Le choix du premier traitement dans l’ostéoporose IP C. Roux* L es stratégies thérapeutiques dans l’ostéoporose postménopausique ont été clarifiées en février 2006 par les recommandations de l’Afssaps, qui reposent sur une analyse des essais thérapeutiques se conformant au principe de la “médecine fondée sur les preuves”. Il n’existe toutefois pas, dans la littérature, d’études comparatives, ni d’études de stratégies. Le choix du premier traitement va donc reposer sur trois critères : ✓ l’intitulé d’autorisation de mise sur le marché et les conditions de remboursement ; ✓ l’efficacité du traitement, à interpréter en fonction des caractéristiques de la population étudiée et de l’importance du risque fracturaire dans les essais thérapeutiques ; ✓ les caractéristiques de la patiente elle-même, c’est-à-dire, essentiellement, la sévérité de l’ostéoporose, les contreindications et l’intolérance éventuelles du traitement envisagé, l’intérêt ou non de bénéfices extra-osseux, la prise d’autres traitements et la présence de pathologies concomitantes multiples. La première étape consiste toujours à s’assurer que les apports en calcium sont suffisants et qu’il n’existe pas d’insuffisance en vitamine D. Les bisphosphonates et le ranélate de strontium peuvent être prescrits dans toutes les situations d’ostéoporose. On peut isoler toutefois trois situations particulières. * Université Paris-Descartes, faculté de médecine ; Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Cochin, service de rhumatologie, Paris. Chez les femmes récemment ménopausées ayant des raisons cliniques de recevoir un traitement hormonal, c’està-dire des troubles climatériques considérés comme gênants, voire invalidants, le traitement hormonal substitutif est le traitement de première intention. Les réanalyses récentes de l’étude WHI ont confirmé que l’effet antifracturaire était indépendant de l’âge et de l’ancienneté de la ménopause, à l’inverse du risque cardiovasculaire, qui dépend clairement de l’ancienneté de la ménopause. Par ailleurs, le risque de cancer du sein et le risque thromboembolique varient de manière importante en fonction de la voie d’administration des estrogènes et de la nature du progestatif associé. Avec ces précautions, le THS peut donc être prescrit chez des femmes récemment ménopausées ayant des troubles climatériques, ostéopéniques ou ostéoporotiques, sans fracture. Chez les femmes âgées, le ranélate de strontium a fait l’objet d’études spécifiques, montrant ses capacités de réduction du risque fracturaire vertébral et périphérique chez les femmes de plus de 80 ans. Il peut être considéré à cet âge comme un traitement de première intention, en sachant que le risédronate a aussi apporté la preuve de son intérêt dans cette tranche d’âge. Chez les femmes présentant une ostéoporose sévère, le tériparatide peut être prescrit pour une durée de 18 mois et remboursé en présence d’au moins deux fractures vertébrales. Les données de la littérature suggèrent fortement la nécessité d’un relai systématique par un À tous nos lecteurs, à tous nos abonnés bisphosphonate, afin de prolonger au maximum le bénéfice densitométrique. Le plus souvent, le problème est plus complexe. Le raloxifène a démontré son efficacité antifracturaire chez les femmes ostéoporotiques avec ou sans première fracture vertébrale, mais il n’a pas montré de bénéfice sur le risque de fracture périphérique. Une étude récente comparant raloxifène et tamoxifène (molécule de référence dans la prévention du cancer du sein) chez près de 20 000 femmes à haut risque de cancer du sein a montré l’équivalence des deux produits. Cette notion de prévention du cancer du sein peut donc être prise en compte dans l’indication d’un traitement de première intention chez les femmes ayant un risque de fracture périphérique faible (avant l’âge de 70 ans), notamment s’il existe une inquiétude quant au risque de cancer du sein, et qu’il existe des problèmes digestifs (épigastralgie, etc.). Dans les autres cas, les bisphosphonates et le ranélate de strontium ont apporté la preuve de leur efficacité, à tous les stades de sévérité de la maladie. Il paraît logique de privilégier le ranélate de strontium s’il existe une pathologie de l’appareil digestif supérieur, et les bisphosphonates s’il existe un risque de thrombose ainsi que chez les patientes polymédicamentées (compte tenu de la facilité d’administration de rythme hebdomadaire ou mensuel). Ainsi, les possibilités thérapeutiques dans l’ostéoporose sont aujourd’hui suffisamment larges pour permettre une stratégie adaptée au risque individuel, ce qui permet de choisir le meilleur traitement de première intention pour une patiente donnée. ■ La Lettre du Gynécologue vous souhaite de tout cœur un bel été et vous remercie de la fidélité de votre engagement Bonnes lectures ensoleillées et rendez-vous dès la rentrée La Lettre du Gynécologue - n° 323 - juin 2007 37