La vieillesse entre normal et pathologique Georges Canguilhem Mardi 29 novembre 2016 Introduction - Processus de médicalisation du vieillissement - Essor médecine clinique, travaux de Charcot et de Durand-Fardel. - Tendance aujourd’hui à associer la vieillesse à une maladie, à des maladies qui font peur. Alzheimer, voir F. Gzil, La maladie du temps. Sur la maladie d’Alzheimer, Paris, Puf, 2014. - L’assimilation de la vieillesse à un phénomène pathologique n’est-elle pas discutable ? Quel rapport le vieillissement entretient-il avec la vie et la mort ? I. Médecine et philosophie selon Georges Canguilhem (1904-1995) D. Lecourt, Georges Canguilhem, puf, que sais-je, 2008. Présentation du parcours de G. Canguilhem 1943 - Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. Pourquoi s’intéresser à la médecine quand on est philosophe ? Non pas pour comprendre « les maladies mentales », ni pour « s’exercer à une discipline scientifique », mais pour bénéficier d’« une introduction à des problèmes humains concrets ». Le normal et le pathologique, Introduction, p. 7. La philosophie se nourrit de la médecine « La médecine nous apparaissait, et nous apparaît encore, comme une technique ou un art au carrefour de plusieurs sciences, plutôt que comme une science proprement dite » (p. 7). « La philosophie est une réflexion pour qui toute matière étrangère est bonne, et nous dirions volontiers pour qui toute bonne matière doit être étrangère » (ibid). II. Redéfinir les notions de normal et de pathologique. Canguilhem, Le normal et pathologique (parution originale Essai sur la normal et le pathologique, en 1943) p. 24. Nécessaire de distinguer « les deux points de vue si souvent mêlés, celui du malade qui éprouve sa maladie et que la maladie éprouve, et celui du savant qui ne trouve rien dans la maladie dont la physiologie ne puisse rendre compte ». PLAN DE L’OUVRAGE paru en 1943 I : « l ‘état pathologique n’est-il qu’une modification qualitative de l’état normal ? » (pensée des médecins qu’il critique). II : « Y a-t-il des sciences du normal et du pathologique ? » (redéfinition des rapports du normal et du pathologique). Première partie approche médicale du rapport normal / pathologique - Critique du pathologique comme écart quantitatif par rapport à une norme. - Différence quantitative entre santé et maladie permet de penser une continuité et homogénéité entre les phénomènes physiologiques et les phénomènes pathologiques. - Maladie comme accident de parcours : « Voir dans tout malade un homme augmenté ou diminué d’un être c’est déjà en partie se rassurer ». Normal et Pathologique, Première partie, introduction au problème, p. 11. - « le besoin de rétablir la continuité, pour mieux connaître afin de mieux agir, est tel qu’il finit par annuler le pathologique ». difficultés - Disparition de la maladie comme expérience vécue par un individu au profit de la maladie comme pur objet d’étude scientifique : « la maladie n’est plus objet d’angoisse pour l’homme sain, elle est devenue objet d’étude pour le théoricien de la santé » (NP p. 14). 2e partie L’approche de Canguilhem « Sans les concepts de normal et de pathologique la pensée et l’activité du médecin sont incompréhensibles » (p. 155). Peut-on identifier « pathologique » et « anormal », « normal est-il identique à sain ? ». L’enjeu de la médecine : l’individu Quant au médecin, « c’est à l’individu (qu’il) a toujours affaire. Il n’est point de médecin du type humain, de l’espèce humaine ». « le normal et le pathologique, dans La connaissance de la vie, op. cit., p. 157. « Il est exact qu’en médecine l’état normal du corps humain est l’état qu’on souhaite de rétablir. Mais est-ce parce qu’il est visé comme fin bonne à obtenir par la thérapeutique qu’on doit le dire normal, ou bien est-ce parce qu’il est tenu normal par l’intéressé, c’est-à-dire par le malade, que la thérapeutique vise ? » (Normal et pathologique, p. 77 souligné par nous). Distinguer le vivant / la chose inerte. « L’homme ne se sent en bonne santé (….) que lorsqu’il se sent plus que normal – c’est-à-dire adapté au milieu et à ses exigences – mais normatif, capable de suivre de nouvelles normes de vie ». Normal et Pathologique, p. 133. « C’est donc bien toujours en droit, sinon actuellement en fait, parce qu’il y a des hommes qui se sentent malades qu’il y a une médecine et non parce qu’il y a des médecins que les hommes apprennent d’eux leurs maladies ».Ibid, p. 53-54. 3. Bénéfices de cette approche - Une approche concrète du vieillissement, le vieillissement perçu et vécu par des individus. - Redéfinition de la norme à partir de l’individu. Pas UN vieillissement mais différentes manières de vivre ce processus. - Approche dynamique % statique de la vie : allure, capacités, rythme - « l’identité à soi-même » comme « celle d’une habitude (…) dont la constance relative est peut-être plus précisément adéquate à rendre compte des phénomènes, malgré tout fluctuants, dont s’occupe le physiologiste ». - « À vingt ans, à quarante ans, me penser vieille, c’est me penser autre ». Simone de Beauvoir, la vieillesse, introduction, p.11. Pour conclure… « Comme le vieillissement est le déclin des déclins, ainsi la vieillesse est la maladie des maladies ; mais la maladie des maladies n’est pas une maladie ; entendez par là : ce n’est pas une maladie qui affecterait tel ou tel organe, et ce n’est même pas une maladie qui affecterait l’organisme entier à tel ou tel point de vue… La vieillesse est la maladie de la temporalité, et par conséquent elle est à la fois normale et pathologique ». Vladimir Jankélévitch, La mort, ch. IV : « le vieillissement », champs essais, ed. Flammarion, Paris, 2008 (1977), p. 192