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Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. I - n° 1 - janvier-février-mars 2006
Qu’en est-il
des neuropathies
périphériques de cause
indéterminée ?
A reappraisal of peripheral
neuropathy of undetermined cause
J.M. Vallat*
Il est désormais possible d’affirmer que l’idée classiquement admise depuis plusieurs
décennies selon laquelle 30 à 40 % des neuropathies (NP) n’ont pas de cause déterminée
n’est plus exacte. Pourquoi rencontre-t-on encore des patients présentant une NP de
cause et/ou de mécanisme indéterminés ? Beaucoup de ces patients ne sont pas
examinés par un neurologue et il existe des difficultés d’ordre technique :
électrophysiologiques, histologiques et biologiques. Affirmer qu’une cause est directement
et exclusivement responsable de la NP passe impérativement par la connaissance
du mécanisme de la destruction nerveuse ; déterminer l’étiologie et la physiopathologie
peut conduire à un traitement adapté, parfois spécifique et efficace.
Pourquoi certaines NP sont-elles considérées à tort comme “sans étiologie” ?
Si l’examen clinique permet un premier “tri” pouvant orienter vers telle ou telle
étiologie (mononeuropathie multiple avec hypertension et altération de l’état général,
polyradiculoneuropathie à rechutes, etc.), un grand nombre de malades présentent
des formes de polyneuropathies sensitives ou sensitivo-motrices isolées. Les examens
électrophysiologiques, biologiques et histologiques peuvent être déterminants ; encore
faut-il savoir bien les utiliser et connaître leurs limites. L’examen électrophysiologique
est indispensable pour confirmer le diagnostic de polyradiculonévrite inflammatoire
démyélinisante chronique (PIDC), car il n’existe pas de test diagnostique spécifique.
Sa réalisation doit être rigoureuse ; récemment, nous avons été plusieurs à recommander
les conditions techniques indispensables et minimales permettant d’affirmer ce
diagnostic. Il s’agit de patients qui présentent une NP évoluant depuis plusieurs années ;
l’atteinte axonale est toujours sévère. S’arrêter à cette constatation conduirait
à diagnostiquer une “polyneuropathie axonale idiopathique” ; il en résulterait
une abstention thérapeutique. Toute NP démyélinisante chronique devient axonale.
La responsabilité de l’électrophysiologiste comme de l’histologiste sera de démasquer
des éléments en faveur d’une démyélinisation, ce qui, si elle est acquise, permettra
de proposer un traitement même après une longue évolution.
Depuis 1991, de nombreuses combinaisons de critères cliniques et électrophysiologiques
en faveur du diagnostic de PIDC ont été publiées. Quelle que soit leur sensibilité,
il restera toujours des patients ne répondant pas à ces critères et présentant pourtant
une NP dysimmune. Y penser systématiquement devant toute NP “sans cause” ne peut
que conduire à une amélioration de la réalisation, et donc de la performance,
de l’électrophysiologie.
éditorial
* Service et laboratoire de neurologie,
CHU de Limoges.
Offre spéciale de lancement
voir page 35
Dès 2006,
4 numéros
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Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. I - n° 1 - janvier-février-mars 2006
éditorial
En fait, actuellement, seuls les examens de biologie moléculaire posent problème…
Peu de laboratoires les effectuent en routine ; certains, alors qu’ils bénéficient pourtant
d’aides financières spécifiques substantielles, ne rendent pas de résultat, ou trop
tardivement (il n’est pas rare qu’il faille attendre plusieurs années…). Il existe aussi
de réelles difficultés techniques. C’est ainsi qu’actuellement plus de 30 gènes sont
responsables d’une maladie de Charcot-Marie-Tooth. Ce diagnostic est encore plus
difficile, et n’est parfois même pas envisagé lorsqu’il s’agit d’un cas sporadique.
Il arrive que des NP considérées comme acquises, et donc traitées spécifiquement,
soient reconnues tardivement comme étant génétiques.
Dans l’attente d’études automatisées, nous pensons que l’analyse fine d’une biopsie
nerveuse peut parfois orienter vers tel ou tel gène. En respectant certaines règles
simples, les prélèvements peuvent être transportés et adressés aux quelques laboratoires
spécialisés, qui sont en nette diminution. Trop de biopsies sont encore réalisées dans
de mauvaises conditions techniques : artéfacts de fixation, d’orientation des blocs,
techniques réalisées insuffisantes, etc. L’interprétation est alors délicate, sinon
impossible. L’examen ultrastructural peut être indispensable pour visualiser des dépôts
trop petits pour être visibles en microscopie optique, pour authentifier une surcharge
(neurolipidose, intoxication médicamenteuse) ou une anomalie de la compaction
myélinique (DM, mutation P0), éléments parfois déterminants pour le diagnostic
étiologique et pour le traitement.
Un grand nombre de NP évoluent dans un contexte de pathologie générale ou peuvent
le révéler. Il peut s’agir entre autres d’un diabète, d’une DM, d’une collagénose, etc.
Pour chacune de ces causes, il existe des mécanismes variés. Si l’on considère les DM,
l’association à une NP peut être fortuite. Néanmoins, les mécanismes suivants doivent
être évoqués : chimiothérapie, anticorps anti-MAG, syndrome POEMS. Seule la biopsie
pourra authentifier la présence de cellules malignes (lymphome), de dépôts
d’immunoglobuline pathologique dans l’endonèvre et/ou entre les lamelles myéliniques,
et d’amylose. La détermination du mécanisme permettra non seulement d’affirmer
l’étiologie, c’est-à-dire un lien direct ou indirect (PIDC) à la DM, mais conduira
aussi à un traitement parfois spécifique. La prise en compte de certains facteurs
environnementaux – toxiques divers, milieu dit “tropical”, hospitalisation prolongée
en réanimation, etc. – doit conduire à des attitudes préventives, bien que nous
connaissions peu les mécanismes de ces NP.
Il nous semble que désormais la fréquence des NP dites “idiopathiques” devrait encore
beaucoup régresser dans les années à venir.
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