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portale segmentaire.
– Le transit œsogastroduoénal peut être utile pour rechercher une compression gastrique ou
duodénale, parfois mal appréciée en endoscopie.
3.1.3 Examens complémentaires biologiques et fonctionnels
Les enzymes pancréatiques (amylase, lipase) et urinaires (amylase) peuvent être augmentés
au moment des poussées aiguës et lorsqu'il existe un faux kyste ou un épanchement des
séreuses. Leur normalité n'exclut pas le diagnostic.
Il faut rechercher systématiquement une cholestase infraclinique en mesurant les α-GT et
phosphatases alcalines.
• Un diabète doit être systématiquement recherché.
• L'examen des selles permet de rechercher une diarrhée et une stéatorrhée.
En pratique, les principaux éléments du diagnostic de PC sont la présence de calcifications
pancréatiques et/ou d'anomalies de taille et de structure du pancréas, associée à une dilatation
irrégulière du canal de Wirsung. Les explorations morphologiques ont largement supplanté les
explorations fonctionnelles pour le diagnostic de PC.
3.2 Complications
3.2.1 Poussées de pancréatite aiguë
Les poussées de pancréatite aiguë sont fréquentes au début de l'évolution des pancréatites
chroniques. Leur tableau ne diffère pas des poussées de pancréatite aiguë d'autre étiologie. La
pancréatite aiguë alcoolique survient toujours sur une pancréatite chronique préexistante.
3.2.2 Pseudo-kystes
Deux types de pseudo-kystes peuvent apparaître au cours de la pancréatite chronique : les
pseudo-kystes nécrotiques, qui succèdent à une poussée aiguë, et les pseudo-kystes par
« rétention » à liquide clair qui se développent à partir d'un kyste canalaire. Leur incidence
croit avec l'évolution (30 % à 5 ans, 60 % à 15 ans). Les pseudo-kystes nécrotiques se
compliquent plus fréquemment d'hémorragie, de surinfection ou de rupture. Leur régression
spontanée est possible, principalement en cas de pancréatite non calcifiée, lorsque leur
diamètre est inférieur à 6 cm, avant 6 semaines d'évolution et lorsqu'ils sont uniques. Les
pseudo-kystes à liquide clair siègent préférentiellement au niveau de la tête du pancréas, et ont
un développement intra-pancréatique. Leur principale complication est la compression du
cholédoque, parfois responsable d'une cholestase, généralement anictérique. La régression
spontanée est très rare. Le diagnostic des pseudo-kystes repose essentiellement sur
l'échographie, la tomodensitométrie ou l'échoendoscopie.
3.2.3 Sténoses ou compression de la voie biliaire principale
Il s'agit d'une complication fréquente, dont l'incidence est de l'ordre de 20 % après dix ans
d'évolution de la PC. Les signes cliniques peuvent comporter un prurit, ou un ictère et
beaucoup plus rarement, des poussées d'angiocholite. Ce tableau peut être dû à une
compression du cholédoque par une hypertrophie de la tête pancréatique, ou par un pseudo-
kyste céphalique. En présence d'une cholestase ictérique ou non chez un sujet ayant une
pancréatite chronique, il faut aussi se méfier d'une origine hépatique (cirrhose ou hépatite
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