À quels sujets prescrire une statine et à quelles doses

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À quels sujets prescrire
une statine
et à quelles doses ?
Pierre Ambrosi
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Service de médecine interne et de thérapeutique, Hôpital Sainte-Marguerite, 13821 Marseille
<[email protected]>
Les meilleurs candidats à un traitement par statine sont les coronariens, quel que soit leur
lipidogramme. Chez eux, la statine diminue principalement le risque d’événement coronarien, mais également de manière plus modeste, la mortalité totale. Les doses de statines
validées chez ces patients sont moyennes ou fortes (pour l’atorvastatine). Ces dernières doivent être réservées aux sujets à faible risque d’effet indésirable. L’intérêt du traitement par
statine en cas d’artériopathie des membres inférieurs est très probable. Il est plus discutable
dans les suites d’un accident vasculaire cérébral ischémique, en particulier chez le sujet âgé.
En prévention primaire, les statines sont utiles en cas d’hypercholestérolémie franche. Elles
sont également indiquées chez des sujets à cholestérolémie normale mais à risque vasculaire
élevé, par exemple chez le diabétique avec un autre facteur de risque ou l’hypertendu avec
trois autres facteurs de risque. Des doses moyennes de statines ont été validées dans ces
situations de prévention primaire.
Mots clés : statines, cholestérol, maladie coronaire
doi: 10.1684/met.2009.0201
L
mt
Tirés à part : P. Ambrosi
es recommandations de l’American College of Cardiology/American Heart Association (ACC/AHA) du
National
Cholesterol
Education
Program (NCEP), de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé (Afssaps) non seulement
identifient les indications des statines
mais fixent des valeurs cibles pour le
LDL-cholestérol. Dans le détail, elles
sont complexes [1-3]. Elles nécessitent
la prise en compte des fractions lipidiques (LDL, HDL, triglycérides) alors
que l’ensemble des essais cliniques
montre de façon reproductible que le
bénéfice des statines est peu ou pas
influencé par la valeur du HDL et
des triglycérides, à niveau de risque
égal. De plus, elles sont hétérogènes.
Par exemple, pour les recommandations de l’ACC/AHA, la valeur des triglycérides joue un rôle majeur dans la
prise en charge alors que ce n’est pas
le cas pour les autres recommanda-
mt, vol. 15, n° 3, juillet-août-septembre 2009
tions. Les cibles de LDL-cholestérol
en prévention secondaire ne sont pas
les mêmes d’une recommandation à
l’autre : 0,7 g/L pour les recommandations américaines, 1 g/L pour les
recommandations françaises. Enfin,
elles sont parfois potentiellement dangereuses. En effet, elles incitent à la
prescription fréquente de fortes doses
de statines ou d’associations d’hypolipidémiants dont le rapport bénéfice/
risque n’a pas été validé par des essais
de prévention et qui peuvent être à
l’origine d’effets indésirables graves
dans certaines situations. Par exemple, dans les recommandations de
l’ACC/AHA, il est suggéré d’associer
statine et fibrate ou niacine si le HDL
est bas ou les triglycérides élevés.
Les recommandations de l’ESC sont
bien plus simples et ne fixent que
deux cibles de cholestérol total :
1,75 g/L en prévention secondaire et
1,9 g/L en prévention primaire [4].
205
Revue
Ces discordances s’expliquent essentiellement par le fait
que les recommandations vont souvent très au-delà de la
médecine fondée sur les preuves et accumulent les extrapolations. Pour identifier les bons candidats à un traitement par statine et les bonnes doses, il est donc indispensable de réexaminer le rapport bénéfice/risque des statines
dans les essais et les données de la pharmacovigilance.
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Quel est le bénéfice ?
206
Le principal bénéfice des statines est de prévenir en
partie le risque d’événements coronaires majeurs (infarctus du myocarde mortels ou non et revascularisation coronaire) [5]. En méta-analyse, le traitement pendant 5 ans
par statine fait passer le risque d’infarctus du myocarde
ou de mort coronaire de 9,8 % à 7,4 % soit une réduction
relative de 23 % (IC 95 % : 0,74 à 0,80).
La diminution du risque d’AVC par les statines est un
bénéfice plus marginal. Ainsi dans la même méta-analyse,
le risque d’AVC à 5 ans passait de 3,7 % à 3 % sous statine
[5]. L’incidence plutôt faible de ce type d’événements peut
s’expliquer par l’âge généralement peu avancé des patients
inclus dans les essais. Cependant, dans l’étude PROSPER
menée chez des sujets âgés, la pravastatine ne diminuait
pas significativement le risque d’AVC [6]. Même en ciblant
les patients à haut risque d’AVC comme les survivants d’un
AVC, il est difficile de montrer un effet significatif d’une
statine sur ce critère. Dans SPARCL, de fortes doses d’atorvastatine (Tahor® 80) n’ont eu qu’un effet à la limite de la
signification sur la récidive d’AVC, chez des patients dont
l’âge moyen était de 63 ans [7]. Ce résultat n’est pas surprenant. Le cholestérol n’est pas un facteur de risque
majeur des AVC, à la différence de la pression artérielle.
L’effet des statines sur la mortalité globale est également
modeste : diminution de 12 % en méta-analyse. Dans les
essais, elle n’est significative que dans les populations à
très haut risque coronaire comme celle de l’étude 4S qui
avait inclus des patients hypercholestérolémiques aux antécédents d’infarctus du myocarde [8]. L’effet sur la mortalité
cardiovasculaire est plus difficile à cerner, en raison d’un
biais de publication. Par exemple, les auteurs de la publication de l’étude JUPITER n’ont pas présenté l’effet de la rosuvastatine sur la mortalité cardiovasculaire alors qu’il était
neutre [9]. Aussi faut-il prendre avec beaucoup de précaution les résultats des méta-analyses sur les critères secondaires. Par exemple, Mills et al. concluent à un effet favorable
des statines sur la mortalité cardiovasculaire en analysant ce
critère sur 18 essais, alors que 19 essais sont inclus dans leur
méta-analyse [10]. Certains auteurs soutiennent que les statines améliorent la claudication des membres inférieurs en
cas d’artériopathie. Cet effet paraît peu plausible. Il est étayé
par quelques essais [11]. En pratique, cela ne modifie pas
l’indication des statines, largement prescrites pour la prévention des événements cardiovasculaires chez l’artéritique.
Les statines n’ont pas d’intérêt pour prévenir le déclin
cognitif ou pour freiner l’évolution du rétrécissement aortique. D’autres effets hypothétiques ont été avancés, liés
aux effets dits pléiotropes des statines, c’est-à-dire indépendants de la baisse du cholestérol [12]. Par exemple, certains essais de méthodologie discutable ont suggéré un
effet immunomodulateur des statines. En faveur de ces
effets pléiotropes, il y a principalement des arguments biochimiques et expérimentaux. En particulier, c’est un fait
que les statines ne bloquent pas seulement la voie de synthèse du cholestérol mais aussi celles qui aboutissent à
l’activation des protéines rho et à la synthèse de l’ubiquinone. L’importance clinique de ces effets latéraux n’est
toujours pas connue [12]. En d’autres termes, il est possible
d’expliquer l’essentiel du bénéfice lié aux statines par la
diminution de la synthèse du cholestérol. Pour avoir cru
le contraire, les investigateurs de l’étude PROVE-IT ont
été à l’origine d’un échec scientifique et commercial retentissant [13]. Ils avaient fait l’hypothèse que 40 mg de pravastatine (Elisor®) étaient non-inférieurs à 80 mg d’atorvastatine en dépit d’un effet moindre sur la cholestérolémie.
L’étude a montré finalement le contraire, le nombre d’événements vasculaires étant moindre sous atorvastatine.
Quels sont les risques ?
Les effets indésirables les plus fréquents des statines
sont des troubles digestifs mineurs, des douleurs musculaires, le prurit et une élévation modérée des transaminases. La fréquence de ces effets indésirables est plus ou
moins bien estimée dans les essais cliniques. En effet,
ceux-ci n’incluent pas les patients avec antécédent d’intolérance aux statines (biais des survivants) et n’incluent pas
les patients les plus fragiles. De plus, les conditions d’utilisation des statines dans les essais sont bien meilleures
que dans la vie courante, en raison en particulier d’un
dépistage plus précoce de ces effets indésirables et d’un
meilleur respect des précautions d’emploi. Toutes ces raisons expliquent que la cérivastatine (Cholstat®, Staltor®)
ne s’est révélée dangereuse qu’après commercialisation
alors que sa tolérance avait paru satisfaisante au cours
des étapes initiales de son développement. Elle a provoqué des rhabdomyolyses mortelles car dans la pratique
elle a été associée au gemfibrozil (fibrate) et a été administrée à trop forte dose à des sujets fragiles.
Alors que faut-il retenir comme incidence de ces effets
indésirables fréquents ? Le seul point dont on est sûr est
que ces effets indésirables sont dose-dépendants, qu’il
s’agisse de la toxicité musculaire ou hépatique (figure 1).
La question qui se pose est de savoir si la toxicité musculaire des fortes doses est due à une chute trop importante
de la cholestérolémie ou à un niveau de cholestérolémie
atteint trop bas. Les essais cliniques et leur méta-analyse
ne sont en faveur ni de l’une ni de l’autre de ces hypothè-
mt, vol. 15, n° 3, juillet-août-septembre 2009
% de patients
1,2
1,0
0,89
0,8
sont élevées sans douleurs musculaires majeures, les
mentions légales autorisent la poursuite du traitement
pour des valeurs inférieures à 5 fois la limite supérieure
de la normale. Le bien-fondé de cette attitude est cependant discutable. La prudence impose de répéter le dosage
des CPK lorsqu’elles étaient discrètement élevées.
0,6
0,4
0,4
0,2
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0,0
Les effets indésirables rares
0,28
0,13
0,12
Placebo
10 mg
20 mg
40 mg
80 mg
(N = 1,789) (N = 6,093) (N = 2,542) (N = 1,983) (N = 3,131)
Figure 1. Pourcentages de patients présentant une élévation des
enzymes hépatiques en fonction de la dose d’atorvastatine
(d’après [14])
ses. Il semble que la toxicité musculaire ne dépende que
de la dose, peut-être parce que cette toxicité ne passe pas
par la voie du cholestérol mais par celle de l’ubiquinone.
La réelle fréquence des effets indésirables liés aux statines
est difficile à mesurer à partir de la publication des essais :
leur présentation varie beaucoup d’un essai à un autre et
le nombre d’effets indésirables musculaires ou hépatiques
ayant abouti à l’arrêt du traitement n’est souvent pas
indiqué. Le tableau 1 donne la fréquence des effets indésirables hépatiques et musculaires les plus marqués dans
une étude de prévention primaire et une étude de prévention secondaire [14, 15].
Quelle attitude avoir devant des myalgies après l’instauration d’une statine ? Il faut d’abord vérifier la nature
musculaire de la doléance, la distinction avec un rhumatisme n’étant pas toujours évidente. La notion d’une douleur à la pression des masses musculaires ou de crampes
est en faveur d’une atteinte musculaire. Il faut alors doser
les CPK. Si elles sont élevées en dehors de tout traumatisme et de tout effort intense, il est logique de rechercher
des facteurs de risque de rhabdomyolyse : insuffisance
rénale, éthylisme, myopathie, insuffisance thyroïdienne,
traitement par immunodépresseur du type ciclosporine
(Néoral®) ou tacrolimus (Prograf®) ou corticothérapie. Si
les myalgies sont gênantes et persistent, quel que soit le
résultat du dosage des CPK, l’arrêt de la statine est nécessaire. Le délai nécessaire pour qu’elles disparaissent peut
atteindre un mois si elles sont dues à la statine. Si les CPK
Les effets indésirables rares sont en fait assez communément observés étant donné le nombre important de
français traités par statines, plus de 5 millions. Les principaux sont la rhabdomyolyse, l’hépatite, la tendinite, la
pancréatite aiguë et l’alopécie.
La rhabdomyolyse peut tuer. Toutes les statines peuvent en provoquer. Elle survient principalement dans les
situations à risque déjà énumérées et en cas de forte posologie. Dans les essais, sa fréquence est de l’ordre de
2/100 000/an [17].
Par ailleurs, les statines peuvent provoquer une
impuissance, le cholestérol étant un précurseur de la testostérone. L’impact réel du traitement par statine sur la vie
sexuelle masculine est cependant mal évalué, probablement faible. Ainsi, Weir et al. ont étudié l’évolution de la
fonction sexuelle après introduction de la pravastatine ou
de la lovastatine chez des patients hypercholestérolémiques : elle est stable chez 70 %, elle s’aggrave chez 18 %
et elle s’améliore chez 12 % de ces patients [18].
Les différentes statines sont-elles aussi
bien tolérées ?
Deux grands essais ont comparé l’atorvastatine à forte
dose (80 mg) à la pravastatine 40 et la simvastatine 40,
concluant à la moins bonne tolérance de ces fortes
doses d’atorvastatine [13, 19]. On manque de comparaisons ad hoc entre statines à efficacité égale. Une métaanalyse suggère que la rosuvastatine soit aussi bien tolérée que l’atorvastatine [20].
Les lignes précédentes ne doivent pas laisser penser
que les statines sont mal tolérées. Globalement, ce sont
des médicaments bien supportés, nettement moins dangereux que l’aspirine à dose antiagrégante par exemple.
Tableau 1. Nombre de patients présentant des élévations importantes des enzymes hépatiques
et musculaires sous statine et sous placebo dans les essais HPS et WOSCOPS
Essai
HPS [15]
WOSCOPS [16]
Effectif
20536
6595
Statine
CPK > 10 N
simvastatine 40
pravastatine 40
Transaminases > 4 N ou 3 N
Statine
Placebo
Statine
Placebo
11
3
6
1
43
26
32
16
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Revue
Dans quelles situations le rapport
bénéfice/risque est-il favorable ?
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Prévention primaire
Le rapport bénéfice/risque des statines est favorable
chez les sujets à haut risque (tableau 2). Il s’agit tout
d’abord des diabétiques avec au moins un autre facteur
de risque. Il s’agit également de sujets non diabétiques,
cumulant plusieurs facteurs de risque, par exemple un
hypertendu avec trois autres facteurs de risque. Le bénéfice de la statine est indépendant des valeurs du HDL ou
des triglycérides, à niveau de risque égal. Dans l’étude
JUPITER, la rosuvastatine s’était révélée utile chez des
sujets sans maladie vasculaire avérée, avec une cholestérolémie normale, d’âge mûr, avec une CRP supérieure à
2 mg/L et fréquemment un syndrome métabolique [9].
Les essais validant l’emploi d’une statine dans les situations de prévention primaire souffrent presque tous
d’une limitation importante : ils ont été habituellement
réalisés dans des populations anglo-saxonnes ou nordiques ou de l’Europe de l’Est, où le risque vasculaire, à
cholestérolémie égale, est nettement plus élevé qu’en
France. Il existe de rares cas où un essai clinique comparant une statine au placebo n’a pas réussi à montrer l’efficacité de la statine, en particulier chez le patient dialysé
rénal.
D’une manière générale, les doses pour lesquelles un
rapport bénéfice/risque favorable a été démontré en prévention primaire sont moyennes, par exemple atorvastatine 10 mg ou pravastatine 40 mg. L’étude JUPITER est
une exception puisque la rosuvastatine y était prescrite à
dose forte (Crestor® 20 mg). Cependant, à cause de l’arrêt
prématuré de l’étude, il n’est pas possible de savoir si la
rosuvastatine à cette dose a un rapport bénéfice/risque
satisfaisant au long cours dans ce type de population.
D’une manière générale, les essais cliniques surestiment
le rapport bénéfice/risque des fortes doses en écartant les
sujets les plus âgés et les plus fragiles (alcooliques, insuffisants rénaux, etc.).
Les essais cliniques ont validé des doses moyennes ou
fortes de statines dans diverses situations cliniques. Aucun
n’a comparé une cible de LDL à une autre. Ainsi, un essai
comme PROVE-IT montre que chez des coronariens avec
une cholestérolémie de départ peu élevée (1,8 g/L en
moyenne), 80 mg d’atorvastatine ont été utiles en abaissant
le LDL à 0,6 g/L [13]. Ceci ne veut pas dire pour autant
qu’il faille viser un LDL de 0,6 g/L chez tous les coronariens. En effet, pour atteindre une cible aussi basse chez un
patient avec une cholestérolémie de départ élevée (2,9 g/L
par exemple) il faudrait employer de très fortes doses de
statines associées à de l’ézétimibe par exemple, association
qui n’est pas validée par des essais de prévention pour le
moment. En d’autres termes, les cibles de LDL qui ont été
fixées par les recommandations sont des extrapolations et
ne peuvent être appliquées à tous les patients. Les recommandations comme celles de l’ESC sont plus proches de la
médecine factuelle (tableau 3).
Prévention secondaire
Le rapport bénéfice/risque favorable des statines est
bien démontré chez le coronarien avéré, quelle que soit
la cholestérolémie de départ et quelles que soient les
valeurs des fractions lipidiques (figure 2). Il est suggéré
par l’étude HPS en cas d’artériopathie des membres inférieurs. Le niveau de preuve des statines chez les patients
aux antécédents d’accident vasculaire cérébral est beaucoup plus faible. Le bénéfice de la simvastatine 40 mg et
de l’atorvastatine 80 mg est suggéré par HPS et SPARCL
chez des patients aux antécédents d’AVC pas trop âgés [7,
15]. On manque d’essais montrant l’intérêt d’une statine
chez des patients de plus de 70 ans après un AVC. Or,
l’AVC ischémique est avant tout une maladie du sujet
âgé. De plus, certaines méta-analyses suggèrent que
l’usage des statines après un AVC ischémique favorise
l’hémorragie cérébrale [26].
L’intérêt des fortes doses par rapport aux doses plus
faibles est probable chez le coronarien pour l’atorvastatine (Tahor® 80 mg) mais pas pour les autres molécules.
Tableau 2. Principaux essais de statines en prévention primaire.
Référence
Population
Hypolipidémiant
Chol. moyen initial (g/L)
LDL moyen initial (g/L)
Chol. sous traitement (g/L)
LDL sous traitement (g/L)
Événements/placebo (%)
JUPITER
ALLHAT-LLT
ASCOT-LLA
CARDS
WOSCOPS
9
H > 50 ans,
F > 60 ans
CRP > 2 mg/L
rosuva. 20
1,9
1,1
ND
0,5
– 47 % (S)
21
HTA+1 FDR+
≥ 50 ans
22
HTA + 3 FDR
23
Diabète + 1 FDR
16
Hypercholestérol.
78 % tabagiques
prava. 20-40
2,0
1,3
1,9
1,1
– 9 % (NS)
atorva. 10
2,1
1,3
1,6
0,9
– 36 % (S)
atorva. 10
2,1
1,2
1,5
0,8
– 37 % (S)
prava. 40
2,7
1,9
2,2
1,4
– 31 % (S)
FDR : facteur de risque, S : significatif ; rosuva. : Crestor®, atorva. : Tahor®, prava. : Elisor®, Vasten®.
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mt, vol. 15, n° 3, juillet-août-septembre 2009
Tableau 3. Recommandations de l’ESC pour la prévention primaire
chez les sujets à haut risque (diabète, élévation nette d’un facteur de
risque, risque d’événement vasculaire fatal à 10 ans ≥ 5 %) (d’après [4]).
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Choix alimentaires appropriés
Arrêter le tabac
Maigrir si IMC ≥ 25 kg/m2 ou si tour de taille ≥ 88 cm chez les femmes ou
102 cm chez l’homme
30 minutes d’exercice physique intense la plupart des jours de la semaine
Envisager les antihypertenseurs si PA ≥ 140/90 mmHg
Envisager une statine si cholestérol total ≥ 5 mmol/L (1,9 g/L)
ou si LDL ≥ 3 mmol/L (1,2 g/L)
Aspirine si le risque cardiovasculaire fatal à 10 ans est supérieur à 10 %
sous réserve que la pression artérielle soit contrôlée.
Antécédent d’IDM
Autre antécédent coronaire
Pas d’antécédent coronaire
Hommes
Femmes
Âge < 65 ans
65 < âge < 70 ans
Âge ≥ 70 ans
Cholestérol < 5,0 mmol/L
5,0 ≤ cholestérol < 6,0 mmol/L
Cholestérol ≥ 6,0 mmol/L
LDL < 3,0 mmol/L
3,0 ≤ LDL < 3,5 mmol/L
LDL ≥ 3,5 mmol/L
HDL < 0,9 mmol/L
0.9 ≤ HDL < 1,1 mmol/L
HDL ≥ 1,1 mmol/L
Le bénéfice des fortes doses par rapport aux faibles doses
est significatif ou non selon l’essai et selon le critère choisi
(tableau 4).
En pratique
En prévention primaire
Les statines en prévention primaire sont indiquées
chez des sujets à fort niveau de risque. Pour identifier
ces individus à fort niveau de risque il est possible d’utiliser les recommandations de l’ESC (tableau 3). En pratique, les meilleures indications des statines en prévention
primaire sont probablement :
– l’hypercholestérolémie franche (> 3 g/L) ;
– le diabète de type II avec au moins un facteur de
risque associé parmi : hypertension artérielle, tabagisme,
rétinopathie, albuminurie ;
– l’hypertension artérielle avec au moins 3 facteurs de
risque (le tabagisme surtout).
Des doses « moyennes » sont alors indiquées : pravastatine (Elisor®) 40 mg, atorvastatine (Tahor®) 10 mg, simvastatine (Zocor®) 20 à 40 mg, fluvastatine (Lescol®) 40 à
80 mg. La dose utile de rosuvastatine (Crestor®) dans cette
indication est probablement de 5 à 10 mg/j en dépit des
résultats de JUPITER.
D’autres indications sont incertaines en l’absence
d’essai ad hoc. Par exemple, il n’est peut-être pas utile
de prescrire une statine chez un homme de 50 ans vivant
en France méridionale, fumeur, avec une cholestérolémie
de 2,4 g/L.
En prévention secondaire
0,75
1
Statine meilleure
1,25
Placebo meilleur
Figure 2. Étude HPS. Risque relatif d’événement vasculaire des
patients recevant la simvastatine 40 mg (Zocor®) par rapport à
ceux recevant le placebo, dans divers sous-groupes (d’après [15]).
Les statines sont indiquées en cas de coronaropathie
ou d’artériopathie des membres inférieurs symptomatique
et dans les suites d’un AVC ischémique d’origine athéromateuse. La place des statines en présence de lésions
athéromateuses asymptomatiques (par exemple, un
indice de pression systolique diminué de façon isolée)
Tableau 4. Essais de prévention comparant un traitement hypolipidémiant intensif à un traitement non intensif chez des coronariens.
S : significatif ; simvastatine = Zocor® = Lodales® ; pravastatine = Elisor® = Vasten® ; atorvastatine = Tahor®). Le tableau donne la réduction relative
du risque d’événements vasculaires majeurs sous une forte dose. Ce n’était pas le critère principal dans IDEAL et PROVE-IT.
A to Z [24]
PROVE-IT [13]
TNT [25]
IDEAL [19]
Traitements comparés
simvastatine20/
simvastatine 80
pravastatine 40/
atorvastatine 80
atorvastatine10/
atorvastatine 80
simvastatine20/
atorvastatine 80
Cholestérol initial moyen (g/L)
LDL initial moyen (g/L)
LDL sous traitement non intensif (g/L)
LDL sous traitement intensif (g/L)
Réduction relative du risque vasculaire
1,85
1,1
0,77
0,63
14 % NS
1,80
1,06
0,95
0,62
18 % NS
2,35
1,52
1,01
0,77
22 % S
1,97
1,21
1,04
0,81
13 % S
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demeure incertaine et dans le doute il paraît prudent de
s’abstenir sauf s’il s’agit d’une situation reconnue de prévention primaire.
Les doses préconisées en prévention secondaire sont
la simvastatine 40 mg, la pravastatine 40 mg, l’atorvastatine 20 à 40 mg, la fluvastatine 80 mg. L’atorvastatine à la
dose de 80 mg semble devoir être réservée aux suites de
syndrome coronaire aigu, chez des patients à faible risque
d’effet indésirable (sujets pas trop âgés, non alcooliques,
sans insuffisance rénale), en l’absence de traitements interagissant avec cette statine (par exemple vérapamil :
Isoptine®, diltiazem : Tildiem®, télithromycine : Kétec®).
Chez le sujet âgé
Les fortes doses de statines sont déconseillées. L’indication des statines en prévention primaire au-delà de
80 ans est rarement justifiée sauf chez les sujets au risque
le plus élevé (par exemple, diabétique fumeur ou sujet
présentant une hypercholestérolémie majeure). L’indication des statines après un accident vasculaire cérébral
chez le sujet très âgé est également discutable.
Références
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