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mars
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Détection et prise en charge d’un
trouble de déglutition neurologique
Le trouble de déglutition d’origine neurologique est fréquent et a
des conséquences qui peuvent être sévères dont la dénutrition et
la bronchopneumonie Dans la majorité des cas il peut être dépisté
de manière clinique La prise en charge comprend quelques me
sures générales une adaptation des textures une prise en charge
spécifique de rééducation et un bilan nutritionnel qui permet de
décider d’une éventuelle nutrition entérale complémentaire
Detection and management of
the neurologic dysphagia
Neurologic dysphagia is frequent and has consequences which can
be severe, such as, denutrition and pneumonia. In most cases, it can
be detected with a clinical exam. The management includes some
general measures, an adaptation of textures, specific rehabilitation,
and nutritional assessment to judge whether complementary enteral
nutrition is needed.
INTRODUCTION
Le trouble de déglutition d’origine neurologique est fréquent
avec l’âge avancé et lors d’atteinte neurologique tant centrale
(AVC, syndrome parkinsonien, infirmité motrice cérébrale,
trau matisme crânio-cérébral, sclérose en plaques, sclérose
latérale amyotrophique), que périphérique (paralysie faciale,
myopathie, syndrome de Guillain Barré).
Les conséquences peuvent être sévères avec un risque de
dénutrition et de déshydratation, de pneumonie d’aspiration,
voire d’asphyxie.
BREF RAPPEL DE L’ANATOMIE
Le «centre de déglutition» est composé d’amas d’interneu-
rones au niveau du bulbe. Ces neurones sont générateurs
d’une séquence préprogrammée.1
Les afférences sensorielles proviennent principalement des
nerfs crâniens V (sensibilité du palais dur, des joues, des deux
tiers antérieurs de la langue), IX (sensibilité de l’amygdale,
du voile et du pharynx) et X (sensibilité du larynx). Les effé-
rences motrices sont le V (masséter), VII ( joues et lèvres), X
(pharynx, larynx et œsophage) et XII (langue).
Les régions cérébrales dont la lésion peut entraîner une
dysphagie sont notamment:
1. une lésion bulbaire, comme dans le syndrome de Wallen-
berg, par atteinte du «centre de déglutition», des affé-
rences et/ou efférences.
2. Une atteinte bilatérale, mais pas toujours de même âge, du
contrôle supranucléaire des nerfs crâniens impliqués,
entraînant un syndrome pseudo-bulbaire. Celui-ci se mani-
feste par une biparésie facio-glosso-pharyngo-masticatrice
avec dysarthrie, dysphonie, dysphagie et réflexe massétérin
vif.
3. Une lésion hémisphérique unilatérale de la zone motrice
et/ou sensitive dédiée à la sphère oropharyngée ou de ses
voies cortico-bulbaires de l’hémisphère «dominant» pour
la déglutition, la représentation corticale du pharynx étant
asymétrique.2
PHYSIOLOGIE
Lors de la déglutition, il y a quatre phases principales: antici-
pation, orale, pharyngée, œsophagienne.3
La phase d’anticipation est celle où l’on choisit ce que l’on
met dans la bouche. Celle-ci peut être altérée lors de troubles
cognitifs avec une prise inappropriée, en particulier trop im-
portante et/ou trop rapide.
La phase orale est préparatoire avec la formation d’un bolus
homogène puis bucco-pharyngée dans laquelle la langue va
envoyer le bolus vers l’arrière et déclencher le réflexe de
déglutition.
La phase pharyngée est la partie «réflexe» préprogrammée.
Elle comprend une pause respiratoire, une élévation et une
contraction du voile du palais contre le bourrelet de Passavant
du pharynx, une élévation du larynx et une bascule de l’épi-
glotte, une fermeture des cordes vocales, une relaxation
sphincter cricopharyngé et un péristaltisme pharyngé (figure 1).
La phase œsophagienne consiste principalement en un péris-
taltisme.
PHYSIOPATHOLOGIE
Les fausses routes
On parle de pénétration si le bolus entre dans le larynx mais
reste au-dessus de la glotte (des cordes vocales) et d’aspira-
tion s’il passe les cordes vocales. L’aspiration entraîne une
voix mouillée ou un gargouillis et normalement une toux,
DR BÉATRICE LEEMANNa SABRINA SERGIa LEILA SAHINPASICa ET PR ARMIN SCHNIDERa
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 467-71
a Service de neurorééducation, HUG, Avenue de Beau-Séjour 26, 1206 Genève
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