J. Frankiel 12 12 12 - accueil clinique notre dame vire

publicité
L’économie de la qualité
Dr Jérome Frenkiel
Unité d’Information Médicale
Hôpitaux Universitaires Paris Centre
[email protected]
Problématique (1)




La qualité est une vertu fortement présente chez les
professionnels de santé
Au-delà de la dimension éthique et historique, se
développe une approche technique et opérationnelle
d’inspiration industrielle
Cette approche technique a tendance à monopoliser
l’attention, alors que…
…Toute démarche de qualité a nécessairement une
dimension économique, sans laquelle elle ne peut
exister
Problématique (2)

Le sujet est en réalité complexe, et renvoie à des
questions très différentes :






La qualité est-elle économiquement rentable ?
Comment les opérateurs de soins (ex. établissements de
santé) financent-ils la qualité ?
Existe-t-il un financement institutionnel de la qualité ?
Quel est le coût de la non-qualité et comment celui-ci est-il
financé ?
La qualité est-elle facteur d’efficience ou au contraire
concurrente de l’efficience ?
Où finit la qualité et où commence le marketing ?
Problématique (3)

Ces différents sujets seront abordés à travers les
thématiques suivantes :





Economie de la qualité : aspects théoriques, application au
domaine de la santé
Construction budgétaire et financement de la qualité
Economie du préjudice et de son indemnisation
Qualité et efficience
Qualité et marketing
Economie de la qualité (1)




Définition : l'économie de la qualité évoque traditionnellement
l'idée de coûts de non-qualité avec notamment l'expression des
coûts d'obtention de la qualité, celle-ci étant définie par le
respect des spécifications (Ernoul, 2004)
Cependant, la qualité peut être définie plus largement, intégrant
la satisfaction des clients. La qualité intègre alors la définition
du produit lui-même et pas seulement sa conformité technique
Il s’en déduit que le rapport qualité/prix peut ne pas être le seul
objectif, car la performance du produit peut être un critère en
soi, indépendamment du prix
Voir : norme AFNOR X50-126 : Gestion de la qualité - Guide
d'évaluation des coûts résultant de la non-qualité
Economie de la qualité (2)

La qualité coûte-t-elle cher ? La qualité est-elle
rentable ?

Quel est le coût de la non qualité ? Selon les études et
l’expérience, de 2 à 30% du chiffre d’affaire de l’entreprise,
selon le niveau de complexité de la production
Mais la qualité coûte aussi. D’où la question : existe-t-il un
optimum économique du taux de non-conformité ?
En fait, l’expérience montre que la réduction des nonconformités engendre toujours des réductions de coûts
Ce qui justifie les stratégies du « zéro défaut », par la réduction
permanente et systématique des non conformités
Remarque : ce constat n’est pas en opposition avec « l’éthique
médicale de la qualité » !




Economie de la qualité (3)

La qualité est-elle nécessairement un surcoût ?



En première analyse, la qualité est d’abord un investissement
L’amélioration des performances est également facteur de
surcoût
Mais



Il y a toujours retour d’investissement à moyen terme
L’amélioration des performances peut s’accompagner d’une
réduction des coûts si elle s’accompagne de la mise en œuvre
de nouvelles technologies
Remarque : l’innovation en santé intègre-t-elle une recherche
de technologies visant à réduire les coûts des produits ?
Economie de la qualité (4)


La satisfaction est-elle le miroir de la non-satisfaction ?
Non, selon certaines approches sociologiques
(Hertzberg) :



La satisfaction serait en rapport avec la performance
Et la non-satisfaction avec la non-conformité
Conséquence : ces deux sujets doivent être abordés
spécifiquement
Economie de la qualité (5)


Qu’en est-il dans le domaine de la santé ?
Rappel sur la définition de la qualité des soins de
l’OMS (1987) : « Démarche qui doit permettre de
garantir à chaque patient l’assortiment d’actes
diagnostiques et thérapeutiques qui leur assurera le
meilleur résultat en termes de santé, conformément à
l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût
pour un même résultat, au moindre risque
iatrogénique, et pour sa satisfaction, en termes de
procédures, de résultats et de contacts humains à
l’intérieur du système de soins. »
Economie de la qualité (6)



Un travail de référence : : « les coûts de la qualité et de
la non-qualité des soins dans les établissements de
santé : état des lieux et propositions » (CCECQA –
Comité de coordination de l’évaluation clinique et de
la qualité en Aquitaine , et ANAES, 2004)
Sujet : analyse de la relation entre le coût et la qualité
à l’hôpital
Sur la base de l’analyse de la littérature internationale
(anglo-saxonne notamment)
Economie de la qualité (7)

Principales conclusions :





Si les démarches qualité constituent une investissement, elles
génèrent une économie à moyen terme
En ce sens, la qualité est aussi une démarche d’efficience
Mais : faiblesse de l’investissement en termes d’analyses
économiques : de la qualité et de la non qualité
De ce fait, le document propose des outils et des méthodes
pour mesurer certains défauts de la qualité des soins et pour
les valoriser économiquement
Enfin, identification de besoins en informations pour
identifier et mesurer certains sujets de non qualité, et pour
suivre leur évolution
Economie de la qualité (8)


Ce travail aborde aussi des aspects conceptuels et
méthodologiques.
Exemple : typologie des défauts de qualité des soins




Sous-utilisation des ressources (manque de soins)
Sur-utilisation des ressources (excès de soins)
Défauts de réalisation de soins adéquats entraînant un événement
indésirable évitable
Exemple : typologie des coûts de la qualité des soins



Coût de prévention des défauts de qualité des soins (formation,
démarches qualité, protocolisation, communication...)
Coûts de mesure des défauts de qualité des soins (signalement des EI,
audits...)
Coûts directs des défauts de qualité des soins et de leur correction
Economie de la qualité (9)

Exemples de thématiques :








Infections nosocomiales
Événements indésirables liés aux soins
Événements indésirables médicamenteux
Escarres
Hospitalisations inappropriées
Interventions inappropriées
Défauts du circuit du médicament
Utilisation inappropriée de ressources en général

Prescriptions inappropriées…
Construction budgétaire et
financement de la qualité (1)




Toute opération ayant une dimension financière doit
intégrer l’EPRD
EPRD : état prévisionnel des recettes et des dépenses
Il s’agit de l’exercice , de périodicité annuelle, qui a
pour objet de construire la prévision de budget n+1,
puis à suivre son exécution
Il associe :



Les professionnels : services, pôles
Les experts : direction des finances, service d’information médicale,
contrôle de gestion
Les instances : CME, conseil exécutif
Construction budgétaire et
financement de la qualité (2)





Postulat : une structure « raisonnablement efficiente »
peut atteindre l’équilibre
De fait, certains établissement l’atteignent (même des
CHU)
Et donc : un établissement déficitaire comporte
nécessairement un hiatus entre ses moyens
(générateurs de charges) et donc activité (génératrice
de recettes)
Objectif : identifier et solutionner ces hiatus
Note : problématique spécifique de la performance de
la facturation
Construction budgétaire et
financement de la qualité (3)

Point de départ : un objectif financier quantifié




Modalité : expertise en concertation de l’équation financière de
toutes les organisations





Réduction d’un déficit
Atteinte ou maintien de l’équilibre
Augmentation des dividendes de l’actionnaire…
Analyse de l’adéquation activité / moyens
Propositions de corrections : augmentation de l’activité et / ou réduction
des charges (ajustement de l’infrastructure, des personnels, des
organisations, des pratiques…)
Synthèse pour mise en cohérence avec l’objectif global
Validation institutionnelle
Exécution et suivi, actions correctrices
Construction budgétaire et
financement de la qualité (4)

Problématique de la qualité :




Faiblesse de la connaissance médico-économique
Retour sur investissement : hypothétique, et retardé dans le
temps (investissement immédiat, bénéfice parfois plusieurs
années après)
Difficulté de quantifier financièrement les actions et leur
résultat !
Et donc :


Comment construire, financièrement parlant, un projet
qualité,
De façon à l’inscrire dans l’EPRD, charges, recettes ?
Construction budgétaire et
financement de la qualité (5)


Sujet connexe : vers un financement spécifique de la
qualité ?
Piste de réflexion (DGOS) :



Pondération du financement des ES par des indicateurs de qualité
Dans le cadre d’un jeu à somme nulle
Thèmes :





Traçabilité de l’évaluation de la douleur
Prise en charge de l’IMC
Tenue du dossier du patient, anesthésique, production et délai pour les
synthèses médicales
Dépistage des troubles nutritionnels
Score de lutte contre les IN
Construction budgétaire et
financement de la qualité (6)




Sujet connexe : T2A et qualité : synergie ou
antagonisme ?
Synergie : incitation à une meilleure maîtrise de la
gestion, et intégration implicite de la dimension
efficiente de la qualité
Antagonisme : modification des pratiques pour
optimiser le rendement financier en l’état du modèle
de tarification
Discussion : adaptation de la durée de séjour au
modèle de tarification GHS
Economie du préjudice et de
son indemnisation (1)

La réglementation définit un champ d’indemnisation
aux prises en charges ayant entraîné un préjudice





Résultant d’une faute
Résultant d’un aléas médical (sans faute)
Question : comment (et par qui) l’indemnisation estelle financée ?
Réponse sur le fond : in fine, par le patient ! (qui
d’autre ?)
D’un point de vue macro-économique, il s’agit d’une
mutualisation d’un risque
Economie du préjudice et de
son indemnisation (2)

Mécanique :

Le processus indemnitaire génère des charges pour les agents en
responsabilité





En pratique, les assureurs des praticiens ou des établissements
Ces charges sont nécessairement répercutées sur les primes d’assurance
Cette augmentation des primes a vocation (en théorie) à être répercutée
sur les tarifs…
…et donc sur les patients !
Dans les faits

Pas de consensus sur la localisation de cette charge :




Assureurs (et pour quelle mutualisation ?)
Professionnels ?
Etat ?
Importance de la diminution de la sinistralité par les actions de
prévention et de qualité
Economie du préjudice et de
son indemnisation (3)

S’agit-il d’un jeu à somme nulle ?




Non, car le processus d’indemnisation (au sens large) génère
mécaniquement des frais de gestion
D’autant plus importants que ces processus impliquent des
acteurs commerciaux (avocats…) avec la problématique de
l’optimisation du revenu ou des dividendes des actionnaires
Dans certains contextes (USA), ces coûts ne sont pas
marginaux !
En tout état de cause, il s’agit d’un facteur
d’inefficience du système de santé
Qualité et efficience (1)



La qualité est un facteur d’efficience, au sens où elle
réduit le coût de la non qualité avec bénéfice
Ce principe est en cohérence avec l’objectif « éthique »
de la santé :
 Juste utilisation des ressources
 Sécurité des prestations
Mais, dans le contexte de systèmes de santé
financièrement contraints, l’efficience est-elle
nécessairement synonyme de qualité ?
Qualité et efficience (2)


Exemple : le managed care (HMO aux USA)
Des organisations de soins gérées par des organismes
financiers


Commerciaux ou non
Forte rationalisation à tous les niveaux




Gate-keepers
Pratiques normalisées
Filières de soins optimisées mais contraignantes
Place de la prévention
Qualité et efficience (3)



Question : lorsque l’objectif final est financier – a
fortiori dans une logique de maximisation -,

la réduction des coûts devient un objectif en soi

Et n’est plus limitée à la conséquence d’une politique de qualité
L’efficience et la qualité ne sont alors plus synergiques
mais contradictoires
D’où la question : quelle régulation ?

Aux USA, rapport de force entre


Les professionnels ET les patients
Les HMO d’autre part
Qualité et marketing (1)

Dans l’industrie, la qualité et le marketing sont
indissociables




La qualité est un argument marketing !
Dans le domaine de la santé, le marketing est perçu
comme une antivaleur, alors que la qualité est une
valeur
De fait, la publicité est interdite (hôpitaux,
professionnels) ou fortement encadrée (industrie)
Mais la réalité est-elle aussi simple ?
Qualité et marketing (2)




Cas d’école : place des assurances complémentaires en
France
Historiquement, ces assurances (mutuelles, institutions
de prévoyance, assureurs commerciaux) sont des
financeurs « supplétifs » de l’Assurance maladie
Pour une part de marché de l’ordre de 13% de la
dépense de santé (CSBM), en croissance.
En situation de payeurs aveugles, et de « vase
d’expansion » pour le reste à charge
Qualité et marketing (3)


Or, la situation est en train d’évoluer radicalement, via
le projet de loi sur les réseaux mutualistes :
L’article L. 112-1 du code de la mutualité est complété
par un alinéa ainsi rédigé : « Les mutuelles ou unions
peuvent toutefois instaurer des différences dans le
niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de
recourir à un professionnel de santé, un établissement
de santé ou un service de santé membre d’un réseau de
soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou
fédérations ont conclu un contrat comportant des
obligations en matière d’offre de soins. »
Qualité et marketing (4)


Il s’agit ni plus ni moins d’un conventionnement
sélectif, susceptible de s ’opposer aussi bien aux
professionnels qu’aux établissements
Le financeur complémentaire, bien que financeur
minoritaire (face à l’Assurance maladie), devient en
pratique un quasi « acheteur de soins » pour le patient


Organisation de fait de filières de soins et sélection des
prestataires
Sur des critères maîtrisés par ces assureurs



Coûts
Prévention
Critères de qualité
Conclusion



Toute démarche qualité est indissociable de sa dimension
économique
Cette dimension économique s’exprime sur plusieurs axes :
 Conceptuelle et méthodologique
 Technique
 Épidémiologique
 Politique
 Gestionnaire
 Réglementaire et contentieuse
Cette dimension économique doit en
conséquence être gérée en tant que telle
Qualité et marketing (5)

Conséquences prévisibles :



Un outil certain de rationalisation et d’efficience
Au prix d’une perte de liberté pour les patients comme pour
les professionnels
Mais : comme pour les HMO, où finit
l’efficience et où commence le rationnement ?
Orientations bibliographiques







CCECQA / ANAES : les coûts de la qualité et de la non-qualité des soins dans les établissements de
santé : état des lieux et propositions. HAS, 2004
Louis Lagrange, Egizio Valceschini : L’économie de la qualité : enjeux, acquis et perspectives.
Economie rurale, n°300, juillet-août 2007
Stéphan Marette : quels instruments économiques de régulation de la qualité. INRA Sciences
Sociales n°1 – Janvier 2009
Magali Robelet : les figures de la qualité des soins. Rationalisations et normalisation dans une
économie de la qualité. Thèse de doctorat de sociologie. Université d’Aix-marseille II
Laure Com-Ruelle, Zeynep Or, Thomas Renaud : volume d’activité et qualité des soins dans les
hôpitaux : quelle causalité ? Questions d’économie de la santé, n°135, septembre 2008
Bénédicte Coestier, Stéphan Marette : économie de la qualité. Edition La Découverte, collection
Repères, 2004
Norme AFNOR X50-126 : Gestion de la qualité - Guide d'évaluation des coûts résultant de la nonqualité
Téléchargement