24 | La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009
Effets secondaires et séquelles des traitements après cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
éventuel traitement antérieur ou non par tamoxifène
et d’un éventuel traitement concomitant hypolipé-
miant (pas toujours précisé). Les conséquences à
long terme de cette hypercholestérolémie poten-
tiellement induite par les AA ne sont pas connues
à ce jour. Une surveillance du taux de cholestérol
total, de HDL et de LDL est cependant conseillée
pendant le traitement par AA. Il paraît également
important de surveiller les autres facteurs de risque
cardio-vasculaires et, notamment, de monitorer
régulièrement la tension artérielle. Des conseils d’hy-
giène de vie (alimentation saine et exercice physique
régulier) doivent être systématiquement donnés
aux patientes. Enfin, un traitement hypotenseur
et/ou hypolipémiant sera prescrit en complément
si nécessaire.
Plusieurs études ont clairement montré que le
tamoxifène réduit le taux de cholestérol total ainsi
que celui de LDL chez les femmes ménopausées
(18). L’effet sur le taux de HDL est plus discuté. De
plus, le tamoxifène augmente le taux de triglycé-
ride de façon significative, pouvant ainsi favoriser
le risque de pancréatite aiguë, qui reste cependant
une complication très rare (19). Un monitoring du
taux de triglycérides peut cependant être conseillé
pendant un traitement par tamoxifène.
Effets secondaires sur l’os :
la déminéralisation
et le risque fracturaire
Conséquence de la baisse du taux sanguin d’estro-
gène, la déminéralisation osseuse peut se compliquer
de fractures engendrant douleurs, impotence fonc-
tionnelle, perte de la mobilité et, par conséquent, de
l’autonomie, hospitalisations plus ou moins longues
et donc altération de la qualité de vie. Il s’agit d’un
processus physiologique inévitable, mais qui peut
être accéléré par les AA du fait de leur mécanisme
d’action.
Durant la période de traitement et dans toutes les
études prospectives, les événements fracturaires
sont plus fréquents chez les femmes prenant une AA
que du tamoxifène. Au contraire, celui-ci protège l’os
de la déminéralisation chez la femme ménopausée
(20). Ce bénéfice osseux reste cependant modéré et
limité au rachis. Chez la femme non ménopausée,
et après chimiothérapie, le tamoxifène entraîne
au contraire une perte osseuse (21). Alors que des
études précliniques suggéraient que l’exémestane
(AA stéroïdien) pouvait avoir un effet protecteur sur
l’os, l’étude IES rapporte, après 3 ans de traitement,
une incidence plus importante d’ostéoporose chez
les patientes prenant de l’exémestane par rapport au
tamoxifène (7,3 % versus 5,5 % ; p = 0,01) ainsi qu’une
augmentation du nombre de fractures (3,1 % versus
2,3 % ; p = 0,08) [22]. L’analyse des deux groupes de
patientes ayant reçu, en continu, soit du létrozole, soit
du tamoxifène dans l’étude BIG1-98 après un suivi
médian de 51 mois rapporte également plus de frac-
tures sous AA (8,6 % versus 5,8 % ; p < 0,001) (23).
Dans l’étude ATAC, et après 5 ans de traitement (2),
l’anastrozole est associé à plus d’événements fractu-
raires que le tamoxifène (11 % versus 7,7 % ; RR : 1,44
et IC
95
: 1,21-1,68 ; p < 0,0001). Cependant, il n’a pas
été observé avec l’AA plus de fractures du col fémoral
(les plus redoutées du fait de leur morbidité) ou du
poignet : 1,2 % versus 1 % ; p = 0,5 et 2,3 % versus
2,0 % ; p = 0,4 respectivement pour l’anastrozole et
le tamoxifène. En revanche, l’augmentation du risque
de fracture est significative au niveau du rachis (p =
0,03). Il est aussi intéressant de noter que, dans cette
étude, le risque annuel de fractures augmente les deux
premières années dans le bras AA au tamoxifène, puis
se stabilise durant toute la durée du traitement en
restant supérieur au risque sous antiestrogène. Cela
suggère davantage l’existence d’une population de
femmes avec une ostéoporose ou une perte osseuse
rapide à l’instauration du traitement qu’une toxicité
osseuse cumulative de l’AA. Enfin, l’évolution de la
densité minérale osseuse (DMO) a été étudiée dans
un sous-groupe de l’étude ATAC. La DMO mesurée
au niveau du rachis et d’un fémur diminue signifi-
cativement dans le groupe anastrozole comparé au
tamoxifène, dès la première année. Après 5 ans d’AA,
la perte osseuse se poursuit au niveau des deux sites,
sans plateau, 6,1 % et 7,2 % respectivement au niveau
du rachis et d’un fémur. Son ampleur est insuffisante
pour rendre ostéoporotiques des femmes ayant initia-
lement une DMO normale, mais justifie la surveillance
des femmes ostéopéniques. Cette étude confirme
une variation positive mais faible sous tamoxifène (+
2,8 % et + 0,7 % respectivement au niveau du rachis
et d’un fémur) [24].
À la lumière de ces données, il est recommandé
de mesurer la DMO avant tout traitement par
AA. Il est aussi logique et conseillé de proposer
aux femmes un traitement par bisphosphonate
associé à une supplémentation en calcium + vita-
mine D si elles ont déjà un T-score < 2 ou bien si
on relève parmi leurs antécédents personnels une
fracture ostéoporotique. En cas d’ostéopénie, ce
traitement peut être proposé chez les femmes les
plus âgées (> 75 ans), et/ou s’il existe plusieurs
facteurs de risque de fractures (antécédents de
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