Dossier thématique
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n°2 - mars-avril 2008
sur 4 ans au CHU de Grenoble (2), qui a porté sur 80 épisodes
occlusifs survenus chez 75 patients avec carcinose péritonéale
(5 patients ont eu deux épisodes distincts), si l’on considère les
patients qui n’en avaient pas reçu avant l’épisode occlusif. En
effet, l’étude montre bien, dans l’étape I du protocole alors utilisé
(étape identique à l’étape I de l’arbre décisionnel), que 20 des
25 levées d’occlusion (soit 80%) survenaient chez des patients
qui ne recevaient pas auparavant de corticoïdes. En revanche,
30 des 55 patients (soit 55%) pour lesquels les corticoïdes ne
levaient pas l’occlusion en recevaient préalablement, comme
si l’effet antiœdémateux libérant la lumière intestinale était
maximal lors d’une première utilisation. Cette différence était
significative (p = 0,03). Cela nous invite de manière générale,
en soins palliatifs, à utiliser préférentiellement les corticoïdes
en cure courte de quelques jours seulement, et à les renouveler
si besoin. Ces résultats initiaux nous paraissent très importants
pour le confort des patients. L’action antiémétique, coanalgésique
et stimulante des corticoïdes est de même intéressante.
Il faut également noter l’utilisation en première intention des
anticholinergiques avec le butylbromure de scopolamine (encore
appelé hyoscine butylbromide: Scoburen
®
, à bien différencier de
la Scopolamine
®
, que nous ne recommandons plus dans cette
indication, car trop sédative), bien que de nombreux travaux
soulignent la supériorité des analogues de la somatostatine
– essentiellement de l’octréotide (le lanréotide étant pour sa part
en cours d’étude) – sur la réduction du volume des sécrétions
gastro-intestinales ainsi que leur rapidité d’action (48 h) [6].
Cependant, l’efficacité certaine et souvent suffisante du butyl-
bromure de scopolamine sur les symptômes liés à l’occlusion,
d’une part, et son faible coût d’autre part (5,34 € pour 120 mg
par jour de Scoburen
®
contre 80,38 € pour 600 μg par jour de
Sandostatine
®
– tarif Vidal
®
2007) nous le font proposer en
première intention. En revanche, dans le cas d’épisodes suboc-
clusifs à répétition chez un patient qui peut encore s’alimenter
et qui vomit régulièrement, nous préférons utiliser d’emblée
l’octroéotide afin d’optimiser l’efficacité sur les vomissements et
de retarder le passage à l’occlusion constituée. Ce dernier peut
aussi être proposé en première intention dans les occlusions
d’origine haute du fait de l’importance du volume des sécrétions.
S. Mercadante et C. Ripamonti, dans leurs travaux sur l’occlu-
sion intestinale maligne (4, 7), insistent beaucoup sur l’intérêt
de l’octréotide et sur ses différents modes d’action qui, à la fois,
diminuent les sécrétions intestinales, favorisent l’absorption
d’eau et d’électrolytes et réduisent le péristaltisme intestinal,
permettant ainsi de rompre le cercle vicieux “sécrétion-disten-
sion-hypertonie intestinale”. Sa puissante action inhibitrice de
la motricité intestinale n’empêche pas, comme le montrent les
études, la reprise du transit intestinal.
LES VOMISSEMENTS REBELLES
Aucune étude comparative ne permet de dire quels antiémé-
tiques choisir en cas de vomissements par syndrome occlusif.
Il est certain que le métoclopramide (Primpéran
®
) ne devrait
pas être utilisé dans les occlusions hautes, du fait de son action
prokinétique. Les plus utilisés en soins palliatifs sont essentielle-
ment l’halopéridol (Haldol
®
) et la chlorpromazine (Largactil
®
),
seuls ou associés à un antihistaminique ou à un sétron (cyclizine
ou dimenhydrate, non commercialisé en France). L’Haldol
®
est
moins sédatif que le Largactil
®
. Ce dernier est mieux supporté
lors d’une administration continue au pousse-seringue électrique
(PSE), par voie sous-cutanée ou intraveineuse. La voie orale
ou sublinguale peut être utilisée (gouttes). Pour l’un comme
pour l’autre, nous recommandons de débuter aux plus petites
posologies proposées (arbre décisionnel). Les anti-5HT3 (ondan-
sétron, granisétron, tropisétron, dolasétron, etc.) ne sont pas
des antiémétiques habituellement recommandés en première
intention. Cela s’explique par leur mécanisme d’action essen-
tiellement périphérique qui bloque la sérotonine libérée par
la muqueuse intestinale sous l’action de facteurs extérieurs
cytotoxiques principalement induits par la chimiothérapie et
la radiothérapie. Ils doivent cependant être essayés.
Les antiémétiques associés aux corticoïdes et aux antisécrétoires
anticholinergiques ou à un analogue de la somatostatine ne
suffisent pas toujours. Après avoir éliminé d’autres étiologies,
principalement les vomissements par hypercalcémie (para-
néoplasie ou métastases osseuses) ou par hypertension intra-
crânienne (métastases cérébrales), qui imposent un traitement
étiologique spécifique, la question de la gastrostomie de décharge
se pose rapidement, dès le 9ejour d’occlusion si l’on s’en tient
au protocole. La gastrostomie est habituellement réalisée par
voie percutanée transgastrique endoscopique, avec un éventuel
guidage radiologique. Cette méthode de choix est efficace sur
les vomissements rebelles dans la majorité des cas, et s’accom-
pagne d’un faible taux de complications techniques (8). L’état du
patient et l’habitude des équipes peuvent faire préférer la voie
chirurgicale (gastrostomie tunélisée, selon Witzel), notamment
en cas d’ascite, de masses pariétales sur carcinose évoluée ou
encore d’antécédent de gastrectomie partielle ou de tout autre
remaniement interne et d’adhérences. La plupart du temps, la
gastrostomie de décharge est bien tolérée. Aussi nous paraît-il
important de rassurer les patients sur cette technique, et de savoir
ne pas attendre pour la réaliser quand elle devient nécessaire.
L’étude grenobloise (2) montre que nous réalisons tardivement ce
geste: pour les dix patients (soit 12% des 80 épisodes occlusifs)
qui ont eu recours à cette technique après échec des traite-
ments médicamenteux symptomatiques – dont 6 pour cancer
de l’ovaire –, le délai médian de réalisation de la gastrostomie
est de 17 jours (12 à 35 jours). Alors que la médiane de durée de
vie des 75 patients inclus dans l’étude est de 31 jours (extrêmes :
4-521 jours), la médiane de survie après l’intervention n’est plus
que de 13 jours (6 à 125 jours), soit proche de celle de 17 jours
dans une étude comparable menée auprès de 51 patients (8). Cela
souligne certes le mauvais pronostic des patients considérés,
mais aussi nos difficultés à poser l’indication de la gastrostomie
et à l’organiser. Dans tous les cas, la réalisation de ce geste passe
par l’information et le consentement du patient. Certains s’y
opposent, préférant garder la SNG ou vomir par intermittence
(deux cas dans notre étude).
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