Bull. Soc. math. France,
124, 1996, p. 587–647.
TOPOLOGIE LOG-SYNTOMIQUE,
COHOMOLOGIE LOG-CRISTALLINE
ET COHOMOLOGIE DE ˇ
CECH
PAR
Christophe BREUIL (*)
R´
ESUM´
E.—Soitkun corps parfait de caract´eristique p>0. Fontaine et
Messing ont calcul´e la cohomologie cristalline d’un k-sch´ema comme cohomologie du
faisceau H0
cris surlesitesyntomiquedeSpecket ont construit, grˆace aux vecteurs de
Witt, un pr´efaisceau dont H0
cris est le faisceau associ´e sur ce site. Nous construisons
un site log-syntomique et proposons des r´esultats analogues sur le point logarithmique
(Nk, 1→ 0) pour diverses bases logarithmiques. Ceci nous permet de construire un
op´erateur de monodromie sur la cohomologie log-cristalline d’un log-sch´ema quelconque
sur le point logarithmique. Nous en d´eduisons une suite exacte longue de cohomologie.
En appendice, nous calculons  `ala ˇ
Cech  , avec des recouvrements syntomiques, la
cohomologie cristalline classique de certaines k-alg`ebres de type fini et nous en donnons
un analogue logarithmique.
ABSTRACT.—Letkbe a perfect field of characteristic p>0. Fontaine and
Messing have calculated the crystalline cohomology of a k-scheme as the cohomology
of the sheaf H0
cris on the syntomic site of Spec k. Using Witt vectors they have
constructed a presheaf whose associated sheaf on this site is H0
cris. We build a log-
syntomic site and give analogous results on the logarithmic point (Nk, 1→ 0) for
various logarithmic bases. This allows us to construct a monodromy operator on the
log-crystalline cohomology of any log-scheme on the logarithmic point and we deduce
then a long exact sequence of cohomology. In appendix, we calculate  `alaˇ
Cech 
the classical crystalline cohomology of some k-algebras of finite type using syntomic
coverings. We give also analogous  logarithmic  results.
(*) Texte recu le 2 octobre 1995, accept´e le 22 mai 1996.
C. BREUIL,Math´ematiques, Bˆat. 425, Universit´e Paris-Sud, 91405 Orsay CEDEX
(France). Email : breuil@math.u-psud.fr.
Classification AMS : 11 S 20, 14 F 40, 14 F 30.
Mots ces : Log-structure, morphisme syntomique, cohomologie cristalline, oerateur
de monodromie, cohomologie de ˇ
Cech.
BULLETINDELASOCI
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ET´
EMATH
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EMATIQUE DE FRANCE 0037–9484/1996/587/$ 5
c
Soci´et´emath´ematique de France
588 C. BREUIL
1. Introduction
On sait l’importance du formalisme syntomique dans le travail de
Fontaine et Messing [FM] pour comparer cohomologie ´etale et cohomologie
de de Rham d’une vari´et´e propre et lisse sur un corps p-adique `a bonne
eduction. Si kest un corps parfait de caract´eristique p,Wnl’anneau
des vecteurs de Witt de longueur n`acoecientsdansk,W= lim
Wn
et K0=Frac(W), Fontaine et Messing introduisent un faisceau Ocris
n
sur le gros site syntomique de Spec ket montrent que sa cohomologie
calcule la cohomologie cristalline sur la base Wn. Ils montrent ´egalement
comment construire Ocris
n`a l’aide de vecteurs de Witt et de puissances
divis´ees. Le but principal de ce travail est d’´etendre ces esultats au
cadre logarithmique, c’est-`a-dire au cas de la cohomologie log-cristalline
de Hyodo-Kato [HK].
La g´eom´etrie logarithmique intervient quand on consid`ere le cas plus
en´eral d’une vari´et´e propre et lisse sur K0`ar´eduction semi-stable (on
conjecture que le cas g´en´eral se  ram`ene  au cas de r´eduction semi-stable
moyennant une extension finie du corps K0):lemod`ele semi-stable peut
alors ˆetre muni d’une log-structure canonique. Le cas logarithmique est
plus complexe que le cas de bonne r´eduction car plusieurs  log-bases  se
pr´esentent naturellement (voir ci-apr`es). Divers travaux importants de
Hyodo, Kato et Tsuji ont d´ej`avulejour`a ce sujet (voir [HK], [Ka2], [Ts]),
mais le point de vue adopt´e est toujours celui de la topologie ´etale. On
montre ici qu’un point de vue purement syntomique existe aussi dans le cas
logarithmique et qu’il permet de visualiser les diverses cohomologies log-
cristallines et leurs op´erateurs par des vecteurs de Witt et des puissances
divis´ees. On y perd de travailler avec un site plus compliqu´equelesite
´etale mais on y gagne d’avoir des faisceaux et non plus des complexes de
faisceaux. Ce formalisme permet aussi de d´efinir facilement et en toute
en´eralit´eunop´erateur de monodromie sur une certaine cohomologie
log-cristalline. D’autre part, les esultats de [Br1] et [Br2] montrent
qu’une g´en´eralisation logarithmique (ou plutˆot semi-stable) de la th´eorie
de Fontaine-Laffaille [FL] existe. Il n’est donc pas interdit de songer
aussi `a une g´en´eralisation semi-stable de la th´eorie enti`ere de Fontaine-
Messing [FM] dans laquelle le point de vue syntomique se r´ev`elerait, sans
aucun doute, particuli`erement agr´eable1.
Nous d´etaillons maintenant le contenu du pr´esent travail.
En 2, nous d´efinissons des morphismes  log-syntomiques  entre des log-
scemas. Il s’agit essentiellement de pouvoir prendre (´etale-) localement
des racines pn-i`emes sur le faisceau de mono¨ıdes de la structure logarith-
1Voir `acepropos[Br3].
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TOPOLOGIE LOG-SYNTOMIQUE 589
mique tout en gardant des morphismes syntomiques (au sens classique)
sur les sch´emas sous-jascents. Nous avons voulu ces morphismes les plus
explicites possibles pour faciliter les calculs locaux, ce qui nous a conduit
`alad´efinition (2.1.12).
En 3, nous montrons que la cohomologie du faisceau des sections
globales log-cristallines sur le site log-syntomique redonne la cohomologie
log-cristalline. Notons que dans le cas logarithmique, il faut consid´erer les
bases :
{1}→WnNWnNWnNWnu
1→ 01→ p1→ u.
En 4, nous construisons pour chaque base un pr´efaisceau sur le gros
site log-syntomique du point logarithmique (Nk,1→ 0) (ou de Spec k
pour la base {1}→Wn) et en 5 nous montrons que le faisceau associ´eest
bien celui des sections globales log-cristallines (pour les diverses bases).
En 6, nous d´efinissons sur ce pr´efaisceau (sauf pour la base NWn,
1→ p)unop´erateur de Frobenius et un op´erateur de monodromie cano-
niques, nous montrons une suite exacte courte de faisceaux et retrouvons
un calcul de sections globales log-cristallines important dˆu`a Kato.
Enfin, un appendice est consacr´ee `a un calcul local de ˇ
Cech : on y calcule
d’abord la cohomologie cristalline classique de certaines k-alg`ebres affines
de type fini comme la cohomologie de ˇ
Cech de certains recouvrements
syntomiques (non canoniques) (Appendice A). Avec la d´efinition du
site log-syntomique, on en donne ensuite un analogue logarithmique
(Appendice B).
Nombreuses sont les iees de ce travail dues `a J.-M. Fontaine, W. Mes-
sing et K. Kato. L’article de K. Kato [Ka2] a ´et´e crucial pour mener `a
bien ce travail. L. Illusie n’a pas compt´e son temps pour m’expliquer
la th´eorie des log-structures : je lui exprime ma sinc`ere reconnaissance.
C’est W. Messing qui m’a initi´e`alaconstruction syntomique  de la
cohomologie cristalline, qui est `a la base de son article avec J.-M. Fontaine
[FM] : je l’en remercie vivement. Je remercie ´egalement B. Le Stum, qui
aeulapatienceded´echiffrer une toute premi`ere version de cet article,
et M. Gros, pour toutes les discussions que nous avons eues ensemble.
Enfin, j’ai eu la chance de toujours b´en´eficier de conversations stimulantes
avec J.-M. Fontaine : l’id´ee (centrale) de prendre des racines pn-i`emes sur
le faisceau de mono¨ıdes Pet d’utiliser µpn(Pgp/Z) pour construire un
op´erateur de monodromie en toute g´en´eralit´e (section 6) lui est due. Qu’il
trouve ici l’expression de ma plus profonde gratitude.
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2. Site log-syntomique
On introduit des morphismes log-syntomiques et on montre leur stabi-
lit´e par changement de base et composition.
2.1. Morphismes log-syntomiques. — Si Aest un anneau (com-
mutatif), on dit, comme dans (E.G.A.0, 15.1.7), qu’une suite (a1,...,a
s)
d’´el´ements de Aest eguli`ere si ain’est pas un diviseur de 0 dans
A/(a1,...,a
i1).
D´
EFINITION 2.1.1. — On dit qu’un morphisme de scemas f:YX
est syntomique si pour tout yYil existe des ouverts ´etales affines
V=SpecBde yet U=SpecAde x=f(y)telsquef(V)Uet tels que
B=A[X1,...,X
r]/(f1,...,f
s)o`u(f1,...,f
s) est une suite r´eguli`ere dans
A[X1,...,X
r]eto`uA[X1,...,X
r]/(f1,...,f
i) est une A-alg`ebre plate
pour tout i(on dit aussi que la suite (f1,...,f
r)esttransversalement
eguli`ere relativement `aA,cf. E.G.A.IV, 19.2). On dit qu’une A-alg`ebre
Cest syntomique si le morphisme Spec CSpec Aest syntomique.
REMARQUE. — Cette d´efinition n’est pas tout `a fait celle de [FM]
(o`uond´ecrivait les morphismes Zariski-localement). Mais en utilisant
S.G.A.6, VIII.1.4 et [Il1, III.3.2.6], on montre facilement que les deux
efinitions co¨ıncident. Nous utilisons la topologie ´etale car les structures
logarithmiques se d´ecrivent bien ´etale-localement seulement.
On peut montrer que cette classe de morphismes est stable par chan-
gement de base et par composition (la composition est ´el´ementaire, pour
le changement de base, voir E.G.A.0, 15.1.15).
Tous les mono¨ıdes consid´er´es sont commutatifs avec un ´el´ement neutre
et not´es multiplicativement. Si Qest un tel mono¨ıde, Qgp esigne le groupe
associ´e. Avant de d´efinir un analogue des morphismes syntomiques dans
le cadre des log-sch´emas, nous allons traduire en termes de mono¨ıdes les
notions de platitude et de suite r´eguli`ere.
Un mono¨ıde Qest dit int`egre si quels que soient p, p,qde Q,sipq =pq
alors p=p(il est ´equivalent de demander que l’homomorphisme naturel
de Qdans Qgp soit injectif). Si PQet PPsont deux morphismes
de mono¨ıdes, on notera QPPla limite inductive du diagramme :
P−−P
Q
dans la cat´egorie des mono¨ıdes. On dit qu’un morphisme de mono¨ıdes
int`egres h:PQest universellement int`egre si pour tout mono¨ıde
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TOPOLOGIE LOG-SYNTOMIQUE 591
int`egre Pet pour tout morphisme de mono¨ıdes g:PP,QPPest
un mono¨ıde int`egre. La proposition suivante est due `aKato:
PROPOSITION 2.1.2 (cf. [Ka, 4.1]). — Soit h:PQun morphisme de
mono¨ıdes int`egres. Alors Z[Q]est une Z[P]-alg`ebre plate si et seulement
si hest injectif et universellement int`egre.
D´
EFINITION 2.1.3. — Soient Qun mono¨ıde int`egre et gun ´el´ement
de Qgp.Onditquegest simplifiable dans Qs’il existe q, qdans Qtels
que g=q/qet tels que, si x, xQerifient x/x=g, alors il existe
q0Qtel que x=q0q,x=q0q. On dit alors que q/qest une ´ecriture
simplifi´ee de gdans Q.
Si q/qest une ´ecriture simplifi´ee de gdans Q, toute autre ´ecriture
simplifi´ee est de la forme uq/uqo`uuest inversible dans Q.
LEMME 2.1.4. — Soit Qun mono¨ıde int`egre et gun ´el´ement de Qgp,si
gest simplifiable d’´ecriture simpli´ee q/q,alors pour tout nN,gnest
simplifiable d’´ecriture simplifi´ee qn/qn.
Preuve.—Parr´ecurrence sur n.Lecasn=1´etant trivial, supposons
la propri´et´evraie`a l’ordre n1avecn2etsoientxet xtels que
gn=x/x.Onaqx/qx=(q/q)n1;parr´ecurrence il existe q0dans Qtel
que qx=q0qn1,qx=q0qn1d’o`ux/qn2q0=q/q,x/qn2q0=q/q
et par hypoth`ese, il existe q1,q
1dans Qtels que :
x=q1q, x=q
1q,
qn2q0=q1q,q
n2q0=q
1q,
d’o`uond´eduit q1/q
1=qn1/qn1et par r´ecurrence, il existe q2dans Q
tel que q1=q2qn1,q
1=q2qn1d’o`ux=q2qn,x
=q2qn.
Si Qest un mono¨ıde int`egre et Gun sous-groupe de Qgp,onnotera
Q/G le mono¨ıde int`egre image de Qdans Qgp/G.
D´
EFINITION 2.1.5. — Soient Qun mono¨ıde int`egre et gun ´el´ement
de Qgp.Onditquegest egulier dans Qsi gest simplifiable dans Qet
d’ordre infini dans Qgp.Soient(g1,...,g
s)dansQgp et Gi=g1,...,g
i
(sous-groupe engendr´edansQgp,G0={1}). On dit que (g1,...,g
s)est
une suite r´eguli`ere dans Qsi giest r´egulier dans Q/Gi1pour 1 is.
LEMME 2.1.6. — Soient Qun mono¨ıde int`egre et q, qdeux ´el´ements
de Q. Alors les deux conditions suivantes sont ´equivalentes :
(i) il existe un entier n1tel que qn=qn;
(ii) qqest un diviseur de z´ero dans Z[Q].
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