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Journal Identification = NRP Article Identification = 0281 Date: February 10, 2014 Time: 12:20 pm
REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
258
Article de synthèse
Au contraire, l’influence de la valence dépendrait d’un
réseau qui lie le cortex préfrontal et l’hippocampe [4] et
concernerait plutôt des stimuli d’intensité faible.
En conclusion, l’amygdale joue un rôle clé dans la sélec-
tion, l’acquisition, la consolidation et la récupération des
stimuli émotionnels. Cette structure semble être relative-
ment préservée au cours du vieillissement normal [11], ainsi
on peut s’attendre à une préservation de l’EEM chez les
sujets âgés sains. Une question intéressante est de savoir si
la réduction du volume amygdalien observée dans la MA
[12] entraînera une détérioration des capacités de traite-
ment émotionnel et une perturbation de l’EEM.
Traitement des émotions chez les sujets
âgés sains et les patients
atteints de la maladie d’Alzheimer
Plusieurs recherches ont mis en évidence que le traite-
ment des émotions reste relativement préservé au cours du
vieillissement. Les sujets âgés sains évaluent la valence et
l’intensité des mots [4, 13] et des images [14] comme les
sujets sains jeunes et ont des réponses électrodermales pour
ces stimuli similaires [15]. Toutefois, chez ces sujets, une
particularité a été observée en ce qui concerne le traitement
des informations émotionnelles. En effet, ils présentent un
effet de positivité qui se manifeste par une réduction du
traitement des stimuli négatifs et une augmentation du trai-
tement des stimuli positifs. Ainsi, les sujets âgés passent
plus de temps à regarder des stimuli positifs et passent
moins de temps à regarder des stimuli négatifs que les sujets
sains jeunes [16]. Selon la théorie de la sélectivité socio-
émotionnelle [17], l’effet de positivité est dû au fait qu’au
cours du vieillissement normal la régulation émotionnelle
gagne en importance. Les sujets âgés perc¸oivent les limites
temporelles comme plus contraignantes, ce qui donne nais-
sance à des objectifs qui doivent être réalisés dans un futur
proche et qui visent plutôt à l’augmentation du bien-être.
Cette hypothèse semble être compatible avec les diffé-
rences observées dans des patterns d’activation cérébrale
en réponse aux stimuli émotionnels. L’activation amygda-
lienne en réponse aux stimuli positifs est similaire à celle
observée chez les sujets sains jeunes, mais elle est réduite
pour des stimuli négatifs [18]. De plus, l’activation du cor-
tex préfrontal en réponse aux stimuli émotionnels est plus
importante chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes
(voir [19] pour revue).
L’augmentation de l’activité du cortex préfrontal (connu
pour son implication dans le contrôle cognitif des émotions)
chez les sujets âgés lors du traitement des stimuli émotion-
nels appuie l’hypothèse selon laquelle l’effet de positivité
chez ces sujets peut être dû à une régulation volontaire des
émotions, via un contrôle cognitif, dans le but d’augmenter
le bien-être [19]. Au niveau comportemental ceci se tra-
duit, d’un côté, par l’évitement des stimuli négatifs et la
diminution des réponses émotionnelles pour ces stimuli et,
de l’autre côté, par l’augmentation des réponses émotion-
nelles pour les stimuli positifs. Plusieurs études ont montré
que l’effet de positivité est plus marqué pour les stimuli
d’intensité basse parce que ces stimuli sont plus suscep-
tibles d’engager des processus de contrôle cognitif que les
stimuli d’intensité élevée qui suscitent plutôt un traitement
automatique [20, 21]. De plus, il a été montré [16] que les
sujets âgés accordaient plus d’attention aux stimuli négatifs
comparativement aux stimuli neutres quand ils réalisaient
en même temps une tâche concurrente (attention divisée).
Ceci n’était pas le cas en condition d’attention simple. Ainsi,
les ressources attentionnelles limitées des sujets âgés étaient
attirées par les stimuli négatifs quand ils étaient distraits
par la tâche concurrente, ce qui montre que les stratégies
utilisées par les sujets âgés pour réguler leurs émotions (évi-
ter les informations négatives) ne peuvent pas se mettre en
place quand les mécanismes de contrôle cognitif ne sont
pas entièrement disponibles.
Pour résumer, les sujets âgés sains ont tendance à évi-
ter les informations négatives et à favoriser les informations
positives et ce phénomène semble être dû à l’implication
du cortex préfrontal dans le traitement des informations
émotionnelles.
Chez les patients atteints de la MA, il y a une réduc-
tion du volume de l’amygdale dès les stades précoces de
la maladie [22]. De nombreuses études ont montré que,
malgré cette réduction, les patients MA ont des perfor-
mances similaires aux sujets sains quand ils doivent juger
la valence et l’intensité de différents types d’items : images
[23], phrases [24], histoires [25, 26], événements publics
[27]. Par ailleurs, les patients MA présentent des réponses
électrodermales aux stimuli émotionnels similaires à celles
des sujets sains [28] et ont le même pattern de distri-
bution de l’attention en réponse aux stimuli sensoriels
extra-personnels que les sujets contrôles jeunes et âgés,
c’est-à-dire qu’ils regardent plus longtemps des scènes émo-
tionnelles d’intensité élevée que les scènes neutres [29].
Toutefois, certaines études suggèrent que les patients
MA présentent des déficits dans le traitement des informa-
tions émotionnelles. Par exemple, une méta-analyse récente
portant sur les capacités de décodage émotionnel chez les
patients MA [30] a montré que ces patients avaient des per-
formances inférieures aux sujets âgés sains dans des tâches
de dénomination, d’appariement, de sélection et de dis-
crimination des stimuli émotionnels. Toutefois, la plupart
des études répertoriées dans cette méta-analyse ont utilisé
une catégorie particulière de stimuli : des visages avec dif-
férentes expressions émotionnelles. Il est donc difficile de
généraliser ces résultats et de conclure à une détérioration
des capacités de traitement émotionnel chez les patients
MA pour d’autres catégories de stimuli (i.e. mots, histoires,
images etc.). De plus, plusieurs de ces études suggèrent que
le déficit de traitement des émotions est plutôt dû à des
déficits cognitifs des patients MA et non à un réel déficit pri-
maire dans la perception des émotions. Par exemple, dans
l’étude de Burnham et Hogervorst [31], il n’y a pas de diffé-
rence significative entre les performances des patients MA
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