d’activité (le patient refuse de sortir et peut rester assis
sur une chaise pendant des heures), un désintérêt pour
les activités qui l’intéressaient auparavant, un repli sur
soi grandissant associé à une diminution des réactions
émotionnelles, une difficulté à maintenir son attention.
La signification de l’apathie est variable. Sa fréquence
et sa précocité dans la maladie d’Alzheimer, comme
dans les dégénérescences frontotemporales, et sa
moindre fréquence dans les affections sous-corticales,
son aggravation au cours de la progression de la mala-
die sont des éléments en faveur d’une origine biologi-
que, liée aux lésions ou aux perturbations des noyaux
amygdaliens et du cortex frontal. Un autre argument
vient de leur amélioration par les traitements spécifi-
ques de la MA. Mais, bien souvent, le patient préfère se
replier sur lui-même plutôt que de s’exposer à des
échecs répétés ou à dévoiler ses troubles à son entou-
rage, ce qui provoque une réaction de repli. L’apathie
ne doit pas être confondue avec la dépression. Elle est
fort mal vécue par l’aidant car l’émoussement affectif
perturbe les relations familiales et elle accentue l’isole-
ment social. Son amélioration constitue une des répon-
ses les plus claires aux anticholinestérasiques. L’em-
ploi de certains médicaments à action psychotonique
peut se discuter, mais il convient de rester prudent à ce
stade car une augmentation de l’activité peut générer
une augmentation des comportements non appropriés.
La dépression
Sa fréquence varie grandement selon les études du
fait, notamment, de la confusion entre apathie et dé-
pression. Les symptômes dépressifs sont fréquents :
tristesse, pleurs, sentiment d’incurabilité, mais les épi-
sodes dépressifs majeurs sont rares, de même que les
idées d’autoaccusation ou de suicide [14]. Des élé-
ments sémiologiques distinguent la dépression de
l’apathie. Le patient déprimé souffre moralement, pré-
sente des plaintes multiples, exprime son inquiétude
pour sa santé, pour l’avenir, il ne réagit pas aux émo-
tions positives et a perdu le goût du plaisir (anhédonie),
mais vit douloureusement les situations négatives. Le
patient apathique est émoussé : ses réactions sont di-
minuées aussi bien face aux événements malheureux
qu’heureux, il n’exprime pas d’inquiétude ni pour la
situation présente ni pour l’avenir.
L’origine des symptômes dépressifs provient large-
ment d’une situation de mise en échec répétée (situa-
tion d’impuissance acquise qui constitue le modèle ex-
périmental de la dépression chez l’animal) et d’une
baisse de l’estime de soi. Néanmoins, un facteur biolo-
gique semble également intervenir car plusieurs étu-
des ont montré une relation entre dépression et déficits
en noradrénaline ou en sérotonine ou encore avec la
présence de lésions sous-corticales, notamment vascu-
laires.
Lorsqu’un traitement s’avère nécessaire en cas de
dépression caractérisée ou utile du fait de la sévérité ou
de la permanence des symptômes dépressifs, un
consensus a été établi pour prescrire, en première in-
tention, les inhibiteurs spécifiques de la sérotonine
(ISRS). Il est important de noter néanmoins que l’effet
des antidépresseurs est limité par deux facteurs : l’exis-
tence de perturbations irréversibles des systèmes de
neurotransmission du fait des lésions cérébrales et la
persistance des situations de mise en échecs répétés
du fait des troubles cognitifs. Le traitement médica-
menteux doit alors s’accompagner d’une prise en
charge de type psychothérapique. Dans les formes très
avancées, certains comportements peuvent être inter-
prétés comme le témoignage d’une dépression : refus
d’alimentation, refus de soin, syndrome de glissement.
L’anxiété
Elle est très fréquente, dès le début de la maladie.
Le patient exprime des craintes concernant sa situa-
tion, le retentissement sur la famille, craint de ne plus
pouvoir être utile, d’être considéré comme fou, écarté
des décisions... Plus tardivement, lorsque la communi-
cation orale est perturbée ou le déficit cognitif sévère,
l’anxiété s’exprime par un certain nombre de compor-
tements : conduites répétitives, agitation, agressivité,
refus de rester seul, d’aller se coucher ou de s’endor-
mir, manifestations somatiques, en particulier respira-
toires (crises de dyspnée). Il est difficile de rattacher
l’angoisse à des lésions cérébrales précises. En revan-
che, elle est très souvent la traduction d’une souffrance
psychique liée à la perte de l’estime de soi, à la recher-
che d’un étayage au fur et à mesure que le patient
devient dépendant des autres. Il est fréquent de noter, à
la fois, un émoussement affectif et une composante
anxieuse qui se traduit par une incontinence émotion-
nelle. La juxtaposition de ces deux types de perturba-
tions montre qu’elles relèvent vraisemblablement de
mécanismes différents. La prise en charge de l’an-
goisse est largement non médicamenteuse. Elle passe
par tout ce qui peut renforcer l’estime de soi du patient
et la réassurance des côtés positifs qui persistent, en
particulier au niveau des liens affectifs, mais aussi par
des contacts physiques rassurants. L’anxiété survient
habituellement par crises résolutives et ne nécessite
pas de traitement permanent. Souvent, elle est plus
importante le soir. Le recours, en cas de crise, à une
benzodiazépine d’action rapide et de demi-vie courte
peut aider. En cas de troubles plus sévères ou perma-
C. Derouesné
Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2005 ; vol. 3 (Suppl. 1) : S5-S13S8
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