adame G., 32 ans, nous est adressée par son
gynécologue mi-septembre 2002 à la suite du résultat d’une
microbiopsie mammaire alors qu’elle est enceinte,
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Chaplain G. Estimation de l’incidence du cancer du sein en France en 1995.
J Le S
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CAS CLINIQUE
La Lettre du Sénologue - n° 31 - janvier/février/mars 2006
adame C., patiente de 56 ans, deux enfants.
Antécédents : hystérectomie pour fibrome en
1986 avec conservation ovarienne. Dosage de
FSH-17 bêta-estradiol : la patiente est ménopausée.
HISTOIRE DE LA MALADIE
L’histoire commence en 2001. Une tumeur du sein droit que la
patiente a perçu elle-même au niveau du quadrant supéro-externe
a conduit à un bilan diagnostique : micro-biopsies affirmant le
diagnostic de carcinome lobulaire infiltrant. Il n’y a pas pas
d’autre anomalie dans le sein, ni dans le sein controlatéral. Un
mois plus tard, une tumorectomie et un curage axillaire droit ont
mis en évidence histologique deux foyers de carcinome lobulaire
infiltrant de grade II de pT = 1 et Pt = 2 cm, l’exérèse n’est pas en
tissu sain. Il faut réopérer la patiente et pratiquer une mastectomie.
HISTOLOGIE
Tumorectomie
Il s’agit d’un adénocarcinome lobulaire infiltrant dans sa
variante classique en files indiennes, ou sous la forme de tra-
vées, grade II selon la classification de Scarff-Bloom-
Richardson (différenciation 3, pléomorphisme 2, mitoses 1,
total 6). Il n’y a pas de neurotropisme ni d’invasion vasculaire.
Quelques foyers de carcinome in situ lobulaire sont présents
sur les berges tumorales, ils représentent environ 25 % de la
surface tumorale examinée. Les berges d’exérèse coagulées
sont en tissu carcinomateux en tous points. Quatorze gan-
glions lymphatiques sont examinés. Cinq d’entre eux sont
envahis par le carcinome mammaire (N + : 5/14). Il n’y a pas
d’image d’effraction capsulaire.
Des immunomarquages ont été réalisés sur la tumeur mam-
maire avec les anticorps anti-récepteur aux estrogènes et anti-
récepteur à la progestérone.
Ils montrent que les cellules tumorales du contingent infiltrant
sont ER+ (70 à 80 % de noyaux tumoraux marqués avec une
intensité moyenne de +) et PR+ (80 % de noyaux tumoraux
marqués avec une intensité moyenne de ++).
Mastectomie droite complémentaire
Présence du carcinome lobulaire infiltrant dans deux frag-
ments examinés. La taille de la masse tumorale ne peut pas
être évaluée avec précision.
Conclusion histologique
Adénocarcinome lobulaire infiltrant, grade II de SBR asso-
cié à un contingent de carcinome lobulaire in situ, 5 N+/14,
RE +, RP ++.
BILAN CLINIQUE
La scintigraphie osseuse, l’échographie abdominale et la radio-
graphie pulmonaire sont normales, le CA 15-3 est normal à 21.
En ce qui concerne l’angio-cardiographie (hématies autologues
marquées au Tc 99m) : la fraction d’éjection globale ventriculaire
gauche est normale à 67%.
CHIMIOTHÉRAPIE
La patiente (poids : 55 kg, taille : 1,50 m, surface corporelle :
1,49 m) a reçu six cycles de T75A50C500, cinq cycles à 100% de
la dose théorique, la sixième à 80 % en raison de la toxicité
hématologique.
HORMONOTHÉRAPIE
Ensuite, il a été mis en route un traitement avec tamoxifène,
soit 20 mg par jour prévu pour une durée de 5 ans.
CONSULTATION DE FIN DE TRAITEMENT
OMS = 0, examen clinique négatif, mammographie et scanner
thoracique normaux.
On annonce à la malade la possibilité de réduire le risque de
rechute de la maladie en prolongeant l’hormonothérapie au-
delà de cinq ans : les résultats de l’étude MA 17 sont présentés
en éclairant la patiente sur le bénéfice-risque.
La patiente souhaite prolonger le traitement avec létrozole.
Arrêt du tamoxifène, prescription de Fémara®pour une durée
d’au moins quatre ans (San Antonio, 2005).
Densitométrie
Une densité osseuse initiale est demandée dans le cadre de la sur-
veillance du traitement : T score rachidien à + 0,59, T score fémo-
ral à - 0,08. Aucun traitement complémentaire n’est prescrit, un
contrôle de la densité osseuse est programmé 18 mois plus tard.
COMMENTAIRE DU Dr GUASTALLA
Durée d’administration du tamoxifène
La durée d’administration du tamoxifène est traditionnellement
de 5 ans, suite à l’étude du NSABP B-14 : chez 1172 malades
pré- et postménopausées avec des tumeurs N- R+, la survie
sans récidive est significativement détériorée par un traitement
de 10 ans au lieu de 5 (tableau I) (1) :
Un carcinome lobulaire infiltrant :
que proposer après cinq ans de tamoxifène ?
M
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La Lettre du Sénologue - n° 31 - janvier/février/mars 2006
CAS CLINIQUE
Dans la méta-analyse de l’EBCTCG (2) (Early Breast Cancer
Trialists’ Collaborative Group), quatre essais incluant l’étude
précédente comparent 5 ans de tamoxifène à 10 ans, la survie
sans récidive n’est pas modifiée par la prolongation de
tamoxifène (8000 malades, RR = 1 % ± 11%), ce qui indique
l’absence d’intérêt de poursuivre ce traitement de façon pro-
longée. Avec ces données, l’arrêt du tamoxifène à 5 ans a été
extrapolé aux malades avec des tumeurs N+. Cependant, cer-
taines études (ATTOM et ATLAS) testant la durée d’adminis-
tration de tamoxifène au-delà de 5 ans restent ouvertes (3, 4).
Risque de récidive après 5 ans de tamoxifène
Globalement, à l’issue de 5 ans de tamoxifène, la probabilité de
récidive est de 4,3% par an jusqu’à la deuxième année, cela pour
une population ménopausée et non ménopausée ayant éventuelle-
ment reçu une chimiothérapie (5). Le risque du sous-groupe de
malades initialement N+, comme cette patiente, est nettement
supérieur comme on peut le constater dans le tableau II où la sur-
vie sans récidive des N+ à 10 ans est de 82,6% et la survie glo-
bale spécifique de 89,6% et, pour les T2 auquel on doit assimiler
la malade, ces chiffres sont encore moindres.
Intérêt du Fémara®
L’étude MA 17 (stratifiée selon le statut ganglionnaire) montre
que le relais du tamoxifène par létrozole réduit de 42% le risque
de récidive pour la totalité de la population (94,7 versus
89,8 % (p = 0,00004) ; la survie globale est significativement
améliorée pour les tumeurs N+ (RR : 0,61 ; IC 95 % : 0,38-0,98).
Durée d’administration du létrozole
Pendant les quatre premières années de traitement dans l’étude
MA 17, le bénéfice du létrozole augmente chaque année, cela
de façon significative (p = 0,00004), cette constatation rend
licite la prescription de létrozole pendant au moins quatre ans,
l’étude a été interrompue après un suivi médian de 2,5 ans
lors de la première analyse intermédiaire (6).
Par ailleurs, pour les malades volontaires restées dans l’essai,
une randomisation de 5 ans supplémentaires de létrozole en
double aveugle a été réalisée, ce qui répondra, dans les pro-
chaines années, à la question de la durée de l’hormonothérapie
qui pourrait ainsi atteindre 15 ans de traitement endocrinien.
Tolérance
Globalement, la tolérance du létrozole est acceptable : le létro-
zole a été arrêté chez 5% des malades pour effets secondaires
contre 4% sous placebo (p = 0,02), il entraîne plus de bouffées
de chaleur (58 versus 54%, p = 0,003), d’atteintes articulaires
(25 versus 21%, p < 0,0001), de myalgies (15 versus 12%, p =
0,04) et d’ostéoporose (8 versus 6 %, p = 0,003) que le pla-
cebo, moins de saignements vaginaux (6 versus 8 %, p =
0,005), et on n’observe pas de différence en ce qui concerne
l’hypercholestérolémie (16 versus 16 %) et les événements
cardiovasculaires (6 versus 6%) (6).
Dans le sous-protocole étudiant précisément l’état osseux chez
226 patientes supplémentées en calcium et vitamine D, après
une médiane de suivi de 1,6 ans, l’analyse intermédiaire
montre une diminution significative de la densitométrie
osseuse aussi bien au niveau du rachis que du col fémoral, une
augmentation des N-télopeptides et un taux du T-score infé-
rieur à la valeur de - 2,5 définissant l’ostéoporose chez 3,3%
contre 0 % sous placebo (p = 0,13) (6). Des études sont en
cours pour étudier la protection osseuse par des bisphospho-
nates dont on connaît l’effet bénéfique sur la prévention des
fractures osseuses dans l’ostéoporose commune.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Fisher B et al. Five versus more than five years of tamoxifen for lymph node-
negative breast cancer: updated findings from the national surgical adjuvant
breast and bowel project B-14 randomized trial. Journal of the National Cancer
Institute 2001;93(9):684-90.
2. EBCTCG (Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group). Tamoxifen
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5. Saphner T et al. Annual Hazard Rates of Recurrence for Breast Cancer After
Primary Therapy. J Clin Oncol 1996;14(10):2739-46.
6. Adapté de Goss E. ASCO 2004.
Tamoxifène 5 ans Tamoxifène 10 ans p
Survie sans maladie 82 % 78 % 0,003
Survie globale 94 % 91 % 0,07
Tableau I. Résultats de l’étude NSABP B-14.
N SSR 10 ans p SGS 10 ans p
(%) (%)
T0,1-2,0 cm 611 88,0 0,0002 95,0 < 0,0001
T2,1-5,0 cm 433 79,9 87,0
N = 0 460 89,6 96,3
N = 1-3 413 84,1 < 0,0001 90,1 < 0,0001
N = 4-9 125 67,9 78,3
Grade 1 107 93,9 0,003 97,2
Grade 2 572 85,9 92 0,03
Grade 3 306 80,6 89,1
N- 472 87,4 0,02 94,3
N+ 535 82,6 89,6 0,005
T1 N0 Gr 1 31 96,4 100
Tableau II. Kennecke H, Speers C, Chia S et al. British Columbia
Cancer Agency (BCCA), BC, Canada: 10 years event-free survival
(EFS) in postmenopausal women with early stage breast cancer during
the second five years after adjuvant tamoxifen. San Antonio Breast
Cancer Symposium, abstract 1049, 2004.
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