présentation par Christian Maroy

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Le régime épistémologique des
sciences socio-historiques
quelques idées clés de J. C. Passeron
Labo transversal du Girsef
1 juillet 2010
J C Passeron
• Sociologue de l’éducation : Les héritiers, la
reproduction (avec P Bourdieu)
• Sociologue des cultures populaires : Le savant
et le populaire (avec C. Grignon)
• Mais aussi (surtout? ), épistémologue des
sciences sociales (en particulier de la
sociologie, de l’histoire et de l’anthropologie),
en ce compris celles de l’éducation
Régime spécifique de la sociologie
• Entre contextualisation historique et raisonnement
expérimental = Un « go-between »
• Entre sociographie (description dont la validité est réduite à
un contexte unique ; visée de l’inventaire ou de la chronique,
conçu comme opposé à la recherche de régularités sociales)
et nomologie sociale (formulation de lois universelles visant à
expliquer la « nature sociale »)
• Recherche de régularités « causalement » et
« significativement » adéquates (M Weber)
Régime spécifique de la sociologie 2
• Filiation avec Max Weber : double exigence de l’intelligibilité
sociologique,
• une relation sociologique n’est intéressante que si elle est à la
fois
– Significativement adéquate : cad quant au sens, à
l’interprétation qui permet de la comprendre en relation
avec un type construit d’action sociale (ses « mobiles » par
ex)
– Causalement adéquate : cad par référence aux constats qui
établissent un lien de causalité ou d’interdépendance
entre les faits
Raisonnement expérimental
• Suppose possibilité d’intervention sur les
conditions de l’expérience (intervenir sur une
variable, maintenir constante/égale les autres)
• On atteint à l’objectivité explicative lorsqu’on
peut « raisonner toutes choses égales par
ailleurs » et qu’on manipule une variable pour
voir son effet sur une variable à étudier
• Le contexte de l’expérience est totalement
maîtrisé : on peut « définir » ce contexte par une
série finie d’assertions (de variables pertinentes)
et on peut contrôler ces variables
Raisonnement (quasi) expérimental
• Raisonnement quasi-expérimental basé sur
l’équivalence entre l’expérimentation et
« l’expérimentation indirecte » (Durkheim) (ou
méthode comparative = observation comparative
statistique ou historique = substitut de la méthode
expérimentale)
• On garde l’idée de « raisonner toutes choses égales par
ailleurs » , pour avoir la même vertu probante
• Methodes stats d’analyse multivariée, visant à
contrôler toutes variables cachées ou médiatrices,
Un double problème pour le raisonnement
(quasi) expérimental en sc. sociales
• dans le domaine socio-historique, on ne raisonne jamais « toutes
choses égales par ailleurs »
– Le contexte est toujours « complexe » , défini par une configuration
historique partiellement singulière, si bien que tout n’est pas égal,
qu’on n’a pas une répétition des mêmes phénomènes
– Contexte ne peut être « résumé » par une série de variables aussi
longue soit-elle ; il a des propriétés « historiques », contextualisées
dans le temps/l’espace
– cela signifie qu’il doit à un moment être défini par une
« désignation déictique », par un « nom propre » (la renaissance
italienne, la démocratie consociative belge)
• présupposé que le phénomène observé est identique, quand on le
compare entre différents périodes ou contextes sociaux .
• (en outre, on peut très rarement « manipuler » les variables
« explicatives » comme dans un contexte expérimental)
Conséquences théoriques et
méthodologiques
Concepts et comparaison socio-historique
• les Concepts socio-historiques sont toujours « idéal-typiques »,
partiellement indexés à un contexte (ex capitalisme, classe
sociale)
• ils ne peuvent être définis de façon totalement indépendantes
de ce contexte = « semi-noms propres » (ni noms communs
pleins, ni noms propres) = « mixtes logiques »
• Ils fonctionnent comme des «étalons », des analogies ; ils sont
des moyens de comparaison, permettant de générer des
hypothèses et des explorations empiriques
• « Bon » concept (bonne analogie) impose des tâches de
description qu’on n’aurait pas eu sans lui : 1) augmente
l’imagination sociologique 2) oblige à des tâches empiriques
inédites
Interprétation des comparaisons et
raisonnement naturel
• Il faut s’efforcer de comparer des situations
« parentes », en s’aidant de raisonnements idéaltypiques
• bref dvlp un raisonnement comparatif ( 559) sur
des situations qui ne sont pas comparables sous
tous les rapports,
• raisonner sur leurs points de ressemblance et de
dissemblance, mode de raisonnement proche de
l’analogie ordinaire, du « raisonnement naturel »
La combinaison du raisonnement expérimental
et naturel :interprétation de tableaux croisés
• Cependant, raisonnement sociologique combine
raisonnement naturel et raisonnement (quasi) expérimental
• ainsi, l’interprétation des interactions entre variables (dans
une analyse multivariée) ne doit jamais supposer leur
contexte comme complètement « constant » ou
« équivalent »
• cela supposera de recourir inéluctablement à une
interprétation qui ne se réduit pas aux données inclues dans
le tableau (soit l’introduction d’un raisonnement « naturel ») :
prise en compte du contexte, qui interdit une « généralisation
abusive »
• Exemple : interprétation du lien évolutif entre origine sociale
et réussite scolaire, selon le niveau d’étude
Réussite by origine soc by niveau
scolaire
Niveau 1er cycle
Niveau 3è me cycle
Réussite
forte
Réussite
faible
Réussite
forte
Réussite
faible
Cl supér
70
30
100
30
70
100
Classe
populaire
30
70
100
70
30
100
Conclusions
• Raisonnement sociologique est un « raisonnement
naturel en ce sens qu’il « ne peut être – en tout ce qu’il
affirme d’historiquement signifiant- ni expérimental en
tous ses moments, ni de bout en bout formalisable » (p
585)
– « élasticité conceptuelle des langues naturelles »
inévitable en sciences sociales
– Contextes ne sont que « parents » (jamais complètement
identiques sous un nombre fini de propriétés pertinentes )
– On ne peut « inscrire leurs assertions complètement dans
l’espace logique expérimental » (logique de falsification
par ex)
Raisonnement naturel /par analogie
• Raisonnement sociologique vise à « l’optimalisation
des compromis logiques entre les exigences du
raisonnement expérimentale et celles de la
contextualisation historique » (p 573)
• Dès lors la « protocolarisation des théories
sociologiques (ou synthèses historiques, comparaisons
anthropologiques) se définit dans le meilleur des cas
par le maximum de cohérence déductive ou inductive,
compatible avec le maximum d’information historique
rendue pertinente par les propositions interprétatives
protocolarisées dans la théorie »
Biblio
• Passeron, Jean-Claude (2006), Le
raisonnement sociologique, Paris : Albin
Michel, 666 p., 2ème édition revue et
augmentée (1991, 1ère édition)
• Fabiani Jean-Louis, (2001), Le goût de
l’enquête. Pour Jean-Claude Passeron, Paris :
L’Harmattan, 537 p.
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