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Un carcinome lobulaire infiltrant :
que proposer après cinq ans de tamoxifène ?
M
adame C., patiente de 56 ans, deux enfants.
Antécédents : hystérectomie pour fibrome en
1986 avec
Dosage
de
adame
G., conservation
32 ans, nous ovarienne.
est adressée
par son
FSH-17
bêta-estradiol
:
la
patiente
est
ménopausée.
gynécologue mi-septembre 2002 à la suite du résultat d’une
microbiopsie mammaire alors qu’elle est enceinte,
HISTOIRE DE■LA MALADIE
cié à un contingent de carcinome lobulaire in situ, 5 N+/14,
RE +, RP ++.
BILAN CLINIQUE
La scintigraphie osseuse, l’échographie abdominale et la radiographie pulmonaire sont normales, le CA 15-3 est normal à 21.
En ce qui concerne l’angio-cardiographie (hématies autologues
marquées au Tc 99m) : la fraction d’éjection globale ventriculaire
gauche est normale à 67%.
L’histoire
commence en 2001.
Une tumeur du sein droit que la
R É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
patiente a perçu elle-même au niveau du quadrant supéro-externe
a1.conduit
bilan diagnostique
affirmant
le
Chaplain àG.un
Estimation
de l’incidence du: micro-biopsies
cancer du sein en France
en 1995.
J Le S
diagnostic
de carcinome lobulaire infiltrant. Il n’y a pas pas
d’autre anomalie dans le sein, ni dans le sein controlatéral. Un
mois plus tard, une tumorectomie et un curage axillaire droit ont
mis en évidence histologique deux foyers de carcinome lobulaire
infiltrant de grade II de pT = 1 et Pt = 2 cm, l’exérèse n’est pas en
tissu sain. Il faut réopérer la patiente et pratiquer une mastectomie.
La patiente (poids : 55 kg, taille : 1,50 m, surface corporelle :
1,49 m) a reçu six cycles de T75A50C500, cinq cycles à 100 % de
la dose théorique, la sixième à 80 % en raison de la toxicité
hématologique.
HISTOLOGIE
HORMONOTHÉRAPIE
Tumorectomie
Il s’agit d’un adénocarcinome lobulaire infiltrant dans sa
variante classique en files indiennes, ou sous la forme de travées, grade II selon la classification de Scarff-BloomRichardson (différenciation 3, pléomorphisme 2, mitoses 1,
total 6). Il n’y a pas de neurotropisme ni d’invasion vasculaire.
Quelques foyers de carcinome in situ lobulaire sont présents
sur les berges tumorales, ils représentent environ 25 % de la
surface tumorale examinée. Les berges d’exérèse coagulées
sont en tissu carcinomateux en tous points. Quatorze ganglions lymphatiques sont examinés. Cinq d’entre eux sont
envahis par le carcinome mammaire (N + : 5/14). Il n’y a pas
d’image d’effraction capsulaire.
Des immunomarquages ont été réalisés sur la tumeur mammaire avec les anticorps anti-récepteur aux estrogènes et antirécepteur à la progestérone.
Ils montrent que les cellules tumorales du contingent infiltrant
sont ER+ (70 à 80 % de noyaux tumoraux marqués avec une
intensité moyenne de +) et PR+ (80 % de noyaux tumoraux
marqués avec une intensité moyenne de ++).
Ensuite, il a été mis en route un traitement avec tamoxifène,
soit 20 mg par jour prévu pour une durée de 5 ans.
Mastectomie droite complémentaire
Présence du carcinome lobulaire infiltrant dans deux fragments examinés. La taille de la masse tumorale ne peut pas
être évaluée avec précision.
Conclusion histologique
Adénocarcinome lobulaire infiltrant, grade II de SBR assoLa Lettre du Sénologue - n° 31 - janvier/février/mars 2006
CHIMIOTHÉRAPIE
CONSULTATION DE FIN DE TRAITEMENT
OMS = 0, examen clinique négatif, mammographie et scanner
thoracique normaux.
On annonce à la malade la possibilité de réduire le risque de
rechute de la maladie en prolongeant l’hormonothérapie audelà de cinq ans : les résultats de l’étude MA 17 sont présentés
en éclairant la patiente sur le bénéfice-risque.
La patiente souhaite prolonger le traitement avec létrozole.
Arrêt du tamoxifène, prescription de Fémara® pour une durée
d’au moins quatre ans (San Antonio, 2005).
Densitométrie
Une densité osseuse initiale est demandée dans le cadre de la surveillance du traitement : T score rachidien à + 0,59, T score fémoral à - 0,08. Aucun traitement complémentaire n’est prescrit, un
contrôle de la densité osseuse est programmé 18 mois plus tard.
COMMENTAIRE DU Dr GUASTALLA
Durée d’administration du tamoxifène
La durée d’administration du tamoxifène est traditionnellement
de 5 ans, suite à l’étude du NSABP B-14 : chez 1 172 malades
pré- et postménopausées avec des tumeurs N- R+, la survie
sans récidive est significativement détériorée par un traitement
de 10 ans au lieu de 5 (tableau I) (1) :
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Tableau I. Résultats de l’étude NSABP B-14.
Survie sans maladie
Survie globale
Tamoxifène 5 ans Tamoxifène 10 ans
82 %
78 %
94 %
91 %
p
0,003
0,07
Dans la méta-analyse de l’EBCTCG (2) (Early Breast Cancer
Trialists’ Collaborative Group), quatre essais incluant l’étude
précédente comparent 5 ans de tamoxifène à 10 ans, la survie
sans récidive n’est pas modifiée par la prolongation de
tamoxifène (8 000 malades, RR = 1 % ± 11 %), ce qui indique
l’absence d’intérêt de poursuivre ce traitement de façon prolongée. Avec ces données, l’arrêt du tamoxifène à 5 ans a été
extrapolé aux malades avec des tumeurs N+. Cependant, certaines études (ATTOM et ATLAS) testant la durée d’administration de tamoxifène au-delà de 5 ans restent ouvertes (3, 4).
Risque de récidive après 5 ans de tamoxifène
Globalement, à l’issue de 5 ans de tamoxifène, la probabilité de
récidive est de 4,3% par an jusqu’à la deuxième année, cela pour
une population ménopausée et non ménopausée ayant éventuellement reçu une chimiothérapie (5). Le risque du sous-groupe de
malades initialement N+, comme cette patiente, est nettement
supérieur comme on peut le constater dans le tableau II où la survie sans récidive des N+ à 10 ans est de 82,6% et la survie globale spécifique de 89,6% et, pour les T2 auquel on doit assimiler
la malade, ces chiffres sont encore moindres.
Tableau II. Kennecke H, Speers C, Chia S et al. British Columbia
Cancer Agency (BCCA), BC, Canada: 10 years event-free survival
(EFS) in postmenopausal women with early stage breast cancer during
the second five years after adjuvant tamoxifen. San Antonio Breast
Cancer Symposium, abstract 1049, 2004.
N
T0,1-2,0 cm
T2,1-5,0 cm
N=0
N = 1-3
N = 4-9
Grade 1
Grade 2
Grade 3
NN+
T1 N0 Gr 1
611
433
460
413
125
107
572
306
472
535
31
SSR 10 ans
(%)
88,0
79,9
89,6
84,1
67,9
93,9
85,9
80,6
87,4
82,6
96,4
p
0,0002
< 0,0001
0,003
0,02
SGS 10 ans
(%)
95,0
87,0
96,3
90,1
78,3
97,2
92
89,1
94,3
89,6
100
p
< 0,0001
< 0,0001
0,03
0,005
Intérêt du Fémara®
L’étude MA 17 (stratifiée selon le statut ganglionnaire) montre
que le relais du tamoxifène par létrozole réduit de 42% le risque
de récidive pour la totalité de la population (94,7 versus
89,8 % (p = 0,00004) ; la survie globale est significativement
améliorée pour les tumeurs N+ (RR : 0,61 ; IC 95 % : 0,38-0,98).
Durée d’administration du létrozole
Pendant les quatre premières années de traitement dans l’étude
MA 17, le bénéfice du létrozole augmente chaque année, cela
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de façon significative (p = 0,00004), cette constatation rend
licite la prescription de létrozole pendant au moins quatre ans,
l’étude a été interrompue après un suivi médian de 2,5 ans
lors de la première analyse intermédiaire (6).
Par ailleurs, pour les malades volontaires restées dans l’essai,
une randomisation de 5 ans supplémentaires de létrozole en
double aveugle a été réalisée, ce qui répondra, dans les prochaines années, à la question de la durée de l’hormonothérapie
qui pourrait ainsi atteindre 15 ans de traitement endocrinien.
Tolérance
Globalement, la tolérance du létrozole est acceptable : le létrozole a été arrêté chez 5 % des malades pour effets secondaires
contre 4 % sous placebo (p = 0,02), il entraîne plus de bouffées
de chaleur (58 versus 54 %, p = 0,003), d’atteintes articulaires
(25 versus 21%, p < 0,0001), de myalgies (15 versus 12%, p =
0,04) et d’ostéoporose (8 versus 6 %, p = 0,003) que le placebo, moins de saignements vaginaux (6 versus 8 %, p =
0,005), et on n’observe pas de différence en ce qui concerne
l’hypercholestérolémie (16 versus 16 %) et les événements
cardiovasculaires (6 versus 6 %) (6).
Dans le sous-protocole étudiant précisément l’état osseux chez
226 patientes supplémentées en calcium et vitamine D, après
une médiane de suivi de 1,6 ans, l’analyse intermédiaire
montre une diminution significative de la densitométrie
osseuse aussi bien au niveau du rachis que du col fémoral, une
augmentation des N-télopeptides et un taux du T-score inférieur à la valeur de - 2,5 définissant l’ostéoporose chez 3,3 %
contre 0 % sous placebo (p = 0,13) (6). Des études sont en
cours pour étudier la protection osseuse par des bisphosphonates dont on connaît l’effet bénéfique sur la prévention des
fractures osseuses dans l’ostéoporose commune.
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1. Fisher B et al. Five versus more than five years of tamoxifen for lymph nodenegative breast cancer: updated findings from the national surgical adjuvant
breast and bowel project B-14 randomized trial. Journal of the National Cancer
Institute 2001;93(9):684-90.
2. EBCTCG (Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group). Tamoxifen
for early breast cancer: an overview of the randomised trials. Lancet 1998;
351:1451-67.
3. Gray R, Milligan K, Padmore L, Study-Group. Tamoxifen: assessment of the
balance of benefits and risks of long-term treatment. Br J Cancer 1997;76
(suppl 1):24(Abstr. 031). Joint Meeting of the British Oncologic Association
(BOA), Association of Cancer Physicians (ACP) and Royal College of Radiologists, St Andrews, 5-8 jul 1997.
4. Davies C, Monaghan H, Peto R. Early breast cancer: How long should
tamoxifen continue? Eur J Cancer 1998;61(Suppl 5):S43(Abstr. 177). Abstracts
from the 1st European Breast Cancer Conference. Florence, 29 sept-3 oct 1998.
5. Saphner T et al. Annual Hazard Rates of Recurrence for Breast Cancer After
Primary Therapy. J Clin Oncol 1996;14(10):2739-46.
6. Adapté de Goss E. ASCO 2004.
La Lettre du Sénologue - n° 31 - janvier/février/mars 2006
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