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Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
gangliosides (Gq1b ou GD1b). Deux
biopsies distales de nerf sural se sont
avérées normales. En revanche, 3 biop-
sies chirurgicales de racines nerveuses
postérieures lombaires ont été réalisées.
L’étude anatomo-pathologique a pu
mettre en évidence une perte en fibres
myélinisées, sur les fibres de grand dia-
mètre uniquement, des images de démyé-
linisation ou de remyélinisation (bulbes
d’oignons, démyélinisations segmen-
taires sur le teasing) avec quelques
macrophages au contact. Seuls 6 patients
ont été traités (4 avec IgIV et 2 avec
IgIV et corticoïdes). Des améliorations
significatives sur la marche, les chutes
et l’autonomie ont été observées dans
tous les cas, parfois de façon specta-
culaire et rapide (en 5-6 semaines ou en
3-4 mois), même lorsque les symptômes
duraient depuis plusieurs années.
Commentaire. Il s’agit d’une étude très
intéressante. Ces formes sont probablement
assez rares, mais il est toutefois important
de les individualiser et de les diagnostiquer
compte tenu des conséquences thérapeu-
tiques. Les auteurs en font un nouveau sous-
groupe du spectre déjà large des CIDP et
proposent un nouvel acronyme : “CISP”. On
sait depuis la description initiale des CIDP
que, par définition, l’atteinte inflammatoire
et démyélinisante peut être aléatoire. Ces
dernières années, des formes distales ou
multifocales (syndrome de Lewis-Sumner) et
des formes très motrices ou sensitives ont
été individualisées. Il s’agit, dans cet article,
de formes où le processus ne touche que les
voies sensitives, et de façon très proximale
(soit radiculaires soit postganglionnaires
mais sans perte axonale secondaire impor-
tante). Ces formes sont particulièrement
difficiles à diagnostiquer, car l’ENMG ne
montre pas d’anomalie, en particulier sur
la conduction motrice (critères habituels de
CIDP). Nous émettrons toutefois ici notre
principale critique concernant cet article, car
ce message est à nuancer. Il n’y a en effet
aucun renseignement concernant l’étude des
ondes F chez ces patients, et les valeurs des
potentiels sensitifs sont plus que limites, sou-
vent un peu basses (confirmées d’ailleurs par
la perte sur les biopsies en fibres de grand
calibre). Mais c’est la discordance entre ces
valeurs non effondrées et l’importance des
troubles sensitifs qui doit effectivement faire
penser à rechercher en PES des anomalies
proximales. Heureusement, le diagnostic est
aussi fortement suspecté sur l’hyperprotéi-
norachie. Une PL doit donc être effectuée
devant toute ataxie sensitive, même avec
un EMG normal ou “axonal”. Les biopsies
de racines nerveuses semblent difficilement
réalisables en France, et ne sont pas indis-
pensables au diagnostic. L’IRM attentive des
racines lombaires semble par contre utile.
La place de la biopsie de nerf sensitif distal
reste à discuter dans ces formes. Elle pourrait
être proposée en cas de suspicion clinique
et si le LCR, les PES ou l’IRM ne permettent
pas de confirmer le diagnostic. Compte tenu
de la réponse thérapeutique parfois specta-
culaire, ces cas sont très importants à recher-
cher. Il faut noter que cette réponse théra-
peutique, malgré la durée parfois prolongée
des symptômes, s’explique par l’absence de
perte axonale secondaire importante. Des
cas comparables mais avec une perte axo-
nale secondaire sévère existent peut-être
sous forme de “polyneuropathie axonale
chronique”, mais ils ne répondraient sûre-
ment pas aussi bien aux thérapeutiques
immunomodulatrices…
T. Maisonobe,
service d’explorations fonctionnelles neurologiques,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
❏ Sinnreich M, Klein CJ, Daube JR et al. Chronic immune
sensory polyradiculopathy: a possible treatable sensory
ataxia. Neurology 2004;63:1662-9.
G
UIDE POUR L
’
EXPLORATION ÉLECTRO
-
PHYSIOLOGIQUE DES MYOPATHIES
AU COURS DES CHANNELOPATHIES
Saluons ce brillant travail d’E. Fournier,
épaulé par B. Fontaine et leurs colla-
borateurs, sur les désordres muscu-
laires dystoniques associés ou non à des
paralysies. L’intervention des canaux
dans la régulation ionique transmem-
branaire n’est plus à démontrer, que ce
soit pour l’excitabilité membranaire, la
contraction musculaire, la stabilisation
du potentiel d’action ou la repolarisa-
tion après exercice. On sait à présent
que certaines mutations du gène codant
pour les canaux ioniques voltage-dépen-
dants de type chlore (CLCN1) donnent des
tableaux cliniques de myotonie congé-
nitale (MC), alors que des mutations du
gène codant pour les canaux sodium
(SCN4A) donnent les paralysies pério-
diques (PP) hyperkaliémiques (hyperPP),
quelques phénotypes de PP hypokalié-
miques (hypoPP-2, qui représentent 10 %
des cas de PP hypokaliémiques), des
paramyotonies congénitales (PC) et des
myotonies aggravées par le potassium
(MAP). Les mutations du gène codant
pour les canaux calcium (CACNA1S)
entrent quant à elles dans la physiopa-
thologie de 70 % des PP hypokalié-
miques (hypoPP-1). Comme le rappellent
les auteurs, une baisse significative de
l’amplitude motrice après un long exer-
cice est reconnue chez 70 à 80 % des
patients souffrant de PP et dans res-
pectivement 17 % et 33 % des cas de
MC et de PC. Parfois, les exercices mus-
culaires brefs donnent d’inattendus
accès de parésies au cours de syn-
dromes myotoniques, alors que les
exercices répétés améliorent la force
musculaire dans la MC mais pas dans
les PC. Pour la première fois, sur une
très large cohorte de 51 patients, dont
24 cas de syndromes myotoniques,
21 cas de paralysies périodiques et
6patients avec des tableaux intermé-
diaires, et de 41 témoins, cette équipe a
étudié de façon méthodique le muscle en
EMG (à l’aiguille), le potentiel moteur par
recueil par électrodes cutanées après
stimulation supramaximale, et la trans-
mission neuromusculaire par stimula-
tion répétitive (3 Hz, 10 stimuli) des
nerfs ulnaire et tibial antérieur droit et
gauche sur les muscles abdutor digiti
minimi (ADM) et extensor digitorum
brevis (EDB) respectivement, au repos
et après divers exercices moteurs. Après
analyses statistiques dans chaque
groupe pathologique, les auteurs pro-
posent 5 tableaux électrophysiolo-
giques pouvant orienter le diagnostic
clinique. Le sous-type I, correspondant
cliniquement aux PC, se caractérise par
d’abondantes décharges myotoniques
à l’aiguille, la présence de potentiels