DOSSIER THÉMATIQUE Une hormonothérapie adjuvante (tamoxifène et/ou antiaromatase) est prescrite à la très grande majorité des femmes présentant une tumeur mammaire infiltrante et hormonodépendante. Si ce traitement réduit les risques de rechute, il engendre une toxicité immédiate mais aussi à long terme, et toutes deux sont directement liées à ses mécanismes d’action. Diverses comorbidités telles que l’HTA, l’arthrose, une maladie coronarienne, un état dépressif ou bien encore une ostéoporose sont fréquemment observées chez ces femmes et d’autant plus que leur âge est avancé (plus de deux tiers des patientes sont ménopausées au diagnostic). Une étude rapporte que 49 % des femmes de plus de 55 ans (n = 1 800) présentent au diagnostic de leur cancer du sein 1 ou 3 comorbidités et que 34 % en présentent 4 à 6 (9). Tous ces éléments doivent être pris en compte dans le choix thérapeutique et dans le calcul du rapport bénéfice/risque ; rapport de plus en plus étroit du fait du diagnostic précoce de lésions le plus souvent pN- et de petite taille. Par ailleurs, des explications précises doivent être données aux patientes pour améliorer l’observance thérapeutique à cette hormonothérapie et parfois atténuer leur anxiété. * Oncologue médical, Institut Claudius-Regaud, 20, rue du PontSaint-Pierre, 31052 Toulouse. Effets secondaires et séquelles des traitements après cancer du sein Toxicité et effets secondaires à long terme de l’hormonothérapie adjuvante Sequels after hormonal treatment for breast cancer F. Dalenc* Les troubles vasomoteurs : bouffées de chaleur et sueurs nocturnes vaginales, saignements), parfois invalidants pour les femmes et sources de gestes invasifs et anxiogènes (hystéroscopie et biopsie de l’endomètre). Toutes les études réalisées en adjuvant soulignent que Conséquence directe d’une déprivation en estro- ces effets indésirables sont plus fréquents chez les gène, il s’agit de symptômes fréquents que décri- patientes prenant du tamoxifène qu’une AA, témoivent approximativement 35 à 40 % des patientes gnant de l’absence d’effet estrogénique de cette sous traitement antihormonal (HT). Les bouffées de dernière. Par exemple, dans l’étude BIG1-98, 9,1 % des patientes versus 2,3 % ont subi une biopsie de chaleur semblent plus fréquentes avec le tamoxifène qu’avec une antiaromatase (AA), sauf dans les études l’endomètre dans le bras tamoxifène et létrozole de switch (tableau I). Un indice de masse corporelle respectivement (p < 0,001) [4]. Dans l’étude ATAC, (IMC) élevé et un tabagisme ont été associés à une 5 patientes prenant de l’anastrozole versus 17 prenant majoration du risque de troubles vasomoteurs. Les du tamoxifène (0,22 % versus 0,76 % ; p = 0,02) ont inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine développé un cancer de l’endomètre (3). Rappelons telle que la paroxétine et la venlafaxine réduisent aussi que la métaanalyse (7) a rapporté une augmensignificativement les bouffées de chaleur induites tation significative de l’incidence des cancers de l’enpar le tamoxifène (1, 2). Cependant, leur prescrip- domètre chez les patientes prenant du tamoxifène tion est fortement déconseillée, car les inhibiteurs pendant 5 ans (OR : 2,58/au placebo ; p < 0,00001) du cytochrome CYP2D6 réduisent la concentration associée à une majoration significative du risque de d’endoxifène, métabolite actif du tamoxifène. décès pour cancer de l’endomètre (p = 0,0008). En revanche, la sécheresse vaginale, reflet d’une déprivation en estrogène, est plus souvent décrite Les effets secondaires par les patientes prenant une AA. Elle peut entraîner des dyspareunies et une baisse de la libido, affecgynécologiques/endomètre tant à des degrés variables l’intimité des femmes. L’effet estrogène du tamoxifène sur le tractus urogéGrâce aux questionnaires de qualité de vie remis aux nital est à l’origine de symptômes fréquents (pertes patientes ayant participé à l’étude ATAC, on estime que 17,3 % et 34 % des Tableau I. Fréquence des bouffées de chaleur sous hormonothérapie. patientes sous anastrozole versus 8,1 % et Fréquence des p bouffées de chaleur 26,1 % sous tamoxifène présentent une dyspaATAC : anastrozole versus tamoxifène (3) 35,7 % versus 40,9 % < 0,0001 reunie et une baisse de BIG1-98 : létrozole versus tamoxifène (4) 33,5 % versus 38 % < 0,001 la libido respectivement IES : exémestane versus tamoxifène (5) 39,6 % versus 42 % 0,28 (8). Cependant, l’imABCSG et ARNO : anastrozole versus tamoxifène (6) 48 % versus 50 % 0,32 pact direct de l’HT sur 22 | La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009 Mots-clés Cancer du sein Hormonothérapie Séquelles ces symptômes est difficile à mesurer, car d’autres facteurs interviennent et peuvent majorer ces signes fonctionnels : modifications de l’image corporelle liées aux différents traitements, aspects sociaux-culturels, etc. Des crèmes à base d’estrogènes améliorent ces symptômes chez les femmes ménopausées et non traitées pour un cancer du sein. Une étude chez 7 patientes sous AA rapporte que l’application locale de capsule Vagifem® augmente significativement le taux d’estradiol sérique dans les 15 jours suivant le début du traitement (10). Les conséquences éventuelles sur la réduction d’efficacité des AA n’ont pas été explorées à ce jour, mais restent une interrogation. Des études complémentaires seraient donc nécessaires pour conclure à l’absence d’effet délétère à l’utilisation de ces topiques. Les accidents thromboemboliques Ils sont une complication bien connue et redoutée du tamoxifène, car ils peuvent parfois mettre en jeu le pronostic vital. Rappelons que des décès secondaires à un accident thromboembolique (ATE) sous tamoxifène par rapport à un placebo ont été rapportés dans une métaanalyse (11). Il faut aussi souligner que le risque se majore avec la durée de prescription du tamoxifène, tout comme le risque de cancer de l’endomètre (12). Le risque d’ATE (y compris d’accidents vasculaires cérébraux) est moindre avec une AA (tableau II). Il semble donc logique de privilégier, chez les patientes cumulant des facteurs de risque d’ATE, la prescription d’une AA à celle du tamoxifène. Les effets sur le métabolisme lipidique et le risque de maladie cardio-vasculaire La toxicité cardio-vasculaire des AA (à court mais surtout à long terme) est encore mal connue et mérite d’être étudiée avec beaucoup plus de rigueur dans l’avenir. La majorité des études conduites en adjuvant et comparant une AA au tamoxifène suggèrent une incidence plus grande d’infarctus du myocarde sous AA mais le nombre d’événements est faible et la différence, non significative (3-5). Dans l’étude BIG1-98, l’incidence globale des événements cardiaques ne diffère pas entre le bras tamoxifène et le bras létrozole (3,8 % versus 4,1 % ; p = 0,61) ; cependant, il est noté plus d’événements sévères (grade 3-5) chez les patientes recevant du létrozole (2,1 versus 1,1 % p < 0,001). Attention, la méthodologie de recueil et la définition des événements cardio-vasculaires ne sont pas identiques selon les études. De plus, le recul en nombre d’années est encore insuffisant. Cependant, une métaanalyse de 8 essais en adjuvant et regroupant plus de 28 000 patientes suggère un risque relatif d’accident ischémique cardio-vasculaire 1,25 fois plus important sous AA que sous tamoxifène (p = 0,001) [13]. Cela est-il le reflet d’un impact négatif des AA ou bien est-ce simplement lié à une suppression de l’effet protecteur du tamoxifène ? En effet, rappelons qu’une métaanalyse de 12 essais regroupant plus de 27 000 femmes suggère un effet protecteur du tamoxifène comparé au placebo visà-vis du risque d’infarctus du myocarde et de décès en résultant (14). De plus, point important, l’étude MA-17 ne rapporte pas plus d’événements cardiovasculaires dans le bras létrozole que placebo (5,8 % versus 5,6 % ; p = 0,76), mais le recul n’est probablement pas suffisant et le nombre de patientes trop faible (15). D’après les études ATAC et BIG1-98, les AA favoriseraient le risque d’hypercholestérolémie : cependant, l’incidence n’est que de 9 % avec l’anastrozole dans l’étude ATAC alors qu’elle est de 43,6 % avec le létrozole dans l’étude BIG1-98 (l’hypercholestérolémie est de grade 1 dans 80 % des cas). Une méthodologie de recueil différente peut expliquer cet écart. Il faut souligner que les mesures n’ont pas été réalisées chez des patientes à jeun. De plus, dans ces études, les taux de cholestérol sous AA n’ont pas été comparés à une population témoin mais à une population de patientes sous tamoxifène, lequel possède un effet hypocholestérolémiant bien connu (16, 17). Plus en détail, l’effet des AA sur le taux de HDL, de LDL et donc le rapport entre les deux est mal connu et les études sont discordantes ; tout dépend de la durée du traitement (qui varie selon les études), d’un Keywords Breast carcinoma Hormonal treatment Sequels Tableau II. Incidence des accidents thromboemboliques (ATE) sous hormonothérapie. Étude (ref) ATAC (3) ATE AA (%) Tamoxifène (%) P Accidents veineux thromboemboliques Phlébites profondes 2,8 4,5 0,0004 1,6 2,4 0,02 BIG1-98 (4) Accidents veineux thromboemboliques 1,5 3,5 < 0,001 IES (5) ATE ATE sévères 1,0 1,3 1,9 2,4 0,003 0,007 ABCSG-8/ARNO (6) Embolies Thromboses <1 <1 <1 <1 0,064 0,034 MA-17 (15) ATE 0,4 0,2 % (placebo) NS NS : non significatif. La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009 | 23 DOSSIER THÉMATIQUE Références bibliographiques 1. Stearns V, Slack R, Geep N et al. Paroxetine is an effective treatment for hot flashes: results from a prospective randomized clinical trial. J Clin Oncol 2005; 23:6919-30. 2. Loprinzi CL, Kugler JW, Sloan JA et al. Venlafaxine in management of hot flashes in survivors of breast cancer: a randomized controlled trial. Lancet 2000; 356:2059-63. 3. Howell A, Cuzick J, Baum M et al. Results of the ATAC (Arimidex, Tamoxifen, Alone or in Combination) trial after completion of 5 years’ adjuvant treatment for breast cancer. Lancet 2005;365:60-2. 4. Thürlimann B, Keshaviah A, Coates AS et al. A comparison of letrozole and tamoxifen in postmenopausal women with early breast cancer. N Engl J Med. 2005;353:2747-56. 5. Coombes RC, Hall E, Gibson LJ et al. Intergroup Exemestane Study. A randomized trial of exemestane after two to three years of tamoxifen therapy in postmenopausal women with primary breast cancer. N Engl J Med 2004;351:2461. 6. Early Breast Cancer Trialists’Collaborative Group. Tamoxifen for early breast cancer: an overview of the randomized trials. Lancet 1998;351:145167. 7. Jakesz R, Jonat W, Grant M et al. Switching of postmenopausal women with endocrine-responsive early breast cancer to anastrozole after 2 years’ adjuvant tamoxifen : combined results of ABCSG trial 8 and ARNO 95 trial. Lancet 2005;366:455-62. 8. ATAC Trialists’ Group. 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Les conséquences à long terme de cette hypercholestérolémie potentiellement induite par les AA ne sont pas connues à ce jour. Une surveillance du taux de cholestérol total, de HDL et de LDL est cependant conseillée pendant le traitement par AA. Il paraît également important de surveiller les autres facteurs de risque cardio-vasculaires et, notamment, de monitorer régulièrement la tension artérielle. Des conseils d’hygiène de vie (alimentation saine et exercice physique régulier) doivent être systématiquement donnés aux patientes. Enfin, un traitement hypotenseur et/ou hypolipémiant sera prescrit en complément si nécessaire. Plusieurs études ont clairement montré que le tamoxifène réduit le taux de cholestérol total ainsi que celui de LDL chez les femmes ménopausées (18). L’effet sur le taux de HDL est plus discuté. De plus, le tamoxifène augmente le taux de triglycéride de façon significative, pouvant ainsi favoriser le risque de pancréatite aiguë, qui reste cependant une complication très rare (19). Un monitoring du taux de triglycérides peut cependant être conseillé pendant un traitement par tamoxifène. Effets secondaires sur l’os : la déminéralisation et le risque fracturaire Conséquence de la baisse du taux sanguin d’estrogène, la déminéralisation osseuse peut se compliquer de fractures engendrant douleurs, impotence fonctionnelle, perte de la mobilité et, par conséquent, de l’autonomie, hospitalisations plus ou moins longues et donc altération de la qualité de vie. Il s’agit d’un processus physiologique inévitable, mais qui peut être accéléré par les AA du fait de leur mécanisme d’action. Durant la période de traitement et dans toutes les études prospectives, les événements fracturaires sont plus fréquents chez les femmes prenant une AA que du tamoxifène. Au contraire, celui-ci protège l’os de la déminéralisation chez la femme ménopausée (20). Ce bénéfice osseux reste cependant modéré et limité au rachis. Chez la femme non ménopausée, et après chimiothérapie, le tamoxifène entraîne au contraire une perte osseuse (21). Alors que des études précliniques suggéraient que l’exémestane (AA stéroïdien) pouvait avoir un effet protecteur sur l’os, l’étude IES rapporte, après 3 ans de traitement, 24 | La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009 une incidence plus importante d’ostéoporose chez les patientes prenant de l’exémestane par rapport au tamoxifène (7,3 % versus 5,5 % ; p = 0,01) ainsi qu’une augmentation du nombre de fractures (3,1 % versus 2,3 % ; p = 0,08) [22]. L’analyse des deux groupes de patientes ayant reçu, en continu, soit du létrozole, soit du tamoxifène dans l’étude BIG1-98 après un suivi médian de 51 mois rapporte également plus de fractures sous AA (8,6 % versus 5,8 % ; p < 0,001) (23). Dans l’étude ATAC, et après 5 ans de traitement (2), l’anastrozole est associé à plus d’événements fracturaires que le tamoxifène (11 % versus 7,7 % ; RR : 1,44 et IC95 : 1,21-1,68 ; p < 0,0001). Cependant, il n’a pas été observé avec l’AA plus de fractures du col fémoral (les plus redoutées du fait de leur morbidité) ou du poignet : 1,2 % versus 1 % ; p = 0,5 et 2,3 % versus 2,0 % ; p = 0,4 respectivement pour l’anastrozole et le tamoxifène. En revanche, l’augmentation du risque de fracture est significative au niveau du rachis (p = 0,03). Il est aussi intéressant de noter que, dans cette étude, le risque annuel de fractures augmente les deux premières années dans le bras AA au tamoxifène, puis se stabilise durant toute la durée du traitement en restant supérieur au risque sous antiestrogène. Cela suggère davantage l’existence d’une population de femmes avec une ostéoporose ou une perte osseuse rapide à l’instauration du traitement qu’une toxicité osseuse cumulative de l’AA. Enfin, l’évolution de la densité minérale osseuse (DMO) a été étudiée dans un sous-groupe de l’étude ATAC. La DMO mesurée au niveau du rachis et d’un fémur diminue significativement dans le groupe anastrozole comparé au tamoxifène, dès la première année. Après 5 ans d’AA, la perte osseuse se poursuit au niveau des deux sites, sans plateau, 6,1 % et 7,2 % respectivement au niveau du rachis et d’un fémur. Son ampleur est insuffisante pour rendre ostéoporotiques des femmes ayant initialement une DMO normale, mais justifie la surveillance des femmes ostéopéniques. Cette étude confirme une variation positive mais faible sous tamoxifène (+ 2,8 % et + 0,7 % respectivement au niveau du rachis et d’un fémur) [24]. À la lumière de ces données, il est recommandé de mesurer la DMO avant tout traitement par AA. Il est aussi logique et conseillé de proposer aux femmes un traitement par bisphosphonate associé à une supplémentation en calcium + vitamine D si elles ont déjà un T-score < 2 ou bien si on relève parmi leurs antécédents personnels une fracture ostéoporotique. En cas d’ostéopénie, ce traitement peut être proposé chez les femmes les plus âgées (> 75 ans), et/ou s’il existe plusieurs facteurs de risque de fractures (antécédents de DOSSIER THÉMATIQUE corticothérapie au long cours, ostéoporose familiale, maigreur importante, taux des marqueurs du remodelage osseux, etc.). Enfin, en pratique, une surveillance de la DMO tous les 24 mois est recommandée (25). Les symptômes musculosquelettiques : arthralgies/myalgies Les arthralgies, myalgies et autres symptômes ostéoarticulaires douloureux sont très fréquemment rapportés par les patientes prenant une AA stéroïdienne ou non, qu’elles aient été traitées ou non, au préalable, par du tamoxifène. Leur incidence est très probablement sous-estimée dans les études prospectives conduites en adjuvant, entre autres par défaut de définition précise. En pratique, 60 à 70 % des patientes présenteraient des symptômes ostéoarticulaires sous AA (26). Ces symptômes retentissent incontestablement sur l’observance thérapeutique (27). La physiopathologie est très mal élucidée et implique certainement la chute du taux d’estradiol circulant. Certaines équipes suggèrent l’existence de syndromes dysimmunitaires sous AA (28), et notamment de véritables syndromes de GougerotSjögren. Toutefois, dans cette étude portant sur un petit nombre de patientes (n = 24), on ne sait pas si les anticorps étaient présents ou non avant le début du traitement par AA. D’autres études prospectives sont donc nécessaires avant de conclure. Une analyse exploratoire rétrospective à partir des patientes ayant participé à l’étude ATAC est une source d’enseignement important (29). Ces douleurs altèrent plus ou moins sévèrement la qualité de vie des patientes, retentissent parfois sur leur psychisme, sont le plus souvent jugées comme modérées mais nécessitent la consommation régulière d’antalgiques, en particulier d’AINS (60 % des patientes ayant des douleurs sous anastrozole dans l’étude ATAC). Elles semblent apparaître très vite après le début du traitement par AA et sont fréquentes essentiellement les deux premières années (29). En analyse multivariée, la survenue de ces douleurs est favorisée par un THS de la ménopause antérieur (OR : 1,53 [1,35-1,74]) ; par l’administration d’une chimiothérapie (OR : 1,24 [1,07-1,43]) et un IMC > 30 (OR : 1,33 [1,141,55]). Ces douleurs ostéo-articulaires cèdent le plus souvent à l’arrêt des AA mais persistent parfois. Il est alors difficile de savoir s’il s’agit d’une conséquence directe du traitement par AA ou si ces symptômes sont en rapport avec le statut de ménopause ou bien une pathologie rhumatismale associée. Soulignons également que la survenue d’un canal carpien semble favorisée par les AA : 3 % dans l’étude ATAC avec l’anastrozole (30) ; 2,8 % dans l’étude IES avec l’exémestane (significativement plus que chez les patientes prenant du tamoxifène). Récemment, Nishihori et al. (31) ont rapporté une série de 6 syndromes de canal carpien survenus après une médiane de 14 mois de traitement par AA. Il est impératif de prévenir les patientes de la forte probabilité de douleurs ostéoarticulaires sous AA, entre autres pour atténuer leurs angoisses vis-à-vis d’éventuelles localisations secondaires osseuses dont la présentation clinique est différente. L’avis d’un rhumatologue peut parfois être utile, notamment pour écarter une quelconque pathologie rhumatismale surajoutée. Le changement d’AA permet parfois d’atténuer les symptômes mais leur arrêt ou le switch vers du tamoxifène doit parfois être envisagé. Une étude récente portant sur 60 patientes traitées par létrozole suggère que l’administration de vitamine D3 (50 000 U/semaine) pendant 3 mois, chez les femmes ayant des taux sériques de vitamine D3 ≤ 40 ng/ml réduit les symptômes articulaires de manière significative (32). Il paraît donc intéressant de valider cela en prospectif. La fibrose cutanée postradiothérapie (33) La toxicité de l’association radiothérapie-tamoxifène reste discutable en termes de fibroses cutanées et pulmonaire. Si l’on s’en réfère aux données rétrospectives, le tamoxifène aggraverait les séquelles postradiques uniquement chez les patientes prédisposées à souffrir d’effets tardifs radio-induits et identifiés par un test prédictif biologique. Aucune donnée clinique concernant la toxicité de l’association concomitante de la radiothérapie et des AA n’est disponible à ce jour. Effets sur les fonctions cognitives Les conséquences éventuelles de la déprivation en estrogène sur les fonctions cognitives ne sont pas clairement connues à ce jour. Elles sont suspectées compte tenu de nos maigres connaissances concernant le rôle des estrogènes, de la ménopause et du THS sur les fonctions supérieures. Le recueil rigoureux de données cliniques prospectives manquent, y compris avec le tamoxifène, molécule la plus ancienne. Références bibliographiques an overview of the randomized trials. Lancet 2005;365:1687717. 12. Fischer B, Dignam J, Bryant J et al. Five versus more than five years to tamoxifen for lymph node-negative breast cancer: updated findings from the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project B-14 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2001;93:684-90. 13. Bria E, Cuppone F, Nistico C et al. Do adjuvant aromatase inhibitors increase the risk of ischaemic cardiovascular disease in postmenopausal women with early breast cancer? 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Azria D, Ozsahin M, Gligorov J et al. Cancers du sein : comment associer l’hormonothérapie et la radiothérapie en situation adjuvante ? Cancer Radiothérapie 2008;12:37-41. Services Internet 1 abonnement papier = plus de 20 revues accessibles (10 ans d’archive) Copyright gracieux omptes-rendus de congrès internationaux C en temps réel envoyés sur votre e-mail (sur simple demande) Vidéos en ligne… Bien que les AA ne possèdent pas les effets bénéfiques du tamoxifène sur l’os, le métabolisme lipidique et le risque cardio-vasculaire, leur effet délétère n’est pas certain ni clairement évalué à ce jour, tout au moins concernant les deux derniers points. Des études prospectives sur le long terme viendront, on l’espère, répondre à ces questions. En revanche, les AA sont moins délétères que le tamoxifène en ce qui concerne le risque d’ATE et le risque endométrial. La physiopathologie des douleurs ostéoarticulaires sous AA doit être mieux comprise afin de pouvoir mieux gérer les symptômes souvent invalidants et source de non-observance ou de mauvaise observance thérapeutique. Comme avec tout traitement adjuvant, le rapport bénéfice/risque doit être discuté avec la patiente et le choix vers l’une ou l’autre des molécules doit tenir compte des comorbidités éventuelles et parfois multiples. Une patiente mieux informée adhère souvent mieux au traitement. ■ Éditeur de presse Edimark Santé, spécialisée c’est aussi : EDIMARK SAS EDIMARK SAS (DaTeBe Éditions) Les Lettres... La Lettre du Cardiologue La Lettre du Gynécologue La Lettre de l’Hépatogastroentérologue La Lettre de l’Infectiologue La Lettre du Neurologue La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale La Lettre du Pharmacologue La Lettre du Pneumologue La Lettre du Psychiatre La Lettre du Rhumatologue La Lettre du Sénologue Les Correspondances... 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