LE THÉORÈME DE KATZ-LANG
par
Jean-Baptiste Teyssier
Ce texte est la version détaillée d’un exposé que j’ai donné dans le cadre du sémi-
naire "Théorie du corps de classe en dimension supérieure et ramification" organisé
par Hélène Esnault. La référence principalep1qest [KL81].
1. Généralités sur les groupes
1.1. Abélianisation et suite exacte. Soit Gun groupe. On note Gab le quo-
tient de Gpar le sous-groupe de Gengendré par les commutateurs de G. Le foncteur
GÑGab est exact à droite mais pas exact à gauche. Néanmoins on a le résultat très
utile
Lemme 1.1.1. — Si
G1
ψ//G2
φ//G3//0
est une suite exacte de groupes, alors la suite
Gab
1
ψ//Gab
2
φ//Gab
3//0
est exacte.
Démonstration. Soit gPG2tel que
φpgq“rh1, k1s¨¨¨rhn, kns “ ph1k1h´1
1k´1
1q¨¨¨phnknh´1
nk´1
nq
Par surjectivité de φ, ceci peut s’écrire
φpgq“pφpλ1qφpµ1qφpλ1q´1φpµ1q´1q¨¨¨pφpλnqφpµnqφpλnq´1φpµnq´1q
φprλ1µ1λ´1
1µ´1
1s¨¨¨rλnµnλ´1
nµ´1
nsq
(1.1.2)
On en déduit
(1.1.3) g“ rλ1µ1λ´1
1µ´1
1s¨¨¨rλnµnλ´1
nµ´1
nsh
p1qA laquelle on renvoie pour les énoncés précis et les notations utilisées ici.
2J.-B. TEYSSIER
avec hPKer φIm ψ. Donc dans Gab
2, l’égalité 1.1.3 donne rgs “ rhs P Im ψ.
1.2. Abélianisation et coinvariants. Soit
0//H//G//K//0
une suite exacte de groupes. Si kPK, on choisit un relèvement r
kPG. Alors r
k
agit sur Get Hpar conjugaison. Cette action dépend du choix du relèvement r
kde
k. L’action induite sur Gab est triviale, mais l’action induite sur Hab ne l’est pas
nécessairement et ne dépend pas du choix de relèvement fait. Si pHabqKdésigne
le quotient de Hab par le sous-groupe HKengendré par les éléments de la forme
rhspa¨ rhsq´1“ rhah´1a´1s, avec hPHet aPK, on en déduit par 1.1.1 une
surjection pHabqKKerpGab ÝÑ Kabq. On va montrer que si la suite exacte est
scindée, alors il s’agit d’un isomorphisme. C’est l’objet du
Lemme 1.2.1. — Soit
0//H//G//K//0
une suite exacte scindée de groupesp2q. Alors, la suite
0//pHabqK//Gab //Kab //0
est exacte. En particulier, on a Gab » pHabqKˆKab.
Démonstration. Il faut montrer que le noyau de Hab ÝÑ Gab est exactement HK.
Soit donc gPHavec gaba´1b´1, où a, b PG. Il faut grosso modo montrer que l’on
peut toujours remplacer apar un élément de H. On commence par observer que HK
est stable par l’action de K: si f:KÝÑ Aut Hdésigne l’action de conjugaison, on
a en effet
fpbq¨pmpfpaq ¨ mq´1q“pfpbq ¨ mqpfpbaq ¨ mq´1“ pfpbq ¨ mqfpbab´1q¨pfpbq ¨ mq´1
Ecrivons ahk avec hPHet kPK. Pour montrer que gest dans HK, il suffit de
montrer que k´1gk est dans HK. Or on a
k´1gk k´1phkbk´1h´1b´1qk
“ pk´1hkqbpk´1hkq´1pk´1b´1kq
“ pHbH´1b´1qpbk´1b´1kq
(1.2.2)
On a HbH´1b´1PHet rHbH´1b´1s P HK, donc bk´1b´1kPHet il suffit de
montrer que rbk´1b´1ks P HK. On écrit de nouveau bh1k1, et en répétant le
processus précédent, on obtient que k´1k1kk1PHet qu’il suffit de montrer que
rk´1k1kk1s P HK. Mais k´1k1kk1PHXK“ t1u, donc c’est immédiat.
p2qAutrement dit, Gest produit semi-direct de Het K, que l’on peut voir comme sous-groupes de
Gavec Kagissant sur Hpar conjugaison.
LE THÉORÈME DE KATZ-LANG 3
1.3. Sous-groupes fermés d’un groupe profini. Soit Gun groupe profini et
Hun sous-groupe fermé (donc compact !) de G. Alors Hest aussi de Hausdorff et
complètement discontinu. C’est donc un groupe profini, pouvant ainsi être vu comme
la limite projective d’un système fondamental de voisinages de l’unité constitué de
sous-groupe normaux ouverts. Pour un tel système, on peut toujours prendre les
NXH,Nnormal ouvert dans G. Donc le diagramme commutatif
H//
G
H{pNXHq
iN
//G{N
induit par limite projective le diagramme commutatif
H//
o
G
o
lim
ÐÝpH{pNXHqq//lim
ÐÝG{N
Notons HNl’image de H{pNXHqpar iN, et pN:GÝÑ G{Nla surjection canonique.
Alors
Hč
N
p´1
NpHNq
Autrement dit, Hest l’intersection des sous-groupes normaux ouverts de Gqui le
contiennent.
2. Quelques lemmes sur le π1
2.1. KerpX{Kqet coinvariants. — On prend ici SSpec K. La suite exacte
fondamentale [Gro71, IX 6.1]p3q
0//π1pXK, xq//π1pX, xq//GalpKsep{Kq//0
induit par 1.1.1 une suite exacte
π1pXK, xqab //π1pX, xqab //GalpKsep{Kqab //0
On a donc par 1.2 une surjection
pπ1pXK, xqabqGalpKsep {Kq////KerpX{Kq
p3qIl est plus correct d’écrire GalpKsep{Kqque GalpK{Kqcar K{Kadmet des sous-extensions insé-
parables. On peut néanmoins poser
GalpK{Kq:lim
ÐÝ
KĂLĂK
AutpL{Kq
Puisqu’une extension finie Lsur Kpurement inséparable s’obtient par adjonction de racines pn-
ième, AutpL{Kqest réduit à l’identité, donc le morphisme d’oubli des extensions non séparables
GalpK{Kq ÝÑ GalpKsep{Kqest un isomorphisme.
4J.-B. TEYSSIER
qui est un isomorphisme si Xadmet un point rationnel. De là, on en déduit facilement
que l’énoncé de Katz-Lang est prouvé s’il l’est après une extension galoisienne finie
de K.
2.2. Réduction au cas où Sest un point. Le seul point délicat du lemme 2
est l’exactitude de
π1pXη, xqα//π1pX, xqβ//π1pS, sq//0
(1) La connexité de Xest nécessaire pour parler de π1pX, xqet de même pour Xη.
La normalité de Xva permettre d’obtenir β˝α0. Celle-ci découle immédiatement
des propriétés de permanence habituelles pour un morphisme lisse [Gro71, II 3.1].
Quant à la connexité, on sait par hypothèse que fest plat de type fini de but loca-
lement noethérien, donc suivant [Gro71, IV 6.6], fest ouvert. Si Uest un ouvert
non vide de X,fpUqcontient donc ηet alors Urencontre Xη, et donc contient le
point générique de Xηp4q. Par conséquent, deux ouverts non vides de Xse rencontrent
toujours, d’où la connexité de X.
(2) Les diagrammes commutatifs
Xη//
!!
Xη
//η
X//S
donnent des morphismes
(2.2.1)
0//π1pXη, xq//π1pXη, xq//
π1pη, ηq//
0
π1pXη, xqα//π1pX, xqβ//π1pS, sq//0
La ligne supérieure est la suite exacte fondamentale [Gro71, IX 6.1]. On en déduit
immédiatement que β˝α0. D’autre part, π1pη, ηq ÝÑ π1pS, sqest une surjection
du fait de la description du π1pour les schémas connexes normaux [Gro71, I 10.2].
On en déduit que βest une surjection.
Montrons que Im αKer β. D’après 1.3, il suffit de démontrer que si Uest un
sous-groupe normal ouvert de π1pX, xqcontenant Im α, alors Ucontient Ker β. Notons
YPEtXle revêtement étale de Xassocié à U. C’est un objet ponctué connexe de
EtX. D’après [Gro71, V 6.4] et [Gro71, V 6.7], on doit montrer que si YηPEtXηa
une sectionp5q, alors Yprovient d’un revêtement étale de S.
Considérons YηPEtXη. Puisque YÝÑ Xest ouvert fini, c’est un morphisme
surjectif, donc YÝÑ XÝÑ Sest surjectif. C’est aussi un morphisme ouvert, d’où
on déduit que le point générique de Yest envoyé sur η. Donc Yηadmet un point
dense, et ainsi, Yηest connexe. Or par hypothèse, Yηadmet une section, donc par
p4qQui existe car par changement de base, Xηest lisse sur ηet connexe puisque Xηl’est.
p5qC’est au sens galoisien qu’il faut comprendre ceci, mais l’objet final de EtXηest Xηlui-même. Il
s’agit donc d’une section de YηÝÑ Xηau sens habituel.
LE THÉORÈME DE KATZ-LANG 5
exactitude de la ligne supérieure de 2.2.1, Yηprovient d’un revêtement étale de ηie
Yη»XηˆηSpec Lavec L{Kextension séparable. Le diagramme commutatif
XηˆηSpec L
%%
Xη//
99
Xη
η//η
induit
KpXηˆηSpec Lq
uu
KpXηˆηSpec KqXη
ff
oo
K
OO
K
oo
OO
Si Aest l’anneau des fonctions d’un ouvert non vide de Xη, alors
KpXηˆηSpec Kq “ FracpAbKKq “ Frac AbKKFbKK
et
KpXηˆηSpec Lq “ FbKL“ pFbK1q¨p1bKLq
Dans cette dernière égalité, le ¨signifie la multiplication dans le corps de fonction de
Xη. On en déduit que Yηest la normalisation de Xdans F¨Lvu comme sous-corps
de KpXηq.
Ceci étant observé, il y a un candidat naturel pour le revêtement de S: notons S1
la normalisation de Sdans L. Alors, en appliquant le point 1) à la flèche verticale
gauche de
XˆSS1//
X
S1//S
on obtient que XˆSS1est normal connexe. Or la flèche supérieure est finie, d’où on
déduitp6qque XˆSS1est la normalisation de Xdans le corps de fonction de XˆSS1.
Or ce corps est F¨L! Donc Y»XˆSS1. Il reste donc à prouver que S1est étale
sur S. Puisque XÝÑ Sest lisse surjectif et de type fini, c’est un morphisme fpqcp7q.
p6qC’est une conséquence du théorème principal de Zariski [GD61, 4.4.9].
p7qOn utilise une nouvelle fois la surjectivité de XÝÑ S. Le fait que ce morphisme soit de type fini
et pas seulement localement de type fini est crucial aussi.
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