Coordinateur : P. Bouche
6
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
revue de presse spécialisée
résumé et analyse d’articles sélectionnés
I
NTÉRÊT DES ANTICORPS ANTI
-M
U
SK
ET LEUR CORRÉLATION CLINIQUE
Le diagnostic de myasthénie auto-
immune repose sur la notion caractéris-
tique de faiblesse musculaire fluctuante,
la présence d’anticorps antirécepteurs
de l’acétylcholine, détectée dans 80 à
90 % des cas, et la mise en évidence
d’un bloc neuromusculaire postsynap-
tique. Cependant, dans 10 à 20 % des
cas de myasthénie séronégative, ces
anticorps antirécepteurs de l’acétyl-
choline sont absents alors qu’il existe
des preuves tangibles de maladie
auto-immune (réponse aux traitements
immunosuppresseurs ou immuno-
modulateurs). Récemment, la présence
d’anticorps anti-MuSK, récepteur de la
tyrosine kinase située dans la membrane
postsynaptique (figure), a été mise en
évidence dans le sérum de 40 à 70 %
de patients présentant une myasthénie
séronégative.
Les auteurs ont étudié, de façon rétro-
spective, les caractéristiques cliniques de
38 patients présentant une myasthénie
séronégative. Parmi ces 38 patients,
13 présentaient une forme oculaire pure
et n’avaient pas d’anticorps anti-MuSK.
Les auteurs ont ensuite comparé les
caractéristiques cliniques des 25 patients
présentant une myasthénie généralisée
séronégative avec ou sans anticorps
anti-MuSK. Dix patients (40 %) ayant
une forme généralisée présentaient des
anticorps anti-MuSK. Un âge de début
des symptômes myasthéniques plus pré-
coce ainsi qu’une atteinte préférentielle
des muscles du cou et des muscles res-
piratoires étaient liés à la présence
d’anticorps anti-MuSK. En revanche,
dans le groupe avec anticorps anti-MuSK
négatifs, la faiblesse musculaire prédo-
minait plutôt aux membres. Ni la réponse
thérapeutique aux anticholinestérasiques
et aux immunosuppresseurs ni le sexe
n’étaient corrélés aux anticorps anti-
MuSK. Les anticorps anti-MuSK sont
utiles dans le diagnostic des formes
généralisées de myasthénie, confortant
le clinicien quant à son origine auto-
immune et permettant la prescription
plus aisée de traitements immunosup-
presseurs en cas de besoin…
Commentaire. La présente étude confirme
les données précédentes de la littérature
montrant l’absence dans les myasthénies
oculaires pures de ces anticorps anti-MuSK,
présents dans 40 % des formes de myasthé-
nies généralisées. L’absence des anticorps
anti-MuSK dans les formes généralisées
de myasthénie n’exclut pas le diagnostic
de myasthénie d’origine auto-immune.
S’agissant d’une étude rétrospective, il est
très difficile de conclure quant au rôle et à
l’influence des anticorps anti-MuSK sur la
Figure. La formation d’agrégats de récepteurs de l’acétylcholine (AChR) dans la membrane post-
synaptique de la jonction neuromusculaire est un événement crucial dans la synaptogenèse
mettant en jeu des signaux transmembranaires induits par l’agrine, un facteur secrété par le
nerf. Une étape importante dans la compréhension du mécanisme d’action de l’agrine a été la
découverte de MuSK, un récepteur tyrosine kinase spécifique du muscle. Après la liaison de
l’agrine sur le complexe MuSK, une cascade de réactions de phosphorylation est déclenchée,
entraînant l’aggrégation des protéines spécifiques de la plaque motrice.
Rapsyn/43k Rapsyn/43k
DG
Actine
Terminaison nerveuse
ACh
AchR
Muscle
AChE
SG
DG
Perlecan
Utrophine
MuSK
RATL
MASC
MuSK
RATL
MASC
Agrine
7
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
réponse thérapeutique des traitements
immunosuppresseurs ou de la thymectomie.
Seule une étude prospective permettrait de
répondre correctement à cette question.
Le rôle de ces anticorps anti-MuSK n’est pas
clairement élucidé, mais ils pourraient agir
en inhibant l’agrégation des récepteurs de
l’acétylcholine à la membrane postsynap-
tique. Connaissant la diversité des protéines
impliquées dans l’agrégation du récepteur
de l’acétylcholine à la membrane postsynap-
tique, il est fort probable que d’autres auto-
anticorps soient prochainement découverts
pour les formes de myasthénie séronégative
(récepteur acétylcholine et MuSK compris).
T. Stojkovic,
clinique neurologique, CHU de Lille.
Zhou, McConville J, Chaudhry V et al. Clinical compa-
rison of muscle-specific tyrosine kinase (MuSK) antibody-
positive and negative myasthenic patients. Muscle Nerve
2004;30:55-60.
P
OLYRADICULONEUROPATHIE
INFLAMMATOIRE DÉMYÉLINISANTE
CHRONIQUE DANS LES SUITES
D
UNE TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
Les polyradiculoneuropathies inflam-
matoires démyélinisantes chroniques
(PIDC) font partie des neuropathies
dysimmunes. Dans certains cas, ces
PIDC apparaissent aux cours de mala-
dies de système tels que la sarcoïdose
ou le lupus. Elles peuvent également
faire suite à des transplantations d’or-
ganes : elles ont ainsi été rapportées
au cours des greffes de moelle.
Les auteurs rapportent 2 cas de patients
présentant une polyradiculonévrite chro-
nique dans les suites d’une transplan-
tation hépatique, pratiquée chez l’un
pour une cirrhose alcoolique et chez
l’autre pour une hépatite C. Ces deux
patients ont bénéficié avant la greffe
hépatique d’un électromyogramme, qui
s’est révélé normal. Les symptômes
neurologiques de type déficit moteur
et dysesthésies sont apparus respecti-
vement 1 et 2 mois après la greffe hépa-
tique. L’installation des symptômes
s’étalait sur plus de huit semaines. Sur
les 914 patients transplantés hépa-
tiques, seuls ces 2 cas ont présenté une
PIDC attestée par l’électrophysiologie,
les données du LCR et la biopsie ner-
veuse. Les thérapeutiques immuno-
suppressives prescrites au moment de
l’installation des symptômes étaient la
ciclosporine et les corticoïdes pour le
premier cas, et le tacrolimus (FK506)
pour le deuxième cas. Un traitement par
perfusion d’immunoglobulines polyva-
lentes à la dose de 400 mg/kg/j pen-
dant 5 jours a permis une récupération
quasi complète de la symptomatologie
neurologique dans un des cas. Dans le
deuxième cas, la récupération motrice
a été partielle, n’intéressant que les
muscles proximaux, alors que le déficit
moteur et sensitif a persisté en distal.
Il n’y a pas eu de récidive de la sympto-
matologie sur un suivi de plus de un an.
Commentaire. À ce jour, seul un cas de PIDC
(remplissant les critères diagnostiques du
comité ad hoc de l’AAN) faisant suite à la
greffe hépatique a été rapporté (1). Un autre
cas de PIDC a été rapporté après transplan-
tation hépatique, mais le patient recevait du
FK506, immunosuppresseur potentiellement
mis en cause dans la genèse de cette neuro-
pathie dysimmune. Plusieurs drogues uti-
lisées chez ces deux patients, dont la ciclo-
sporine et le tacrolimus, peuvent induire une
neuropathie inflammatoire démyélinisante.
Cependant, ces deux traitements ont pu être
maintenus sans qu’il y ait d’aggravation
neurologique, rendant leur implication
dans l’étiologie de cette PIDC peu probable.
En revanche, l’hépatite C, active dans le
deuxième cas, peut être considérée comme
l’une des causes de cette PIDC, puisqu’un
cas de PIDC secondaire à l’hépatite C a déjà
été rapporté récemment (2).
TS
Echaniz-Laguna A, Battaglia F, Ellero B et al. Chronic
inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy in
patients with liver transplantation. Muscle Nerve 2004;
30:501-4.
1. Taylor BV et al. Chronic demyelinating polyneuropathy
complicating liver transplantation. Ann Neurol 1995;38:
828-31.
2. Corcia P et al. Improvement of a CIDP associated
with hepatitis C virus infection using antiviral therapy.
Neurology 2004;63:179-80.
N
EUROPATHIE PÉRIPHÉRIQUE
APRÈS CHIRURGIE DE L
OBÉSITÉ
À partir de la base de données de la
Mayo Clinic, les auteurs ont identifié
435 patients ayant bénéficié d’une chi-
rurgie de l’obésité (anneau gastrique,
dérivation gastrique, ou plus rarement
dérivation jéjuno-iléale ou pancréatico-
biliaire). Soixante et onze patients, soit
16 %, ont développé dans les suites de
cette chirurgie une neuropathie péri-
phérique, contre 3 % dans un groupe
contrôle de patients cholécystectomisés.
La plupart avait une polyneuropathie
axonale à prédominance sensitive (27/71)
et/ou une mononeuropathie (39/71),
principalement un syndrome du canal
carpien. Plus rarement (5/71), il s’agissait
d’une neuropathie radiculo-plexique
brachiale ou lombaire. Les principaux
facteurs de risque de ces neuropathies
périphériques étaient la perte de poids
rapide et importante en postopératoire
(en moyenne 43 kg en 8 mois, contre
33 kg en 19 mois pour les patients sans
neuropathie périphérique), la survenue
de complications postopératoires, avec
notamment des vomissements et/ou
une diarrhée prolongés, et l’absence
de prise en charge nutritionnelle post-
opératoire.
Commentaire. Cette étude montre que, à côté
des mononeuropathies canalaires liées à
l’amaigrissement rapide, il peut survenir une
polyneuropathie à prédominance sensitive
dans les suites d’une chirurgie de l’obésité,
quelle que soit la technique utilisée, et dans
des délais très variables (en moyenne 5 à
6ans). Bien qu’aucune déficience spécifique
n’ait été identifiée, les facteurs de risque de
cette polyneuropathie suggèrent le rôle d’un
mauvais état nutritionnel postopératoire.
Ces neuropathies devraient donc pouvoir
être prévenues par une prise en charge
postopératoire adaptée, avec notamment le
contrôle de la perte de poids et le maintien
d’un bon équilibre nutritionnel, éventuelle-
ment avec une supplémentation vitaminique.
P. Mouton, CH privé Saint-Martin, Caen.
Thaisetthawatkul P, Collazo-Clavell ML, Sarr MG et al.
A controlled study of peripheral neuropathy after bariatric
surgery. Neurology 2004;63:1462-70.
8
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
revue de presse spécialisée
résumé et analyse d’articles sélectionnés
HNPP
ÀL
ARMÉE
!
Une jeune femme de 21 ans suivait un
programme d’entraînement physique de
l’armée américaine. Dès le premier jour,
après notamment 150 pompes et une
marche avec un sac à dos de 34 kg, elle
commença à se plaindre d’un engourdis-
sement des extrémités et d’une faiblesse
des mains. Ses plaintes ne furent pas
prises en compte et elle dut continuer
cet entraînement éprouvant pendant
3semaines, malgré une gêne de plus en
plus importante. Au final, elle présentait
un déficit moteur bilatéral des membres
supérieurs, avec une atrophie musculaire
marquée des mains et de la région scapu-
laire droite, ainsi qu’une hypoesthésie
en gants et chaussettes. Une biopsie du
nerf sural montra l’aspect caractéristique
d’une neuropathie tomaculaire, et le dia-
gnostic de neuropathie héréditaire avec
hypersensibilité à la pression (HNPP)
fut confirmé par la biologie moléculaire
(délétion 17p11.2). Un an après le début
des symptômes, la patiente n’avait pas
récupéré de façon satisfaisante.
Commentaire. Les auteurs rapportent une
forme fulminante de HNPP dans des condi-
tions d’exercice physique extrêmes. Cette
observation permet de souligner d’une part
le caractère non rare de l’atteinte du plexus
brachial et d’autre part l’intérêt d’un dia-
gnostic précoce, qui permet de conseiller aux
patients d’éviter certaines activités sportives
ou professionnelles physiquement trop inten-
sives. On rappellera ici que les latences dis-
tales motrices des deux nerfs médians sont
constamment allongées dans une HNPP, et
qu’il s’agit donc d’un bon moyen électrophy-
siologique de dépistage devant une neuro-
pathie canalaire.
PM
Horowitz SH, Spollen LE, Yu W. Hereditary neuropathy
with liability to pressure palsy: fulminant development with
axonal loss during military training. J Neurol Neurosurg
Psychiatry 2004;75:1629-31.
L
APERTE AXONALE CONTROLATÉRALE
ÀLALÉSION
Les auteurs de cette étude ont mesuré
la densité d’innervation cutanée de la
patte du rat, du côté ipsi- et controla-
téral à une section proximale des nerfs
péronier commun et tibial gauches, sous
l’émergence du nerf sural. Les rats ont
été euthanasiés après un délai post-
lésionnel de 1 jour à 5 mois. La densité
des axones épidermiques a été évaluée
par la technique d’immuno-marquage
PGP 9.5, appliquée à des biopsies cuta-
nées. La densité axonale dans le territoire
tibial a chuté bilatéralement, de façon
dramatique et immédiate, du côté ipsi-
latéral à la lésion nerveuse (– 97 % au
1er jour postlésionnel, par rapport à des
valeurs établies préalablement chez des
rats contrôles), et de manière plus modé-
rée et retardée du côté controlatéral
(– 54 % entre la 1re semaine et le 5emois
postlésionnels). Dans la discussion, les
auteurs privilégient l’hypothèse du pas-
sage d’un signal à médiation nerveuse
entre neurones homologues plutôt que
celle d’un mécanisme systémique. Cinq
mois après la section chirurgicale, une
réduction de la perte axonale uniquement
du côté ipsilatéral (– 85 % par rapport
aux valeurs contrôles) est constatée, et
attribuée à un processus de réinnerva-
tion à partir du territoire sain adjacent.
En effet, à ce même moment, dans le
territoire du nerf sural ipsilatéral, la
densité axonale augmente (161 %).
Commentaire. Pour juger de l’importance de
la perte axonale d’une lésion nerveuse tron-
culaire ou radiculaire unilatérale, l’électro-
neuromyographiste a fréquemment recours
à l’exploration du membre asymptomatique
controlatéral. Les résultats de cette étude,
bien que celle-ci soit consacrée à l’innerva-
tion cutanée distale, devraient nous inciter
à une certaine prudence dans l’interpréta-
tion de ces mesures comparatives.
F.C. Wang, service de médecine physique, CHU de Liège.
Oaklander AL, Brown JM. Unilateral nerve injury produces
bilateral loss of distal innervation. Ann Neurol 2004;55:639-44.
U
NNOUVEAU SOUS
-
GROUPE
DANS LES POLYRADICULONÉVRITES
CHRONIQUES
:
LES
“CISP”
Les causes de neuropathies ataxiantes
chroniques ne sont pas nombreuses.
L’ENMG permet le plus souvent de typer
la neuropathie et d’orienter la recherche
étiologique : polyneuropathie axonale
distale (déficit ou excès vitaminique,
ataxie spinocérébelleuse, etc.), gan-
glionopathie (paranéoplasique, syn-
drome de Goujerot-Sjögren, toxique,
etc.) ou polyradiculonévrite démyélini-
sante (CIDP).
L’équipe neurologique de la Mayo Clinic
a repris sur 12 ans les patients avec une
ataxie chronique et a individualisé 15 cas
(sur 981) particuliers sur la base d’un
déficit sensitif pur, d’un EMG dans les
limites de la normale et d’arguments
en faveur d’une atteinte proximale sen-
sitive démyélinisante ou inflammatoire
sur les PES, l’IRM ou l’analyse du LCR.
Ces 15 patients (5 femmes et 10 hommes)
avaient un âge moyen au diagnostic de
63 ans (30 à 78 ans). L’ataxie était le
symptôme principal dans tous les cas,
avec des chutes fréquentes dans 9 cas
sur 15. Dans 7 cas sur 15, des troubles
proprioceptifs étaient notés aux membres
supérieurs (MS) ; ces patients avaient
tous des paresthésies (7/15 également
aux MS) et souvent des douleurs, même
si ce n’était pas la plainte principale.
Un début asymétrique ou subaigu était
possible. L’évolution était toujours
chronique, sans amélioration sponta-
née, avec une durée moyenne de 5 ans
(3 mois à 18 ans). Il y avait presque tou-
jours une aréflexie généralisée (14/15),
et jamais de déficit moteur. Une hyper-
protéinorachie était notée dans 13 cas
sur 15 (autour de 0,8 g/l, maximum
1,6 g/l). L’EMG était toujours dans les
limites de la normale : aucun signe
de démyélinisation sur la conduction
motrice, et des potentiels sensitifs, en
particulier aux membres inférieurs (MI),
à la limite inférieure de la normale. Les
PES, en revanche, montraient des ralen-
tissement ou blocs proximaux périphé-
riques aux MI (12/15) et/ou aux MS
(10/15). L’IRM des racines montrait des
racines lombaires hypertrophiques voire
avec prise de contraste dans 5 cas sur 15.
Le bilan biologique et immunologique
était négatif. Aucun anticorps n’a été
mis en évidence, en particulier anti-
9
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
gangliosides (Gq1b ou GD1b). Deux
biopsies distales de nerf sural se sont
avérées normales. En revanche, 3 biop-
sies chirurgicales de racines nerveuses
postérieures lombaires ont été réalisées.
L’étude anatomo-pathologique a pu
mettre en évidence une perte en fibres
myélinisées, sur les fibres de grand dia-
mètre uniquement, des images de démyé-
linisation ou de remyélinisation (bulbes
d’oignons, démyélinisations segmen-
taires sur le teasing) avec quelques
macrophages au contact. Seuls 6 patients
ont été traités (4 avec IgIV et 2 avec
IgIV et corticoïdes). Des améliorations
significatives sur la marche, les chutes
et l’autonomie ont été observées dans
tous les cas, parfois de façon specta-
culaire et rapide (en 5-6 semaines ou en
3-4 mois), même lorsque les symptômes
duraient depuis plusieurs années.
Commentaire. Il s’agit d’une étude très
intéressante. Ces formes sont probablement
assez rares, mais il est toutefois important
de les individualiser et de les diagnostiquer
compte tenu des conséquences thérapeu-
tiques. Les auteurs en font un nouveau sous-
groupe du spectre déjà large des CIDP et
proposent un nouvel acronyme : “CISP”. On
sait depuis la description initiale des CIDP
que, par définition, l’atteinte inflammatoire
et démyélinisante peut être aléatoire. Ces
dernières années, des formes distales ou
multifocales (syndrome de Lewis-Sumner) et
des formes très motrices ou sensitives ont
été individualisées. Il s’agit, dans cet article,
de formes où le processus ne touche que les
voies sensitives, et de façon très proximale
(soit radiculaires soit postganglionnaires
mais sans perte axonale secondaire impor-
tante). Ces formes sont particulièrement
difficiles à diagnostiquer, car l’ENMG ne
montre pas d’anomalie, en particulier sur
la conduction motrice (critères habituels de
CIDP). Nous émettrons toutefois ici notre
principale critique concernant cet article, car
ce message est à nuancer. Il n’y a en effet
aucun renseignement concernant l’étude des
ondes F chez ces patients, et les valeurs des
potentiels sensitifs sont plus que limites, sou-
vent un peu basses (confirmées d’ailleurs par
la perte sur les biopsies en fibres de grand
calibre). Mais c’est la discordance entre ces
valeurs non effondrées et l’importance des
troubles sensitifs qui doit effectivement faire
penser à rechercher en PES des anomalies
proximales. Heureusement, le diagnostic est
aussi fortement suspecté sur l’hyperprotéi-
norachie. Une PL doit donc être effectuée
devant toute ataxie sensitive, même avec
un EMG normal ou “axonal”. Les biopsies
de racines nerveuses semblent difficilement
réalisables en France, et ne sont pas indis-
pensables au diagnostic. L’IRM attentive des
racines lombaires semble par contre utile.
La place de la biopsie de nerf sensitif distal
reste à discuter dans ces formes. Elle pourrait
être proposée en cas de suspicion clinique
et si le LCR, les PES ou l’IRM ne permettent
pas de confirmer le diagnostic. Compte tenu
de la réponse thérapeutique parfois specta-
culaire, ces cas sont très importants à recher-
cher. Il faut noter que cette réponse théra-
peutique, malgré la durée parfois prolongée
des symptômes, s’explique par l’absence de
perte axonale secondaire importante. Des
cas comparables mais avec une perte axo-
nale secondaire sévère existent peut-être
sous forme de “polyneuropathie axonale
chronique”, mais ils ne répondraient sûre-
ment pas aussi bien aux thérapeutiques
immunomodulatrices…
T. Maisonobe,
service d’explorations fonctionnelles neurologiques,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Sinnreich M, Klein CJ, Daube JR et al. Chronic immune
sensory polyradiculopathy: a possible treatable sensory
ataxia. Neurology 2004;63:1662-9.
G
UIDE POUR L
EXPLORATION ÉLECTRO
-
PHYSIOLOGIQUE DES MYOPATHIES
AU COURS DES CHANNELOPATHIES
Saluons ce brillant travail d’E. Fournier,
épaulé par B. Fontaine et leurs colla-
borateurs, sur les désordres muscu-
laires dystoniques associés ou non à des
paralysies. L’intervention des canaux
dans la régulation ionique transmem-
branaire n’est plus à démontrer, que ce
soit pour l’excitabilité membranaire, la
contraction musculaire, la stabilisation
du potentiel d’action ou la repolarisa-
tion après exercice. On sait à présent
que certaines mutations du gène codant
pour les canaux ioniques voltage-dépen-
dants de type chlore (CLCN1) donnent des
tableaux cliniques de myotonie congé-
nitale (MC), alors que des mutations du
gène codant pour les canaux sodium
(SCN4A) donnent les paralysies pério-
diques (PP) hyperkaliémiques (hyperPP),
quelques phénotypes de PP hypokalié-
miques (hypoPP-2, qui représentent 10 %
des cas de PP hypokaliémiques), des
paramyotonies congénitales (PC) et des
myotonies aggravées par le potassium
(MAP). Les mutations du gène codant
pour les canaux calcium (CACNA1S)
entrent quant à elles dans la physiopa-
thologie de 70 % des PP hypokalié-
miques (hypoPP-1). Comme le rappellent
les auteurs, une baisse significative de
l’amplitude motrice après un long exer-
cice est reconnue chez 70 à 80 % des
patients souffrant de PP et dans res-
pectivement 17 % et 33 % des cas de
MC et de PC. Parfois, les exercices mus-
culaires brefs donnent d’inattendus
accès de parésies au cours de syn-
dromes myotoniques, alors que les
exercices répétés améliorent la force
musculaire dans la MC mais pas dans
les PC. Pour la première fois, sur une
très large cohorte de 51 patients, dont
24 cas de syndromes myotoniques,
21 cas de paralysies périodiques et
6patients avec des tableaux intermé-
diaires, et de 41 témoins, cette équipe a
étudié de façon méthodique le muscle en
EMG (à l’aiguille), le potentiel moteur par
recueil par électrodes cutanées après
stimulation supramaximale, et la trans-
mission neuromusculaire par stimula-
tion répétitive (3 Hz, 10 stimuli) des
nerfs ulnaire et tibial antérieur droit et
gauche sur les muscles abdutor digiti
minimi (ADM) et extensor digitorum
brevis (EDB) respectivement, au repos
et après divers exercices moteurs. Après
analyses statistiques dans chaque
groupe pathologique, les auteurs pro-
posent 5 tableaux électrophysiolo-
giques pouvant orienter le diagnostic
clinique. Le sous-type I, correspondant
cliniquement aux PC, se caractérise par
d’abondantes décharges myotoniques
à l’aiguille, la présence de potentiels
10
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
revue de presse spécialisée
résumé et analyse d’articles sélectionnés
myotoniques postexercices (PEMP), ainsi
qu’une diminution ou une augmenta-
tion de l’amplitude motrice après le
premier exercice bref (10 à 12 secondes),
cette même amplitude diminuant pro-
gressivement après les deuxième et
troisième exercices brefs (idem à 1 mn
d’intervalle) ainsi qu’immédiatement ou
longtemps après l’exercice de 5 minutes.
La sensibilité de ce groupe I est de
100 %. Le sous-type II, sensible à 83 %,
regroupe d’abondantes décharges myo-
toniques à l’aiguille, la présence ou
non de PEMP, une diminution transi-
toire de l’amplitude motrice après le
premier exercice bref et une absence de
modification après les deuxième et troi-
sième exercices brefs ainsi qu’immédia-
tement ou longtemps après l’exercice
de 5 minutes. Ce tableau correspond
cliniquement à la MC. Le sous-type III
correspondrait à d’autres formes de
myotonie, avec d’abondantes décharges
myotoniques à l’aiguille, sans PEMP ni
aucune modification du potentiel quel
que soit le type d’exercice. La sensibi-
lité ne serait que de 63 %. Les hyperPP
relèveraient du sous-type IV, avec une
bonne sensibilité (83 %), sans décharge
myotonique ni PEMP, une augmenta-
tion de l’amplitude motrice après le
premier exercice bref, celle-ci augmen-
tant également progressivement après
les deuxième et troisième exercices
brefs ainsi qu’immédiatement après
l’exercice long alors qu’elle décroît à
distance de l’effort de 5 minutes. Enfin,
le sous-type V, tout aussi sensible et
correspondant aux hypoPP-1, ne pré-
sente qu’une diminution de l’amplitude
à distance de l’effort de 5 minutes.
Commentaire. Cette minutieuse étude est
très détaillée, d’une lecture pas toujours
facile mais heureusement enrichie de figures
de potentiels explicites et d’un tableau
récapitulatif fort utile. La méthodologie est
simple et aisément reproductible, ce qui
va rapidement faire de ce travail LE travail
électrophysiologique de référence. Il pourra
guider le clinicien dans l’orientation dia-
gnostique avant le recours à la génétique
et aidera certainement à mieux comprendre
encore les mécanismes physiopatholo-
giques membranaires de la contraction
musculaire.
N. Le Forestier,
Fédération des maladies du système nerveux,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Fournier E, Arzel M, Sternberg D et al. Electromyo-
graphy guides toward subgroups of mutations in muscle
channelopathies. Ann Neurol 2004;56:650-61.
L
ES POLYNEUROPATHIES SENSITIVES
CHRONIQUES PEUVENT ÊTRE DES
PRN
CHRONIQUES
Les auteurs soulignent le cas de patients
présentant une polyneuropathie sensi-
tive chronique dite cryptogénique et
qui se révèlent porteurs d’une neuro-
pathie démyélinisante inflammatoire
chronique. Ils rapportent ainsi le cas de
8patients qui présentaient une poly-
neuropathie chronique sensitive, dont
l’examen électrophysiologique montrait
une neuropathie axonale, et chez qui
la biopsie nerveuse redressait le dia-
gnostic et pouvait apporter les argu-
ments en faveur d’une neuropathie
démyélinisante. Tous avaient des pares-
thésies des pieds puis des mains, cer-
tains une ataxie et des douleurs. La
durée des symptômes avant diagnostic
allait de 18 mois à 10 ans. Les grosses
fibres myélinisées étaient préférentiel-
lement atteintes. Les réflexes tendi-
neux étaient absents ou diminués aux
membres inférieurs. Il n’est pas fait
état de résultats de l’examen du LCR.
Le bilan ne révélait pas de maladie
générale, sauf un cas de myélome !
L’étude ENMG était donc en faveur
d’une atteinte axonale chronique, mais
dans 3 cas sur 8 l’étude des ondes F
n’a pas été faite. Plusieurs patients pré-
sentaient des signes de dénervation
active ou chronique dans les membres
inférieurs. C’est ainsi la biopsie ner-
veuse (étude en fibres dissociées ou
teasing) qui montrait la présence de
démyélinisation dans tous les cas.
Quatre patients reçurent des IgIV et ont
présenté des signes d’amélioration.
Commentaire. Les polyradiculonévrites
inflammatoires chroniques peuvent se pré-
senter sous la forme d’une neuropathie sensi-
tive pure (environ 10 % des cas) ; mais, dans
la majorité des cas, l’étude ENMG confirme
la nature démyélinisante de la neuropathie
par la présence de critères en accord avec
une démyélinisation, comme la présence
de blocs de conduction, de dispersion tem-
porelle et d’allongement significatif des
latences des ondes F sur les fibres motrices.
Les formes dites sensitives pures sans alté-
ration ENMG sont très rares, et le diagnos-
tic peut être alors apporté par l’étude des
biopsies de nerf. Généralement, cela s’avère
être de réalisation difficile car cela demande
des laboratoires entraînés. Dans la pratique,
lorsqu’il y a un doute raisonnable – petite
hyperprotéinorachie, quelques anomalies
de l’examen ENMG en faveur d’une démyé-
linisation, même si les critères ne sont pas
réunis –, un traitement à visée immuno-
modulatrice (corticoïdes, IgIV) doit être
entrepris. Il faut aussi noter que, dans ces
formes sensitives pures, l’étude des poten-
tiels évoqués somesthésiques peut être d’une
grande utilité en montrant des altérations
proximales sur les racines sensitives.
P. Bouche,
service d’explorations fonctionnelles neurologiques,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Chin RL, Latov N, Sander HW et al. Sensory CIDP
presenting as cryptogenic sensory polyneuropathy.
J Peripher Nerv Syst 2004;9:132-7.
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !