Chapitre IV Bases et dimension d`un espace vectoriel

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Chapitre IV
Bases et dimension d’un espace
vectoriel
Objectif : Nous allons voir comment fabriquer des systèmes de coordonnées pour les vecteurs
d’un espace vectoriel général.
Dans ce chapitre
désigne un
-ev, avec
ou un corps commutatif quelconque.
I – Familles libres, génératrices, bases
1. Définitions
Définition de famille libre, liée, indépendance linéaire
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
- Une famille (une collection)
⃗⃗⃗⃗ ) de vecteurs d’un
existe des nombres
non tous nuls tels que
⃗⃗⃗⃗
On dit aussi que les vecteurs ⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
est dite liée s’il
⃗.
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ sont linéairement dépendants.
- Dans le cas contraire, on dit que la famille est libre.
Dire qu’une famille
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) est libre signifie que si
⃗ , alors on a forcément
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
Définition de famille génératrice
On dit qu’une famille de est génératrice de
combinaison linéaire d’éléments de .
Définition de base
Une famille de est une base de
-ev
vérifient
.
( ), i.e. tout vecteur ⃗ de
si
si et seulement si
est
est libre et génératrice de .
2. Bases et coordonnées
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
Proposition : La famille
⃗⃗⃗⃗ ) est une base de si et seulement si tout vecteur
de s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire des ⃗⃗⃗
. Autrement dit :
⃗⃗⃗⃗
Les nombres
s’appellent les coordonnées de
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ .
dans la base B.
Démonstration :
(⇐) :
est génératrice par hypothèse.
Soient
tels que
1
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
est elle libre ?
⃗⃗⃗⃗
⃗.
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
On a aussi ⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ .
Par unicité de la décomposition de ⃗ , on a
.
est donc libre, et génératrice de , c’est donc une base de .
(⇒) : Par hypothèse,
Soit
est une base de
génératrice de
et libre.
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ . Cette combinaison est-elle unique ?
quelconque.
génératrice ⇒
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
Si on a aussi
⃗⃗⃗⃗
(
Comme
⃗⃗⃗⃗ , alors par soustraction
)⃗⃗⃗⃗
(
est libre, on a (
(
)
On a donc unicité de l’écriture de
En résumé :
)⃗⃗⃗⃗
⃗.
)⃗⃗⃗⃗
, et ce jusqu’à .
comme combinaison linéaire des vecteurs de .
génératrice équivaut à l’existence de la CL, et
libre équivaut à son unicité.
3. Exemples
(
- La base canonique de
Soient ⃗⃗⃗
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
(
) ⃗⃗⃗
(
)
⃗⃗⃗⃗ ) est une base de
(
Démonstration :
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
(
) des vecteurs de
.
.
)
⃗⃗⃗
On a vu que
De plus,
)
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ⇒
⃗⃗⃗⃗
.
est génératrice de
(
)
.
Finalement,
est génératrice de
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
Définition : La base
et est libre.
est donc une base de
⃗⃗⃗⃗ ) s’appelle la base canonique de
.
(
)
Les coordonnées d’un vecteur
dans cette base sont simplement les
composantes de . Attention, cela ne se produit que dans cette base particulière.
-Famille libre de
Toute famille libre
de
est une base de
Par exemple, deux vecteurs non colinéaires de
deux vecteurs.
2
( ).
forment une base du plan engendré par ces
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
- Base d’un plan de
défini par une équation
{⃗
(
On a
(
)
}
.
)
(
)
(
Les deux vecteurs
) et
(
(
)
(
).
) engendrent donc . Comme ces
vecteurs ne sont pas colinéaires, ils forment une famille libre et génératrice de , c’est-à-dire
(
)
une base de . Les coordonnées de
dans cette base sont les réels et .
Remarque : On voit sur cet exemple élémentaire qu’une base permet de représenter les
vecteurs de manière optimale, c’est-à-dire en utilisant le minimum de paramètres. Ici, le
(
) de
vecteur
est déterminé par deux coordonnées indépendantes : et , et
non trois. De la même façon, un vecteur
(
) d’un plan
(
)
est déterminé par seulement deux scalaires : ses coordonnées dans la base
(
),
et pas 100 !
- Base de
[ ]
{
Par définition, une base de
}
[ ] est la famille infinie
(
)
C’est la base canonique de [ ]. Cette famille est infinie mais tout polynôme
bien une combinaison linéaire finie d’éléments de .
- Base de
de
[ ] est
[ ]
[ ] est donnée par
Une base de
Notez bien que cette famille possède
déterminé par
coefficients.
- Une famille de 3 vecteurs de
(
). C’est la base canonique de
vecteurs. Un polynôme de degré
est
[ ].
dépendant d’un paramètre (cf. cours)
4. La notion d’espace de dimension finie
Problème : Construire des bases dans le cas des espaces vectoriels de dimension finie.
Définition : On dit qu’un espace vectoriel
génératrice finie.
Exemples : On a vu que
Proposition :
et
admet une famille
[ ] sont des espaces vectoriels de dimension finie.
[ ] n’est pas un espace vectoriel de dimension finie.
(
Démonstration : Soit
peut-elle être génératrice de
3
est de dimension finie si
) une famille finie de
[ ].
[ ]?
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( )
(
Soit
( )
Alors
( )) : c’est un nombre fini.
est de degré inférieur ou égal à .
( )
On remarque que
[ ]
( ).
[ ] Par exemple,
n’est donc pas génératrice de [ ].
[ ] est donc un espace de dimension infinie.
5. Propriétés clés
Les propriétés suivantes seront utilisées très souvent dans les preuves et les exercices.
Propriété 1 : Soit
et seulement si
{ } est encore libre si
une famille libre de . Alors la famille
( ).
Propriété 2 : Soit une famille génératrice de .
Alors est liée si et seulement si il existe un vecteur
génératrice. Autrement dit, si et seulement si
tel que
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
Démonstration 1 : Soit
( ),
(⇐) : Si
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) une famille libre.
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
{ } qui vaut ⃗ et non triviale. (
C’est une combinaison linéaire de
⇒
{ }
reste
( { }).
)
⃗
{ } est liée.
(⇒) : On suppose que
{ } est liée. On veut montrer que
{ } liée
Si
( ).
⃗⃗⃗⃗
non tous nuls tels que
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗
alors :
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗
car est libre par hypothèse. Il y a donc une contradiction car
non tous nuls.
Si
, alors
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
sont supposés
⃗⃗⃗⃗ ce est une CL d’éléments de .
( ).
⇒
Démonstration 2 : Soit
Si
⃗
⃗⃗⃗⃗
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
est liée, alors
non tous nuls tels que
⃗⃗⃗⃗
ce qui implique qu’il existe un
4
⃗⃗⃗⃗ ) une famille génératrice de E.
tel que
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗,
.
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⇒ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
(
ce qui est en fait un élément de
, on a bien sur ⃗⃗⃗
⇒
⃗⃗⃗
⇒
⇒
(
(
(
{⃗⃗⃗⃗ })
( )
(
{⃗⃗⃗⃗ })
∑
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗ ,
{⃗⃗⃗⃗ }).
{⃗⃗⃗⃗ })
{⃗⃗⃗⃗ })
est une famille génératrice.
6. Deux méthodes de construction de bases
Théorème d’extraction de base
Soit un -ev de différent de {⃗ } et
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) une famille génératrice. ( étant un
espace vectoriel de dimension finie).
Alors on peut extraire de une sous-famille
(⃗⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗ ) qui est une base de .
Démonstration : Algorithme avec la propriété 2 :
est-elle libre ?
Si oui, c’est fini.
Sinon, il existe ⃗⃗⃗⃗
Comme
{⃗⃗⃗⃗ }
tel que
est encore génératrice. On continue avec
.
{⃗ }, l’algorithme s’arrête sur une famille libre et génératrice de .
Théorème de la base incomplète
Soit un -ev de dimension finie.
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) une famille génératrice de et
⃗⃗⃗⃗ ) une famille libre.
Alors on peut compléter la famille libre avec certains vecteurs ⃗⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗ de pour
obtenir une base
(⃗⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗ ) .
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
Démonstration : Soient
⃗⃗⃗⃗ ) une famille libre et
⃗⃗⃗⃗ ) une
famille génératrice de . Il faut compléter en une base de . L’algorithme suivant dépend
de la propriété 1 :
( )?
A-t-on ⃗⃗⃗⃗
Si oui, on garde .
Sinon, on remplace par
{⃗⃗⃗⃗ }
, libre par la prop. 1 et ⃗⃗⃗⃗
( ).
On recommence pour tous les autres vecteurs de . À la fin, on a une nouvelle famille libre
avec ⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
( )
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⇒
Ce qui veut dire que
⃗⃗⃗⃗ )
(
)
.
est libre et génératrice de , c’est-à-dire est une base de .
Exemple : Plan vectoriel. Cf. cours.
5
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
II – Dimension d’un espace vectoriel
On arrive à la notion la plus importante du cours d’algèbre de cette année !
1. Définitions
Théorème fondamental : dimension et cardinal des bases
Soit un espace vectoriel {⃗ } et engendré par vecteurs.
Alors toutes les bases de possèdent le même nombre d’éléments. Ce nombre entier
s’appelle la dimension de et se note
. On a de plus
dans ce cas.
{⃗ }
Par convention, on pose
.
Exemples :
- On a
car la base canonique de
,
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ), a éléments.
- Les espaces vectoriels de dimension sont les droites vectorielles. Les espaces vectoriels de
dimension sont les plans vectoriels, etc.
Intuitivement, on peut dire que la dimension d’un ev est le nombre de « paramètres libres »
dont dépend un vecteur de . Les plans vectoriels sont tous de dimension 2, quel que soit
l’espace dans lesquels ils sont plongés :
ou
.
Lemme clé
Soit un espace vectoriel engendré par
cardinal inférieur ou égal à .
vecteurs. Alors toute famille libre de
est de
Démonstration du théorème à l’aide du lemme :
⃗⃗⃗⃗⃗ ) deux bases de .
Soient
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) et
(⃗⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗⃗
On a que
est une famille libre de , engendré par
( )
Lemme clé ⇒
On a aussi
( ).
famille libre de , engendré par
Lemme clé ⇒
⇒
et finalement
et
ont le même nombre d’éléments.
Démonstration du lemme : On procède par récurrence sur .
Soient
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) une famille génératrice de et
libre. On va montrer que
implique que est liée.
On a ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗ et ⃗⃗⃗⃗
Si
, on a ⃗⃗⃗⃗
6
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) une famille
⃗⃗⃗ .
⃗⃗⃗⃗
Les vecteurs sont liés.
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
⃗
, ⃗⃗⃗⃗
Si
⃗⃗⃗⃗
La famille est liée.
On suppose l’énoncé vrai pour
On regarde le cas engendré par vecteurs :
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ). On considère
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ .
On a donc
Comme ⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
, on a :
⃗⃗⃗⃗
(S)
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) avec une famille
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ).
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
{
⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
avec
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
.
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
Si tous les sont nuls, alors les
vecteurs ⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
qui est engendré par
( )
vecteurs. Comme
, la famille liée par l’hypothèse de récurrence (i.e.
toute famille libre de E est de cardinal inférieur ou égal à
).
Sinon, il existe au moins un
non nul. On suppose que c’est
⃗⃗⃗⃗
. On a alors ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
. On
l’injecte dans les lignes suivantes du système (S). On trouve que
⃗⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
{
Les
vecteurs de
( )
La famille
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
( ⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗⃗⃗
Il existe donc
⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ )
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
sont liés par l’hypothèse de récurrence, car
non tous nuls tels que :
∑
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
∑
⃗⃗⃗
(∑
) ⃗⃗⃗⃗ , avec au moins un
.
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ) est donc liée.
2. Conséquences importantes
Théorème
Soit un espace vectoriel de dimension finie. Alors :
( )
( )
i) Toute famille libre de vérifie
et
implique que
est une base de .
ii) Toute famille génératrice de a au moins
éléments. Si une famille génératrice de
a exactement
éléments, alors c’est une base de .
Corollaire utile
Pour vérifier qu’une famille
7
de
est une base, il faut et il suffit que :
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( )
et
( )
Démonstration i) : Pour le cas
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
Dans le cas d’égalité: soit
Problème : montrer que
soit une famille libre ou génératrice de .
, on se sert du lemme vu précédemment.
⃗⃗⃗⃗ ) une famille libre à
éléments dans .
est génératrice.
Soit un vecteur quelconque de . La famille
{ }à
éléments devient liée, vu
( )
qu’on a démontré le cas de l’inégalité. On a donc, par la propriété clé 1,
est donc génératrice (de tout
Démonstration ii) : Soit
).
étant génératrice de
et libre, c’est une base de .
une famille génératrice de .
( )
. D’après le théorème d’extraction de base,
éléments.
Cas
avec
contient une base de
Cas d’égalité : génératrice avec
éléments. D’après la propriété clé 2,
sinon on peut extraire une sous famille qui est une base de .
est libre,
Propriété de la croissance de la dimension
Soit un ev de dim finie et un sev de . Alors on a :
i)
de dimension finie et
.
ii)
Si de plus
alors
.
Exemple : Dans , il n’y a qu’un seul espace de dimension nulle : c’est {⃗ }.
- Il y a une infinité d’espaces de dimension 1 : les droites vectorielles.
- Il y a une infinité d’espaces de dimension 2 : les plans vectoriels.
- Il n’y a qu’un seul espace de dimension 3 : c’est
lui-même.
Démonstration i) :
- Si
{⃗ }, alors la démonstration est finie.
- Sinon, il existe une famille libre
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) de vecteurs de . On a
automatiquement
On choisit une famille libre de F de cardinal maximal (
). Montrons que est une base de .
Soit
quelconque. On considère
{ }.
( )
( ) = cardinal max des familles libres de . Donc est liée. Comme
On a
est libre, on a nécessairement
( ) par la propriété clé 1. est donc génératrice de .
Démonstration ii) : Soit
( )
est donc une base de
une base de . Alors
.
( )
est une famille libre de
avec
.
3. Rang des systèmes de vecteurs
8
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Définition : Soit
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
dimension de
( ).
⃗⃗⃗⃗ ) une famille libre de vecteurs de . Le rang de
est la
Attention de ne pas confondre le rang et le cardinal d’une famille ! Le cardinal est
simplement le nombre d’éléments de la famille (se voit), alors que le rang est une notion plus
abstraite basée sur la dimension.
Proposition :
i) On a toujours
( )
( )
ii) Cas d’égalité : on a
( ).
( ) si et seulement si
Démonstration i) :
( ) est engendré par
On peut extraire de
une base qui est de cardinal
Démonstration ii) :
On pose
( )
( )
( )
( ).
( ).
( ) (et est donc libre) d’après un théorème précédent.
(
. On considère ⃗⃗⃗⃗
) ⃗⃗⃗⃗
(
) ⃗⃗⃗⃗
(
).
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗ ).
Problème : Donner le rang de
en fonction de . Dire quand
( )
Remarque : On peut déjà dire que
Soient
⃗⃗⃗⃗
tels que
(
(
(
{
{
(
)
(
- Si
, la famille est libre et
libre et à 3 éléments.
- Si
(= cardinal de ) vecteurs.
est génératrice de Vect( ) avec
est donc une base de
Exemple :
est libre.
, la famille
⃗⃗⃗⃗
⃗.
{
(
(
(
)
(
)
)(
)
( )
.
( ).
⃗⃗⃗⃗
)
)
)
est une base de
(
)
, ce qui implique que
( )
n’est pas libre, on a donc
)
)
(
)
(
)
(
)
est une base de
car
.
devient un paramètre (inconnue non principale.)
{
Exemple de solution :
9
c’est à dire ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗.
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( )
Donc
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗ )
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗ )
On utilise le même système avec
finalement ( )
.
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗ ).
. (⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗ ) est donc libre, et
ce qui donne
III – Deux illustrations de l’utilité des notions abstraites d’espace
vectoriel, de base et de dimension
1. Le problème d’interpolation de Lagrange
On se donne points du plan (
), (
), …, (
) avec les tous distincts. On
cherche une fonction aussi simple et régulière que possible dont le graphe passe par ces
points, c’est-à-dire telle que
( )
+
( )
(
)
+
+
On cherche une fonction interpolatrice sous la forme d’un polynôme
possible.
Analyse : Le problème est linéaire par rapport à
( )
Si on a {
Alors {
(
{
et
)
)( )
(
)(
{
(
et
)
.
)
(
) comme un vecteur de
⃗⃗⃗
(
)
⃗⃗⃗⃗
(
)
pour avoir
Il suffit de trouver des polynômes
10
.
( )
(
On regarde
et
de plus bas degré
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
. Prenons la base canonique de
:
⃗⃗⃗⃗ .
tels que :
soit associée à
⃗⃗⃗
,
soit associée à
⃗⃗⃗
, …,
soit associée à
⃗⃗⃗⃗
.
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Synthèse : On pose
(
( )
) (
(
)
) (
( )
+ +
∏
( )
{
∏
)
∏
(
)
(
)
(
)
(
)
(
)
(
)
On a une solution du problème général en posant
.
Définition : On appelle le polynôme
interpolateur de Lagrange. On a
( )
( )
. De plus le degré de
le polynôme
est inférieur à
– .
Théorème 1 : Le polynôme de Lagrange est l’unique polynôme de degré inférieur ou égal à
( )
tel que ( )
.
Soit
l’espace des fonctions polynomiales de degré inférieur ou égal à
:
( )
{
Théorème 2 : On a
}.
(
et
) forme une base de
.
Démonstration du TH1 en utilisant le TH2 :
Soit un polynôme de degré inférieur ou égal à
faut montrer que est le polynôme de Lagrange.
D’après le TH2,
s’écrit
On doit donc avoir ( )
Or,
( )
et
( )
( )
(
)
. Il
.
( )
( )
( )
( )
(
( )
donc ( )
On procède de la même manière jusqu’à n. (
Donc
tel que ( )
)
)
.
.
.
C’est en effet le polynôme de Lagrange.
Démonstration du TH2 :
-
est un espace vectoriel engendré par les n fonctions monômes définies comme :
.
11
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
(
Donc
libre.
Soient
)⇒
avec égalité si (
tels que
) est
fonction nulle.
Alors,
⇒ ( )
( )
(
( )
Ce qui montre que
)
(
( )
)
et que la famille est libre.
On a donc
.
(
- Reste à voir que
(
Comme
)
.
. Il suffit de vérifier que
Si
. Ceci montre que
est donc une base de
2. Étude des suites (
On se donne
) forme une base de
est libre.
, alors en
, on obtient
est une famille libre.
, en
,
…, en
,
.
)
(avec
satisfaisant une relation de récurrence linéaire du type
).
pour trouver
On pose
suites. En effet, si ( )
Vérifions. On a pour tout
.
,(
)
(
est un sous espace vectoriel de l’ensemble des
, et
, alors (
) ( )
.
)
(
)
⇒
Un exemple célèbre :
.
Il s’agit de la suite de Fibonacci (vers 1200).
Problème : On veut les formules explicites ⇒ déterminer la croissance pour n grand.
Idée : On cherche des suites solution sous la forme
avec
.
solution si et seulement si
Si
, on a
caractéristique.
solution si et seulement si
On cherche les solutions de
- Si
, on a deux racines complexes :
12
.
Il s’agit de l’équation
. On calcule le discriminant :
√
et
√
.
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
- Si
, on a une racine double :
. On montre que
est aussi solution (à faire
en exo).
Théorème
- Si
, les deux suites (
s’écrira sous la forme
) et (
) forment une base de . Toute suite solution ( )
avec
fixes et vérifiant les conditions
{
{
, on a une racine double, et les suites (
- Si
Démonstration : Soit (
tout
, on ait
)
) et (
) forment une base de .
une solution quelconque. On cherche
.
Conditions nécessaires : {
déterminent
Conditions suffisantes : On considère la suite
E est n espace vectoriel, il est donc stable par la loi +) avec
⇒
⇒
pour tout
avec
La preuve pour le cas
et
et
.
.(
)
et
tels que pour
est une solution (car
.
par récurrence immédiate.
déterminés.
est semblable ; laissée en exercice.
Exemple de la suite de Fibonacci :
⇒
√
⇒ (
√
(
√
donc
√
)
→
Pour n assez grand,
13
.
√
)
(
On doit donc avoir
On trouve
√
√
)
√
et
(
(
√
)
√
) avec {
(
√
)
(
√
)
(c’est un entier !)
√
très vite en oscillant autour .
est l’entier le plus proche de
√
(
√
)
.
Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR
On peut donner la croissance de la suite de Fibonacci. On a :
√
→
.
Ce nombre, connu depuis l’Antiquité, s’appelle le « nombre d’or ». Elle représentait alors
une « proportion parfaite » (voir Wikipédia pour plus d’information).
IV – Supplémentaire, somme directe
1. Définitions
On s’intéresse à la somme
de deux sous espaces vectoriels de .
{
}
Définitions de somme directe et de supplémentaire
1) On dit que deux sous espaces vectoriels et de sont en somme directe si tout vecteur
s‘écrit de manière unique sous la forme
avec
2) Dans ce cas, on dit que
Premier exemple dans
est un supplémentaire de
⃗⃗⃗
{
Démonstration :
(⇒) : On suppose
(
)
⃗(
qui implique que
14
⃗⃗⃗
(
tels que
{ }.
.
). Si
, la décomposition est unique ce
{⃗ }.
{⃗ }. Soit
et
Alors il existe forcément
décomposition ?
⃗⃗⃗
. Soit
) ⃗(
)
⃗ . Donc
avec
.
{⃗ }
⇒
(⇐) : On suppose que
Soient ⃗⃗⃗
.
⃗⃗⃗ ,
et deux droites vectorielles de
On a :
.
Proposition : On a
⇒
dans . On le note
:
F
G
.
tels que
⃗⃗⃗
.
. Avons-nous l’unicité de la
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
{⃗ }.
⃗⃗⃗ .
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2. Constructions et critères
Théorème d’existence de supplémentaire
Tout sous espace vectoriel d’un espace vectoriel
supplémentaire dans .
de dimension finie possède au moins un
Démonstration :
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
Soient
⃗⃗⃗ ) une base de ,
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ ) une base de .
est une famille libre,
est une famille génératrice de . D’après le théorème de la base
incomplète, il existe
(⃗⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗ )
telle que
soit une base de .
F
0
( ). On montre que
On pose
.
G
- Soit
quelconque. Comme
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⇒
est une base de , on a
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
(
) et
⃗⃗⃗⃗⃗ , avec :
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
( )
.
- Soit
On trouve
⇒
. Alors
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
car
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗⃗ .
⃗
est libre puisque c’est une base de E.
Remarque importante sur la preuve
Cette démonstration montre comment fabriquer des supplémentaires : en complétant une base
de à l’aide d’une base de . En particulier, tout sev de
possède un supplémentaire
particulièrement simple : engendrés par certains vecteurs de la base canonique de
, i.e. du
type
(
).
Par exemple, tout plan de
possède comme supplémentaire un des trois axes de l’espace.
On peut prendre l’axe
( ) si
, l’axe
( ) si
, ou l’axe
( ) si
. Bien sûr, le plan ne peut contenir ces trois vecteurs non coplanaires
à la fois !
Théorème : critère de somme directe
Soit un espace vectoriel de dimension finie,
{
15
et
deux sous espaces vectoriels de . Alors
{⃗ }
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Lemme : Soient et deux sous espaces vectoriels d’un espace vectoriel
finie. Soient une base de ,
une base de . Alors on a :
i)
est génératrice de ,
ii)
{⃗ }
est libre.
de dimension
Démonstration du théorème à l’aide du lemme : Caractérisation de
{⃗ }
⇔
On a
.
base de
{
{
{⃗ }
Démonstration du lemme :
- 1er point à faire en exercice.
{⃗ }. On veut montrer que
- On suppose
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗
On a :
⇒
⃗⃗⃗ ) et
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗
{
(⃗⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗ )
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⇒
⃗
Inversement : Si on suppose que
⇒
et
sont libres.
{⃗ }.
est libre, on montre que
⃗⃗⃗
alors on l’écrit
{⃗ }.
⃗⃗⃗⃗
⃗
car
Si
⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗
est libre.
⃗⃗⃗
car
⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
⃗⃗⃗⃗
est libre.
Exemples :
- Dans
: une droite
- Dans
: deux plans
et un plan
et
(
Par exemple, si on note
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗ ) {
sont supplémentaires dans .
16
{⃗ }.
sont en somme directe ssi
{⃗ }.
sont en somme directe ssi
)
,
} et
(⃗⃗⃗ ⃗⃗⃗ )
{
}
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3. La formule de Grassmann
Pour conclure, on peut calculer la dimension d’une somme générale.
Théorème de Grassmann :
Soient et deux sous espaces vectoriels de
(
)
(
Illustration : Si
En effet,
de dimension finie. Alors on a :
{⃗ }
alors
(
)
)
(
)
.
Exemples :
- Deux plans vectoriels de
se coupent toujours au moins suivant une droite : facile 
- Deux sous-espaces de dimension 3 dans
contiennent au moins un plan : moins facile à
voir , mais c’est vrai !
Démonstration géométrique :
Soit
un supplémentaire de
(
)
.
On montre que
F
O
dans
.
G
V
- Soit ⃗
. Alors ⃗
Comme
(
)
⃗⃗⃗
D’où ⃗
avec
et
.
⃗⃗⃗
, on peut décomposer
⃗⃗⃗⃗
avec ⃗⃗⃗
et
avec ⃗⃗⃗⃗
⇒
- Soit
⇒
. Alors
⃗ car
(
car
)
.
{⃗ }
On a donc
⇒
(
)
⇒
(
)
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(
et
(
)
).
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