Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
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Mise au point
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02755/CIEI/1112 – Etabli le 20/11/2012
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L’hypothèse infectieuse de la maladie de Kaposi allait
être relancée par les études épidémiologiques menées
depuis les années 1980 sur la maladie de Kaposi du sida.
En 1990, puis en 1992, 2 études menées par Valérie Beral
et al. (3) avaient très élégamment démontré, d’une part,
que la maladie de Kaposi chez les sujets infectés par le VIH
pouvait être causée par un agent infectieux sexuellement
transmissible et, d’autre part, que cet agent infectieux
pouvait être transmis par des pratiques sexuelles assez
spécifiques. Partant de ces constatations, les découvreurs
de l’HHV-8 ont appliqué une technique de biologie molé-
culaire particulièrement originale appelée “amplification
différentielle”. Cette technique, décrite un an plus tôt
dans la revue Science, part du postulat qu’une maladie
peut être due à un agent infectieux présent uniquement
ou principalement dans les lésions (ici, les tumeurs de
Kaposi) et absent ou très minoritairement présent dans
le tissu sain (ici, la peau saine) chez un même individu.
Les procédés moléculaires utilisés par la suite consistent
à enrichir le tissu lésé en “matériel génomique” (ADN ou
ARN) de l’agent recherché afin de mettre en évidence
sa présence dans le seul tissu lésé. L’amplification diffé-
rentielle a permis aux auteurs de détecter un fragment
d’ADN dans les lésions de Kaposi d’un patient infecté par
le VIH. La séquence de ce fragment d’ADN présentait des
homologies avec des gènes des gammaherpèsvirus HSV
et EBV. Une réaction d’amplification génomique (PCR) per-
mettait par la suite de démontrer la présence de ce frag-
ment dans les seuls tissus kaposiens et pas dans d’autres
prélèvements, en dehors de quelques lymphomes qui se
révélèrent plus tard être des lymphomes des séreuses.
Degré d’évaluation
Depuis la publication de Science, l’étude de l’infection à
HHV-8 a été à l’origine de plusieurs milliers de publica-
tions portant à la fois sur la caractérisation du virus, les
méthodes diagnostiques, l’épidémiologie et la physiopa-
thologie des processus tumoraux consécutifs à l’infection
par l’HHV-8. Le génome viral a été totalement séquencé
à peine 2 ans après sa découverte. L’analyse du génome
a permis de mettre en évidence un nombre très impor-
tant de gènes impliqués dans la régulation de la division
cellulaire qui en font un “coupable” idéal, voire parfait.
Les liens de causalité entre l’HHV-8 et la maladie de
Kaposi peuvent être analysés comme suit :
✓
la force de l’association est démontrée par la pré-
sence du virus dans toutes les lésions de Kaposi grâce
à la mise au point de la PCR puis, plus récemment,
au développement de techniques d’amplification en
temps réel ;
✓
la consistance de l’association est démontrée par la
reproductibilité des résultats lorsqu’on utilise différentes
méthodes de détection sur des populations différentes ;
✓
la présence du virus a pu être démontrée dans toutes
les formes épidémiologiques de maladie de Kaposi ;
✓l’HHV-8 est spécifiquement associé à la maladie de
Kaposi, bien qu’il soit également associé à la maladie
de Castleman multicentrique et aux lymphomes des
séreuses. Il est intéressant de noter que ces 3 affections
peuvent être observées chez un même individu, ce qui
renforce leur lien avec l’HHV-8 ;
✓
l’infection par l’HHV-8 précède l’apparition de la
maladie de Kaposi. Ceci ayant été clairement démontré
dans les cohortes de patients homosexuels et dans le
cadre de la transplantation d’organes ;
✓la démonstration d’un gradient biologique a été faite.
Bien que le virus puisse être retrouvé dans la peau saine, la
quantité de virus est toujours supérieure dans la peau lésée ;
✓
l’équipement génomique de l’HHV-8 ainsi que la
démonstration de son pouvoir partiellement transfor-
mant rendent son rôle plausible dans la genèse du kaposi ;
✓le rôle de l’HHV-8 est cohérent avec l’histoire natu-
relle et la biologie de la maladie de Kaposi ;
✓
l’évidence expérimentale fait cependant défaut. Ceci
tient au fait que, dans la maladie de Kaposi, le virus est
essentiellement, voire exclusivement, latent, donc non
réplicatif et donc insensible aux potentielles molécules
antiherpétiques susceptibles d’agir sur la réplication virale.
Les liens entre l’HHV-8 et la maladie de Kaposi ne sont
pas totalement élucidés. Si l’association entre ce virus
et la maladie de Kaposi est clairement admise par tous,
de nombreuses questions demeurent en suspens. Elles
concernent l’épidémiologie du virus et les raisons de cette
hétérogénéité de distribution, assez inhabituelle pour un
herpèsvirus. Les voies de transmission, et notamment
l’importance de la voie salivaire comme site de réplication
du virus, s’accordent mal avec le fait que l’HHV-8 ne soit
pas un virus ubiquitaire. Ces éléments suggèrent que le
virus n’est pas si facilement transmissible ou qu’il existe
peut-être des facteurs génétiques ou autres favorisant l’in-
fection. En dehors du facteur immunosupression, il n’est
pas possible de savoir pourquoi un individu infecté par
l’HHV-8 va développer une maladie de Kaposi. Là encore,
il existe peut-être des facteurs génétiques propres à l’hôte
qui peuvent intervenir dans le développement de la
maladie. L’intérêt du virus en tant que cible thérapeutique
reste également à déterminer. Si, du fait de son caractère
latent, il reste une cible peu accessible aux thérapeutiques
curatives, la mise en place de thérapeutiques dans une
stratégie préventive pourrait avoir un intérêt notamment
dans le domaine de la transplantation, comme c’est le
cas pour d’autres infections à Herpesviridae. ■
L’auteur n’a pas déclaré
ses éventuels
liens d’intérêts.
1. Chang Y, Cesarman E,
Pessin MS et al. Identification
of herpesvirus-like DNA
sequences in AIDS-associated
Kaposi’s sarcoma. Science
1994;265:1865-9.
2. Sarid R, Olsen SJ, Moore
PS. Kaposi’s sarcoma-asso-
ciated herpesvirus: epi-
demiology, virology, and
molecular biology. Adv Virus
Res 1999;52:139-232.
3. Beral V, Peterman TA,
Berkelman RL, Jaffe HW.
Kaposi’s sarcoma among
persons with AIDS: A sexually
transmitted infection? Lancet
1990;335:123-8.
Références