
Le Courrier des addictions (10) – n ° 1 – janvier-février-mars 2008
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putée supérieure et toxique… Alors parlons
d’alcoolisation objectivée, sans plus carac-
tériser ou stigmatiser ces épisodes, pour
lesquels une approche clinique et addicto-
logique est cependant requise.
Les ivresses n’ont longtemps suscité que
peu d’intérêt dans le monde médical. La
conférence de consensus en médecine d’ur-
gence : l’intoxication éthylique aiguë dans
le service d’accueil et d’urgence (5) a offi-
cialisé un début de reconnaissance.
C’est surtout la clinique de l’IEA, ses com-
plications, sa prise en charge toxicologique
qui ont été d’abord décrites. Ensuite est
arrivée la proposition de parler d’alcool au
lendemain de l’alcoolisation qui a amené à
l’hôpital (5) puis développée dans certains
établissements (9). L’idée d’un entretien
avec le malade hospitalisé pour IEA après
la phase aiguë apparaît alors. L’intérêt d’un
entretien évaluant la situation, informant le
malade et élaborant une stratégie thérapeu-
tique, est alors noté. La référence est celle
des interventions brèves ou ultra-brèves.
C’est la démarche que nous avons entre-
prise depuis plus de dix ans, sans mettre de
seuil minimum d’alcoolémie à cette offre
d’intervention.
En effet, le choix de ne pas mettre de valeur
seuil à une intervention provient du souhait
de ne pas catégoriser des malades plus ou
moins redevables de soins, alors que la pré-
valence de dommages de l’alcool comme
du mésusage ne décline pas avec les valeurs
d’alcoolémie. C’est un choix initial de
l’exhaustivité, sans discrimination, qui est
renforcé par les résultats de cette l’étude.
Toute ivresse arrivant aux urgences doit
être considérée comme une consommation
pathologique d’alcool et doit impliquer une
prise en charge alcoologique (10). Cette pro-
position nous semble pouvoir être extrapolée
à toute alcoolisation objectivée (biologique-
ment). Elle est la partie visible d’une situa-
tion de mésusage d’alcool qui arrive devant
une équipe soignante, elle émaille souvent
une alcoolisation chronique, sans pouvoir
être seulement assimilée à une forme pa-
roxystique et sporadique d’alcoolisation.
C’est une opportunité d’échange, d’informa-
tion ou d’éducation pour la santé (1).
Réponse spécialisée en soutien
Le rôle d’une équipe transversale de liaison
n’est pas de se substituer aux soignants
de première ligne. Elle n’est qu’un com-
plément, un recours, s’appuyant sur les
connaissances des personnels au contact
immédiat avec ces malades. Dans ce sens,
l’intervention auprès des hospitalisés, doit
être discutée avec les soignants, puis un re-
tour doit être fait dans les dossiers. Savoir
utiliser l’écrit a un intérêt pour d’éventuels
futurs séjours, pour prendre acte de la ren-
contre, et surtout pour faire reconnaître la
démarche clinique entamée en alcoologie.
Dans le même temps, un retour oral avec
le soignant référent de ce patient permet
d’aider à considérer la souffrance alcooli-
que souvent associée à ces épisodes.
Le repérage hospitalier des personnes en dif-
ficultés avec l’alcool est parfois réputé diffi-
cile. Cependant, les situations où l’alcool est
visible, y compris à faible taux (dosages po-
sitifs d’alcoolémie) doivent au moins ame-
ner à parler d’alcool. Il peut être aussi inté-
ressant de s’interroger sur les raisons ayant
amener à avoir fait ce dosage d’alcoolémie
à l’entrée de l’hôpital. Évoquer et caractéri-
ser le lien possible entre motifs d’hospitali-
sation et constat d’une alcoolisation plus ou
moins récente est utile pour le patient. Cette
aide à la prise de conscience des dommages
de l’alcool participe à la reconnaissance de
son mésusage. Sur cette base, les change-
ments de comportements et les soins pour-
ront se développer.
Des hypothèses
La question de l’ancienneté de la dernière
alcoolisation est d’importance devant une
alcoolémie basse. S’agit-il d’une alcoolisa-
tion modeste sporadique ou, comme nous
l’avons plusieurs fois constaté, le reflet
d’une reprise d’alcoolisation chez un absti-
nent secondaire ? Dans ce second cas, l’in-
tervention précoce et rapide en alcoologie
est requise. D’autant plus que l’on pourra se
demander pourquoi ce patient arrive à l’hô-
pital, laisse voir une alcoolisation modeste,
si ce n’est pour espérer une offre de soins
qu’il n’arrive pas à solliciter explicitement.
L’autre alternative devant une alcoolémie
basse est l’hypothèse d’une alcoolisation
plus importante, qui est vue tardivement.
Là aussi, toutes les raisons à rencontrer le
patient existent.Alors s’agit-il simplement
de la péripétie survenant dans un parcours
d’usage ou de mésusage d’alcool ? Arrivant
souvent tard dans une longue histoire entre
une personne et l’alcool, cet épisode ne se-
rait qu’un avatar de plus ?
Nous faisons une autre hypothèse, consi-
dérant le nombre d’alcoolisations qui se
“terminent” à domicile, pourquoi certai-
nes arrivent-elle à l’hôpital et sont objec-
tivées ? Peut-être simplement pour ren-
contrer des soignants. “L’alcoolique vient
témoigner d’un état, et se contente souvent
de se montrer, il ne demande rien” (7). Par
cet acte posé devant un soignant, le malade
ne demande-t-il pas une aide, autrement
que par des mots ? Alors pour échanger,
au soignant de faire un pas en avant, et
de commencer à parler, de recourir à une
avance de la parole (7).
Et le malade ?
La rencontre est l’occasion pour certains
malades d’apprendre qu’un dosage d’alcoo-
lémie a été réalisé et d’en connaître le résul-
tat. Tous les patients, même sans être dans le
mésusage d’alcool, acceptent de parler d’al-
cool et surtout d’eux-mêmes dans le cadre
de la procédure en cours. L’entretien proposé
n’est ni une intrusion, ni une stigmatisation.
C’est au contraire une opportunité d’accès
à une aide ou à un soin, comme un soutien
dans les stades du changement, avec une ré-
férence aux entretiens motivationnels.
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