revue de presse spécialisée résumé et a n a ly s e d’articles sélectionnés ■ Coordinateur : P. Bouche INTÉRÊT DES ANTICORPS ANTI-MUSK ET LEUR CORRÉLATION CLINIQUE Le diagnostic de myasthénie autoimmune repose sur la notion caractéristique de faiblesse musculaire fluctuante, la présence d’anticorps antirécepteurs de l’acétylcholine, détectée dans 80 à 90 % des cas, et la mise en évidence d’un bloc neuromusculaire postsynaptique. Cependant, dans 10 à 20 % des cas de myasthénie séronégative, ces anticorps antirécepteurs de l’acétylcholine sont absents alors qu’il existe d e s p r e u ve s t a n g i b l e s d e m a l a d i e auto-immune (réponse aux traitements i m m u n o s u p p re s s e u r s o u i m m u n o modulateurs). Récemment, la présence Terminaison nerveuse Agrine AChE ACh Perlecan AchR MuSK MASC Rapsyn/43k DG RATL MuSK SG Rapsyn/43k DG MASC RATL Utrophine Actine Muscle Figure. La formation d’agrégats de récepteurs de l’acétylcholine (AChR) dans la membrane postsynaptique de la jonction neuromusculaire est un événement crucial dans la synaptogenèse mettant en jeu des signaux transmembranaires induits par l’agrine, un facteur secrété par le nerf. Une étape importante dans la compréhension du mécanisme d’action de l’agrine a été la découverte de MuSK, un récepteur tyrosine kinase spécifique du muscle. Après la liaison de l’agrine sur le complexe MuSK, une cascade de réactions de phosphorylation est déclenchée, entraînant l’aggrégation des protéines spécifiques de la plaque motrice. 6 d’anticorps anti-MuSK, récepteur de la tyrosine kinase située dans la membrane postsynaptique (figure), a été mise en évidence dans le sérum de 40 à 70 % de patients présentant une myasthénie séronégative. Les auteurs ont étudié, de façon rétrospective, les caractéristiques cliniques de 38 patients présentant une myasthénie séronégative. Parmi ces 38 patients, 13 présentaient une forme oculaire pure et n’avaient pas d’anticorps anti-MuSK. Les auteurs ont ensuite comparé les caractéristiques cliniques des 25 patients présentant une myasthénie généralisée séronégative avec ou sans anticorps anti-MuSK. Dix patients (40 %) ayant une forme généralisée présentaient des anticorps anti-MuSK. Un âge de début des symptômes myasthéniques plus précoce ainsi qu’une atteinte préférentielle des muscles du cou et des muscles respiratoires étaient liés à la présence d’anticorps anti-MuSK. En revanche, dans le groupe avec anticorps anti-MuSK négatifs, la faiblesse musculaire prédominait plutôt aux membres. Ni la réponse thérapeutique aux anticholinestérasiques et aux immunosuppresseurs ni le sexe n’étaient corrélés aux anticorps antiMuSK. Les anticorps anti-MuSK sont utiles dans le diagnostic des formes généralisées de myasthénie, confortant le clinicien quant à son origine autoimmune et permettant la prescription plus aisée de traitements immunosuppresseurs en cas de besoin… Commentaire. La présente étude confirme les données précédentes de la littérature montrant l’absence dans les myasthénies oculaires pures de ces anticorps anti-MuSK, présents dans 40 % des formes de myasthénies généralisées. L’absence des anticorps anti-MuSK dans les formes généralisées de myasthénie n’exclut pas le diagnostic de myasthénie d’origine auto-immune. S’agissant d’une étude rétrospective, il est très difficile de conclure quant au rôle et à l’influence des anticorps anti-MuSK sur la Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005 réponse thérapeutique des traitements immunosuppresseurs ou de la thymectomie. Seule une étude prospective permettrait de répondre correctement à cette question. Le rôle de ces anticorps anti-MuSK n’est pas clairement élucidé, mais ils pourraient agir en inhibant l’agrégation des récepteurs de l’acétylcholine à la membrane postsynaptique. Connaissant la diversité des protéines impliquées dans l’agrégation du récepteur de l’acétylcholine à la membrane postsynaptique, il est fort probable que d’autres autoanticorps soient prochainement découverts pour les formes de myasthénie séronégative (récepteur acétylcholine et MuSK compris). T. Stojkovic, clinique neurologique, CHU de Lille. ❏ Zhou, McConville J, Chaudhry V et al. Clinical compa- rison of muscle-specific tyrosine kinase (MuSK) antibodypositive and negative myasthenic patients. Muscle Nerve 2004;30:55-60. POLYRADICULONEUROPATHIE INFLAMMATOIRE DÉMYÉLINISANTE CHRONIQUE DANS LES SUITES D’UNE TRANSPLANTATION HÉPATIQUE Les polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC) font partie des neuropathies dysimmunes. Dans certains cas, ces PIDC apparaissent aux cours de maladies de système tels que la sarcoïdose ou le lupus. Elles peuvent également faire suite à des transplantations d’organes : elles ont ainsi été rapportées au cours des greffes de moelle. Les auteurs rapportent 2 cas de patients présentant une polyradiculonévrite chronique dans les suites d’une transplantation hépatique, pratiquée chez l’un pour une cirrhose alcoolique et chez l’autre pour une hépatite C. Ces deux patients ont bénéficié avant la greffe hépatique d’un électromyogramme, qui s’est révélé normal. Les symptômes neurologiques de type déficit moteur et dysesthésies sont apparus respectivement 1 et 2 mois après la greffe hépatique. L’installation des symptômes s’étalait sur plus de huit semaines. Sur les 914 patients transplantés hépatiques, seuls ces 2 cas ont présenté une PIDC attestée par l’électrophysiologie, les données du LCR et la biopsie nerveuse. Les thérapeutiques immunosuppressives prescrites au moment de l’installation des symptômes étaient la ciclosporine et les corticoïdes pour le premier cas, et le tacrolimus (FK506) pour le deuxième cas. Un traitement par perfusion d’immunoglobulines polyvalentes à la dose de 400 mg/kg/j pendant 5 jours a permis une récupération quasi complète de la symptomatologie neurologique dans un des cas. Dans le deuxième cas, la récupération motrice a été partielle, n’intéressant que les muscles proximaux, alors que le déficit moteur et sensitif a persisté en distal. Il n’y a pas eu de récidive de la symptomatologie sur un suivi de plus de un an. Commentaire. À ce jour, seul un cas de PIDC (remplissant les critères diagnostiques du comité ad hoc de l’AAN) faisant suite à la greffe hépatique a été rapporté (1). Un autre cas de PIDC a été rapporté après transplantation hépatique, mais le patient recevait du FK506, immunosuppresseur potentiellement mis en cause dans la genèse de cette neuropathie dysimmune. Plusieurs drogues utilisées chez ces deux patients, dont la ciclosporine et le tacrolimus, peuvent induire une neuropathie inflammatoire démyélinisante. Cependant, ces deux traitements ont pu être maintenus sans qu’il y ait d’aggravation neurologique, rendant leur implication dans l’étiologie de cette PIDC peu probable. En revanche, l’hépatite C, active dans le deuxième cas, peut être considérée comme l’une des causes de cette PIDC, puisqu’un cas de PIDC secondaire à l’hépatite C a déjà été rapporté récemment (2). TS ❏ Echaniz-Laguna A, Battaglia F, Ellero B et al. Chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy in patients with liver transplantation. Muscle Nerve 2004; 30:501-4. 1. Taylor BV et al. Chronic demyelinating polyneuropathy complicating liver transplantation. Ann Neurol 1995;38: 828-31. NEUROPATHIE PÉRIPHÉRIQUE APRÈS CHIRURGIE DE L’OBÉSITÉ À partir de la base de données de la Mayo Clinic, les auteurs ont identifié 435 patients ayant bénéficié d’une chirurgie de l’obésité (anneau gastrique, dérivation gastrique, ou plus rarement dérivation jéjuno-iléale ou pancréaticobiliaire). Soixante et onze patients, soit 16 %, ont développé dans les suites de cette chirurgie une neuropathie périphérique, contre 3 % dans un groupe contrôle de patients cholécystectomisés. La plupart avait une polyneuropathie axonale à prédominance sensitive (27/71) et/ou une mononeuropathie (39/71), principalement un syndrome du canal carpien. Plus rarement (5/71), il s’agissait d’une neuropathie radiculo-plexique brachiale ou lombaire. Les principaux facteurs de risque de ces neuropathies périphériques étaient la perte de poids rapide et importante en postopératoire (en moyenne 43 kg en 8 mois, contre 33 kg en 19 mois pour les patients sans neuropathie périphérique), la survenue de complications postopératoires, avec notamment des vomissements et/ou une diarrhée prolongés, et l’absence de prise en charge nutritionnelle postopératoire. Commentaire. Cette étude montre que, à côté des mononeuropathies canalaires liées à l’amaigrissement rapide, il peut survenir une polyneuropathie à prédominance sensitive dans les suites d’une chirurgie de l’obésité, quelle que soit la technique utilisée, et dans des délais très variables (en moyenne 5 à 6 ans). Bien qu’aucune déficience spécifique n’ait été identifiée, les facteurs de risque de cette polyneuropathie suggèrent le rôle d’un mauvais état nutritionnel postopératoire. Ces neuropathies devraient donc pouvoir être prévenues par une prise en charge postopératoire adaptée, avec notamment le contrôle de la perte de poids et le maintien d’un bon équilibre nutritionnel, éventuellement avec une supplémentation vitaminique. P. Mouton, CH privé Saint-Martin, Caen. 2. Corcia P et al. Improvement of a CIDP associated ❏ Thaisetthawatkul P, Collazo-Clavell ML, Sarr MG et al. with hepatitis C virus infection using antiviral therapy. Neurology 2004;63:179-80. A controlled study of peripheral neuropathy after bariatric surgery. Neurology 2004;63:1462-70. Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005 7 revue de presse spécialisée résumé HNPP À L’ARMÉE ! et a n a ly s e d’articles Une jeune femme de 21 ans suivait un programme d’entraînement physique de l’armée américaine. Dès le premier jour, après notamment 150 pompes et une marche avec un sac à dos de 34 kg, elle commença à se plaindre d’un engourdissement des extrémités et d’une faiblesse des mains. Ses plaintes ne furent pas prises en compte et elle dut continuer cet entraînement éprouvant pendant 3 semaines, malgré une gêne de plus en plus importante. Au final, elle présentait un déficit moteur bilatéral des membres supérieurs, avec une atrophie musculaire marquée des mains et de la région scapulaire droite, ainsi qu’une hypoesthésie en gants et chaussettes. Une biopsie du nerf sural montra l’aspect caractéristique d’une neuropathie tomaculaire, et le diagnostic de neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la pression (HNPP) fut confirmé par la biologie moléculaire (délétion 17p11.2). Un an après le début des symptômes, la patiente n’avait pas récupéré de façon satisfaisante. Commentaire. Les auteurs rapportent une forme fulminante de HNPP dans des conditions d’exercice physique extrêmes. Cette observation permet de souligner d’une part le caractère non rare de l’atteinte du plexus brachial et d’autre part l’intérêt d’un diagnostic précoce, qui permet de conseiller aux patients d’éviter certaines activités sportives ou professionnelles physiquement trop intensives. On rappellera ici que les latences distales motrices des deux nerfs médians sont constamment allongées dans une HNPP, et qu’il s’agit donc d’un bon moyen électrophysiologique de dépistage devant une neuropathie canalaire. patte du rat, du côté ipsi- et controlatéral à une section proximale des nerfs péronier commun et tibial gauches, sous l’émergence du nerf sural. Les rats ont été euthanasiés après un délai postlésionnel de 1 jour à 5 mois. La densité des axones épidermiques a été évaluée par la technique d’immuno-marquage PGP 9.5, appliquée à des biopsies cutanées. La densité axonale dans le territoire tibial a chuté bilatéralement, de façon dramatique et immédiate, du côté ipsilatéral à la lésion nerveuse (– 97 % au 1 er jour postlésionnel, par rapport à des valeurs établies préalablement chez des rats contrôles), et de manière plus modérée et retardée du côté controlatéral (– 54 % entre la 1re semaine et le 5e mois postlésionnels). Dans la discussion, les auteurs privilégient l’hypothèse du passage d’un signal à médiation nerveuse entre neurones homologues plutôt que celle d’un mécanisme systémique. Cinq mois après la section chirurgicale, une réduction de la perte axonale uniquement du côté ipsilatéral (– 85 % par rapport aux valeurs contrôles) est constatée, et attribuée à un processus de réinnervation à partir du territoire sain adjacent. En effet, à ce même moment, dans le territoire du nerf sural ipsilatéral, la densité axonale augmente (161 %). Commentaire. Pour juger de l’importance de la perte axonale d’une lésion nerveuse tronculaire ou radiculaire unilatérale, l’électroneuromyographiste a fréquemment recours à l’exploration du membre asymptomatique controlatéral. Les résultats de cette étude, bien que celle-ci soit consacrée à l’innervation cutanée distale, devraient nous inciter à une certaine prudence dans l’interprétation de ces mesures comparatives. PM F.C. Wang, service de médecine physique, CHU de Liège. ❏ Horowitz SH, Spollen LE, Yu W. Hereditary neuropathy with liability to pressure palsy: fulminant development with axonal loss during military training. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2004;75:1629-31. ❏ Oaklander AL, Brown JM. Unilateral nerve injury produces bilateral loss of distal innervation. Ann Neurol 2004;55:639-44. À LA LÉSION UN NOUVEAU SOUS-GROUPE DANS LES POLYRADICULONÉVRITES CHRONIQUES : LES “CISP” Les auteurs de cette étude ont mesuré la densité d’innervation cutanée de la Les causes de neuropathies ataxiantes chroniques ne sont pas nombreuses. LA PERTE AXONALE CONTROLATÉRALE 8 sélectionnés L’ENMG permet le plus souvent de typer la neuropathie et d’orienter la recherche étiologique : polyneuropathie axonale distale (déficit ou excès vitaminique, ataxie spinocérébelleuse, etc.), ganglionopathie (paranéoplasique, syndrome de Goujerot-Sjögren, toxique, etc.) ou polyradiculonévrite démyélinisante (CIDP). L’équipe neurologique de la Mayo Clinic a repris sur 12 ans les patients avec une ataxie chronique et a individualisé 15 cas (sur 981) particuliers sur la base d’un déficit sensitif pur, d’un EMG dans les limites de la normale et d’arguments en faveur d’une atteinte proximale sensitive démyélinisante ou inflammatoire sur les PES, l’IRM ou l’analyse du LCR. Ces 15 patients (5 femmes et 10 hommes) avaient un âge moyen au diagnostic de 63 ans (30 à 78 ans). L’ataxie était le symptôme principal dans tous les cas, avec des chutes fréquentes dans 9 cas sur 15. Dans 7 cas sur 15, des troubles proprioceptifs étaient notés aux membres supérieurs (MS) ; ces patients avaient tous des paresthésies (7/15 également aux MS) et souvent des douleurs, même si ce n’était pas la plainte principale. Un début asymétrique ou subaigu était possible. L’évolution était toujours chronique, sans amélioration spontanée, avec une durée moyenne de 5 ans (3 mois à 18 ans). Il y avait presque toujours une aréflexie généralisée (14/15), et jamais de déficit moteur. Une hyperprotéinorachie était notée dans 13 cas sur 15 (autour de 0,8 g/l, maximum 1,6 g/l). L’EMG était toujours dans les limites de la normale : aucun signe de démyélinisation sur la conduction motrice, et des potentiels sensitifs, en particulier aux membres inférieurs (MI), à la limite inférieure de la normale. Les PES, en revanche, montraient des ralentissement ou blocs proximaux périphériques aux MI (12/15) et/ou aux MS (10/15). L’IRM des racines montrait des racines lombaires hypertrophiques voire avec prise de contraste dans 5 cas sur 15. Le bilan biologique et immunologique était négatif. Aucun anticorps n’a été mis en évidence, en particulier anti- Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005 gangliosides (Gq1b ou GD1b). Deux biopsies distales de nerf sural se sont avérées normales. En revanche, 3 biopsies chirurgicales de racines nerveuses postérieures lombaires ont été réalisées. L’étude anatomo-pathologique a pu mettre en évidence une perte en fibres myélinisées, sur les fibres de grand diamètre uniquement, des images de démyélinisation ou de remyélinisation (bulbes d’oignons, démyélinisations segmentaires sur le teasing) avec quelques macrophages au contact. Seuls 6 patients ont été traités (4 avec IgIV et 2 avec IgIV et corticoïdes). Des améliorations significatives sur la marche, les chutes et l’autonomie ont été observées dans tous les cas, parfois de façon spectaculaire et rapide (en 5-6 semaines ou en 3-4 mois), même lorsque les symptômes duraient depuis plusieurs années. Commentaire. Il s’agit d’une étude très intéressante. Ces formes sont probablement assez rares, mais il est toutefois important de les individualiser et de les diagnostiquer compte tenu des conséquences thérapeutiques. Les auteurs en font un nouveau sousgroupe du spectre déjà large des CIDP et proposent un nouvel acronyme : “CISP”. On sait depuis la description initiale des CIDP que, par définition, l’atteinte inflammatoire et démyélinisante peut être aléatoire. Ces dernières années, des formes distales ou multifocales (syndrome de Lewis-Sumner) et des formes très motrices ou sensitives ont été individualisées. Il s’agit, dans cet article, de formes où le processus ne touche que les voies sensitives, et de façon très proximale (soit radiculaires soit postganglionnaires mais sans perte axonale secondaire importante). Ces formes sont particulièrement difficiles à diagnostiquer, car l’ENMG ne montre pas d’anomalie, en particulier sur la conduction motrice (critères habituels de CIDP). Nous émettrons toutefois ici notre principale critique concernant cet article, car ce message est à nuancer. Il n’y a en effet aucun renseignement concernant l’étude des ondes F chez ces patients, et les valeurs des potentiels sensitifs sont plus que limites, souvent un peu basses (confirmées d’ailleurs par la perte sur les biopsies en fibres de grand calibre). Mais c’est la discordance entre ces valeurs non effondrées et l’importance des troubles sensitifs qui doit effectivement faire penser à rechercher en PES des anomalies proximales. Heureusement, le diagnostic est aussi fortement suspecté sur l’hyperprotéinorachie. Une PL doit donc être effectuée devant toute ataxie sensitive, même avec un EMG normal ou “axonal”. Les biopsies de racines nerveuses semblent difficilement réalisables en France, et ne sont pas indispensables au diagnostic. L’IRM attentive des racines lombaires semble par contre utile. La place de la biopsie de nerf sensitif distal reste à discuter dans ces formes. Elle pourrait être proposée en cas de suspicion clinique et si le LCR, les PES ou l’IRM ne permettent pas de confirmer le diagnostic. Compte tenu de la réponse thérapeutique parfois spectaculaire, ces cas sont très importants à rechercher. Il faut noter que cette réponse thérapeutique, malgré la durée parfois prolongée des symptômes, s’explique par l’absence de perte axonale secondaire importante. Des cas comparables mais avec une perte axonale secondaire sévère existent peut-être sous forme de “polyneuropathie axonale chronique”, mais ils ne répondraient sûrement pas aussi bien aux thérapeutiques immunomodulatrices… T. Maisonobe, service d’explorations fonctionnelles neurologiques, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. ❏ Sinnreich M, Klein CJ, Daube JR et al. Chronic immune sensory polyradiculopathy: a possible treatable sensory ataxia. Neurology 2004;63:1662-9. GUIDE POUR L’EXPLORATION ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE DES MYOPATHIES AU COURS DES CHANNELOPATHIES Saluons ce brillant travail d’E. Fournier, épaulé par B. Fontaine et leurs collaborateurs, sur les désordres musculaires dystoniques associés ou non à des paralysies. L’intervention des canaux dans la régulation ionique transmembranaire n’est plus à démontrer, que ce soit pour l’excitabilité membranaire, la contraction musculaire, la stabilisation du potentiel d’action ou la repolarisation après exercice. On sait à présent que certaines mutations du gène codant Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005 pour les canaux ioniques voltage-dépendants de type chlore (CLCN1) donnent des tableaux cliniques de myotonie congénitale (MC), alors que des mutations du gène codant pour les canaux sodium (SCN4A) donnent les paralysies périodiques (PP) hyperkaliémiques (hyperPP), quelques phénotypes de PP hypokaliémiques (hypoPP-2, qui représentent 10 % des cas de PP hypokaliémiques), des paramyotonies congénitales (PC) et des myotonies aggravées par le potassium (MAP). Les mutations du gène codant pour les canaux calcium (CACNA1S) entrent quant à elles dans la physiopathologie de 70 % des PP hypokaliémiques (hypoPP-1). Comme le rappellent les auteurs, une baisse significative de l’amplitude motrice après un long exercice est reconnue chez 70 à 80 % des patients souffrant de PP et dans respectivement 17 % et 33 % des cas de MC et de PC. Parfois, les exercices musculaires brefs donnent d’inattendus accès de parésies au cours de syndromes myotoniques, alors que les exercices répétés améliorent la force musculaire dans la MC mais pas dans les PC. Pour la première fois, sur une très large cohorte de 51 patients, dont 24 cas de syndromes myotoniques, 21 cas de paralysies périodiques et 6 patients avec des tableaux intermédiaires, et de 41 témoins, cette équipe a étudié de façon méthodique le muscle en EMG (à l’aiguille), le potentiel moteur par recueil par électrodes cutanées après stimulation supramaximale, et la transmission neuromusculaire par stimulation répétitive (3 Hz, 10 stimuli) des nerfs ulnaire et tibial antérieur droit et gauche sur les muscles abdutor digiti minimi (ADM) et extensor digitorum brevis (EDB) respectivement, au repos et après divers exercices moteurs. Après analyses statistiques dans chaque groupe pathologique, les auteurs proposent 5 tableaux électrophysiologiques pouvant orienter le diagnostic clinique. Le sous-type I, correspondant cliniquement aux PC, se caractérise par d’abondantes décharges myotoniques à l’aiguille, la présence de potentiels 9 revue de presse spécialisée résumé myotoniques postexercices (PEMP), ainsi qu’une diminution ou une augmentation de l’amplitude motrice après le premier exercice bref (10 à 12 secondes), cette même amplitude diminuant progressivement après les deuxième et troisième exercices brefs (idem à 1 mn d’intervalle) ainsi qu’immédiatement ou longtemps après l’exercice de 5 minutes. La sensibilité de ce groupe I est de 100 %. Le sous-type II, sensible à 83 %, regroupe d’abondantes décharges myotoniques à l’aiguille, la présence ou non de PEMP, une diminution transitoire de l’amplitude motrice après le premier exercice bref et une absence de modification après les deuxième et troisième exercices brefs ainsi qu’immédiatement ou longtemps après l’exercice de 5 minutes. Ce tableau correspond cliniquement à la MC. Le sous-type III correspondrait à d’autres formes de myotonie, avec d’abondantes décharges myotoniques à l’aiguille, sans PEMP ni aucune modification du potentiel quel que soit le type d’exercice. La sensibilité ne serait que de 63 %. Les hyperPP relèveraient du sous-type IV, avec une bonne sensibilité (83 %), sans décharge myotonique ni PEMP, une augmentation de l’amplitude motrice après le premier exercice bref, celle-ci augmentant également progressivement après les deuxième et troisième exercices brefs ainsi qu’immédiatement après l’exercice long alors qu’elle décroît à distance de l’effort de 5 minutes. Enfin, le sous-type V, tout aussi sensible et correspondant aux hypoPP-1, ne présente qu’une diminution de l’amplitude à distance de l’effort de 5 minutes. Commentaire. Cette minutieuse étude est très détaillée, d’une lecture pas toujours facile mais heureusement enrichie de figures de potentiels explicites et d’un tableau récapitulatif fort utile. La méthodologie est 10 et a n a ly s e d’articles simple et aisément reproductible, ce qui va rapidement faire de ce travail LE travail électrophysiologique de référence. Il pourra guider le clinicien dans l’orientation diagnostique avant le recours à la génétique et aidera certainement à mieux comprendre encore les mécanismes physiopathologiques membranaires de la contraction musculaire. N. Le Forestier, Fédération des maladies du système nerveux, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. ❏ Fournier E, Arzel M, Sternberg D et al. Electromyography guides toward subgroups of mutations in muscle channelopathies. Ann Neurol 2004;56:650-61. LES POLYNEUROPATHIES SENSITIVES CHRONIQUES PEUVENT ÊTRE DES PRN CHRONIQUES Les auteurs soulignent le cas de patients présentant une polyneuropathie sensitive chronique dite cryptogénique et qui se révèlent porteurs d’une neuropathie démyélinisante inflammatoire chronique. Ils rapportent ainsi le cas de 8 patients qui présentaient une polyneuropathie chronique sensitive, dont l’examen électrophysiologique montrait une neuropathie axonale, et chez qui la biopsie nerveuse redressait le diagnostic et pouvait apporter les arguments en faveur d’une neuropathie démyélinisante. Tous avaient des paresthésies des pieds puis des mains, certains une ataxie et des douleurs. La durée des symptômes avant diagnostic allait de 18 mois à 10 ans. Les grosses fibres myélinisées étaient préférentiellement atteintes. Les réflexes tendineux étaient absents ou diminués aux membres inférieurs. Il n’est pas fait état de résultats de l’examen du LCR. Le bilan ne révélait pas de maladie générale, sauf un cas de myélome ! sélectionnés L’étude E N MG était donc en faveur d’une atteinte axonale chronique, mais dans 3 cas sur 8 l’étude des ondes F n’a pas été faite. Plusieurs patients présentaient des signes de dénervation active ou chronique dans les membres inférieurs. C’est ainsi la biopsie nerveuse (étude en fibres dissociées ou teasing) qui montrait la présence de démyélinisation dans tous les cas. Quatre patients reçurent des IgIV et ont présenté des signes d’amélioration. Commentaire. Les polyradiculonévrites inflammatoires chroniques peuvent se présenter sous la forme d’une neuropathie sensitive pure (environ 10 % des cas) ; mais, dans la majorité des cas, l’étude ENMG confirme la nature démyélinisante de la neuropathie par la présence de critères en accord avec une démyélinisation, comme la présence de blocs de conduction, de dispersion temporelle et d’allongement significatif des latences des ondes F sur les fibres motrices. Les formes dites sensitives pures sans altération ENMG sont très rares, et le diagnostic peut être alors apporté par l’étude des biopsies de nerf. Généralement, cela s’avère être de réalisation difficile car cela demande des laboratoires entraînés. Dans la pratique, lorsqu’il y a un doute raisonnable – petite hyperprotéinorachie, quelques anomalies de l’examen ENMG en faveur d’une démyélinisation, même si les critères ne sont pas réunis –, un traitement à visée immunomodulatrice (corticoïdes, IgIV) doit être entrepris. Il faut aussi noter que, dans ces formes sensitives pures, l’étude des potentiels évoqués somesthésiques peut être d’une grande utilité en montrant des altérations proximales sur les racines sensitives. P. Bouche, service d’explorations fonctionnelles neurologiques, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. ❏ Chin RL, Latov N, Sander HW et al. Sensory CIDP presenting as cryptogenic sensory polyneuropathy. J Peripher Nerv Syst 2004;9:132-7. Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005