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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n°2 - mars-avril 2008
POINTS FORTS
Les anticholinergiques atropiniques, essentiellement
le butylbromure de scopolamine, et les analogues de la
somatostatine tels que l’octréotide ont une place clé dans
le traitement médical de par leur action antisécrétoire et
antispasmodique. Cependant, l’absence d’AMM dans cette
indication pour les analogues de la somatostatine et leur coût
par rapport aux anticholinergiques souvent susants, les
font prescrire en deuxième intention malgré leur supériorité
dans le contrôle des symptômes.
Le traitement de choix de la douleur d’origine tumorale
demeure la morphine administrée en continu par voie paren-
térale, avec possibilité d’auto-administration de suppléments
par le patient (pompe PCA). En cas de douleur stable, le relais
peut être pris par les patchs de fentanyl transdermique
(Durogésic®) et les comprimés de fentanyl transmuqueux
(Actiq®).
La réalisation d’une gastrostomie de décharge par voie
percutanée endoscopique ou, plus exceptionnellement, par
voie chirurgicale, est préférable à la sonde nasogastrique
devant des vomissements rebelles aux traitements.
Lalimentation et l’hydratation orale sont souvent possibles
a minima, et ce surtout si l’occlusion est bas située.
En l’absence de voie d’abord veineuse, la voie sous-cutanée
peut sure pour l’hydratation et l’apport des principaux
traitements symptomatiques de n de vie.
Mots-clés : Occlusion intestinale maligne – Hypodermo-
clyse – Butylbromure de scopolamine – Octréotide.
Keywords: Malignant bowel obstruction – Hypodermoclysis
Scopolamine butylbromide – Octreotide.
C
hez le patient à un stade avancé ou terminal d’un cancer
digestif compliqué d’un syndrome occlusif sans possibilité
chirurgicale ou d’endoprothèse, le traitement sera avant
tout symptomatique. Il suivra une stratégie thérapeutique par
étapes visant au contrôle des symptômes, avec ou sans levée
d’occlusion.
Les données de la littérature mettent aujourd’hui en évidence
de réels progrès dans ce domaine quant à la qualité de vie des
patients, qui ont pour la plupart une espérance de vie limitée
à quelques semaines ou quelques mois.
Une fois présenté l’essai de standardisation des pratiques médico-
chirurgicales au CHU de Grenoble pour les patients souffrant
d’une occlusion intestinale maligne non résécable (arbre déci-
sionnel) [1, 2], nous aborderons plus particulièrement la question
des vomissements rebelles, celle des douleurs abdominales,
celle de l’alimentation artificielle, avec le choix décisionnel qui
l’accompagne et, enfin, la voie d’abord sous-cutanée pour les
patients en fin de vie sans voie veineuse périphérique ou centrale.
La question du diagnostic clinique et radiologique et celle des
traitements chirurgicaux, endoscopiques ou chimiothérapiques
des syndromes occlusifs – lorsqu’ils sont possibles – sont abor-
dées ailleurs dans ce dossier.
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE PAR ÉTAPES
La stratégie thérapeutique proposée, en trois étapes, est détaillée
dans l’arbre décisionnel. Principalement issue des recomman-
dations de l’Association européenne de soins palliatifs (3), elle
s’accorde avec les données de la littérature et celles, toutes
récentes, de S. Mercadante et al. (4), qui soulignent l’intérêt
d’une approche pharmacologique multimodale permettant
une synergie entre les médicaments utilisés. Seront associés :
corticoïdes, antisécrétoires, antiémétiques et antalgiques. La
réhydratation parentérale intraveineuse ou sous-cutanée, avec
correction d’éventuels troubles hydroélectrolytiques, est systé-
matique en phase aiguë. L’utilisation de la sonde nasogastrique
(SNG), en revanche, n’est plus systématique.
Il convient de noter que les corticoïdes sont proposés durant les
3 à 5 premiers jours, et qu’il faut savoir les arrêter en cas d’inef-
ficacité sur la levée de l’occlusion. Malgré des avis divergents sur
la question, nous préconisons leur utilisation initiale systéma-
tique en raison de leur action antiœdémateuse susceptible de
Occlusion sur carcinose : quelques repères thérapeutiques
et décisionnels en soins palliatifs
Clinical-practice recommendations for the management of bowel obstruction
in patients with peritoneal carcinomatosis
# Guillemette Laval*, Nicolas Beziaud*, Emmanuel Germain**, Christine Rebischung***, Catherine Arvieux****
* Équipe mobile de soins palliatifs et de coordination en soins de support,
** Service d’hépato-gastroentérologie,
*** Hôpital de jour d’onco-hématologie,
**** Service de chirurgie digestive et de l’urgence, CHU de Grenoble.
>>>
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Arbre décisionnel.
Stratégie thérapeutique médicamenteuse proposée dans l’occlusion intestinale maligne non résécable.
Sonde nasogastrique (à discuter au cas par cas)
Réhydratation parentérale
Antalgiques selon les recommandations internationales (trois paliers de l’OMS)
Corticoïdes : méthylprednisolone (Solu-Médrol®) ou équivalent :
1 à 4 mg/kg/24 h en i.v. en 1 h le matin, 3 à 5 jours (voie s.c. possible en deux fractions en deux points différents)
Antiémétique: halopéridol (Haldol®) 1 à 5 mg/8 h à 12 h en s.c. ou en i.v.
ou chlorpromazine (Largactil®) 25 à 50 mg/8 h à 12 h en s.c. ou en i.v.
Antisécrétoire analogue de la somatostatine: octréotide (Sandostatine®) 200 μg/8 h en s.c. ou 600 μg en continu au PSE, en s.c. ou en i.v.
Après 3 jours de traitement
Arrêt des vomissements
Recherche de la posologie
minimale
et relais forme LP
Antisécrétoire anticholinergique : butylbromure de scopolamine (Scoburen®)
40 à 80 mg/8 h en s.c. ou en i.v.
Premier épisode
ÉTAPE 1
ÉTAPE III
ÉTAPE II
oui
Diminution puis arrêt des corticoïdes
et des anticholinergiques Arrêt des corticoïdes
et des anticholinergiques
Épisodes à répétition
non
Poursuite des vomissements
Indication de gastrostomie
endoscopique ou chirurgicale
Occlusion
(subocclusion)
Levée
d’occlusion
après 3 à 5 jours
Étape 1
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n°2 - mars-avril 2008
réduire l’œdème péritumoral et, par là, les compressions extrin-
sèques. Létude multicentrique randomisée en double aveugle
que nous avons réalisée il y a quelques années (5) comparait la
méthylprednisolone (1 ou 4 mg/kg/j, 3 jours) au placebo chez
40 patients cancéreux présentant une occlusion intestinale non
opérable (avec ou sans carcinose) et sans SNG. Elle retrouvait
deux fois plus de levées d’occlusion sous stéroïdes que sous
placebo (p = 0,047), sans toutefois pouvoir préciser l’influence de
la posologie sur le résultat obtenu. Cette efficacité des corticoïdes
est aussi retrouvée dans la récente étude prospective menée
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sur 4 ans au CHU de Grenoble (2), qui a porté sur 80 épisodes
occlusifs survenus chez 75 patients avec carcinose péritonéale
(5 patients ont eu deux épisodes distincts), si l’on considère les
patients qui nen avaient pas reçu avant l’épisode occlusif. En
effet, l’étude montre bien, dans létape I du protocole alors utilisé
(étape identique à l’étape I de l’arbre décisionnel), que 20 des
25 levées d’occlusion (soit 80%) survenaient chez des patients
qui ne recevaient pas auparavant de corticoïdes. En revanche,
30 des 55 patients (soit 55%) pour lesquels les corticoïdes ne
levaient pas l’occlusion en recevaient préalablement, comme
si l’effet antiœdémateux libérant la lumière intestinale était
maximal lors d’une première utilisation. Cette différence était
significative (p = 0,03). Cela nous invite de manière générale,
en soins palliatifs, à utiliser préférentiellement les corticoïdes
en cure courte de quelques jours seulement, et à les renouveler
si besoin. Ces résultats initiaux nous paraissent très importants
pour le confort des patients. Laction antiémétique, coanalgésique
et stimulante des corticoïdes est de même intéressante.
Il faut également noter l’utilisation en première intention des
anticholinergiques avec le butylbromure de scopolamine (encore
appelé hyoscine butylbromide: Scoburen
®
, à bien différencier de
la Scopolamine
®
, que nous ne recommandons plus dans cette
indication, car trop sédative), bien que de nombreux travaux
soulignent la supériorité des analogues de la somatostatine
– essentiellement de l’octréotide (le lanréotide étant pour sa part
en cours d’étude) – sur la réduction du volume des sécrétions
gastro-intestinales ainsi que leur rapidité d’action (48 h) [6].
Cependant, l’efficacité certaine et souvent suffisante du butyl-
bromure de scopolamine sur les symptômes liés à l’occlusion,
d’une part, et son faible coût d’autre part (5,34 € pour 120 mg
par jour de Scoburen
®
contre 80,38 € pour 600 μg par jour de
Sandostatine
®
– tarif Vidal
®
2007) nous le font proposer en
première intention. En revanche, dans le cas d’épisodes suboc-
clusifs à répétition chez un patient qui peut encore s’alimenter
et qui vomit régulièrement, nous préférons utiliser d’emblée
l’octroéotide afin d’optimiser l’efficacité sur les vomissements et
de retarder le passage à l’occlusion constituée. Ce dernier peut
aussi être proposé en première intention dans les occlusions
d’origine haute du fait de l’importance du volume des sécrétions.
S. Mercadante et C. Ripamonti, dans leurs travaux sur l’occlu-
sion intestinale maligne (4, 7), insistent beaucoup sur l’intérêt
de l’octréotide et sur ses différents modes d’action qui, à la fois,
diminuent les sécrétions intestinales, favorisent l’absorption
d’eau et d’électrolytes et réduisent le péristaltisme intestinal,
permettant ainsi de rompre le cercle vicieux “sécrétion-disten-
sion-hypertonie intestinale”. Sa puissante action inhibitrice de
la motricité intestinale nempêche pas, comme le montrent les
études, la reprise du transit intestinal.
LES VOMISSEMENTS REBELLES
Aucune étude comparative ne permet de dire quels antiémé-
tiques choisir en cas de vomissements par syndrome occlusif.
Il est certain que le métoclopramide (Primpéran
®
) ne devrait
pas être utilisé dans les occlusions hautes, du fait de son action
prokinétique. Les plus utilisés en soins palliatifs sont essentielle-
ment l’halopéridol (Haldol
®
) et la chlorpromazine (Largactil
®
),
seuls ou associés à un antihistaminique ou à un sétron (cyclizine
ou dimenhydrate, non commercialisé en France). L’Haldol
®
est
moins sédatif que le Largactil
®
. Ce dernier est mieux suppor
lors d’une administration continue au pousse-seringue électrique
(PSE), par voie sous-cutanée ou intraveineuse. La voie orale
ou sublinguale peut être utilisée (gouttes). Pour l’un comme
pour l’autre, nous recommandons de débuter aux plus petites
posologies proposées (arbre décisionnel). Les anti-5HT3 (ondan-
sétron, granisétron, tropisétron, dolasétron, etc.) ne sont pas
des antiémétiques habituellement recommandés en première
intention. Cela s’explique par leur mécanisme d’action essen-
tiellement périphérique qui bloque la sérotonine libérée par
la muqueuse intestinale sous l’action de facteurs extérieurs
cytotoxiques principalement induits par la chimiothérapie et
la radiothérapie. Ils doivent cependant être essayés.
Les antiémétiques associés aux corticoïdes et aux antisécrétoires
anticholinergiques ou à un analogue de la somatostatine ne
suffisent pas toujours. Après avoir éliminé d’autres étiologies,
principalement les vomissements par hypercalcémie (para-
néoplasie ou métastases osseuses) ou par hypertension intra-
crânienne (métastases cérébrales), qui imposent un traitement
étiologique spécifique, la question de la gastrostomie de décharge
se pose rapidement, dès le 9ejour d’occlusion si l’on s’en tient
au protocole. La gastrostomie est habituellement réalisée par
voie percutanée transgastrique endoscopique, avec un éventuel
guidage radiologique. Cette méthode de choix est efficace sur
les vomissements rebelles dans la majorité des cas, et s’accom-
pagne d’un faible taux de complications techniques (8). Létat du
patient et l’habitude des équipes peuvent faire préférer la voie
chirurgicale (gastrostomie tunélisée, selon Witzel), notamment
en cas d’ascite, de masses pariétales sur carcinose évoluée ou
encore d’antécédent de gastrectomie partielle ou de tout autre
remaniement interne et d’adhérences. La plupart du temps, la
gastrostomie de décharge est bien tolérée. Aussi nous paraît-il
important de rassurer les patients sur cette technique, et de savoir
ne pas attendre pour la réaliser quand elle devient nécessaire.
Létude grenobloise (2) montre que nous réalisons tardivement ce
geste: pour les dix patients (soit 12% des 80 épisodes occlusifs)
qui ont eu recours à cette technique après échec des traite-
ments médicamenteux symptomatiques – dont 6 pour cancer
de l’ovaire –, le délai médian de réalisation de la gastrostomie
est de 17 jours (12 à 35 jours). Alors que la médiane de durée de
vie des 75 patients inclus dans l’étude est de 31 jours (extrêmes :
4-521 jours), la médiane de survie après l’intervention nest plus
que de 13 jours (6 à 125 jours), soit proche de celle de 17 jours
dans une étude comparable menée auprès de 51 patients (8). Cela
souligne certes le mauvais pronostic des patients considérés,
mais aussi nos difficultés à poser l’indication de la gastrostomie
et à l’organiser. Dans tous les cas, la réalisation de ce geste passe
par l’information et le consentement du patient. Certains s’y
opposent, préférant garder la SNG ou vomir par intermittence
(deux cas dans notre étude).
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LES DOULEURS ABDOMINALES
Lévaluation de la douleur suit les règles habituelles, imposant
en premier lieu d’en comprendre les mécanismes générateurs
afin d’en adapter le traitement.
Il s’agit le plus souvent de douleurs liées à la pathologie cancé-
reuse elle-même: des hépatalgies métastatiques, des douleurs
d’origine pancréatique par le cancer lui-même ou par l’envahis-
sement des ganglions du plexus solaire, des douleurs internes
ou pariétales par extension tumorale, etc. Le traitement de base
sera alors un morphinique, bien souvent associé au paracé-
tamol et/ou aux corticoïdes, sans oublier le cas particulier du
bloc cœliaque (douleur solaire) sous contrôle scannographique
associé ou non à des antiépileptiques et/ou antidépresseurs
dans le cancer du pancréas. L’analgésie interventionnelle, à base
de morphine administrée par voie péridurale ou intrathécale
avec ou sans coanalgésique, peut être nécessaire chez certains
patients présentant des douleurs rebelles liées à l’importance
de la carcinose.
Si les douleurs sont liées à l’occlusion elle-même, celles-ci sont
plutôt à type de spasmes coliques ou, pour certains, d’impres-
sion de “poids”, de “lourdeur” ou de “tiraillement” du fait de la
distension abdominale, qui peut encore être majorée par l’ascite.
La pratique montre qu’il faudra alors tenter les antispasmodiques
en première intention plutôt que d’introduire ou d’augmenter
la morphine si elle était déjà prescrite. Si le Scoburen
®
na pas
été introduit du fait de l’absence de vomissements initiaux,
comme c’est souvent le cas dans les occlusions basses, il faudra
le prescrire; il n’y aura alors pas lieu de l’associer à un autre
antispasmodique classique comme le Spasfon
®
.
Les ponctions d’ascite, avec ou sans guidage échographique
selon l’importance de la carcinose et le caractère “cloisonné”
ou non de l’ascite, ainsi que l’utilisation des diurétiques – plutôt
résere aux ascites transudatives, cest-à-dire aux cas d’hyper-
tension portale (métastases hépatiques) – prennent aussi toute
leur importance. Notons enfin le cas particulier d’une stomie
de décharge en aval d’une colectasie lorsque celle-ci est trop
importante, et sous réserve bien sûr des possibilités chirurgicales.
Cest, pour certains patients très météorisés et insuffisamment
contrôlés par les antalgiques, le seul recours après échec des
lavements, gouttes à gouttes rectaux et tentative dexsufflation
endoscopique.
Les traitements morphiniques suivent les recommandations
habituelles (9). En période de titration de la morphine (ou
de l’oxycodone injectable, qui vient d’être commercialisée en
France), nous recherchons la posologie minimale efficace, que
le patient soit déjà sous morphine (ou oxycodone) ou non. Pour
cela, il est préférable d’utiliser le morphinique en continu, en s.c.
ou en i.v., par PSE ou, mieux, par pompe de type PCA (analgésie
contrôlée par le patient), avec possibilité pour le patient d’une
auto-administration de suppléments (encore appelés inter-
doses ou bolus) et réadaptation des posologies selon le nombre
de bolus demandés (10). Les patchs de fentanyl transdermi-
ques (Durogésic
®
) sont peu adaptés à la situation aiguë. En
revanche, ils sont d’un grand intérêt chez le patient présentant
une occlusion chronique et des douleurs stables. Les bâtonnets
de fentanyl transmuqueux (Actiq
®
) sont intéressants pour les
accès douloureux chez les patients sous patch, sous réserve d’une
bonne muqueuse buccale, car ils exposent au risque d’irritation
(frottements gingivaux) ou de non-absorption si la muqueuse
est très sèche, comme c’est souvent le cas en toute fin de vie.
En aucun cas, chez un patient qui souffre, la crainte d’aggraver
un syndrome occlusif par l’utilisation d’un morphinique fort
ne doit contre-indiquer ce dernier. À noter cependant l’arrivée
sur le marché français l’année prochaine (AMM européenne
en cours) du méthylnaltrexone, antagoniste quaternaire de la
morphine qui ne passe pas la barrière hématoméningée et qui
bloque les effets périphériques de la morphine sur le tube digestif
sans modifier l’analgésie. Son utilisation pourrait faire s’envoler
les dernières craintes des prescripteurs, sous réserve que la
part fonctionnelle induite par des opioïdes dans l’occlusion sur
carcinose soit conséquente!
LALIMENTATION ARTIFICIELLE, L’HYDRATATION
ET LA VOIE D’ABORD SOUSCUTANÉE
HYPODERMOCLYSE
Lintérêt de la nutrition artificielle parentérale (NAP) reste très
controversé en soins palliatifs dans la mesure où son impact sur
la survie et/ou sur la qualité de vie na pas été démontré. Son
indication s’appuie principalement sur des indicateurs pronosti-
ques, et bien sûr sur l’accord du patient lui-même lorsqu’il peut le
donner. Il s’agit à chaque fois de tenir compte du principe éthique
d’autonomie (information et consentement éclairé) ainsi que de
ceux de bienfaisance et de non-maléficiance dont découlent le
principe de proportionnalité (avantages et inconvénients mis
en balance) et le principe de futilité (la pathologie évolutive
conduira au décès quand bien même le patient recevrait une
nutrition artificielle) [11]. Les auteurs recommandent de ne pas
instaurer de NAP chez les patients dont l’indice de Karnofsky est
inférieur à 50% et l’albuminémie inférieure à 24 g/l (syndrome
anorexique-cachexie), et, d’une manière générale, chez ceux dont
le pronostic fatal est estimé à moins de 2 à 3 mois. Cependant,
ne pas débuter une NAP peut être difficile pour le patient, car
cela signifie pour lui l’absence d’espoir et la mort à venir. De
ce fait, et surtout à titre compassionnel, nous assistons à une
utilisation croissante de la NAP ; une utilisation bien souvent
discutable, d’autant qu’en toute fin de vie celle-ci expose même
au risque d’anasarque. Notons aussi que la question d’arrêter
une NAP est tout autant difficile de par sa valeur symbolique,
surtout si le patient recevait jusque-là une chimiothérapie et
qu’il garde l’espoir de la reprendre ultérieurement. Une parole
médicale est nécessaire; elle est toujours difficile pour le praticien
confronté aux questionnements auxquels le renvoie le fait de
ne plus pouvoir guérir. La réflexion que nous avons menée à
Grenoble à partir de plusieurs situations cliniques (12) montre
combien la relation de confiance médecin-patient, mise à mal
par l’aggravation de la maladie, peut être protégée par certains
choix thérapeutiques (acceptables médicalement sous réserve
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que ces derniers napportent pas, bien sûr, plus d’inconfort que
de bienfaisance). En même temps, noublions pas la capacité de
chacun à évoluer psychiquement, rendant possible, tôt ou tard,
une reprise du dialogue autour du projet thérapeutique.
De plus, l’expérience montre que, chez les patients dont les symp-
tômes liés à l’occlusion sont contrôlés (avec ou sans gastrostomie
de décharge), les boissons et l’alimentation a minima restent
souvent possibles. Lobjectif de l’hydratation et de l’alimentation
orale est le plaisir et non plus la recherche d’un état nutritionnel
suffisant. Une hydratation parentérale associée est quasi systé-
matique; elle devra être limitée à 500 cc en phase toute terminale
du fait du risque d’augmentation de l’encombrement oropha-
ryngé ou bronchique chez un patient qui nest plus en mesure
d’expectorer. La voie sous-cutanée, parfois la seule possible,
permet aussi l’administration de différentes thérapeutiques
médicamenteuses, souvent nécessaires à la phase terminale.
Quelques repères techniques ainsi que les principaux médica-
ments utilisés par cette voie sont proposés dans les tableaux I
et II (13). Notons la possible utilisation par cette voie de tous
les médicaments nécessaires au contrôle des symptômes de
l’occlusion, diurétiques, anxiolytiques et antibiotiques compris.
La voie rectale, pour l’administration du paracétamol, peut aussi
être utilisée (Doliprane
®
suppositoire, 1 g).
CONCLUSION
La prise en charge de l’occlusion intestinale non résecable sur
carcinose péritonéale a considérablement évolué, permettant
presque toujours un contrôle des symptômes. Ce sont surtout
les antisécrétoires associés aux stéroïdes et aux antiémétiques
qui permettront le soulagement du patient, voire, en cas d’échec,
la gastrostomie de décharge, qui évite le port au long cours
d’une SNG.
La remarquable efficacité des dérivés de la somatostatine, en
particulier de l’octréotide, les ferait choisir en première inten-
tion si leur coût était moindre, et l’on ne peut qu’espérer une
avancée des travaux en la matière. Dans le même sens, des
études concernant l’intérêt de la NAP chez ces patients (cancer
de l’ovaire exclu) pourraient être réalisées.
Aujourd’hui, si l’occlusion intestinale sur carcinose reste très
grave quant au pronostic vital, le confort des patients peut le plus
souvent être préservé, avec retour au domicile. Dans tous les cas,
il s’agit d’une prise en charge complexe et difficile nécessitant
une collaboration médicale et chirurgicale pluridisciplinaire
étroite afin d’être adaptée au plus juste à la situation individuelle
de chaque patient. N
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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malignant intestinal obstruction. Palliat Med 2002;16(6):520-6.
Tableau I.
Quelques repères techniques pour l’hypodermoclyse.
Objectif Alternative aux autres voies d’administration
Indications Hydratation et/ou administration des thérapeutiques, en
restant prudent en cas d’absence d’AMM par cette voie
Avantages Confort
Facilité de mise en place et risque infectieux limité
Peut éviter une hospitalisation
Inconvénients Limite du volume perfusable (max. 1 000 à 1200 ml/24 h
par site d’injection en continu)
Risque d’œdèmes localisés,
réversibles à l’arrêt de la perfusion
Risque d’hématome sous anticoagulant
ou de trouble de la coagulation (CI relative)
Matériel de base Patch ou crème Emla®
Antiseptique cutané
Nécessaire à perfusion avec régulateur de débit
Dispositif sécurisé sous-cutané de type BD Saf-T-Intima™
ou cathéter veineux adapté
Pansement adhésif transparent
Sérum salé isotonique
Sites d’injection Variés
Tout tissu sous-cutané en quantité susante, en l’absence
d’érosions cutanées et d’œdèmes : région sous-claviculaire,
région abdominale, face antérolatérale externe des cuisses,
dos…)
Les dispositifs peuvent rester en place 72 heures
En cas de solutés médicamenteux non compatibles, utiliser
des voies diérentes
Surveillance locale Recherche d’œdème et d’une éventuelle réaction de type
inammatoire (soluté hyperosmolaire, teneur en potassium
trop importante…)
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